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vure, ou de toute autre production de l'esprit ou de génie qui appartienne aux beaux-arts, en auront la propriété exclusive pendant dix années.

S V.

Décret du 1er septembre 1793, qui rapporte la loi du 30 août 1792, relative aux ouvrages dramatiques.

Ce décret fut adopté sans discussion après le rapport suivant, fait par M. Lakanal au nom du comité d'instruction publique.

« Les comédiens envahissent impunément la propriété des auteurs dramatiques; ceux-ci réclament contre l'usurpation de leurs droits: tel est le débat que vous devez terminer.

« Dans ces jours où l'Assemblée constituante n'avait pas encore flétri sa vieillesse, elle proclama le principe des propriétés dramatiques; elle reconnut solennellement qu'un ouvrage ne peut être représenté sur la scène sans le consentement formel de l'auteur, et que nul ne peut s'établir son légataire privatif, sans l'aveu de ses héritiers ou cessionnaires.

« Que cet abus se fût introduit et qu'il eût prévalu faute de moyens de résistance, que les entrepreneurs de spectacles eussent regardé leur usurpation comme un titre, par cela seul qu'elle n'avait jamais été troublée, on le conçoit aisément; mais croira-t-on qu'ils aient poussé la déraison jusqu'à soutenir en principe que l'acquisition d'un exemplaire d'une pièce théâtrale transmet, à celui qui l'achète, le droit d'en donner des représentations utiles pour lui seul, contre le gré de l'auteur, et sans l'associer au bénéfice? (1)

(1) Cette interprétation avait prévalu dans la jurisprudence anglaise, et a été le droit de l'Angleterre jusqu'à l'acte du 10 juin 1833, qui en a enfin fait justice. Voy. p. 239 et suivantes.

<< Si, lorsque l'ouvrage sort des presses de l'imprimeur, le comédien pouvait se l'approprier, réciproquement l'imprimeur pourrait s'en saisir lorsqu'il sort de la bouche de l'acteur, et le mettre aussitôt en vente; ce qui répugne également aux usages, à vos décrets, et surtout aux principes.

<< Au mois d'août de l'année dernière, dans ces jours d'orage où l'Assemblée législative ne pouvait pas donner une attention sérieuse à une question de ce genre, elle rapporta les sages dispositions de la loi que Mirabeau et Chapelier avaient provoquée dans un temps où ils stipulaient encore pour le peuple et la liberté.

« Le décret du corps législatif n'avait point été préparé dans les comités, et le rapporteur Romme, éclairé lui-même par un examen ultérieur, a reconnu l'imperfection de cette loi, avec la bonne foi qu'on trouve chez ceux qui joignent les lumières à la droiture.

<«< Eh! pourquoi, par une inégalité inadmissible, le bénéfice qui dérive originairement de la même source, et qui se partage entre des canaux différens, appartiendrait-il exclusivement à l'acteur, tandis que l'imprimeur se soumet à un juste partage?

« C'est avec toute la confiance qu'inspire votre justice et la légitimité de la cause que je défends, que je vous propose, au nom de votre comité d'instruction publique, le projet de décret suivant. >>

Les mêmes idées sont exprimées, avec un peu plus de développemens, et quelquefois dans les mêmes termes, au nom du même comité d'instruction publique, dans un rapport imprimé de Baudin des Ardennes, suivi du même projet de décret. Une pétition présentée à la Convention, au nom des grands spectacles de Marseille et de Lyon, et signée Flachat et Montainville, déclare que le projet de rapport et de décret est déjà imprimé à l'avance : « On y verra en tête, dit la pétition, ce « titre étrange : imprimé par ordre de la convention, tandis « que bien sûrement la Convention n'a pas donné ordre d'im

<< primer un travail dont elle n'a jamais désigné, ni connu « l'objet. » C'était probablement du rapport de Baudin qu'il s'agissait; et c'est sur ce rapport que M. Lakanal aura rédigé le sien.

LA CONVENTION NATIONALE voulant assurer aux auteurs dramatiques la propriété de leurs ouvrages, leur garantir les moyens d'en disposer avec une égale liberté par la voie de l'impression et par celle de la représentation, et faire cesser à cet égard entre les théâtres de Paris et ceux des départemens, une différence aussi abusive que contraire aux principes de l'égalité, décrète ce qui suit :

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ART. 1er.

La Convention nationale rapporte la loi du 30 août 1792, relative aux ouvrages dramatiques.

ART. 2.

Les lois des 13 janvier et 19 juillet 1791 et 1793, leur sont appliquées dans toutes leurs dispositions.

ART. 3.

La police des spectacles continuera d'appartenir exclusivement aux municipalités. Les entrepreneurs ou associés seront tenus d'avoir un registre dans lequel ils inscriront et feront viser par l'officier de police de service, à chaque représentation, les pièces qui seront jouées, pour constater le nombre des représentations de cha

cune.

S VI.

Loi du 25 prairial an 11 (13 juin 1795) interprétative de celle du 19 juillet 1793 qui assure aux auteurs et artistes la propriété de leurs ouvrages.

LA CONVENTION NATIONALE après avoir entendu le rapport de ses comités de législation et d'instruction publique, sur plusieurs de

mandes en explication de l'art. 3 de la loi du 19 juillet 1793, dont l'objet est d'assurer aux auteurs et artistes la propriété de leurs ouvrages par des mesures répressives contre les contrefacteurs, décrète ce qui suit :

ART. 1er.

Les fonctions attribuées aux officiers de paix par l'art. 3 de la loi du 19 juillet 1793, seront à l'avenir exercées par les commissaires de police, et par les juges de paix dans les lieux où il n'y a pas de commissaires de police.

ART. 2.

Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance.

S VII.

Loi du 10 fructidor an rv (27 août 1796) concernant l'impression des ouvrages adoptés comme livres élémen taires.

Cette loi, toute spéciale, ne statue que sur un cas particulier. Elle interprète en faveur des auteurs et de leurs ayantcause la question de savoir si le bénéfice de la loi du 19 juillet 1793 devait leur être conservé, alors qu'il s'agissait d'ouvrages récompensés dans un concours public.

Les faits qui ont donné occasion à cette loi offrent assez d'intérêt pour ne pas être passés sous silence.

La Convention nationale avait ouvert le 9 pluviose an II (28 janvier 1794) un concours pour la composition de livres élémentaires. Un décret du 18 messidor an 11 (6 juillet 1794) avait nommé membres du jury chargé d'examiner et de juger ces livres, et de proposer les récompenses à accorder aux ouvrages qui auront été jugés utiles à la république : Lagrange, Daubenton, Lebrun, Monge, Richard, Garat, Thouin,

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Prony, Seryeis, Hallé, Corvisart, Desorgues, Vandermonde et Buache. Ce concours, fermé par décret du 7 fructidor an III (24 août 1795) qui en ouvrit un nouveau, fut suivi d'un jugement du jury.

Ce jugement approuve 43 ouvrages qu'il divise en 9 classes: 1° Instructions sur l'éducation physique et morale des enfans, depuis la grossesse jusqu'à leur entrée dans les écoles primaires; 2o Instructions pour les instituteurs nationaux sur l'éducation physique et morale des enfans dans les écoles nationales; 3o Méthodes pour apprendre à lire et à écrire; 4o Elémens de grammaire française; 5° Instructions sur les règles d'arithmétique et de géométrie pratique, et sur les nouvelles mesures et leurs rapports avec les anciennes; 6o Elémens de géographie; 7o Instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature; 8° Elémens de morale républicaine: 9° Élémens d'agriculture; 10° Mélanges. Sur ces 43 ouvrages, 6 obtenaient une récompense de 3000 livres et l'impression aux frais de la république ; 11, une récompense de 2,500 livres et l'impression pour l'un d'eux; 5 avaient 2000 livres; 4 avaient 1500 livres; 1 obtenait l'impression seulement; 16 n'étaient que mentionnés. Les signataires du jugement du jury sont : Selis, Corvisart, Hallé, Pasumot, Fontanes, Pougens, Lagrange, Lalande, Buache, Dubois, Carbon-Flins, Desorgues, Saint-Ange, Desfontaines, Lebrun, Tessier, Seryeis.

Le 28 pluviose an IV, le conseil des Cinq-cents, sur le rapport de M. Lakanal, considérant que, dans la plupart des écoles nationales, l'instruction est nulle ou vicieuse faute de bons livres élémentaires; considérant que ces livres sont depuis long-temps l'objet des voeux et de l'attente de la nation, adopte les conclusions du jury; ordonne que les livres imprimés aux frais de la république seront distribués aux membres des deux conseils et envoyés aux administrations départementales, et alloue à chaque membre du jury d'examen une indemnité de dix mille livres. Il faut noter que cette

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