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Nonobstant toutes les raisons alléguées pour les négocians assurés, leur requête fut rejetée par arrêt du Conseil, rendu en février 1780.

Il a donc été décidé, de la manière la plus solennelle, que le pacte d'augmentation de prime en cas de guerre, est vivifié dès le moment de la première hostilité caractérisée, sans distinction des lieux.

La chose peut, en certains cas, paraître dure; mais le bien public exige qu'il y ait une règle fixe qui prévienne les litiges. On se rappelait de la multitude de procès que la même question avait fait naître lors de la précédente guerre. Il était donc de la sagesse de Sa Majesté de couper la racine à de pareilles altercations, toujours fatales au commerce. Les inconvéniens de détail n'arrêtent jamais le législateur, et comme l'observe M. d'Aguesseau, tom. 9, pag. 641, on n'a jamais douté que les règles les plus simples et les plus exemptes d'abus et de contestations, ne soient toujours les plus convenables › pour l'intérêt du commerce et de tous les négocians. »

D

CONFÉRENCE.

XXII. Nous avons vu dans la conférence précédente que la prime stipulée dans le contrat d'assurance ne doit ni être augmentée par la survenance de la guerre, ni être diminuée par la survenance de la paix, s'il n'y a convention contraire.

Maintenant, quand les assureurs prévoient une guerre, ils ont soin de stipuler que la prime augmentera dans telle ou telle proportion, si cet événement arrive. De leur côté, les assurés, qui seraient tenus de payer la prime sans diminution, malgré le retour de la paix, ont aussi soin de stipuler que la paix arrivant, la prime sera réduite à un taux moindre. Mais des clauses de cette nature doivent être clairement exprimées dans la police, et on ne saurait les suppléer par aucune induction.

L'Ordonnance de la marine n'avait aucune disposition relative à cet objet.
Mais le nouveau Code de com. erce porte, art. 343 :

«< L'augmentation de prime qui

⚫ aura été stipulée en tems de paix pour le tems de guerre qui pourrait survenir, et dont » la quotité n'aura pas été déterminée par le contrat d'assurance, est réglée par les tri» bunaux, en ayant égard aux risques, aux circonstances et aux stipulations de chaque po» lice d'assurance. »>

On stipule ordinairement à une somme fixe l'augmentation de la prime; alors l'augmentation est la même, soit que le navire ait fait la totalité, ou seulement une partie du voyage, depuis l'événement prévu.

Si l'augmentation de la prime est proportionnelle, à raison de tant par mois, alors cette augmentation a lieu depuis l'existence de l'état de guerre, c'est-à-dire depuis le moment des premières hostilités commises par l'ennemi.

Enfin si l'augmentation de prime n'est pas déterminée à une somme ou à une quotité certaine, alors les tribunaux la règlent, eu égard aux risques, aux circonstances et aux stipulations de chaque police d'assurance.

Cette non détermination de l'augmentation de prime avait donné lieu, sous l'empire de l'Ordonnance, à des discussions importantes. (Sur cette matière, voyez Valin, sur l'art. 7, titre des assurances; Pothier, n°. 83, 84 et 85, des assurances; M. Estrangin sur Pothier, n°. 83, et sa savante dissertation, à la suite de ses notes, pag. 386 et suivantes; M. Merlin, Répertoire de jurisprudence, au mot police d'assurance, no. 4; Journal de la Cour royale de Rennes, tom. 1, pag. 621, et notre Cours de droit commercial maritime, tom. 3, pag. 447 et suivantes). Mais toutes ces nombreuses difficultés se trouvent résolues ou plutôt prévues par la disposition de l'art. 343 de la loi nouvelle, que nous venons de rapporter, et dont il n'est pas permis de s'écarter.

Au reste, il est de jurisprudence, il est de principe incontestable que pour fixer l'instant où doit avoir lieu l'effet de la clause d'augmentation de prime en tems de guerre, on considère comme état de guerre les premières hostilités commises, soit contre les vaisseaux ou autres propriétés de l'Etat, soit contre les navires ou autres propriétés des particuliers, quoiqu'il n'y ait eu ni manifeste, ni déclaration solennelle de guerre.

En second lieu, que le pacte d'augmentation de prime a son effet en tous les lieux et dans le moment même, quelle que soit la situation du lieu où la première hostilité est commencée, quoique la nouvelle n'ait pu arriver que successivement, et plus ou moins promptement, à raison des distances. Le premier coup de canon de l'ennemi retentit au même instant sur la vaste étendue des mers.

Une question d'une importance majeure a été agitée dans les tribunaux depuis 1815. Il s'agissait de savoir si la France et l'Angleterre ont été en état de guerre ou d'hostilités pendant les cent jours.

Cette question avait d'abord été envisagée et décidée en sens divers par les tribunaux. Cependant la jurisprudence s'est fixée à reconnaître qu'il y a eu état de guerre entre la France et l'Angleterre. Mais elle a déclaré qu'on ne pouvait en reculer l'époque au-delà du 17 ou 19 mars 1815. (Voyez la dissertation qui se trouve à cet égard dans le même tom. 3, pag. 468 et suivantes de notre Cours de droit commercial marítime, et les différens arrêts qui y sont rapportés).

JURISPRUDENCE.

Le fait seul de la survenance de guerre donne ouverture à la prime d'assurance stipulée en tems de paix, pour le cas éventuel de la guerre, quoique le vaisseau assuré fût parvenu à sa destination avant que la déclaration de guerre fût connue dans les parages qu'il avait parcourus. Arrêt de cassation du 28 janvier 1807, Sirey, 1807, pag. 132).

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$ 1.

En quel tems la

SECTION VI.

Du Paiement de la prime.

L'ÉTYMOLOGIE du mot indique que la prime doit naturellement être payée

prime doit-elle être lors de la signature même de la police.

payée ?

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«La prime ou coût de l'assurance sera payée en son entier lors de la signature de la police, dit l'art. 6, assurances. »

L'édit du mois de janvier 1777, art. 7, défend aux courtiers de Marseille de faire aucune assurance que la prime ne soit payée en son entier, lors de la signature de la police. Mais la déclaration du 25 octobre suivant, art. 10, corrige cette disposition concernant « le paiement des primes d'assurance, qui › sera réalisé, est-il dit, conformément audit édit, ou payé suivant les conventions qui auront été faites entre l'assureur et l'assuré par la police d'as

surance. »

En effet, suivant l'art. 3, assurances, les polices d'assurance sont susceptibles de toutes les conditions dont les parties voudront convenir, pourvu toutefois que l'essence du contrat et les lois prohibitives ne soient pas violées.

Si la police ne renferme aucun dé

Si la police ne renferme ni délai, ni condition au sujet du paiement de la prime, l'assureur est en droit de le demander sur-le-champ. Stypmannus, lai. part. 4, cap. 7, n°. 359. Pothier, no. 191.

A

Valin, art. 6, dit qu'à la Rochelle et en beaucoup d'autres places, la prime ne se paie qu'après la cessation des risques, c'est-à-dire après qu'elle » est acquise sans retour; et cela, ajoute-t-il, est tellement d'usage, qu'il , n'est pas nécessaire de l'exprimer dans la police. »

A Marseille, la prime doit être payée sans délai, à moins qu'il n'y ait pacte contraire. Telle est la règle établie par la déclaration de 1777, que je viens de citer, et par le droit commun: In omnibus obligationibus in quibus dies non ponitur, præsenti die debetur. L. 14, ff de reg. jur., S 2, inst. de verb. oblig.

Si elle renferme un délai.

Si la police renferme un délai, la prime ne pourra être demandée qu'après le tems prescrit. Stypmannus, d. loco, n°. 381. Pothier, no. 191. En diverses places, il est d'usage que les assurés font des billets de prime Billets de prime. aux assureurs. Pothier, n°. 81.

A Marseille on fait souvent de pareils billets; ils n'opèrent pas novation. Infrà, sect. 8 et 9.

En tems de guerre, comme les primes sont hautes, il est assez d'usage de stipuler qu'elles seront compensées en cas de perte. On les paie après le risque fini. Pothier, no. 191.

Le même auteur, n°. 163, 178 et 191, parle du pacte par lequel on est convenu qu'en cas de perte, la somme assurée sera payée en entier sans

› aucune déduction de prime, laquelle ne sera due qu'en cas d'heureuse arrivée » du vaisseau. »

$ 2.

Pacte que la prime sera compensable en cas de perte.

Pacte que la prime cas d'heureuse arri

ne sera due qu'en

vée.

$ 3.

Novation.

$ 4.

Celui qui se fait

assurer pour compte

d'un autre, doit per sonnellement la pri

me.

Ce pacte répond à peu près à celui par lequel on fait assurer la prime et primes des primes. Il est vrai qu'en cas de sinistre l'assureur paiera l'entière perte sans déduction ni récompense; mais la prime qu'il eût gagnée en cas d'heureuse navigation, avait été portée à un taux relatif au double risque auquel il s'était volontairement exposé.

Cette espèce d'assurance est licite, ainsi qu'on le voit par la doctrine de Roccus, not. 4, et de tous les auteurs qu'il cite.

Elle est appelée conditionnelle, en ce que l'obligation respective, tant de l'assuré que de l'assureur, dépend alors de l'événement: Conditionalis quandò nimirùm contrahentes adjectâ certi alicujus loci, temporis et casûs conditione, deflectunt à communi contractûs hujus consuetudine: quæ facit, ut antè ejus eventum neutra pars obligetur; sed tunc demùm ubi extiterit. Marquardus, lib. 2, cap. 13, n°. 13.

Si la police porte que la prime a été reçue, il y a novation, quoique le paiement n'en ait pas été effectif, et que la somme ait été passée en compte courant. C'est alors une dette ordinaire et purement chirographaire. Decormis, tom. 2, pag. 1204. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 512. Roccus, not. 69 et 83.

Vid. le chapitre suivant, sect. 6, où je parlerai de l'ancien usage introduit par nos courtiers, qui, moyennant l'énonciation reçu la prime, devenaient dé– biteurs de la prime envers les assureurs, et créanciers de cette même prime envers les assurés. Cette espèce de virement opérait novation. La prime cessait d'être due comme prime. Elle était due comme argent fourni ou à fournir par le courtier.

Le commissionnaire qui se fait assurer pour compte d'autrui est obligé, en son propre et privé nom, de payer la prime, parce qu'on ne connaît que lui, et qu'on suit la foi de lui seul. Tel est l'usage des places de commerce, ainsi qu'on le verra plus au long, infrà, ch. 5, sect. 4.

CONFÉRENCE.

XXIII. Ce que dit ici Emérigon est conforme aux principes généraux du contrat d'assurance. La prime se paie ordinairement sur-le-champ, sauf pacte contraire.

Aucune disposition de l'Ordonnance de 1681 ne donnait aux assureurs privilége sur les objets assurés pour le paiement de la prime. Néanmoins, ce privilége leur était accordé par la jurisprudence. (Voyez Valin sur l'art. 16, de la saisie des vaisseaux, et sur l'art. 20, assurances; M. Estrangin sur Pothier, no. 116 et 192 ).

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Mais le nouveau Code de commerce a légalisé ce privilége par son art. 191; de sorte que la loi assure ce privilége sur la distribution du prix du navire et le place au dixième rang.

Nous pensons avec M. Estrangin que cette disposition devrait également s'appliquer aux marchandises, sauf le rang, qui doit être différent, suivant la nature de l'objet. Il parait être en effet que ce seraient les mêmes motifs de le décider ainsi. Mais aussi on pourrait observer que le privilége étant une disposition exorbitante de la loi, ne peut s'étendre d'un objet à un autre.

Ainsi, lorsque la prime n'a pas été payée, les assureurs ont un privilége sur les effets assurés; mais si la police porte que la prime a été reçue, quoique le paiement n'en ait pas été effectif, et que la somme ait été passée en compte courant, c'est alors une dette ordinaire et purement chirographaire.

Celui qui se fait assurer pour le compte d'un autre, doit personnellement la prime. C'est la conséquence du principe qu'en matière d'assurance, l'assureur ne peut connaître que celui qui a fait faire l'assurance; mais aussi ce commissionnaire, qui a payé la prime et qui est nanti et de la police et du reçu de la prime, est privilégié spécialement sur le montant de l'assurance c'est un argument tiré de l'art. 93 du Code de commerce.

JURISPRUDENCE.

Le commissionnaire chargé de l'assurance d'un navire, qui a fait l'avance pour son commettant de la prime d'assurance, et qui est resté nanti du contrat et de l'acte de reconnaissance de la prime par lui payée, a un privilége spécial sur le produit de l'assurance, pour le recouvrement du principal et des intérêts de la somme par lui avancée. (Code de commerce, art. 93; arrêt de la Cour royale de Rouen, du 5 mai 1823; voyez Dalloz, Jurisprudence générale, tom. 1, pag. 328).

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SECTION VII.

Le défaut de Paiement de la prime annule-t-il l'Assurance?

CETTE question est beaucoup agitée dans nos livres. Le Réglement de Barcelonne (art. 355 du Consulat), décide que les assurances n'auront aucune efficace ou valeur, jusqu'à ce que le prix en soit entièrement payé.

$1. Si la prime devait

Divers auteurs se fondant sur ce texte, disent en général que le défaut de paiement de la prime de la part de l'assuré, rend l'assurance nulle. Roccus, aire payee comp not. 83. Kuricke, diatr., no. 15, pag. 836. Casaregis, disc. 1, no. 138.

Ces auteurs supposent sans doute que l'assurance a été faite, à condition que la prime serait payée comptant. Les assureurs sont alors fondés à se pourvoir en justice, pour faire condamner l'assuré à remplir son obligation, celeri præstatione, sous peine d'être déchu de l'assurance.

Dans le cas de la vente faite non habitâ fide de pretio, c'est-à-dire pour le comptant, le vendeur non payé du prix est en droit de revendiquer sa chose :

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tant.

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