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courir les prétendues lois rhodiennes, dont la traduction latine, accompagnée d'un petit commentaire, se trouve, avec le texte grec, à la suite de Peckius et Vinnius, pour être convaincu qu'elles sont apocryphes (1). Il y est parlé de serment prêté sur l'Evangile. Le glossateur, pour se tirer d'embarras, dit que cela a été ajouté par les chrétiens: Additum hoc à christianis. C'est au § 15 du tit. 1.

Les mêmes lois sont dans le recueil des Basiliques, édition de Fabrot, tom. 6, pag. 647 et 655.

On prétend que ce fut lors de la première guerre punique Droit romaiu. que les Romains adoptèrent les lois rhodiennes (2). C'est en effet alors qu'ils commencèrent à étendre leur domination hors de l'Italie, et qu'ils eurent par conséquent besoin du commerce maritime.

Peu à peu ils firent passer dans leurs propres lois ce qu'il y avait d'essentiel dans celles des Rhodiens. On vit paraître l'édit du préteur, de exercitoriâ actione, et toutes les décisions répandues dans le cours du droit au sujet de la navigation.

Le contrat à la grosse était parfaitement bien connu des Romains, ainsi qu'on le voit par les titres de nautico fœnore. Mais le contrat d'assurance ( du moins tel qu'on l'entend aujourd'hui)

(1) Vide Cajas, sur la loi 2, ff ad leg. rhod., de jactu., lib. 34. Pauli ad edictum. Gibalinus, lib. 2, cap. 1, art. 5, tom. 1, pag. 237. Bouchaud, Théorie des traités du commerce, ch. 6, sect. 3.

(2) Cujas, d. loco. Gravina, etc.

n'était pas en usage parmi eux; ils y suppléaient sans doute; soit par les contrats conditionnels ou aléatoires, soit par la fidéjussion.

Je crois cependant apercevoir dans l'histoire romaine quelque trace de notre contrat d'assurance.

Lors de la seconde guerre punique, les entrepreneurs, chargés de faire transporter en Espagne des munitions de guerre et de bouche, stipulèrent que la République serait garante des pertes qui, dans le cours du voyage, seraient occasionnées par les ennemis ou par la tempête : Ut quæ in naves imposuissent, ab hostium, tempestatisve vi; publico periculo essent. Tite - Live; liv. 23, no. 49.

Quelques années après; on fit le procès à des traitans qui; s'étant chargés de faire porter les provisions nécessaires aux armées qui servaient dans les provinces, avaient supposé de faux naufrages. La République avait pris pour son compte les pertes qui arriveraient par la violence des tempêtes: Publicum periculum erat à vi tempestatis, in iis quæ portabantur ad exercitus. Tite-Live, liv. 25, no. 3.

Cicéron ayant remporté en Cilicie une victoire qui lui mérita le titre d'imperator, et qui lui aurait procuré l'honneur du triomphe, si la guerre civile entre César et Pompée ne fût survenue, écrivit au proquesteur Caninius Saluste, à Laodicée, qu'il aurait soin de se procurer des répondans pour les deniers publics qu'il enverrait à Rome. Laodica me prædes accepturum arbitror omnis pecuniæ publicæ, ut et mihi et populo cautum sit sine vecturæ periculo. Lib. 2, epist, 17.

Lors d'une grande disette, l'empereur Claude, pour inciter les négocians à accélérer l'importation des grains en Italie, prit sur lui les pertes et dommages qui arriveraient par tempêtes: Suscepto in se damno, si cui quid per tempestates accidisset. Suetone, liv. 5, n.o 21.

Mornac, sur la loi 9, ff ad leg. rhod., de jactu, et Gibalinus Lois des Marseillais lib. 4, cap. 11, art. 2, n.o 2, nous apprennent qu'à l'exemple des Rhodiens, les Marseillais avaient fait des lois nautiques; mais que l'injure des tems nous les a dérobées : Quondàm à Massiliensibus plurimæ leges nauticæ, instar Rhodiarum, condita fuerunt; quas hodiè ignoramus, eò quòd vel injuriâ temporum, vel kominum ignaviâ perierunt.

La République marseillaise se gouverna toujours avec sagesse, et conserva ses principes. Les statuts municipaux qui furent promulgués dans le treizième siècle, renferment, au sujet de la navigation et des contrats maritimes, plusieurs chapitres qui sont dignes de l'antiquité la plus éclairée, et nous pouvons nous glorifier que nos anciennes lois nautiques ne sont pas perdues; elles avaient été gravées sur la pierre: Eorum leges Ionico more erant publicè proposita. Elles ont été transmises d'âge en âge par les mœurs des citoyens et par l'esprit de commerce, qui rend Marseille toujours plus florissante.

Grotius, de jure belli, lib. 3, cap. 1, § 5 (in alleg., n.o 6), Consulat de la mer. et après lui Marquardus, cap. 5, n.o 39, nous apprennent que le Consulat de la mer est un recueil d'anciennes ordonnances nautiques, faites par les empereurs grecs, par les empereurs d'Allemagne, par les rois de France, d'Espagne, de Syrie, de

Chypre, de Majorque et Minorque, et par les Républiques de Venise et de Gênes.

Ce recueil fut composé par ordre des anciens rois d'Arragon, et devint la règle à laquelle presque tous les peuples chrétiens qui s'adonnèrent au commerce maritime se soumirent volontairement. Targa, cap. 96, pag. 395.

Il fut adopté comme loi à Rome, en l'année 1075; à Acre, en 1111; à Majorque, en 1112; à Pise, en 1118; à Marseille, en 1162; à Almérie, en 1174; à Gênes, en 1186; à Rhodes, en 1190; en Morée, en 1200; à Venise, en 1215; en Allemagne, en 1224; à Messine, en 1225; à Paris, en 1250; à Constantinople, en 1262.

La plus ancienne traduction que nous en ayons est en langue catalane. L'ouvrage fut ensuite traduit en castillan, en allemand et en italien. Les éditeurs y ajoutèrent quelques autres ordonnances, concernant la navigation et le commerce maritime. Le tout ensemble comprend trois cent soixante-un ou trois cent soixante-cinq chapitres, suivant les diverses éditions; mais on ne reconnaît pour véritable Consulat de la mer, que les deux cent quatre-vingt-quatorze ou deux cent quatre-vingt-seize premiers chapitres.

La traduction italienne, divisée en deux cent quatre-vingtquatorze chapitres, se trouve dans le troisième volume de Casaregis, avec d'excellentes explications faites par cet auteur. Elle avait été imprimée à Venise en 1566. Con l'aggiunta delle ordinationi sopra l'armate di mare, sicurtà, entrate e uscite.

En 1577, M. François Meyssoni, docteur ès droit et avocat au siége de Marseille, donna au public une traduction française du

Consulat de la mer, et des réglemens y adjoints. Elle fut réimprimée en 1635.

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M. Hubner, dans la préface de son Traité sur la saisie des bâtimens neutres, parle du Consulat de la mer d'une manière des plus défavorables. Il dit que c'est « une masse infarme et un amas assez mal choisi de lois maritimes et positives, et d'or> donnances particulières du moyen âge, ou des siècles peu » éclairés, jointes à une compilation de décisions privées............ » Ni les unes ni les autres, ajoute-t-il, ne sauront être d'aucun » secours à ceux qui voudraient discuter le droit des nations belligérantes au sujet de la navigation des peuples neutres. Les » ordonnances mentionnées ont pu obliger dans le tems les sujets des législateurs; mais comme elles ne sont que particulières, » elles n'ont jamais pu obliger qu'eux, et comme elles sont ac>>tuellement surannées, elles n'obligent plus personne. Pour ce qui regarde les décisions, elles ne me paraissent absolument » bonnes à rien dans la pratique, sur-tout n'étant pas seulement › motivées, ni même faites dans un tems où l'on sût ce que c'est » qu'un commerce intelligent, ou la manutention d'icelui. Tout » le fruit qu'on peut espérer de tirer de la lecture de ce recueil, » c'est de satisfaire à sa curiosité, en faisant une comparaison »> des maximes usitées, et de la police du commerce de ces siè>cles, avec celles qui sont suivies dans celui-ci, à l'avantage du » nôtre; et en apprenant, pour ainsi dire, de la bouche de ces » souverains, la profonde ignorance où ils étaient, eux et ceux » de leurs sujets qui passaient alors pour être des plus habiles, » sur bien des choses avantageuses aux peuples, dont la poli

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