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Pothier, no. 91, observe sur cet article qu'il n'y a que les personnes capables de contracter qui puissent être parties en leur nom dans les contrats d'assurances; et il renvoie à son excellent Traité des obligations.

Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 17, dit que pour l'ordinaire, l'assurance se contracte entre négocians, mais qu'il est loisible aux autres personnes, de quelque état qu'elles soient, de devenir assurés ou assureurs : Admittit tamen quandoque, si usus postulat, reliquos etiam cujuscumque ordinis homines.

CONFÉRENCE.

XXIX. Il n'y a pas de doute qu'il ne soit libre à toute personne d'assurer ou de se faire

assurer.

Il faut distinguer entre la faculté de faire assurer et celle de se rendre assureur : la première faculté constitue l'assurance passive, et la seconde l'assurance active.

L'assurance passive ne constitue pas un commerce; l'assuré n'est qu'un propriétaire qui pourvoit à la conservation de sa chose; elle est permise à quiconque est capable de contracter et d'administrer son patrimoine.

Dans l'assurance active, au contraire, l'assureur se livre à des spéculations dans la vue de bénéficier; elle est essentiellement un commerce. (Art. 632 du Code de commerce ). Ainsi cette assurance n'est permise qu'aux personnes qui peuvent faire, soit le commerce en général, soit le commerce particulier d'assurance.

Parmi les personnes qui ne peuvent pas se livrer au commerce en général, et par conséquent au commerce des assurances, il y a une distinction à faire.

Les unes sont frappées d'incapacité absolue, comme les mineurs, les interdits, les femmes en puissance de mari, à moins que le mineur ne soit commerçant, et la femme marchande publique.

Les autres sont seulement frappées de prohibition, et de ce nombre sont les ecclésias tiques, les magistrats, les administrateurs de la marine et des classes, les consuls à l'étranger, les courtiers, les notaires, etc. (Voyez notre Cours de droit commercial maritime, tom. 5, pag. 297 et suivantes).

Il y a ici une distinction importante à faire. Les contrats passés par les personnes frappées d'incapacité sont nuls; au lieu que la nullité n'est point prononcée contre les actes des personnes frappées seulement de prohibition. La violation de la prohibition expose bien à des peines, mais ne vicie pas le contrat. - (Voyez Pothier, Traité des assurances, no. 94)

§ 1. Mineurs.

SECTION I.

Des Mineurs, des Fils de famille et des Femmes.

POTHIER, no. 91, des assurances, dit que les mineurs qui sont marchands

» de profession, peuvent être parties dans un contrat pour faire assurer les effets de leur commerce.» Cela n'est pas douteux.

Il ajoute que les mineurs peuvent y être aussi parties comme assureurs, » s'ils font le commerce d'assurance. »

Ces derniers mots ont besoin d'être expliqués. Le commerce d'assurance commence par un premier acte, et parmi nos négocians, on ne connaît ni maîtrise, ni jurande, ni inscription in albo mercatorum. Or, le mineur qui, pour la première fois, aura signé une police d'assurance, pourra-t-il s'en faire relever sous prétexte de minorité?

Il est vrai qu'un seul acte de commerce ne rend pas négociant. Il faut avoir acquis cette qualité par une suite d'affaires mercantiles, et par l'aveu de ses concitoyens. Straccha, de mercaturâ, part. 1, nos. 6 et 12. Balde, en son Traité de constituto, n°. 8. Rebuffe, de mercatoribus, n°. 10. Marquardus, lib. 1, cap. 7, n°. 39.

Ainsi, de ce que j'ai fait un acte mercantile, je ne suis ni admissible au conseil de ville dans la classe des négocians, ni justiciable des juge et consuls pour un billet à ordre valeur reçue comptant, etc.

Mais si je tire une lettre de change, je serai justiciable du tribunal consulaire, et soumis à la contrainte par corps, quand même je n'aurais jamais fait aucun acte de commerce. On me condamnera, non comme négociant, mais comme tireur d'une lettre de change.

Si je signe une assurance, je serai justiciable du tribunal de l'amirauté, qui connaîtra de cette obligation, nonobstant tous priviléges à ce contraires (art. 2, titre de la compétence); car, en cette matière, on s'arrête beaucoup plus à la chose qu'à la qualité de la personne.

Il suit de ces principes que le mineur de vingt-cinq ans qui signe une police d'assurance, est véritablement assureur et obligé comme tel, quoique ce soit pour la première fois qu'il ait signé pareilles polices.

L'art. 1, des assurances, est général. Il n'excepte point les mineurs, lesquels, pour fait de commerce, ne peuvent alléguer leur minorité. Telle est la règle; il n'est pas permis de s'en écarter, à moins qu'il n'y ait dol ou surprise ce qui dépend des circonstances du fait.

Ce qu'on vient de dire des mineurs de vingt-cinq ans s'applique aux fils de famille. Le commerce ne connaît ni les effets de la puissance paternelle, ni le sénatus-consulte macédonien.

Il en est de même des femmes. L'exception du senatus-consulte velleïen n'est pas admise dans les tribunaux mercantiles.

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La femme mariée qui souscrirait des assurances, serait soumise à la contrainte par corps pour le paiement de la perte. On pourrait saisir ses biens. paraphernaux ; et à l'égard de la dot, les poursuites seraient suspendues pendant le cours du mariage, à moins que le mari ne consentît à l'aliénation des biens dotaux, pour délivrer ou exempter sa femme de la prison. Vid. Duperier, liv. 1, quest. 3.

CONFÉRENCE.

XXX. Valin, comme Emérigon, avait, relativement aux engagemens des mineurs et des femmes en puissance de mari, en matière d'assurance, une opinion différente de celle de Pothier. Cela provenait sans doute de la jurisprudence diverse de chaque province de France. Emérigon raisonnait d'après celle de Provence. - – (Voyez Valin sur les art. 5 et 6, titre des jugemens, de l'Ordonnance de 1681).

Aujourd'hui, nous ne connaissons plus cette distinction des fils de famille; il n'y a plus de différence tous les Français sont égaux devant la loi. Le mineur non émancipé ne peut contracter aucune espèce d'engagement mercantile ou autre. Le mineur non émancipé ne peut se livrer au commerce, ni prendre aucun engagement mercantile, s'il n'a dix-huit ans accomplis, s'il n'est autorisé par son père, à défaut, par sa mère, et à défaut de l'un et de l'autre, par une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal civil, et si l'acte qui l'autorise n'est pas enregistré et affiché au tribunal du lieu où il veut établir son domicile. - (Art. 487 du Code civil, et 2 et 3 du Code de commerce ).

De son côté la femme mariée ne peut s'obliger pour ce qui concerne le négoce, si elle n'est marchande publique; et elle ne peut être marchande publique qu'avec l'autorisation de son mari. (Art. 4 et 5 du Code de commerce ).

Le mineur dûment autorisé peut, en sa qualité de commerçant, engager et hypothéquer ses immeubles; il peut même les aliéner en se conformant aux art. 457 et suivans du Code civil. La femme marchande publique peut également engager, hypothéquer et aliéner ses immeubles. Toutefois, ses biens stipulés dotaux, quand elle est mariée sous le régime dotal, ne peuvent être hypothéqués ni aliénés que dans les cas déterminés, et avec les formes réglées par le Code civil. (Art. 6 et 7 du Code de commerce ).

Le mineur et la femme mariée non autorisés sont admis à se faire restituer contre leurs actes de commerce, et à les faire déclarer nuls. (Art. 114 du Code de commerce ). La personne qui aurait traité avec eux ne saurait se plaindre avec justice; car c'est à celui qui contracte à s'instruire de la qualité et de la capacité de celui avec lequel il contracte. Telle est la règle de droit Gharus esse debet conditionis ejus cum quo contrahit. La Cour royale de Rennes a eu occasion d'appliquer ces principes, par son arrêt du 20 mai 1823.

Néanmoins, si le mineur, dans ces cas, ne peut être assujetti aux lois du commerce, il n'en est pas de même des commerçans qui ont traité avec lui; ils restent toujours justiciables des tribunaux de commerce et soumis à la contrainte par corps. On s'engage avec

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la qualité que l'on a et sous laquelle on traite. (Voyez notre Traité des faillites, tom. 1, pag. 18 et suivantes).

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SECTION II.

Des Ecclésiastiques.

QUOIQUE le contrat d'assurance, dit Pothier, n°. 92, soit un commerce, , et que le commerce soit défendu aux ecclésiastiques, les contrats d'as›surance qu'ils auront faits, soit pour faire assurer leurs marchandises, soit pour assurer celles des autres, ne laissent pas d'être valables. Ils sont , seulement en ce cas sujets à des peines, comme de suspension de leurs priviléges ou autres, pour leur contravention. »>

Les anciens canons permettaient et ordonnaient même aux clercs d'avoir un métier, tant pour subvenir à leurs besoins que pour éviter l'oisiveté. SaintPaul ne dérogeait point à la dignité éminente de l'apostolat, en gagnant sa vie du travail de ses mains: Argentum et aurum nullius concupivi, quoniam ad ea quæ mihi opus erant, et his qui mecum sunt, ministraverunt manus ista. Actes des apôtres, ch. 18, V 5, et ch. 20, √ 33.

Mais tout commerce qui n'a d'autre objet que celui de s'enrichir, est sévèrement interdit aux ecclésiastiques. Cap. 2 et 4, extrà, ne clerici et monachi secularibus negotiis se immisceant. Leur personne est consacrée au service des autels. Leurs occupations essentielles sont l'étude, la prière et le saint ministère. S'ils cessent de vivre clericalement, il sont déchus de leurs priviléges. Ordonnance de 1539, art. 4, etc.

Il est donc certain que l'ecclésiastique qui souscrirait des assurances, serait soumis, pour le paiement de la perte, à la jurisdiction de l'amirauté et à la contrainte par corps.

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Pothier, en l'endroit cité, ajoute que les ecclésiastiques peuvent trèslicitement faire assurer leurs propres effets, qu'ils font revenir par mer des › lieux où ils étaient, et ne peuvent être censés, en faisant cela, faire aucun

⚫ commerce. »

S'ils diffèrent le paiement du nolis ou de la prime stipulée, on peut les actionner pardevant l'amirauté. Le cas s'est présenté plusieurs fois; mais la contrainte par corps n'est pas prononcée.

Les religieux observantins d'Espagne avaient chargé, franc de nolis, à l'adresse de leur commissaire de la Terre-Sainte, diverses caisses de chapelets, de croix et de reliquaires. Le navire étant arrivé à Marseille, le poids

des caisses dévoila le mystère. Elles étaient remplies de piastres. Le capitaine présenta requête à notre amirauté contre l'économe des observantins. La cause fut plaidée devant moi. Je condamnai l'économe à payer au cours de la place le nolis des piastres.

Cette décision s'applique par argument au fait d'assurance.

CONFÉRENCE.

XXXI. On peut ajouter à la citation d'Emérigon ces passages des lois saintes: Nemo militans deo, implicat se negociis secularibus. Qui volunt divites fieri, incidunt in tentationem et in laqueum diaboli, etc. Les ecclésiastiques sont bien au nombre de ceux qui sont frappés de prohibition par les lois saintes; mais cela n'empêcherait pas que leurs actes de commerce ne fussent valides, et qu'ils ne fussent soumis à la contrainte par corps, et à être jugés en faillite, suivant les circonstances.

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SECTION III.

Des Militaires, des Gentilshommes et des Docteurs.

Les militaires, stipendiés aux dépens du public, doivent s'occuper des obligations que la république leur impose, et ne pas s'en distraire par l'appât du commerce. Les fonctions de la milice sont les seules qui leur conviennent, et ce n'est que par l'exercice journalier des armes qu'ils se préparent aux combats Milites, qui à republicâ armantur et aluntur, solis debent utilitatibus publicis occupari; non mercimoniorum quæstui, sed propriæ muniis insudare militiæ, ut armorum quotidiano exercitio ad bella se preparent. L. 15, C. de re milit. Vid. la rubrique du Code negociatores ne militent, et la L. 31, C. de locato. Marquardus, lib. 1, cap. 9, no. 40.

Mais si un militaire faisait des actes de commerce en signant des assurances ou autrement, il serait justiciable des juges qui connaissent de pareilles matières, et soumis à la contrainte par corps. Brillon, tom. 2, pag. 395. Anciennement tout gentilhomme était militaire, ou présumé tel. Vid. Pasquier, liv. 1, ch. 1, et liv. 2, ch. 15 et 16.

Les gentilshommes sont des hommes dévoués à la défense de l'Etat. Sunt homines gentis. Voilà pourquoi ils portent l'épée, et voilà encore pourquoi le fait et trafic de marchandise leur était défendu, à peine d'être privés des priviléges de la noblesse, et imposés à la taille. Ordonnance d'Orléans, art. 109.

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