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pour ce faire, aucun livre nouvellement imprimé par deçà, soit en langue latine, grecque, hébraïque, arabique, chaldée, italienne, espagnole, française, allemande ou autre, soit de ancien ou de moderne auteur, de nouveau imprimé en quelque caractère que ce soit, illustré de annotations, corrections ou autres choses profitables à voir, en grand ou petit volume, que premièrement ils n'aient baillé un desdits livres volumes ou cahiers, de quelque science ou profession qu'il soit, ès-mains de notre amé et féal conseiller et aumônier ordinaire l'abbé de Reclus Mellin de Saint-Gelais ayant la charge et garde de notredite librairie étant en notre château de Blois, ou autre personnage qui par ci-après pourra avoir en son lieu ladite charge et garde, ou de son commis et député qu'il aura pour cet effet en chacune des bonnes villes et universités de notredit royaume, dont et de la délivrance duquel livre ledit libraire ou imprimeur sera tenu prendre certification dudit garde ou de son commis, pour justifier, quand au besoin sera; le tout sur peine de confiscation de tous et chacun des livres et d'amende arbitraire à nous à appliquer. Semblablement voulons, ordonnons et nous plaît que nul desdits libraires ou imprimeurs de notredit royaume ou d'ailleurs puissent par ci-devant vendre aucuns livres imprimés hors notredit royaume de quelque qualité, quantité ou discipline qu'il soit, que premièrement il n'en baille la communication à icelui garde de notredite librairie ou à son commis, pour, si besoin est, en faire son rapport à notre conseil et aux gens de la justice de dessus les lieux, pour savoir si sera tolérable d'être vu afin d'obvier aux méchantes erreurs qui se sont par ci-devant imprimées en pays étrangers et apportées de par-deçà; et si lesdits livres sont trouvés dignes d'être mis en notredite libraire et publiés par notredit royaume, lesdits vendeurs d'iceux seront tenus de prendre certification de notre garde ou de son commis, et si bon lui semble en achetera pour nous au prix des autres. Si donnons en mandement à notre prévôt de Paris, sénéchaux de Lyon, Toulouse, Guienne, Poitou, etc. »> (1)

(1) L'arrêt du conseil du 16 avril 1785, en ordonnant le dépôt de neuf exemplaires, cite une longue série d'édits, d'ordonnances et d'arrêts rendus à ce sujet, mais ne remonte que jusqu'à la déclaration d'août 1617. De là,

L'ordonnance qui suit a été rendue en exécution de la précédente. Elle prouve qu'il existait antérieurement des défenses générales d'imprimer aucun livre nouveau sans permission; elle indique les vues de surveillance et de police dans lesquelles l'obligation du dépôt a été créée par l'ordonnance précédente, dont le langage ne semblait annoncer que des intentions de conservation littéraire.

« FRANÇOIS, etc., Comme, par tous les moyens que possible a été, nous avons obvié et empêché que les erreurs et infidèles interprétations déviant de notre sainte foi et religion chrétienne ne aient été reçues en notre royaume, ayons, entres autres choses, outre les exemplaires punitions que avons fait faire, interdit et défendu à tous imprimeurs, libraires et autres quelconques, de imprimer, vendre, acheter, avoir et tenir livres et œuvres quelconques, sans que premier aient été vues et qu'ils aient permission de nous ou de justice de les imprimer, exposer en vente, les avoir et tenir, soit en public ou en privé, et, pour mieux faire entretenir nosdites ordonnances, inhibitions et défenses, ayons naguère ordonné et défendu à tous imprimeurs et libraires de notre royaume et obéissance de exposer en vente, en public ne secret, en aucune manière, livres nouvellement imprimés, que premièrement baillé n'aient un desdits livres ès-mains de notre amé et féal conseiller et aumônier ordi

une notice, insérée dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions et belleslettres (tome XXIII, p. 271 à 277), attribue la première pensée du dépôt aux arrêts et ordonnances imaginaires publiés dans l'ouvrage intitulé : Dicæarchiæ Henrici regis christianissimi progymnasmata, et auxquels l'auteur Raoul Spifame, mort en 1563, donne la date de 1556. Le texte de l'ordonnance de 1537 démontre l'erreur de cette supposition, répétée par plusieurs auteurs, et notamment dans la Bibliothèque de droit de Camus continuée par M. Dupin (5e édition, no 1030). D'un autre côté, plusieurs ouvrages citent à tort, comme réellement rendue en 1556, l'ordonnance imaginaire de Spifame, portant que, pour l'accroissement des bonnes lettres, ceux qui auront obtenu un privilège pour l'impression d'un livre, ne le pourront mettre en vente qu'après en avoir présenté au roi un exemplaire en parchemin vélin, relié et couvert, comme il appartient lui être présenté, pour être mis en sa bibliothèque et librairie.

naire, Mellin de Saint-Gelais, abbé du Reclus, pour être mis en notre librairie, étant en notre chastel de Blois ; ayons aussi défendu à tous libraires, imprimeurs et autres de exposer en vente aucuns livres imprimés hors notre royaume, sans premièrement bailler audit de Saint-Gelais ou son commis un volume desdits livres pour savoir et entendre si ils sont dignes d'être mis en notredite librairie, ainsi que à plein contenu est ès-lettres qui sur ce en ont été expédiées le huitième jour de décembre dernier passé, et combien que par icelles soit seulement ordonné de bailler audit de Saint-Gelais les cahiers el volumes desdits livres avant que les mettre en évidence et exposer en vente, et non à lui commise l'approbation ou rejet d'iceux, et que notredite ordonnance et défense d'imprimer sans permission et congé demeure en son entier et ne soit aucunement immuée par nosdites lettres dudit 8 de décembre dernier passé; ce néanmoins, pour ôter la difficulté que aucuns ont fait ou pourraient faire ci-après, ainsi que avons été avertis, avons bien voulu sur ce déclarer notre vouloir et intention. Savoir faisons que nous, qui voulons faire entretenir nosdites ordonnances et défenses de imprimer et que à l'exécu– tion d'icelles soit procédé sans aucun doute ou difficulté, avons dit et déclaré, disons et déclarons par ces présentes, que, par nosdites lettres du 8 de décembre dernier passé, n'a été aucunement préju– dicié à nosdites défenses; ains avons toujours entendu, voulons et nous plaît que aucuns livres nouveaux ne soient imprimés sans permission de nous ou de justice, et où il se trouvera aucune difficulté ou soupçon tant sur ceux qui sont jà imprimés que ceux que on voudrait imprimer ci-après, l'approbation ou réprobation s'en fera, ainsi qu'il a été fait par ci-devant, de l'avis et délibération d'iceux qui en peuvent avoir connaissance et intelligence, ainsi que contenu est en nosdites ordonnances et défenses; si donnons en mandement, etc. Donné à Varennes le 17 jour de mars 1537, lu et publié au Châtelet le 20 mars 1537. »

Une ordonnance du 17 janvier 1538 (1) nomme Conrad Néobar imprimeur du roi pour le grec, aux conditions sui

(1) Le texte de cette ordonnance est en langue latine. Bibliothèque Mazarine, no 16029. Voir le Catalogue de la bibliothèque d'un amateur, par A. A. Renouard, tome I, p. 45, et les Études sur la typographie, p. 88 et suiv.

vantes: 1o défenses lui sont faites de rien imprimer ni publier sans approbation préalable des professeurs de belle -lettres pour les ouvrages profanes, et des professeurs de théologie pour les ouvrages concernant la religion; 2o un exemplaire sera donné à la bibliothèque du roi, afin que, si quelque calamité publique vient à affliger les lettres, la postérité puisse trouver là une ressource qui permette de réparer en partie une perte des livres ; 3° tous les livres que Néobar imprimera porteront en épigraphe qu'il est imprimeur du roi et que son imprimerie grecque a été fondée avec la protection royale, « afin « que non-seulement ce siècle, mais aussi la postérité, com<< prenne avec quel zèle et quelle bienveillance nous avons traité «< la litttérature, et que la postérité, avertie par notre exemple, « croie devoir faire de même pour constituer et encourager « les études. » De plus, afin que Conrad Néobar puisse se livrer à ses travaux, sans compromettre sa fortune, le roi lui donne 100 écus d'or au soleil de gages annuels, l'exemption d'impôts et la jouissance des autres privilèges précédemment accordés à l'université. En outre défenses sont faites aux autres imprimeurs et libraires du royaume d'imprimer ou de vendre les ouvrages publiés par Néobar, et ce durant cinq ans pour ceux qu'il aura publiés le premier, et pendant deux ans pour ceux qu'il aura réimprimés plus correctement, soit d'après d'anciens manuscrits, soit d'après le travail des

savans.

La fureur des guerres civiles et des dissensions religieuses donna aux lois sur l'imprimerie et la librairie un degré de violence qui n'arrêtait pas les débordemens de la licence la plus déréglée. Lorsque les édits de Henri II, donnés à Fontainebleau le 11 décembre 1547 et à Châteaubriand le 27 juin 1551, prononcèrent contre les imprimeurs et libraires qui imprimeraient, publieraient ou vendraient des livres concernant la Sainte-Écriture, sans que premièrement ils eussent été vus, visités et examinés par la faculté de théologie de Paris, la confiscation de corps et de biens, déjà les cruautés

de la jurisprudence avaient précédé celle de la législation. Pour prendre deux exemples, la table des archives de la chambre syndicale de la librairie contient, à la date de 1545, la note suivante : « Le parlement s'applique à détruire les mau<<< vais livres : il use de sévérité contre le nommé Etienne Pol<< liot, qui fut condamné à porter une charge de livres qu'il « avait fait venir, et qui furent consumés avec lui dans un «< même bûcher. » Le 3 août 1546, le libraire Etienne Dolet, auteur d'un grand nombre d'ouvrages latins et français, en prose et en vers, fut brûlé, place Maubert, pour son obstination en l'hérésie de Calvin (1). Dolet, sur le bûcher, prononça, dit-on, le vers suivant :

Non dolet ipse Dolet, sed pia turba dolet.

A quoi l'on ajoute qu'il fut sur-le-champ riposté par le lieutenant criminel :

Non pia turba dolet, sed dolet ipse Dolet.

Les ordonnances du 24 juillet 1557 et de mai 1560 punissaient de mort et comme criminels de lèse-majesté les auteurs, imprimeurs, vendeurs, distributeurs de livres réprouvés et de libelles. La déclaration du 17 janvier 1561 comdamne à la peine du fouet pour la première fois, et pour la seconde à celle de la vie, tous imprimeurs, semeurs et vendeurs de placards et libelles diffamatoires. Des lettres-patentes du 10 septembre 1563 défendent d'imprimer aucun livre sans permission du roi, sous peine d'être pendu et étranglé. L'ordonnance de Moulins, de

(1) Calvin ne plaçait pas Dolet au nombre des siens, car voici comment il en parle : Agrippam, Villanopanum, Doletum et similes vulgo notum est tanquam Cyclopas quospiam Evangelium semper fastuose sprevisse. Tandem eo prolapsi sunt amentiæ et furoris ut non modo in filium Dei execrabiles blasphemias evomerent, sed, quantum ad animæ vitam attinet, nihil a canibus et porcis putarent se differre. Tract. de Scandalis.

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