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Il s'est présenté dernièrement devant la Cour royale de Rennes, deuxième chambre, la question de savoir si, lorsqu'un navire est obligé de forcer de voiles pour se relever d'une côte où le vent le porte, il y a lieu à discuter si les pertes résultant de voiles emportées, de mâts éclatés, et de tout autre dommage fait au corps du vaisseau par l'impulsion extraordinaire qu'il reçoit, doivent être compensées en avaries communes. La Cour a justement décidé la négative, sur le principe que toutes mesures de cette espèce sont comprises dans l'obligation que le capitaine a contractée de transporter la cargaison; autrement, de semblables circonstances lui serviraient souvent de prétexte pour faire payer par les propriétaires de cette cargaison, et à titre d'avaries communes, des pertes qui ne seraient réellement que des avaries particulières au navire.

Cette théorie a été consacrée en Angleterre par une décision de la Cour des plaids communs, dans l'espèce d'un navire qui, pour échapper à l'ennemi, avait forcé de voiles d'une manière qui eût été inexcusable dans un cas ordinaire, et qui lui avait occasionné des dommages considérables. La Cour prononça que la perte ne pouvait faire la matière d'une contribution commune, et qu'elle n'était qu'une avarie particulière à la charge des assureurs. -(Voyez Covington au mot Roberts, 2 newrepts, 378).

Au reste, dans les réglemens d'avaries faits en France depuis la loi nouvelle, nous n'avons point vu que les dommages éprouvés en forçant de voiles fussent admis en contribution. Il en doit être de même des dépenses résultant de toutes relâches occasionnées par voie d'eau à réparer. Ces dépenses ne peuvent être regardées que comme des avaries particulières, malgré la décision de la Cour royale de Rennes, première chambre, qui semble avoir jugé le contraire, par arrêt du 22 mai 1826. En effet, l'art. 403, n°. 3, après avoir parlé de la perte des câbles, ancres, voiles, mâts, cordages, causée par tempête ou autre accident de mer, met au rang des avaries simples les dépenses résultant de toutes relâches occasionnées, soit par la perte fortuite de ces objets, soit par le besoin d'avitaillement, soit par voie d'eau à réparer. Le Consulat dit aussi, chap. 63, que si par la force de la tempête le navire contracte une voie d'eau, c'est une avarie simple à la charge du propriétaire du navire, quant à la réparation de cette voie d'eau. C'est, en effet, le résultat de la navigation que le capitaine est obligé de faire pour remplir ses obligations. Il s'est obligé de transporter sa cargaison à tel endroit, à tel port; il doit frayer aux dépenses nécessaires pour mettre son navire en état d'effectuer ce transport. Il n'y a que l'impossibilité absolue qui puisse le dispenser de l'accomplissement de cette obligation. La réparation des dommages éprouvés accidentellement par le navire, s'il est susceptible d'être réparé, est une charge imposée au capitaine par le contrat d'affrétement, et dont il trouve d'ailleurs la compensation dans l'obligation où le chargeur est de son côté d'attendre l'achèvement de toutes réparations dans un port intermédiaire, ou de payer le fret entier du voyage. (Art. 296 du Code de commerce).

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Quand on pourrait déclarer, dans ces cas, tous les frais d'entrée dans un port avaries communes, comme conséquence d'une mesure prise volontairement pour le salut commun, aussitôt que le navire est mis en lieu de sûreté, la cause donnant lieu à contribution commune cesserait, car tout ce qui est fait subséquemment n'est plus un sacrifice ayant trait au salut commun ou à la préservation d'un danger imminent, mais seulement une suite naturelle d'un accident fortuit. Si, en raison de dommage éprouvé par le navire, il

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est nécessaire de décharger la cargaison pour en arrêter ou en empêcher les avaries, ou pour mettre le navire en état de continuer sa route après les réparations, les frais de dechargement, de magasinage, de rechargement, etc., sont à la charge des propriétaires de la cargaison, comme les frais de radoub sont à la charge des propriétaires du navire.

Ainsi, il faut écarter, selon nous, et la doctrine de Ricard, et la jurisprudence de Pamirauté de Marseille, dont parle Emérigon, S 6, et dire qu'il serait injuste de répartir comme avaries communes ces frais de déchargement, de magasinage, de rechargement, etc. D'allleurs, le's art. 400 et 403 du Code de commerce ont aboli tous ces antiques usages. Les frais du déchargement d'un navire pour entrer dans un port, en cas de détresse, sont rangés en avaries communes, alors seulement que la nécessité provient de tempête ou de la poursuite de l'ennemi; et ces mêmes frais sont avaries particulières, si la relâche est nécessitée par pertes des câbles, voiles, mâts, cordages, par voie d'eau à réparer, etc.

L'art. 405 répute avaries particulières les dommages arrivés aux marchandises, et qui ne proviennent que du défaut de soin du capitaine ou de ceux qui sont sous ses ordres ; mais les propriétaires de ces marchandises ont leur recours contre le capitaine, le navire et le fret.

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Enfin, l'art. 406 du Code de commerce a décidé que les droits de lamanages, touages, pilotages, de congés, visites, rapports, tonnes, balises, ancrages, et autres droits de navigation, ne sont plus avaries, mais qu'ils sont de simples frais à la charge du navire. ---(Voyez notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 481 ).

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JURISPRUDENCE.

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1o. Les avaries qui sont la suite de l'échouement fait pour soustraire le navire aux poursuites de l'ennemi, sont grosses ou communes et doivent par conséquent être supportées par la cargaison et le bâtiment, ( Arrêt de la Cour de Poitiers, du 2 thermidor an 10, rapporté par Dalloz, Jurisprudence générale, au mot avaries, pag. 201). Même motif de le décider ainsi sous l'empire de la loi nouvelle.

2o. Les frais de séjour et les dépenses faites pour obtenir la main-levée du navire pris (Arrêt de la Cour de Rouen, du 2 frimaire an 10, en mer, sont réputés avaries communes.

rapporté par Dalloz, ibid., pag. 199).

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3°. Le même arrêtiste rapporte un arrêt de la même Cour, qui a décidé, 1o. que les dommages arrivés par suite de sa capture à un navire sous pavillon neutre, pris par un corsaire, sont avaries simples ou particulières; 2°. que les gages et nourriture de l'équipage et du capitaine, pendant le tems qu'a duré la détention d'un navire capturé, jusqu'au jour où la prise a été déclarée nulle, sont avaries grosses ou communes. Mais ces dépenses cessent d'avoir ce caractère à compter du jour de la délivrance du navire. Les propriétaires de la cargaison n'en peuvent plus être tenus à partir de cette époque.—( Arrêt de la Cour de Rouen, du 6 germinal an 10, ibid., pag. 206 ).

4°. Dans le cas d'échouement d'un navire et d'avarie des marchandises qu'il transporte, il n'est pas indispensable, pour que l'administration des douanes ne puisse pas réclamer les droits qui lui sont dus, sous acquits à caution, que le capitaine ait fait la déclaration

des avaries duement vérifiées par les gens de l'équipage, conformément aux art. 246 et 247 du Code de commerce.

La preuve des avaries et de l'échouement peut résulter des procès-verbaux dressés par des agens des douanes et par des experts assermentés. (Art. 79 et 80 de la loi du 8 floréal an 11, et art. 1 et 2 de la loi du 2 thermidor an 10; arrêt de la Cour de cassation, du 2 avril 1817, rapporté par Dallor, ibid., pag. 203).

5. La Cour de cassation a également décidé que les tribunaux peuvent déclarer constantes les avaries arrivées aux marchandises chargées sur un navire, quoique le capitaine ne les prouve pas par un rapport déposé dans les vingt-quatre heures de son arrivée, et vérifié dans les formes légales, lorsqu'il est prouvé par l'expérience du commerce que ces marchandises ne passent jamais la ligne sans éprouver des avaries, etc. (Arrêt de cassation, du 22 avril 1823, rapporté par Dalloz, ibid., pag. 204.).

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L'arrêtiste renvoie ici à l'arrêt Thomazeau, du 1". septembre 1813, qu'il rapporte plus haut, pag. 81 du même volume. En rapportant et en examinant cet arrêt à la pag. 136, tom. 2 de notre Cours de droit commercial maritime, nous avons combattu la doctrine de la Cour de cassation, comme absolument contraire au texte et à l'esprit de la loi, et pouvant donner lieu aux plus grands abus et les consacrer. L'art. 247 dit bien que le rapport du capitaine sera vérifié par l'interrogatoire des gens de l'équipage et des passagers, s'il est possible, sans préjudice des autres preuves. Mais les autres preuves ne sont véritablement supplétives que lorsqu'il y a eu impossibilité physique au capitaine de faire le rapport du sinistre devant le juge des lieux, dans les délais de la loi, et de l'y faire vérifier; autrement, tout serait livré à l'arbitraire du capitaine, et la garantie donnée aux propriétaires de la marchandise et aux assureurs, par les art. 246 et 247, serait tout-à-fait illusoire. Que deviendrait le commerce, et sur-tout le commerce des assurances ?

vire.

$ 1. Tout ce qui se

SECTION XLII.

Des Choses sujettes à la contribution, ou pour lesquelles on doit contribuer.

En règle générale, tout ce qui est dans le navire forme activement et passivetrouve dans le na- ment l'objet de la contribution, quand même ce serait une chose de très-petit poids et de grande valeur, telle que les bijoux, gemmæ et margarita. L. 2, § 2, ff de leg. rhod. Ibiq. Vinnius, pag. 211. Loccenius, lib. 2, cap. 8, no. 4. Marquardus, lib. 3, cap. 4, n°. 17. Lubeck, cạp. 2, no. 5. Weytsen, § 13. Casaregis, disc. 45, no. 4. Corvinus, de naufragio, pag. 91. Plus une chose est précieuse, plus il est de l'intérêt du propriétaire que le navire dans lequel elle se trouve ne périsse pas.

Sa.
Effets dont il n'y a

Les effets dont il n'y aura point de connaissement ne seront point payés › s'ils sont jetés; et s'ils sont sauvés, ils ne laisseront pas de contribuer, point de connaisseArt. 12, titre du jet. Le Consulat de la mer, ch. 98, 112, 113, 184 et 254, renferme la même décision. Targa, cap. 29. Casaregis, disc. 72.

M. Valin observe que la règle établie par cet art. 12, titre du jet, peut recevoir quelques modifications, comme si le capitaine pressé de partir avait omis de signer les connaissemens qu'on lui avait présentés, ou si les effets étaient énoncés dans son livre de bord ou dans son brieu.

Ne pourra être demandé contribution pour le paiement des effets qui » étaient sur le tillac, s'ils sont jetés ou endommagés par le jet, sauf au pro

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priétaire son recours contre le maître; et ils contribueront néanmoins, s'ils

» sont sauvés. » Art. 13, titre du jet. Consulat de la mer, ch. 183.

Le recours contre le maître n'a pas lieu si, du consentement des marchands, les effets avaient été placés sur le tillac. Art. 12, titre du capitaine. Consulat de la mer en l'endroit cité.

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Valin, tom. 2, dit que la disposition de l'art. 13, titre du jet, n'a pas lieu » à l'égard des bateaux et autres petits bâtimens allant de port en port, où l'usage est de charger les marchandises sur le tillac aussi bien que sous le » pont..

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Le Statut de Marseille, lib. 4, cap. 20, pag. 462, permettait de charger sur couverte les chevaux, les bestiaux et les laines qui viennent de Barbarie: Statuentes quod quælibet navis possit portare suprà coopertam equos et alias bestias, et lanam, et boudrons, si navis veniret de partibus Barbaria.

Mais tout cela serait bon pour disculper le capitaine envers les propriétaires de pareils effets, et nullement pour faire entrer en avarie grosse les marchandises jetées, qu'on aurait placées sur le tillac sans le consentement des autres chargeurs.

J'ai affrété un navire cap et queue, à condition que le capitaine n'y chargera que mes seules marchandises. Malgré ce pacte, il y charge clandestinement certains effets qui, dans le cours du voyage, sont jetés à la mer pour cause de tempête. Suis-je obligé de contribuer à cette avarie?

Il n'est pas douteux que le propriétaire des effets jetés (et dont il y a connaissement) ne soit en droit de réclamer la contribution, tant vis-à-vis du navire que vis-à-vis des marchandises sauvées, sauf ma garantie contre le capitaine, le navire et le fret. Le tiers avait ignoré mes accords. En contractant avec le capitaine, il avait suivi la foi publique, Weytsen et glos., § 32. Kuricke, tit. 8, art. 4, no. 9, pag. 785. Loccenius, lib. 2, cap. 8, no. 10. Casaregis, dis

ment.

$ 3.

Effets sur le tillac.

S 4. Effets chargés par le capitaine sans l'aveu de celui qui

avait affrété le navire per aversionem.

$ 5.

Effets chargés dans

cours 46, no. 40. Vid. mon Traité des contrats à la grosse, ch. 4, où je parle de l'action exercitoire.

Un capitaine charge à cueillette. Il reçoit mes marchandises. Il part. Dans le cours du voyage. le cours du voyage, il reçoit d'autres marchandises, dont il fait ensuite jet. Je ne puis me refuser à la contribution, soit parce qu'elle est due au nouveau chargeur, suivant la disposition du droit commun, soit parce qu'il n'avait pas été prohibé au capitaine de profiter de l'occasion d'achever la charge de son navire. Weytsen et glos., S 29. Kuricke, pag. 785, no. 8. Casaregis, disc. 46, no. 56.

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Si le capitaine avait dérouté, ou fait des échelles qui ne lui fussent pas permises, il serait tenu des dommages-intérêts du premier chargeur.

Les munitions de guerre et de bouche ne contribueront point au jet, et » néanmoins ce qui en sera jeté sera payé par contribution sur tous les autres » effets. Art. 11, titre du jet. En effet, pareilles munitions forment ellesmêmes la matière et l'instrument du salut commun. Elles sont destinées à nourrir l'équipage et à défendre le navire.

D

Si qua consumendi causâ imposita forent, quo in numero essent cibaria (non veniunt in tributum). L. 2, § 2, ff de leg. rhod. Ibiq. Vinnius, pag. 214. Kuricke, tit. 8, art. 4, no. 1, pag. 787. Loccenius, lib. 2, cap. 8, no. 21. Lubeck, cap. 2, n°. 13. Devicq, n°. 31. Casaregis, disc. 45, no. 7. Cleirac, pag. 46, no. 3o. Peu importe que les provisions de bouche appartiennent au navire ou aux passagers; il suffit qu'elles aient été embarquées pour être consommées dans le voyage. Pothier, contrats maritimes, n°. 120 et 125.

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D'où il suit qu'il ne faut pas mettre dans ce rang les grains, les vins et » les autres choses semblables, qui ne sont pas dans le vaisseau pour y être consommées, mais comme des marchandises qu'on transporte d'un lieu en » un autre. » Domat, liv. 2, tit. 9, no. 8.

En 1762, les munitionnaires avaient chargé dans un vaisseau marchand 400 sacs de blé pour la garnison de Toulon, et le roi s'était rendu responsable des fortunes de mer. Dans le cours du voyage, on fit jet de divers effets appartenant à des particuliers. Consulté sur ce cas, je répondis que les 400 sacs de blé n'étant pas destinés à alimenter l'équipage, ils devaient contribuer à l'avarie, sauf aux munitionnaires à demander au roi (comme à tout autre assureur), l'indemnité de la contribution à laquelle ils étaient soumis.

Les hardes des matelots ne contribuent point au jet...... Mais ce qui en

» est jeté est payé par contribution. Art. 11, titre du jet.

Les loyers des matelots ne contribuent point au jet, art. 11, titre du jet, ni à

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