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Bruno in Mathæum. Volume de 57 pages taxé 1 sol.
Item in Marcum. 20 pages; 17 deniers.

Item in Lucam. 47 pages; 3 sols, 6 deniers.

Item in Joannem. 40 pages; 2 sols, 10 deniers, etc., etc. M. Daunou (1) estime qu'en général le prix moyen d'un volume in-folio au treizième siècle, équivalait à celui des choses qui coûteraient aujourd'hui quatre ou cinq cents francs; beaucoup de livres représentaient des valeurs énormes. Dans le nombre d'anecdotes qui ont cours à ce sujet, citons-en quelques-unes.

On lit dans les Annales bénédictines (tome iv, page 475), qu'Agnès femme de Geoffroi, comte d'Anjou, acheta au onzième siècle, d'un évêque nommé Martin, un précieux recueil d'homélies; qu'elle donna, dans un premier paiement, cent brebis; dans un second un muid de froment, un muid de millet et un muid de seigle; dans un troisième cent autres brebis; dans un quatrième quelques peaux de martre; dans un cinquième enfin quatre livres en argent.

Jacques Du Breul, auteur du Théâtre des Antiquités de Paris, s'exprime ainsi, livre deuxième, p. 608 : «Or ces li braires n'étaient des ignorans, mais fort savans en toutes sortes de sciences, comme le titre qu'ils portaient de cleres libraires le témoigne. >> Puis il cite en preuve un contrat passé pardevant notaires en 1332, dans lequel cette qualité est donnée à Geoffroy de Saint-Liger, qui reconnaît et confesse avoir vendu, cédé, quitté, transporté, sous hypothèque de tous et chacun de ses biens, et garantie de son corps même, un livre intitulé Speculum historiale in consuetudines parisienses, divisé et relié en quatre tomes de cuir rouge, à noble homme messire Gérard de Montagu, avocat du roi au parlement, moyennant 40 livres parisis.

César Nostradamus, en 'sa Chronique de Provence, raconte que, vers 1392, Alazacie de Blévis, dame de Romolles, femme

(1) Histoire littéraire de la France, tome XVI, p. 35.

du magnifique Boniface de Castellane, baron d'Allemagne, faisant son dernier testament, laissa à sa fille une certaine quantité de livres où était écrit tout le corps de droit, formé et peint en belles lettres de main sur parchemin; l'enchargeant que, au cas où elle vint à se marier, elle eût à prendre un homme de robe longue, docteur, jurisconsulte, et qu'à ces fins, elle lui laissait ce beau et riche trésor, ces exquis et précieux volumes, en diminution de son dot.

Le 2 novembre 1447, Lantimer, de Gisors, passa dans cette ville un contrat en forme avec Guillaume Tuleu, procureur de l'Hôtel-Dieu de Paris, par lequel il donne audit hôpital le Pélerinage de la vie humaine, composé vers 1358, par Guilleville, religieux Bernardin de Chaalis : « afin d'avoir pardon de ses péchés, que le S. P. le Pape a promis dans ses bulles octroyées audit Hôtel-Dieu, pour la somme nécessaire à son entretien... Et en intention que lui, sa femme et enfans, son père, mère, amis, bienfaiteurs présens, défunts et à venir, et en spécial son parrain, feu maître Nicole Ducar, jadis chirurgien du roi Charles, que Dieu absolve, qui lui délaissa ce livre, soient accompagnés et participans ès bons pardons... >>

Alphonse V, roi d'Aragon, de Naples et de Sicile, écrivit de Florence à Antoine Pecatelli de Palerme pour lui mander que Pogge avait à vendre un beau Tite-Live, au prix de 120 écus d'or. En 1455, le marché se conclut, Antoine de Palerme vendit une métairie pour acheter le manuscrit, et Pogge acheta, avec le prix qu'il en eut, une propriété auprès de Florence.

Louis XI, ayant su que la faculté de médecine de Paris possédait un manuscrit de Rhasès, médecin arabe du dixième siècle, ordonna au président Jean de la Driesche de donner sa vaisselle d'argent pour gage, afin d'en avoir communication et de le transcrire; marché qui fut exécuté le 29 novembre 1471.

Louis XI avait beaucoup de goût pour les livres ; il fit réunir à ceux du Louvre les manuscrits que ses prédécesseurs avaient placés à Fontainebleau et ailleurs ce fut l'origine de la Bi

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bliothèque royale. Déjà Charles V, auquel le roi Jean, son père, n'avait laissé qu'une dizaine de volumes, était parvenu à en rassembler environ neuf cents, qu'il plaça au Louvre dans une tour que l'on nomma Tour de la Librairie. L'inventaire fut fait sous Charles VI, en 1418, par le bibliothécaire Garnier de Saint-Yon, l'un des échevins de la ville de Paris; à l'époque de la domination des Anglais dans Paris, le duc de Bedford exigea que Garnier de SaintYon les lui donnât contre son reçu, et il les acheta pour son compte moyennant 1200 livres qui furent remises à l'entrepreneur du mausolée de Charles VI et de la reine Isabeau. Ce fut là le noyau de la bibliothèque de l'Université d'Oxford. Aut treizième siècle, saint Louis avait rassemblé quelques livres à la Sainte-Chapelle de Paris; mais il décomposa par son testament cette modique collection, en la distribuant entre les cordeliers, l'abbaye de Royaumont et les Jacobins tant de Paris que de Compiègne.

Dans le siècle qui précéda l'invention de l'imprimerie, le nombre des copistes avait pris un accroissement considérable. Au moment où cette découverte vint changer la face du monde, l'art de l'écriture occupait, si l'on en croit Villaret, plus de dix mille écrivains dans les seules villes de Paris et d'Orléans.

Les imprimeurs prirent d'abord dans la société la place que les copistes y tenaient. En peu de temps, la multiplicité des copies imprimées diminua notablement le prix des livres, en centupla la consommation, éleva les imprimeurs bien au-dessus de ce qu'avaient été les copistes, et prépara, pour les auteurs, cet accroissement de considération qui, de progrès en progrès, devait placer dans leurs mains la part principale d'influence sur le gouvernement des sociétés.

L'université de Paris, alors très prospère, car elle possédait dix-huit collèges où l'on comptait dix ou douze mille écoliers, se montra zélée pour la propagation de l'art nouveau, tandis que le parlement ne le voyait qu'avec inquiétude, et qu'il autorisait les copistes à exercer des saisies. Fust s'attira plu

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sieurs procès pour avoir vendu à haut prix, et proportionnellement à la valeur qu'avaient alors les manuscrits, des exemplaires imprimés d'une bible, dont il vendait ensuite beaucoup moins cher d'autres exemplaires, si miraculeusement pareils aux premiers, que chacun, les croyant manuscrits, en demeurait stupéfait. On a prétendu que des accusations de sorcellerie furent intentées contre les premiers facteurs de livres imprimés; ou ajoute même que Louis XI arrêta ces poursuites en les évoquant à son conseil; mais rien n'a été suffisamment prouvé sur ce point. Ce qui est certain c'est que l'imprimerie trouva dans Louis XI un protecteur. On a con. servé des lettres-patentes du 14 février 1474, par lequel il accorde aux premiers imprimeurs établis à Paris droit de transmettre leurs biens et d'en disposer tout ainsi que si eux ou leurs hoirs étaient natifs du royaume. Ces lettres commencent ainsi : Loys... Savoir faisons... nous avoir reçu l'humble supplication de nos bien-amés Michel Friburgier, Uldaric Quering, et Martin Grantz, natifs du pays d'Allemagne, contenant : que ils sont venus demourer en notre royaume, puis aucun temps en ça, pour exercice de leurs arts et métiers de faire « livres de plusieurs manières d'écritures, en mòslé et autre

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ment, et de les vendre en cette notre ville de Paris, etc... » (1) Par autres lettres patentes du 21 avril 1475, Louis XI renonce au droit d'aubaine en faveur de Conrart Hanequis et Pierre Scheffre, marchands bourgeois de la cité de Mayence, dont le facteur à Paris était décédé sans lettres de naturalisation. Le montant de la succession était de 2425 écus et 3 sols tournois dont le roi ordonne à son receveur général des finances de faire restitution, à raison de 800 livres par an. Au nombre des motifs exprimés dans les lettres, on lit le suivant: » Ayant

(1) Les lettres-patentes de 1474 sont rapportées dans les Études sur la Typographie, par M. Crapelet, p. 14. Le même ouvrage rapporte aussi les lettres de 1475, déjà données par plusieurs recueils, notamment par la Collection du Louvre, tome XVIII, p. 114.

aussi considération à la peine et labeur que lesdits exposans ont pris pour ledit art et industrie de l'impression, et au profit et utilité qui en vient et peut venir à toute la chose publique, tant pour l'augmentation de la science que autrement. >>

Ce fut à la demande de deux savans docteurs de Sorbonne, Guillaume Fichet, et Jean Heynlin, de Bâle, dit Jean de la Pierre, qu'en 1469 Ulric Gering (1), natif de Constance, vint en France accompagné de Martin Grantz et de Michel Friburger, avec l'aide desquels il fonda la première imprimerie qui ait existé à Paris. Ils commencèrent à imprimer au commencement de 1470 dans une des salles de la maison de Sorbonne. La seconde imprimerie établie à Paris le fut en 1473 par deux autres Allemands, Pierre Cæsaris et Jean Stoll, que Gering et ses associés avaient formés. A la mort d'Ulric Gering, qui décéda à Paris le 23 août 1510, laissant une fortune considérable qu'il partagea entre les collèges de Sorbonne et de Montaigu, on comptait dans cette ville plus de cinquante imprimeries; car l'on n'avait point encore songé à en limiter le nom-` bre. (2)

Les imprimeurs, en succédant aux copistes, se trouvèrent d'abord, comme l'avaient été ceux-ci, libres de reproduire tels manuscrits que bon leur semblait. Mais cette liberté n'existait pour les copistes que parce qu'elle était inaperçue; elle ne ressemblait en rien à la liberté telle que nous la comprenons aujourd'hui, et qui est due au sentiment réfléchi du droit de chacun à publier ce qu'il pense. Quand se manifesta

(1) On trouve ce nom écrit: Quering, Gering, Guernich, Guerincg, enfin Guérin.

(2) Voir ci-après le règlement de 1618, qui prépara une réduction dans le nombre des imprimeurs de Paris, et celui de 1686 qui réduit à trente-six les imprimeries de cette ville. Le décret du 5 février 1810 réduisit à soixante les imprimeries de Paris, dont le nombre, illimité depuis la révolution, s'élevait alors à environ quatre cents: ce nombre a été porté à quatre-vingts, le 11 février 1811. Quant à la fixation du nombre des imprimeries dans les autres villes de France, on peut consulter des documens fort complets recueillis pa M. Peigno, dans son Essai historique sur la liberté d'écrire, p. 116 à 144.

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