Origine du con trat d'assurance. Définition. Les assureurs sont souvent victimes de leur $5. L'égalité doit régner dans ce contrat. Elle tient parmi nous quelque chose du droit civil. SECT. VII. Est-il permis de faire assurer deux fois la même chose? LE contrat d'assurance s'est introduit dans le commerce maritime par la nature même des choses, et par le désir que les hommes ont toujours eu de se mettre à couvert des caprices de la fortune. Il a la même origine que les autres contrats : l'intérêt personnel et le lien social. On trouve dans le droit une foule de textes qui permettaient de se décharger sur autrui de l'incertitude des événemens. L. 13, § 5, ff locati. L. 1, § 35, ff depositi. L. 1, C. eod. L. 7, § 15, ff de pactis. L. 1, C. commodati. L. 6, C. de pign. act. Si les Romains n'ont assigné dans leurs lois aucune place distincte au contrat d'assurance, c'est parce que ce peuple guerrier abandonnait aux esclaves et aux affranchis le soin du commerce de mer et de terre; mais le contrat d'assurance n'existait pas moins en lui-même. Il était enveloppé sous une forme commune et générique. C'était un sauvageon non encore cultivé, auquel l'esprit du commerce a donné le développement et la consistance dont il jouit aujourd'hui. Il est vrai que la forme actuelle de ce contrat, et la manière d'entendre les pactes qu'il renferme, tiennent plus à l'usage des places mercantiles qu'aux règles du droit civil: Regitur magis foro mercatorum, quàm jure civili, dit Corvinus, C. de naufragiis, pag. 92. Mais quoiqu'il ne soit devenu que fort tard un objet spécial de législation, il n'en est pas moins régi par les principes généraux de justice et d'équité consignés dans la raison écrite. Il est inutile de savoir si les polices d'assurance furent inventées par les Juifs, chassés de France sous Philippe-Auguste, ou si elles le furent par les Guelfes et les Gibelins. Il se peut que ce contat n'ait acquis que depuis lors un nom et une forme particulière; mais la police ou instrument est autre chose que le contrat: Aliud contractus, aliud instrumentum. L'assurance est un contrat par lequel on promet indemnité des choses qui sont transportées par mer, moyennant un prix convenu entre l'assuré qui fait ou fait faire le transport, et l'assureur qui prend le péril sur soi, et se charge de l'événe ment. Cette définition est tirée du Guidon de la mer, art. 1, ch. 1, et de la doctrine de tous nos auteurs (1). Assecuratio est conventio de rebus tutò aliundè transferendis pro certo præmio, seu est aversio periculi. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 262, pag. 453. Ces mots aversio periculi signifient que l'assureur se charge et prend pour lui-même le péril que les choses courent sur la mer: Aversio periculi ità dicta, quòd aliquis alterius periculum in mari aversum it, aut in se recipit. Loccenius, lib. 2, cap. 5, no. 1. Le contrat d'assurance est légitime, parce que les risques dont l'assureur se charge, s'estiment à prix d'argent : Quia periculum pecuniâ æstimatur. Roccus, not. 4. Loccenius, d. loco, n°. 3. Straccha, in introduct., n°. 44. Santerna, part. 1, no. 1. Targa, cap. 52, no. 1. Scaccia, de commercio, S1, quest. 1, n°. 129. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 3. Il est en usage dans toutes les villes maritimes. Stypmannus, d. loco, n°. 7. Pothier, no. 10, observe que l'usage de ce contrat est de la plus grande utilité, et qu'il favorise le commerce de mer, qui, sans ce contrat, ne se » ferait que par un petit nombre de personnes assez riches ou assez téméraires pour oser courir eux seuls les risques maritimes. » Vid. Marquardus, lib. 2, cap. 13, n°. 2 et 77. Examinons maintenant divers points essentiels, qui serviront de base et de principes fondamentaux au présent Traité. CONFÉRENCE. I. En effet, l'usage des assurances est sorti du sein même du commerce; le génie des négocians l'a produit et en a fait en même tems une branche fort riche de spéculations. La nécessité en fit naître l'idée comme celle des lettres de change; l'industrie l'a développée, étendue et perfectionnée chez tous les peuples commerçans et navigateurs. « Le systême des » assurances a paru, disait l'orateur du Gouvernement, à la séance du 8 septembre 1807; il a consulté les saisons; il a porté ses regards sur la mer; il a interrogé ce terrible élé» ment; il en a jugé l'inconstance; il en a pressenti les orages.; il a épié la politique; il a » reconnu les ports et les côtes des deux mondes; il a tout soumis à des calculs savans, Ce contrat est lé gitime. Il est très-usité. (1) Grotius, de jure belli et pacis, lib. 2, cap. 12, § 3, no. 8. Kuricke, diatrib. de assecur., pag. 829. Loccenius, lib. 2, cap. 5, pag. 979. Roccus, de assecur., not. 1. Straccha, eod. in introd., no. 46. Lessius, de justitiâ et jure, lib. 2, cap. 28, disp. 4, pag. 354. Corvinus, C. de naufragiis, pag. 92. Wolff, inst. du droit naturel, S 679. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 8. » à des théories approximatives, et il a dit au commerçant habile, au navigateur intrépide Certes, il y a des désastres sur lesquels l'humanité ne peut que gémir; mais quant » à votre fortune, allez, franchissez les mers, déployez votre activité et votre industrie, je me charge de vos risques.......... » Le but du contrat d'assurance est de favoriser le commerce, en diminuant les craintes que peuvent inspirer aux commerçans les accidens si fréquens et si terribles auxquels les vaisseaux sont exposés en parcourant les mers. Deux idées principales dominent cette matière. La première, c'est que la bonne foi la plus scrupuleuse doit régner dans les stipulations des parties contractantes; la seconde, c'est que, dans aucun cas, l'assurance ne peut être pour l'assuré un moyen de bénéficier. On distingue deux sortes d'assurances. Si. Assurance forme de gageure. SECTION I. Le risque est-il de l'essence du Contrat d'assurance? LES auteurs italiens distinguent deux sortes d'assurances maritimes : l'assuà rance proprement dite, qui a pour objet le risque auquel la chose assurée est exposée, et l'assurance par forme de gageure. Prima assecurationis species, est illa ubi agitur de assecuratione mercium quæ navigationis periculo exponuntur, et consequenter necessaria est probatio onerationis, ac existentia mercium in navi de tempore naufragii, vel periculi.. Altera est species assecurationis, quæ in solo vocabulo talis dici solet : in effectu autem non est talis. De Luca, de credito, disc. 111, n°. 4 et 5. Casaregis, disc. 7, n°. 5. Ces deux contrats sont régis par des principes différens. L'assurance par forme de gageure n'est pas une assurance véritable. Elle par n'en a que le nom, ainsi que l'observe très-bien le cardinal de Luca. C'est gageure de dire: Si mes marchandises périssent, vous me compterez mille écus: Si merces meæ peribunt, dabis mille. Mais ce n'est pas gageure de dire: Je me fais assurer pour mille écus, mes marchandises qui valent mille écus. Il faut alors que cette valeur soit réelle, parce que, dans ce dernier cas, il s'agit d'une assurance proprement dite. Santerna, part. 3, no. 44. Scaccia, Si, quest. 1, n°. 169. Straccha, de assecur., gl. 6, no. 4. Lessius, lib. 2, cap. 28, n°. 28. Roccus, not. 32, et resp. 31, no. 2. Straccha a fait un traité sur les gageures, qu'on trouve dans le recueil de Mercaturâ, pag. 430. Il soutient, part. 4, § 8, que l'assurance par gageure est légitime. Cette espèce d'assurance n'était pas inconnue aux Romains. Si un tel navire arrive d'Asie, je vous donnerai telle somme: Si navis ex Asia venerit. L. 63, ff de verb. oblig. S'il n'arrive pas, vous me donnerez telle somme : Dare spondes, si navis non venit. L. 129, ff eod. Pareilles gageures sont permises à Florence, à Naples et autres endroits. Rocus, resp. 22, no. 9. Elles étaient autrefois en usage à Marseille. Henri Bouchet, négociant, avait promis à Pierre Viguier et à François Bedarride, 2,611 liv. pour gageures sur le retour de divers vaisseaux. Il impétra des lettres de rescision, sous prétexte qu'il était mineur. Il en fut débouté par sentence du 7 février 1619, et cette sentence fut confirmée le 20 mars 1620, par arrêt du Parlement de Grenoble, où le procès avait été évoqué. D'Aix, à la suite du Statut de Marseille, dec. 83, pag. 719, rapporte cet arrêt, et il observe que le mineur qui est marchand n'est pas restitué envers les actes qui concernent son état. Par où l'on voit que les assurances par gageure étaient anciennement usitées parmi nous. Les gageures sont licites en elles-mêmes, pourvu que leur objet n'ait rien de déshonnête, et qu'il n'y ait ni dol ni surprise. L. 2 et 3, ff de aleat. L. 17, $ 5, ff de præsc. verb. L. 57, 63, 108, 129, ff de verb. oblig., §§ 4 et 6, inst. eod. Rivellus, dec. 57. Stypmannus, part. 4, cap. 6, no. 60, pag. 429. Roccus, de assecur., not. 73. Expilly, pl. 4. Despeisses, tom. 1, pag. 238. Danty, ch. 10, n°. 12, pag. 229. Catelan, tom. 2, pag. 350. Boniface, tom. 1, pag. 509. Pitaval, Causes célèbres, tom. 7, pag. 220. Les gageures étant licites en elles-mêmes, pourquoi le sort des navires ne peut-il plus en devenir l'objet ? C'est parce qu'on a considéré que la navigation intéressant la République (ad summam rempublicam, navium exercitio pertinet. L. 1, § 20, ff de exercit. act.), il serait odieux qu'on se mît dans le cas de désirer la perte d'un vaisseau. L'avidité du gain est capable de produire des perfidies qu'il importe de prévenir. Voilà pourquoi dans la plupart des places de commerce les assurances par gageure ont été prohibées. Elles le furent par le Réglement d'Amsterdam, art. 4. Elles l'ont été à Gênes. Casaregis, disc. 7 et 15. Blackstone, tom. 3, ch. 30, pag. 379, parle d'un statut de Georges II, qui les défendit en Angleterre. Assurance pro- Enfin, elles ont été prohibées par l'Ordonnance de la marine. On ne connaît donc en France que l'assurance proprement dite, laquelle ne saurait subsister, si l'assuré n'expose rien aux hasards de la mer. Le risque est de l'essence de l'assurance, et forme le principal fondement de ce contrat: Principale fundamentum assecurationis est risicum, seu interesse assecuratorum, sine n°. 3; disc. 173, no. 1. Pothier, n° 45.. Ce principe est consigné dans une foule d'articles de l'Ordonnance, titre des assurances. On peut voir les art. 22, 37, 38 et 56. Il ne reçoit parmi nous aucune exception. L'assurance est un contrat par lequel on prend sur soi le péril que les effets d'autrui courent sur mer : Luzac, sur les Institutes de Wolff, S 679, dit que la définition de l'as- " « Il est de l'essence du contrat d'assurance, dit Pothier, n°. 11, qu'il y » ait une ou plusieurs choses qui en soient la matière. » Pour rendre le contrat d'assurance parfait, il faut non seulement qu'il y ait une matière qui en soit l'objet, mais encore que cette matière soit exposée aux risques de la mer, et qu'elle s'y trouve exposée lors du sinistre même: Suscipiens enim periculum, pro iis solùm tenetur, quæ tempore periculi vel nau- fragii, in navi fuerunt. Marquardus, lib. 2, cap. 15, no. 25. Loccenius, lib. 2, cap. 5, n°. 7. De Luca, de credito, disc. 111, n°. 4; ou du moins il faut que le sort en soit ignoré lors de la signature de la police; car le péril est pré- sumé tel qu'on le croit. Periculum censetur tale, quale bonâ fide æstimatur. Lessius, lib. 2, cap. 28, no. 24. S'il n'y a ni risque effectif, ni risque pu- tatif, il n'y a point d'assurance. Dumoulin, contr. usur., n°. 97. Perezius, C. de naufrag., no. 22. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 23. En un mot, la perte ou le dommage considérés dans l'incertitude des évé- nemens, sont la matière de ce contrat : Propria ejus materia est damnum sub CONFÉRENCE. II. Emérigon dit l'assurance maritime, parce qu'il n'est ici question que de celle-là,et nul- |