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Tems des croisades.

Héraut d'armes.

Les princes chrétiens se préparaient à faire le siége de Jérusalem, lorsque les ambassadeurs du soudan d'Egypte se présentèrent. Argan, l'un d'eux, prenant le pan de sa robe, et y formant un pli: O vous, dit-il, qui ne craignez point de vous exposer aux entreprises les plus périlleuses, je vous apporte ici la paix et la guerre. Choisissez lequel des deux vous aimez le mieux, et choisissez-le dans le moment. Ces paroles d'Argan, et l'air dont il les prononça, enflammèrent de courroux tous les chefs. Sans attendre la réponse du général, ils s'écrièrent tous: La guerre. Aussitôt le farouche Circassien, ouvrant sa robe et la secouant, leur dit : Je vous déclare donc la guerre à tous, et vous la déclare mortelle !

Spiego quel crudo il seno, e'l manto scosse,

Ed a guerra mortal, disse, vi sfido.
E'l disse in atto si feroce, ed empio,

Che parve aprir di Giano il chiuso tempio.

(LE TASSE, chant 2, st, 90).

Lors de la cinquième croisade, Saint-Louis étant arrivé en Chypre, il fut résolu de porter la guerre en Egypte; mais parce que les lois de l'honneur, de la chevalerie et de la religion ne permettaient pas d'attaquer un ennemi sans aucune déclaration préliminaire, le monarque envoya défier le soudan qui régnait alors. Velly, tom. 4, pag. 402.

Ce défi ou déclaration de guerre se faisait par le ministère des hérauts et rois d'armes, dont l'institution est aussi ancienne que la monarchie française. Villaret, règne de Charles v, année 1580, tom. 11, pag. 82.

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Pasquier, liv. 8, ch. 44, nous apprend que les rois d'armes étaient comme » messagers de paix ou de la guerre. Revêtus de leurs cottes de velours pers, » pourfilées devant et derrière des armoiries d'or de la France, ils pouvaient > aller trouver l'ennemi avec toute assurance de leurs personnes, pour exécuter ce qui était de leur charge.

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En 1655, Louis XIII envoya déclarer la guerre, par un héraut d'armes, au cardinal infant, gouverneur des Pays-Bas. Ce héraut, sous le titre d'Alançon, précédé d'un trompette, entra à cheval dans Bruxelles, revêtu de sa cotte d'arme et de sa toque (1), tenant à la main un bâton semé de fleurs de lys. Le

(1) Les huissiers ordinaires aux Conseils d'état et privé, lorsqu'ils exécutent en cérémonie quelque ordonnance du roi, semblent avoir conservé un vestige de cette ancienne pratique.

cardinal infant refusa de lui donner audience. Ce fut là la dernière déclaration de guerre qui ait été faite par un pareil officier. Histoire de France, par le continuateur de Daniel.

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Usage actuel

indifférentes, pour

On se contente aujourd'hui de déclarer la guerre chez soi, sans l'aller signifier à l'ennemi. On la publie par des manifestes. Vattel, liv. 3, 'n°. 64. «Les formalités que les différentes nations observent dans les déclarations Les formalités sont de guerre, sont toutes arbitraires par elles-mêmes. Il est indifférent qu'on le fasse par des envoyés, par des hérauts ou par des lettres, que ce soit à guerre en soit inla personne même du souverain ou aux sujets, pourvu néanmoins que le prince ne puisse pas l'ignorer. Burlamaqui, part. 4, ch. 4, no. 21.

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Ces formalités, dont la nécessité dérive des principes de justice et d'équité naturelle, caractérisent la guerre légitime.

Nullum bellum justum, nisi quod, aut rebus repetitis geratur, aut denunciatum ante sit et indictum. Cicéron, de offic., lib. 1, cap. 11.

Hostes sunt quibus bellum publicè Populus Romanus decrevit; vel ipsi, Populo Romano. L. 24, ff de capt. et posil. L. 118, ff de verb. sign. Suprà, sect. 28, S 1.

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Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 9, dit que les actes d'hostilités qui n'ont pas été précédés d'une déclaration de guerre dans les formes, passent presque pour des courses ou de purs brigandages. Vid. Grotius, liv. 1, ch. 3, $ 4.; liv. 3, ch. 3, SS 1 et 5. Burlamaqui, part. 4, ch. 4.

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La guerre informe et illégitime est appelée avec plus de raison un brigandage. Entreprise sans aucun droit, sans sujet même apparent, elle ne peut produire aucun effet légitime, ni donner aucun droit à celui qui en est l'auteur. La nation attaquée par des ennemis de cette sorte n'est point obligée d'observer envers eux les règles prescrites dans les guerres en forme; » elle peut les traiter comme des brigands. La ville de Genève, échappée à la » fameuse escalade en l'année 1602, fit, pendre les prisonniers qu'elle avait faits sur les Savoyards, comme des voleurs qui étaient venus l'attaquer sans

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sujet et sans déclaration de guerre. Elle ne fut point blâmée d'une action qui serait détestable dans une guerre en forme. Vattel, liv. 3, ch. 4, § 68.

vu que le prince à qui on déclare la

formé.

$3.

Nécessité de la déclaration de guerre.

Ils sont élus de leurs robes de soie, ganses et toques de velours, arce, franges, cordons et glands d'or, ayant au cou leurs chaines et médailles aussi d'or; et quand ils parlent, ils ont la tête couverte de leurs toques. Vid. l'exploit de signification de la déclaration du roi, du 19 fé vrier 1782, fait à la Cour des aides de Clermont-Ferrand.

Il suffit qu'il y ait déclaration d'un cô

té.

$ 4.

Les hostilités con

Dès qu'un peuple déclare la guerre à un autre, la déclaration devient réciproque. Grotius, liv. 3, cap. 3, § 7.

Quoique les hostilités non précédées de déclaration de guerre soient de vrais stituent l'état de brigandage, elles ne laissent pas cependant que de constituer l'état de la guerre

guerre.

entre les deux nations. Suprà, ch. 5, sect. 5.

Le peuple qui est ainsi attaqué peut se défendre, sans avoir besoin de remplir aucune formalité préalable. Grotius, liv. 3, ch. 3, § 6.

Les hostilités exercées par les Anglais en 1755, sans déclaration de guerre, révoltèrent toute l'Europe. Auraient-ils changé de systême? Voici la lettre du roi adressée à M. l'amiral, le 10 juillet 1778 :

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Mon cousin, l'insulte faite à mon pavillon par une frégate du roi d'Angleterre envers ma frégate la Belle-Poule; la saisie faite par une escadre anglaise, au mépris du droit des gens, de mes frégates la Licorne et la Pallas, > et de mon lougre le Coureur; la saisie en mer et la confiscation des navires › appartenant à mes sujets, faites par l'Angleterre, contre la foi des traités; > le trouble et le dommage continuel que cette puissance apporte au commerce maritime de mon royaume et de mes colonies de l'Amérique, soit par ses bâtimens de guerre, soit par les corsaires dont elle autorise et excite » les déprédations tous ces procédés injurieux, et principalement l'insulte > faite à mon pavillon, m'ont forcé de mettre un terme à la modération que je m'étais proposée, et ne me permettent pas de suspendre plus long-tems > les effets de mon ressentiment. La dignité de ma couronne, et la protection » que je dois à mes sujets, exigent que j'use enfin de réprésailles, que j'agisse » hostilement contre l'Angleterre, et que mes vaisseaux attaquent et tâchent › de s'emparer ou de détruire tous les vaisseaux, frégates et autres bâtimens ▸ appartenant au roi d'Angleterre, et qu'ils arrêtent et se saisissent pareillement de tous navires marchands anglais dont ils pourront avoir occasion » de s'emparer. Je vous fais donc cette lettre pour vous dire qu'ayant ordonné > en conséquence aux commandans de mes escadres et de mes ports de pre>scrire aux capitaines de mes vaisseaux de courre sus à ceux du roi d'Angle» terre, ainsi qu'aux navires appartenant à ses sujets, de s'en emparer, et de › les conduire dans les ports de mon royaume, mon intention est qu'en réprésailles des prises faites sur mes sujets par les corsaires et armateurs anglais, vous fassiez délivrer des commissions en course à ceux de mesdits sujets qui en demanderont, et qui seront dans le cas d'en obtenir, en proposant d'armer des navires en guerre avec des forces assez considérables pour ne pas compromettre les équipages qui seront employés sur ces bâti

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mens. Je suis assuré de trouver dans la justice de ma cause, dans la valeur › de mes officiers, dans l'amour de tous mes sujets, les ressources que j'ai toujours éprouvées de leur part, et je compte principalement sur la pro»tection du dieu des armées; et la présente n'étant à autre fin, je prie dieu qu'il vous ait, mon cousin, en sa sainte et digne garde. Ecrit à Versailles, le 10 de juillet 1778. Signé LOUIS; et plus bas, DE SARTINE.

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Si je ne craignais de me trop écarter de mon sujet, j'insérerais ici l'exposé des motifs de la conduite du roi relativement à l'Angleterre. Dans cette pièce, publiée en 1779, les raisons de justice et de défense légitime qui ont déterminé le roi à user de réprésailles envers l'Angleterre, sont détaillées avec autant d'énergie que de vérité.

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Vattel, liv. 4, ch. 5, § 68, prouve par divers exemples que, les puissances étrangères n'étant pas en droit de se mêler des affaires domestiques d'un peuple, elles ne sont pas obligées d'examiner et d'approfondir sa conduite dans ces mêmes affaires. Elles peuvent supposer que le droit est joint à la possession, et considérer ce peuple comme un Etat libre, sans prendre sur elles de juger si c'est avec justice qu'il s'est soustrait à l'empire du prince qui le gouvernait. L'ordre de courre sus n'est jamais censé donné qu'à ceux dont la main a été armée par l'autorité publique. Tout particulier qui, sans mission spéciale, exercerait des actes hostiles contre les sujets de l'ennemi qui ne l'attaquent pas, se rendrait coupable de brigandage. Ce point sera traité dans la sect. 37 du présent chapitre, § 1, où je parlerai des commissions en guerre. Dans le ch. 4, sect. 9, j'ai examiné si la déclaration de guerre interdit tout Le commerce mercommerce ultérieur entre les sujets respectifs des nations ennemies.

Je vais traiter maintenant quelques autres points relatifs à cette matière. Le Statut de Marseille, liv. 5, ch. 33 et 34, déclare qu'en cas de guerre, on respectera les effets qui se trouvent dans Marseille, appartenant aux sujets de la nation ennemie; et il accorde à ceux-ci un délai de vingt jours pour sortir de la ville, à moins qu'on ne leur permît d'y rester: Nisi remanerent de voluntate rectoris vel consilii, et hoc habeat locum, si prædicti mercatores non offendissent cives in Massilia.

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Montesquieu, liv. 20, ch. 13, nous apprend que « la grande chartre des Anglais défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négocians étrangers, à moins que ce ne soit par réprésailles. » L'édit pour l'affranchissement du port de Marseille, donné au mois de mars 1669, veut qu'en cas de rupture et de déclaration de guerre avec les cou› ronnes et États dont les marchands étrangers seront sujets, ils soient et de

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TOM. I.

70

$ 5. Effets de la dé

claration de guerre

entre les sujets des deux nations enne

mies.

cantile est-il interdit entre les sujets respectifs ?

Est-il permis de s'emparer des biens

des sujets de l'enfoi de la paix, se nemi, qui, sur la lors de la déclara

trouvent parmi nous

tion de la guerre

?

, meurent exempts du droit de réprésailles, et qu'ils puissent faire trans› porter leurs effets, biens et facultés, en toute liberté, hors du royaume, pen

dant trois mois. »

Ce délai de trois mois est simplement comminatoire; il a été prolongé par divers traités de commerce, et entre autres, par le traité conclu entre le roi et les États-Unis de l'Amérique septentrionale, le 6 février 1778. L'art. 20 est

conçu en ces termes :

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Afin de promouvoir d'autant mieux le commerce des deux côtés, il est > convenu que, dans le cas où la guerre surviendrait entre les deux nations > susdites, il sera accordé six mois après la déclaration de guerre, aux marchands, dans les villes et cités qu'ils habitent, pour rassembler et trans› porter leurs marchandises; et s'il en est enlevé quelque chose, ou s'il leur » a été fait quelque injure durant le terme prescrit ci-dessus, par l'une des › deux parties, leurs peuples ou sujets, il sera donné à cet égard pleine et entière satisfaction..

Pareils traités ne sont rien de plus qu'une confirmation du droit commun. En effet, celui qui, sur la foi publique, est venu chez nous pour y négocier, ou pour autre cause légitime, ne doit pas être traité en ennemi, par cela seul que la guerre survient entre sa nation et la nôtre.

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« Le souverain qui déclare la guerre ne peut retenir les sujets de l'ennemi qui se trouvent dans ses États au moment de la déclaration, non plus que leurs effets. Ils sont venus chez lui sur la foi publique. En leur permettant ⚫ d'entrer dans ses terres et d'y séjourner, il leur a permis tacitement toute » liberté et toute sûreté pour le retour : il doit donc leur marquer un tems » convenable pour se retirer avec leurs effets; et s'ils restent au-delà du tems prescrit, il est en droit de les traiter en ennemis désarmés. Mais s'ils sont › retenus par un empêchement insurmontable, par une maladie, il faut né› cessairement, et par les mêmes raisons, leur accorder un juste délai. Loin » de manquer à ce devoir aujourd'hui, on donne plus encore à l'humanité, › et très-souvent on accorde aux étrangers, sujets de l'État auquel on déclare la guerre, tout le tems de mettre ordre à leurs affaires. Cela se pratique sur> tout envers les négocians, et l'on a soin d'y pourvoir aussi dans les traités » de commerce. Le roi d'Angleterre a fait plus que cela : dans sa dernièrè déclaration de guerre contre la France, il ordonna que tous les Français qui › se trouvaient dans ses États pussent y demeurer avec une entière sûreté › pour leur personne et leurs effets, pourvu qu'ils s'y comportassent comme ils le devaient. Vattel, liv. 3, ch. 4, § 65. Burlamaqui, part. 4, ch. 6, § 6.

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