Page images
PDF
EPUB

sante et la plus active, de laquelle on doit par conséquent présumer que procède l'innavigabilité : Vitium intrinsecum infectionis et corruptionis reputandum sit pro causa potentiori, et majoris activitatis, ex prædictis; cui proptereà principaliter effectus est tribuendus. N°. 24.

La tempête survenue n'est pas une preuve suffisante du sinistre, lorsque ce sinistre peut être attribué au vice intrinsèque de la chose assurée. N°. 26.

La seule possibilité que la mer n'ait pas occasionné le sinistre, suffit pour que la preuve des assurés soit insuffisante: Sola possibilitas in contrarium sufficit, ut probatio non dicatur sufficiens. No. 36, etc.

Les assureurs de Livourne furent mis hors de Cour et de procès.

Les trois membres du comité citaient encore un ancien arrêt du Parlement d'Aix, rapporté en ces termes dans la nouvelle édition de Duperier, tom. 2, pag. 432, vo. assureur: Par arrêt du 21 de novembre 1696, en la cause du sieur Heron des Aunois, propriétaire du vaisseau appelé l'Elisabeth Bo▾ naventure, et les assureurs de son chargement, il fut jugé que ce vaisseau ayant été mis hors d'état de se rendre aux lieux de sa destination, par le » défaut d'attention du capitaine à le garantir des vers, et une partie du chargement ayant été vendue pour payer les frais auxquels cet événement donna » lieu, l'assuré ne pouvait pas forcer les assureurs à accepter l'abandon.. Enfin, ils invoquaient la doctrine de Valin, sur les art. 28 et 46, titre des assurances. La présomption, dit-il, est que le mauvais état du navire vient de son propre vice,

D

D'après toutes ces observations, ils étaient d'avis que les assureurs ne devaient être responsables de l'innavigabilité, qu'autant que l'assuré prouverait qu'elle était arrivée par force majeure, suivant la règle fundans se in dispositione qualificatâ, debet probare dispositionem et qualitatem.

Mais, dans la pratique, cette opinion aurait été susceptible de grandes difficultés, attendu que les circonstances du fait varient à l'infini. Les règles les plus simples sont toujours les meilleures, sur-tout en matière de commerce; et, comme dit l'auteur de l'Esprit des lois, il ne faut pas tout corriger.

Il fallait donc partir d'un autre principe, et simplifier la chose. Par le moyen des visites que la déclaration de 1779 prescrit, on est légalement certain que tout vaisseau qui met à la voile est en bon état de navigation : d'où il suit que si, dans le cours du voyage, il devient innavigable, cet accident doit être présumé fatal, à moins que les assureurs ne prouvent le contraire,

Ainsi, pourvu que les rapports de visite ne soient pas négligés, notre ju

risprudence actuelle subsiste en toute sa force. Je crois donc devoir rapporter les jugemens que j'ai recueillis sur cette matière.

Première décision. Pierre Valet, de Marennes en Saintonge, fit assurer à Marseille 30,000 liv. de sortie de la Rochelle jusqu'aux Iles françaises, touchant en Guinée et de retour à la Rochelle, sur corps et facultés du vaisseau l'Amazone, capitaine David Dujardin. Dans le cours du voyage, ce navire essuya quelques tempêtes. Arrivé au Cap-Français, il fut visité par experts, qui vérifièrent le mauvais état où il se trouvait, et qui ajoutèrent que sur le pays il n'y avait ni fer, ni matériaux, ni ouvriers pour le radouber. En conséquence, le juge de Saint-Domingue déclara le navire innavigable, et ordonna la vente des agrès.

Le délaissement du corps et des facultés fut fait aux assureurs. Sentence rendue le 10 juillet 1711, par l'amirauté de Marseille, qui les condamna au paiement des sommes assurées.

En cause d'appel, MM. les juges furent partagés en opinion. M. le conseiller de Lubières, rapporteur, fut d'avis de confirmer la sentence. M. de Montaud, compartiteur, était d'avis de mettre les assureurs hors de Cour et de procès, sauf à l'assuré de se pourvoir par avarie, ainsi qu'il verrait bon être. Le motif de son opinion était que l'art. 46, titre des assurances, ne parlant pas de l'innavigabilité, il ne pouvait y avoir lieu qu'à la seule action d'avarie.

Arrêt du 16 mars 1712, qui confirma la sentence, avec dépens, et qui décida, 1°. que l'innavigabilité donnait lieu au délaissement, quoique l'art. 46 n'en parlât pas d'une manière explicite; 2°. que le délaissement avait lieu, quoique le navire eût pu être radoubé, si on eût trouvé les ouvriers et les matériaux nécessaires; 3°. que cette innavigabilité était présumée avoir été causée par les tempêtes dont il était parlé dans le consulat du capitaine.

Seconde décision. Je trouve également dans mes recueils que l'innavigabilité est aux risques des assureurs, quoiqu'il ne paraisse pas positivement qu'elle procède de la mer; que c'est ainsi que la question fut décidée par arrêt du 28 juin 1726, au rapport de M. de Faucon, en faveur de Jourdan et Granet, de Toulon, contre les assureurs du vaisseau le Saint-Marc, capitaine Tourre, déclaré innavigable à la Cannée.

Troisième décision. Arrêt du 27 mai 1729, en faveur du sieur Dieudé, contre

ses assureurs.

Quatrième décision. David et Pierre Maystre firent faire des assurances sur le corps du vaisseau l'Hirondelle, capitaine Antoine Bounet, de sortie de Marseille jusqu'aux Iles françaises, et de retour à Marseille. Ce navire, avant

que de mettre à la voile, fut visité par le lieutenant de l'amirauté de Marseille, qui déclara l'avoir trouvé en bon état de navigation. En juin 1728, il partit, et n'essuya dans sa route aucune tempête. Le 28 août suivant, il arriva au Cap-Français. Il fut aussitôt visité par le juge du lieu, et trouvé en bon état. Après trois mois de séjour au Cap-Français, l'équipage prétendit que le navire était innavigable. Des experts furent nommés. Ils déclarèrent que la carlingue était mangée, que les værdngues et les genouils de la cartingue étaient entièrement gâtés, sans pouvoir être mis en état de navigation par un radoub. En conséquence, le navire fut déclaré innavigable.

[ocr errors]

Procès entre les assurés et les assureurs. Sentence du 26 septembre 1729, qui admit le délaissement, et condamna les assureurs au paiement des sommes assurées. Arrêt du 16 juin 1730, au rapport de M." de Roque-Martine, qui confirma cette sentence. Il fut décidé par là qu'il suffit que, lors du départ, le navire soit en bon état de navigation, pour que l'innavigabilité survenue dans le cours du voyage soit à le charge des assureurs, et présumée fatale, quoique le navire n'ait essuyé ni tempête ni événement extraordinaire.

Cinquième décision. Abraham Francia, juif de Bordeaux, fit assurer 80,000 liv., de sortie des les françaises jusqu'à Bordeaux, avec permission de faire échelle, moitié sur le corps, et moitié sur la cargaison du vaisseau le Roi Salomon. Il fut dit que le risque commencerait, à l'égard du navire, du jour que le navire serait arrivé aux Iles françaises de l'Amérique, et à l'égard de la cargaison, à fur et à mesure de l'embarquement. Le 9 décembre 1746, ce navire arriva au port Saint-Louis, côte Saint-Domingue. Le 18 juillet 1747, le capitaine voulant commencer son chargement, le juge du lieu accéda sur le navire, accompagné de deux capitaines et de deux charpentiers, qui déclarèrent le vaisseau être en bon état. Peu après, le capitaine fit passer le navire au port des Caïes, éloigné de Saint-Louis d'environ soixante licues, où il séjourna huit mois, et où il chargea quelque peu de marchandises. On s'aperçut que le vaisseau faisait beaucoup d'eau. Un rapport d'experts, fait le 26 avril, portait que le navire avait divers membres pourris, et qu'il faudrait y faire de grandes réparations. Le 8 mai suivant, nouveau rapport, qui déclara que les ouvrages et les réparations nécessaires coûteraient plus de 100,000 liv. Enfin, le 20 dudit mois, décret qui déclara le navire innavigable.

Requête de Francia contre ses assureurs, en paiement des sommes assurées. Sentencé rendue par notre amirauté le 21 janvier 1751, qui fit droit à cette requête, avec dépens. Le motif fut que l'innavigabilité était présumée procéder de fortune de mer, et de la rongeure des vermisseaux dont ces parages four

millent, desquels il est impossible de se garantir. On opposait que le capitaine n'aurait pas dû faire un si long séjour dans un pareil endroit. On répondait qu'il y avait été contraint, soit par la crainte des ennemis, soit par la difficulté des ventes et des achats.

Cette sentence fut confirmée, pour le provisoire, par arrêt rendu dans le mois de mars suivant..

Sixième décision. Le 15 septembre 1745, le navire le Saint-Marc était à la rade du Fossé du cul-de-sac, île Saint-Domingue. Avant de prendre charge, il fut fait un rapport qui déclara le bâtiment être en bon état, et ses agrès bons et suffisans pour faire le voyage. Le 15 février 1746, le navire prit à SaintMarc un chargement. De là il fut au Petit-Goave, d'où il partit avec un convoi pour le Cap-Français. Dans la route il essuya quelques mauvais tems; on s'aperçut d'une voie d'eau.

Arrivé au Cap, le navire fut visité. Les experts déclarèrent que, depuis > le porte-lof jusqu'à l'avant du bâtiment, la membrure était pourrie, ainsi » que son franc bord d'avant et d'arrière, de même que sept genouils du fond tribord et babord, avariés et échauffés, et les perceintes totalement gâtées; que tout l'arrière dudit navire, sous sa barre d'arcasse, se trouvait hors d'état de » supporter les clous, étant très-échauffé, etc. Décret du juge du lieu, qui déclara le navire innavigable.

[ocr errors]

Le 1a. février 1748, requête du sieur Peyronel contre ses assureurs, en abandón du corps, et en paiement des sommes assurées.

Les assureurs opposaient que l'innavigabilité procédait du vice propre du navire, et que, depuis le 15 février jusqu'au 16 mars, il n'était pas possible qu'il fût devenu incapable de naviguer, et qu'il eût contracté la pourriture dont il était parlé dans le rapport.

L'avis fut que le navire ayant été déclaré être en bon état, par le procès-verbal du 15 septembre 1745, il était présumé avoir été navigable; d'autant mieux que l'innavigabilité avant le départ est une exception que les assureurs doivent prouver. Sentence du 16 mars 1752, rendue à mon rapport, qui con¬ damna les assureurs au paiement des sommes par eux respectivement assurées, sous toutes les déductions de droit.

Septième décision. En juillet 1750, la keche la Vierge de la Garde partit de Marseille pour Saphy. Arrivée à Saphy, elle fut obligée de dérader. Elle essuya de mauvais tems. Elle se réfugia à Carthagène, où elle fut visitée. On trouva divers membres pourris ; elle fut déclarée innavigable.

Requête de Bonfilhon et d'Imbert contre leurs assureurs sur le corps. Ceux

ci opposèrent que le navire avait été innavigable dans son principe. Les assurés répondaient que non, soit parce que les assureurs ne justifiaient pas leur exception, soit parce que le bon état du navire, lors de son départ, était prouvé par divers certificats. Ils ajoutaient que la pourriture avait été contractée pendant la route; qu'il était vrai que le navire était vieux, mais que lors de son départ de Marseille, il était en état de naviguer.

Sentence du 16 décembre 1751, rendue à mon rapport, qui condamna les assureurs. Arrêt du 30 juin 1753, qui confirma cette sentence.

Huitième décision. Le 11 juillet 1774, le senaut la Colombe, capitaine JeanBaptiste-Elzeard Delorme, armé à Marseille, arriva à la Pointe-à-Pitre, île de la Guadeloupe. Le 27 du même mois, le navire ayant été déchargé, le juge du lieu, accompagné du procureur du roi, de deux capitaines, et de deux charpentiers, visita le bâtiment. Il déclara qu'il était bon, bien agréé, et cn état de recevoir charge pour Marseille.

Les intéressés se firent assurer 172,506 liv. sur corps et facultés dudit senaat, de sortie des Iles françaises.

Le navire reçut son chargement de sortie, et le 2 février 1775, il partit de Ja Pointe-à-Pitre, pour faire son retour à Marseille. Le 11 du même mois, il relâcha à la Basse-Terre. Le capitaine fit son consulat. Il exposa « qu'étant » dans le canal des Saintes, il s'était trouvé avec grosse mer jusqu'au 5, les vents renfonçant toujours, ce qui l'avait obligé de louvoyer sur le gros cap ⚫ de l'île pendant tout ce tems avec ses bas ris aux huniers; que le 6, le vent devenant toujours plus fort, et la mer plus grosse, son bâtiment étant tonjours au même parage, il s'était aperçu que son navire faisait beaucoup ‣ d'eau, au point qu'il avait été obligé de faire toutes les heures pomper; qu'après avoir examiné la voie d'eau, on avait reconnu qu'on ne pouvait y » remédier qu'en relâchant au port le plus prochain. •

[ocr errors]

Le chargement fut mis à terre. Le lieutenant de l'amirauté de la Basse-Terre, Je procureur du roi et quatre experts accédèrent à bord du senaut. Ils déclarèrent que ce navire avait une voie d'eau très-considérable, et qu'il était » par conséquent hors d'état de naviguer; que tous les bordages de frane » bord étaient pourris, paraissant que depuis quelques années le navire n'avait pas » eu de radoub, et que lesdits bordages avaient souffert depuis la perceinte en » bas du navire, jusqu'à la quille; de sorte que pour le mettre en état de naviguer, il faudrait faire une dépense très-considérable, qui excéderait la valeur dudit navire, et qui monterait à 50 ou 40,000 liv., sur-tout eu égard à la cherté des matériaux et main-d'œuvre dans les colonies, et qu'il serait en

D

« PreviousContinue »