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Paix de 1763.

hostilités de 1755, quoique les polices faites en tems de paix fussent pures et simples, et sans aucune clause d'augmentation de prime en cas de survenance de guerre. Il observe que ce cas est un de ceux où l'équité doit faire taire la rigueur des principes.

La jurisprudence dont parle Pothier ne fut ni adoptée parmi nous, ni même réclamée par nos assureurs marseillais, ainsi que je viens de le dire. Lors de la paix publiée en 1763, les décisions prononcées proprio motu par les arrêts du Conseil d'état ci-dessus rapportés, ne furent point renouvelées. Les hautes primes stipulées en tems de guerre ne reçurent aucune atteinte. Pothier, n°. 86, prétend que les raisons qui avaient porté les juges à augmenter la prime dans le cas de guerre survenue, ne paraissaient pas militer pour la faire diminuer dans le cas du retour d'une paix imprévue. Valin, art. 7, des assurances, s'efforce de trouver une disparité entre ces deux cas.

Je n'en trouve point. Si, dans le premier cas, on augmente la prime, on doit la diminuer dans le second, et vice versa. Je ne vois pas pourquoi Valin et Pothier prennent l'inverse des arrêts du Conseil. Les choses devraient du moins être égales. Mais jusqu'à ce que nous ayons une loi nouvelle sur cette matière, je crois qu'on doit s'en tenir au droit commun, d'autant mieux qu'il dépend des parties de prévoir dans la police le cas de paix ou de guerre. La formule imprimée de Nantes porte qu'en cas de guerre, hostilités ou représailles avec quelque puissance maritime, avant l'arrivée du navire, la prime sera augmentée au cours de la place. On aurait dû ajouter qu'elle serait diminuée en cas de paix.

Dans la formule de Marseille, on ne trouve rien de pareil, et notre jurisprudence a toujours été de s'en tenir, sur ce point, au pacte du contrat, sans y suppléer par des motifs d'une équité versatile.

Sous prétexte que les conventions doivent être entendues rebus sic stantibus, il n'est pas permis de s'en écarter, lorsqu'il s'agit d'un événement qu'on a prévu ou pu prévoir. L'Ordonnance met l'événement de guerre à la charge des assureurs, qui s'y soumettent par cela seul qu'ils ne l'exceptent point, d'autant mieux que ce cas est exprimé dans la formule d'assurance.

CONFÉRENCE.

XXI. L'art. 350 du Code de commerce met également l'événement de des assureurs, et le vœu justement fondé d'Émérigon se trouve rempli par l'art. 343 du même à la charge guerre Code. Ainsi, les assureurs n'obtiennent de prime que celle qu'ils ont stipulée, s'ils n'ont pas stipulé dans la police une augmentation de prime en cas de survenance de guerre. La prime

telle qu'elle a été stipulée, s'exécute sans augmentation, si elle est faite en tems de paix, quoique la guerre survienne, et de même sans diminution, nonobstant le retour de la paix, ayant été stipulée en tems de guerre.

La loi doit être réciproque; et c'est avec raison qu'Emérigon rejette et l'avis de Valin, et l'avis de Pothier.

Il est libre aux parties de stipuler l'augmentation ou la diminution de la prime en cas de survenance de la guerre ou de la paix. Cette clause d'augmentation ou de diminution de prime a été stipulée dans nos dernières guerres, et a donné lieu à diverses questions importantes.(Voyez la section suivante, conférence).

SECTION V.

De la clause qu'en cas de guerre ou hostilités, la Prime sera augmentée.

Le défaut de stipulation du pacte, en cas de guerre, n'avait occasionné parmi nous aucun procès au sujet du taux de la prime, et la stipulation de ce pacte fit naître des questions neuves, et suscita les plus grands débats. Ce qui semblait devoir maintenir la paix entre concitoyens, ne servit qu'à répandre la discorde!

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Les voies de fait commises par les Anglais en 1754, aux environs de la belle Hostilités de 1755. Rivière, rendirent nos négocians attentifs à pourvoir, autant qu'il était possible, à la sûreté de leur commerce. On commença dès lors à stipuler que la prime ou le change maritime, ou le nolis, seraient augmentés en cas de guerre, et les plus spéculatifs insérèrent dans les contrats la clause, en cas de guerre, hostilités ou représailles.

Le 8 juillet 1755, l'Alcide et le Lis furent pris, et bientôt l'une et l'autre mer furent infestées d'escadres anglaises qui s'emparèrent de nos vaisseaux marchands.

Plusieurs procès furent la suite de ce renversement d'ordre, et l'on ne savait comment caractériser un pareil brigandage.

Etait-ce une guerre ? Mais, d'après les principes du droit des gens, la guerre est celle qu'une nation déclare à l'autre d'une manière publique et solennelle. Etaient-ce des hostilités? Mais les hostilités sont les effets d'une guerre déclarée Hostilitas ab hoste.

Etait-ce un arrêt de prince? Mais l'arrêt de prince est incompatible avec la violence et l'esprit de déprédation.

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Etaient-ce des pirateries? Oui, c'étaient des pirateries, mais qui étant faites, non par des expéditions furtives, non furtivis expeditionibus, mais avec l'appareil d'une guerre ouverte, belli more (Paterculus, lib. 2, cap. 22), devaient être considérées comme de véritables actes d'hostilité de nation à nation. Ce fut alors le cas de dire avec Cicéron, philip. 8, cap. 1, qu'il n'y a point dé milieu entre la paix et la guerre, inter bellum et pacem medium nihil est; car, comme l'observe M. l'abbé de Mably, Droit public de l'Europe, ch. 1, pag. 29, « ce n'est pas une déclaration qui constitue l'état de guerre entre deux peuples, mais les hostilités qu'ils commettent l'un sur l'autre, et les torts qu'ils » se font réciproquement.

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Villaret, tom. 8, pag. 337, nous apprend qu'en 1336, Edouard II fit publier un ordre de saisir tous les biens des Français, et ordonna à l'amiral d'Angleterre de courir les côtes de France. Philippe de Valois fit expédier de son côté des commissions pour saisir le duché de Guienne et le comté de Ponthieu. Les hostilités commencèrent de part et d'autre, sans avoir été précédées d'aucune déclaration de guerre.

D'après ces principes, les Parlemens accordèrent, par leurs arrêts, l'augmentation de prime, de nolis et de change maritime, 1°. lorsque cette augmentation avait été stipulée avec la clause indéfinie en cas de guerre, hostilités ou représailles; 2°. lorsqu'elle avait été stipulée avec la clause indéfinie en cas de guerre, ou avec celle en cas de déclaration de guerre; 3°. lors même que cette augmentation avait été stipulée depuis les hostilités connues, et avant la guerre déclarée par le manifeste du 18 mai 1756.

La sentence rendue par l'amirauté de Marseille, le 8 mars 1758, et dont les motifs par moi dressés se trouvent dans le Commentaire de M. Valin, art. 3, assurances, fut réformée par arrêt du Parlement d'Aix, au rapport de M. de Boades, le 12 mai 1759.

Pothier, n°. 85, rapporte un arrêt semblable du Parlement de Paris. «Quoi» que l'augmentation de prime en cas de déclaration de guerre, dit-il, eût » été stipulée depuis le commencement des hostilités, cette clause ne devait > pas être entendue du cas d'une solennelle déclaration, qui est une chose › indifférente aux parties contractantes, mais du cas de la continuation des » hostilités. Ce cas était un cas futur et incertain, qui a pu être l'objet de la » clause, parce qu'au tems de la police, on pouvait encore espérer que les puissances s'arrangeraient, et que les hostilités ne continueraient pas. »

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Lors de la guerre de 1755, on avait distingué les époques des hostilités

dans chaque mer, et l'on n'accordait l'augmentation stipulée qu'à l'égard des navires qui, depuis chaque époque, s'étaient trouvés en risque. Les négocians de Nantes et ceux de Bordeaux avait dressé à ce sujet une espèce de tarif ou de réglement.

La guerre de 1778 fit revivre les mêmes idées. Les négocians de Nantes et de Bordeaux tâchèrent de fixer par de nouveaux réglemens l'époque des hostilités dans chaque parage.

Mais ces réglemens n'ayant pas force de loi, il s'éleva une foule de procès parmi les négocians de Marseille, au sujet du pacte d'augmentation de prime en cas de guerre.

Le 5 avril 1779, Sa Majesté écrivit à M. l'amiral la lettre suivante :

Je suis informé qu'il s'est élevé des doutes sur l'époque à laquelle doit » être fixé le commencement des hostilités, et qu'il pourrait résulter de cette › incertitude des contestations préjudiciables au commerce. C'est pour les prévenir que j'ai jugé nécessaire de vous expliquer plus particulièrement ce › que je vous ai déjà fait assez connaître par ma lettre du 10 juillet. Je vous charge, en conséquence, de mander à tous ceux qui sont sous vos ordres, que c'est l'insulte faite à mon pavillon par l'escadre anglaise, en s'emparant, le 17 juin 1778, de mes frégates la Licorne et la Pallas, qui m'a mis dans » la nécessité d'user de représailles, et que c'est de ce jour 17 juin 1778 que l'on » doit fixer le commencement des hostilités commises contre mes sujets par ceux › du roi d'Angleterre. Et la présente n'étant à autre fin, etc. »

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que

Cette décision était précise. On continua cependant à plaider. On disait que l'augmentation de prime devait être le prix de l'augmentation du péril; tel avait été l'esprit du pacte stipulé, toujours relatif à la nature du contrat; que le 17 juin 1778, les Anglais n'avaient encore apporté aucun trouble à notre navigation, et que la permission de courir sur les navires français n'avait été publiée à Londres que le 29 juillet suivant, etc.

Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 19 juillet 1779, au rapport de M. de Balon (confirmatif de la sentence de notre amirauté), qui donne gain de cause aux assureurs sur le vaisseau le Maréchal de Brissac, et qui, « faisant droit au réquisitoire du procureur général, ordonne, par forme et manière de réglement, que les hostilités donnant lieu à l'augmentation des primes d'as⚫surance convenues pour le cas de guerre, seront et demeureront fixées au » 17 juin 1778, et qu'au moyen de ce, toute augmentation de prime d'assu›rance déterminée dans le contrat, et subordonnée aux cas de déclaration de guerre, hostilités ou représailles, sera due depuis cette époque pour

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$2 Guerre de 1778.

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» tous les navires sur lesquels lesdites assurances auront été faites; et quant » aux assurances des navires arrivés à leur destination après le 17 juin 1778, à raison desquelles il aura été convenu de suivre, pour l'augmentation des» dites primes, le taux de la place, ladite augmentation sera fixée et réglée » suivant ledit taux par la chambre du commerce de Marseille; ordonne en » outre que le présent arrêt sera imprimé, affiché et publié dans cette ville, celle » de Marseille, et par-tout où besoin sera, et que copies collationnées d'icelui › seront expédiées au procureur général, pour être envoyées aux différentes sénéchaussées et amirautés de la province, pour y être lu, publié et enregistré. Enjoint aux substituts du procureur général d'y tenir la main, et » d'en certifier, et qu'il en sera pareillement envoyé un exemplaire à la cham»bre du commerce de Marseille, pour être enregistré dans les registres de >> ladite chambre. Publié à la barre du Parlement de Provence, séant à Aix, » le 19 juillet 1779. Signé DE REGINA. »

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On se pourvut au Conseil en cassation de cet arrêt de réglement, qui terminait une foule de procès de même nature,

Les assurés et les assureurs se syndiquèrent respectivement. Leurs députés se rendirent à la cour. La question fut de nouveau discutée. L'augmentation des primes, que les assureurs demandaient, formait l'objet de plus d'un million. Ceux-ci continuaient d'alléguer, avec une juste confiance, la lettre écrite par Sa Majesté.

Les assurés disaient : « Ce n'est point un acte de législation que cette lettre. » Les formes solennelles que le législateur emploie pour faire connaître sa » volonté, ne permettent pas de supposer que la lettre écrite à M. l'amiral » puisse devenir une loi dans la décision des contestations particulières. D'ailleurs, il est vrai que les hostilités des Anglais remontent jusqu'au 17 juin; › mais ce sont des hostilités contre le pavillon royal; la lettre même ne cite › en effet que l'attaque de la Belle-Poule et la rétention des frégates la Licorne › et la Pallas. Nulle entreprise contre la marine marchande. Il pouvait être » utile, dans les vues politiques du Gouvernement, de donner à connaître à l'Europe l'origine des troubles qui s'annonçaient, et l'époque où les Anglais avaient porté la première atteinte aux lois du droit des gens. Mais, encore » une fois, l'intention du Roi n'a été ni pu être de donner des règles aux con>> testations qui divisaient ses sujets commerçans, etc. » (1)

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(1) Consultation de MM. Target, Laget-Bardelin, Babille et Tronchet,

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