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CONFÉRENCE.

XXVI. Voyez la conférence ci-dessus, no. xxIII, et l'art. 191 du Code de commerce, no. 10.

SECTION X.

La Prime peut-elle consister en autre chose qu'en une somme déterminée?

DANS l'usage, la prime consiste en une somme d'argent promise ou comptée; mais rien n'empêche de stipuler, par exemple, qu'on sera assureur, à condition qu'on aura une telle portion du net produit de la chose assurée, si elle arrive à bon port, et qu'on paiera la valeur primitive du total, si elle se perd.

Ce pacte renferme un double contrat, celui d'assurance et celui de société. La chose chargée dans le navire forme la part de l'un des associés, et le péril forme la part et la mise en fonds de l'autre : Quod de operâ dicitur, idem et de labore ac periculo navigationis et similibus intelligi debet. Vinnius, S 2, inst. de societate.

L'Ordonnance dit que la prime est le prix pour lequel on prend le péril sur soi, et qu'elle est le coût de l'assurance. Peu importe que ce prix ou récompense soit en argent ou en toute autre chose. Il suffit qu'un bénéfice certain ou espéré contre-balance les risques maritimes dont on se rend responsable.

Il est vrai que le prix de la vente doit consister en une somme de deniers que l'acheteur paie, ou s'oblige de payer au vendeur : Pretium in numeratâ pecuniâ consistere debet. S'il consiste en toute autre chose, c'est un contrat d'échange. § 2, inst. de empt. L. 7, C. de permut. Pothier, Traité des ventes, n°. 3o.

Mais il suffit que l'assureur reçoive une indemnité ou récompense, telle qu'elle soit, au sujet des périls dont il se rend garant, pour que le contrat soit un véritable contrat d'assurance, à moins qu'on ne dise que c'est alors un contrat sans nom, ce qui nous jetterait dans les subtilités des docteurs italiens.

Pothier, no. 81, qui a très-bien saisi l'esprit du contrat d'assurance, dit qu'il est de l'essence de ce contrat qu'il y ait quelque chose que l'assuré donne, ou s'oblige de donner à l'assureur, pour le prix des risques dont celui-ci sc charge; mais il n'est pas absolument nécessaire que ce quelque chose consiste en argent.

Le nolissement n'est pas moins un contrat de nolissement, quoique le fret soit payé en toute autre chose qu'en deniers. Stypmannus, part. 4, cap. 10, n°. 114.

S'il fallait s'arrêter à la subtilité du droit, et supposer que l'assurance, dont la prime ne consiste pas en une somme d'argent, n'est pas proprement un contrat d'assurance, du moins faudrait-il convenir que c'est un contrat équipollent à l'assurance, et produisant les mêmes obligations.

Vid. Traité du contrat à la grosse, ch. 3, sect. 1.

CONFÉRENCE.

XXVII. La loi nouvelle laisse la plus grande liberté à cet égard. Il suffit qu'un bénéfice certain ou espéré contre-balance les risques maritimes dont on se rend responsable.

Rien n'empêche, par exemple, comme le dit Emérigon, de stipuler qu'on sera assureur à condition qu'on aura une telle portion dans le net produit de la chose assurée, si elle arrive à bon port, et qu'on paiera la valeur primitive du total, si elle se perd. Mais cette stipulation renferme un double contrat, celui d'assurance et celui de société. Ces sortes de pactes sont rares. (Voyez au surplus la conférence ci-dessus, no. xix ).

SECTION XI.

Assurances sans stipulation de Prime.

J'AI dit ci-dessus que la prime est de l'essence du contrat d'assurance : d'où il suit que si, sans stipuler pour soi ni prime, ni avantage quelconque, on se rendait responsable de l'heureuse navigation, ce serait une garantie gratuite, et une donation conditionnelle.

Il est vrai que le roi paraît ne stipuler aucune prime, lorsqu'il se rend assureur des navires marchands qu'il prend à son service; mais il s'en indemnise sur le taux du nolis, qui serait plus haut, si les propriétaires n'avaient pas le roi pour assureur. L'assurance promise par le prince est un pacte de l'affrétement, et on y trouve une prime implicite.

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Je crois donc que Barbeyrac, sur Puffendorf, liv. 5, ch. 9, § 8, se trompe, lorsqu'il dit que l'assurance dont il est parlé dans Tite-Live et dans Suétone, était purement gratuite; car la république aurait payé un nolis plus fort, si elle n'eût pas pris sur soi les périls de la mer. Et d'ailleurs, l'intérêt public était la récompense des risques dont elle se rendait responsable.

Cependant, sous prétexte du défaut de stipulation spéciale de prime, Kuricke, diatr. de assecur., pag. 829, prétend que la garantie promise en pareil cas, était autre chose que ce que nous appelons assurance: Illud, etsi vim pacti habeat, longè tamen ab assecuratione quæ hodiè in usu est, discrepat; siquidem hic respublica sola periculum in se recipit; cùm tamen ex lege assecurationum, et assecurator ad damnum præstandum, et assecuratus ad periculi pretium, quod præmium vocant, utrinque obligati sint.

Mais Loccenius, lib. 2, cap. 5, no. 2, considère la chose bien autrement. Hunc contractum, dit-il, veteribus non planè ignotum fuisse, constat. Il se fonde sur les passages de Tite-Live et de Suétone que j'ai rapportés dans ma pré

face.

En pareil cas, la prime implicite se trouve en quelque manière déterminée par l'ensemble des pactes du contrat : Omnia pacta in contractu inserta, dicuntur pars contractûs et pretii. Surdus, déc. 155, n°. 10. Casaregis, disc. 22, n°. 2. Mornac, ad L. 79, ff de contrah. empt.

Au reste, si une assurance était faite sans prime ni implicite, ni explicite, elle serait nulle, à l'exemple de la vente au sujet de laquelle les parties n'auraient convenu d'aucun prix : Sine pretio, nulla venditio est. L. 2, § 1, ff de contrah. empt.

Il en est de même du contrat de louage, lequel ne peut exister sans loyer. Le contrat de charte-partie ne saurait subsister sans un fret que l'affréteur s'oblige de payer. Si un armateur promettait de transporter sur son navire les marchandises de son ami, dans un certain lieu, sans exiger de lui aucun fret, ce ne serait pas un contrat de louage, ni par conséquent un contrat de charte-partie; ce serait un contrat de mandat. Pothier, Traité des chartesparties, no. 7.

Lessius, lib. 2, cap. 28, no. 24, pag. 354, dit que l'assurance est un contrat par lequel on se charge du péril de la chose d'autrui, ou moyennant un prix, ou gratuitement, et que, dans ce dernier cas, c'est une promesse gratuite: Est contractus quo quis alienæ rei periculum in se suscipit, obligando se, vel gratis, vel certo pretio, ad eam compensandam si perierit. Si gratis hanc obligationem suscipiat, est promissio gratuita.

T. I.

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Giballinus, lib. 4, cap. 11, art. 1, dit aussi que l'assurance peut se faire gratis, vel certo pretio, et que si elle est faite gratuitement, c'est une donation Eritque gratuita quædam donatio.

Mais la donation ou promesse gratuite est autre chose que l'assurance proprement dite. La prime est de l'essence de ce dernier contrat. S'il n'y a ni prime stipulée, ni prime implicite, il est certain, ou qu'il n'y a pas du tout de contrat, ou que c'est un contrat de tout autre espèce que celui d'as

surance.

Vid. mon Traité des contrats à la grosse, ch. 3, sect. 1,

CONFÉRENCE.

XXVIII. En effet, et il est très-certain que si l'on se rendait responsable de l'heureuse navigation, sans stipuler pour soi ni prime, ni avantage quelconque, qui serait une prime implicite, le contrat ne serait qu'une garantie gratuite et une donation conditionnelle. La prime est de l'essence du contrat d'assurance. Point d'assurance sans prime, ni de prime sans risque. De même que le contrat de louage, comme l'observe Émérigon, ne peut exister sans loyer, de même que le contrat de charte - partie ne saurait subsister sans un fret stipulé, le contrat d'assurance sans prime est nul.

S'il n'y a ni prime stipulée, ni prime implicite, ou il n'y a pas de contrat, ou c'est un contrat de tout autre espèce; mais il y a contrat d'assurance toutes les fois que la prime se trouve implicitement dans ce contrat, par exemple, lorsque le roi se rend assureur des navires marchands qu'il prend à son service.

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. PERMETTONS, dit l'art. 1, titre des assurances de l'Ordonnance, à tous

» nos sujets d'assurer et faire assurer, dans l'étendue de notre royaume, les > navires, marchandises et autres effets qui seront transportés par mer et › rivières navigables.

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