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tribunal de 1o instance, sur le motif qu'il ne justifie pas que ces jugemens lui préjudicient.

ARRÊT du 27 Mai 1822. Question: L'appelant est-il recevable à attaquer, par la voie de la révision, les jugemens rendus par le tribunal civil les 7 Août et 26 Septembre 1821, au profit des intimées contre Vuaillat-Beffort?

Attendu en fait, qu'on ne conteste plus à l'appelant la qualité de créancier de Vuaillat-Beffort, à lui attribuée par le jugement du Juge de Paix de Carouge, du 13 Brumaire an V, en vertu duquel le dit appelant a pris des inscriptions hypothécaires sur les immeubles dont s'agit au procès; que les jugemens des 7 Août et 26 Septembre 1821 ayant été rendus sur défaut, la légitimité et la nature de la créance des intimées contre Vuaillat-Beffort, n'a été soumise à aucune contestation juridique; que ces mêmes jugemens, sans prononcer, en faveur des intimées, aucun privilége sur les immeubles dont s'agit, posent néanmoins en fait que la créance adjugée aux intimées a pour cause le prix d'une certaine étendue de terrain, vendu par Bertrand à Vuaillat-Beffort, qui y a élevé des constructions; qu'il n'est pas contesté que Vuaillat-Beffort se soit absenté de Carouge et du Canton depuis un grand nombre d'années, sans que son existence actuelle, ou celle d'aucuns biens autres que les immeubles peu importans dont s'agit, et sur lesquels ses créanciers puissent faire valoir leurs droits, soient connus ou indiqués par aucune des parties; en droit, que l'art. 286 L. Proc. admet les créanciers à attaquer, par voie de révision, les jugemens qui seraient rendus contre leurs débiteurs, s'il y a eu atteinte à leurs droits; que toutes les fois qu'il s'agirait d'un débiteur insolvable, l'admission de créances non dues porterait atteinte aux droits des créanciers légitimes, et que dès lors on ne pourrait dire qu'en pareil cas les jugemens n'ont d'effet qu'entre les parties litigantes; que, dans l'espèce, la cause de la créance des intimées, telle qu'elle est posée en fait dans les dits jugemens, établit la base du privilége accordé par l'art. 2103, no 1 C. Civ., et que dès lors ces jugemens portent atteinte aux droits du créancier inscrit sur les immeubles dont s'agit au procès;

La Cour réforme.... déboute les intimées des fins de non-recevoir par elles opposées à la demande formée par l'appelant en révision des jugemens des 7 Août et 26 Septembre 1821, rendus entre les intimées et Vuaillat-Beffort; admet l'appelant en sa dite demande en révision, renvoie les parties par-devant le tribunal civil, pour procéder au fond sur cette demande.

(Plaid. MM. Cougnard et Lafontaine, Avoc.

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Concl. conf. M. Martin, Subst.)

[N° 95.] TIERS non quï.—Opposition a Paiement.-Révision partielle.— JUGEMENT AU fond.

1. Quand un jugement a ordonné le paiement d'une somme en mains du créancier saisissant, le tiers non ouï, créancier de celui contre qui le jugement a été rendu, qui justifie avoir des droits sur cette somme, peut demander la révision. (L. Proc. 286.)

2. Dans ce cas, la révision n'est admise que pour la partie du jugement qui préjudicie au tiers non ouï (Art. 298.)

3. Quand la cause a été plaidée au fond, c'est le cas de la juger en même temps qu'on statue sur la révision. (Art. 299.)

Trappier et Roux contre Berthoud, Béranger, Genève, Reydet et Pernat. ARRÊT du 9 Décembre 1822, qui confirme, en en adoptant les motifs, un jugement du 5 Juillet 1822, dont la teneur suit :

que

Considérant en fait, que Berthoud est créancier de Genève, Reydet et Pernat, et encore de Jumel leur autre associé, et qu'il a des droits re→ connus, quoique non liquides, à exercer tant contre eux que sur les ou tils, machines et instrumens qui avaient servi à une fabrique établie à Cluses pour filature de coton, et c'est soit à raison de la société qui a existé entre lui, Pernat et Jumel, suivant acte du 25 Mai 1812, soit pour les loyers dus au dit Berthoud des bâtimens à lui appartenant, qui avaient servi à la susdite fabrique, pour lesquels droits ont eu lieu en 1817 divers actes de procédure connus judiciairement de Trappier, et pour lesquels il y a actuellement une instance pendante à Chambéry devant le Juge du Consulat de Savoie; que par acte sous seing-privé fait à Cluses le 27 Février 1821, Genève, Reydet et Pernat, du consentement de Berthoud, intervenant au dit acte qui a été signé par lui, ont vendu à Duparquet et à Béranger les métiers, outils et autres instrumens y désignés, pour le prix de 6,000 fr. payables fin de Décembre; qu'il y est dit « que les vendeurs et intervenans protestent de ne porter aucune atteinte par le présent à leurs droits respectifs entre eux sur les objets vendus, et de ne rien changer à leurs conditions mutuelles et particulières, et que si, en fin de Décembre prochain, les vendeurs n'ont encore réglé leurs droits, le prix de la présente vente sera versé en mains tierces à leur profit, jusqu'à la solution de leurs prétentions, pour être ensuite retiré dans la proportion des parts prenantes.. Trappier et Roux, créanciers de Jumel, Pernat, Reydet et Genève, ont, par deux exploits signifiés le même jour 24 Mai 1821, saisi en mains de Béranger tout ce que ce dernier pouvait devoir, à quelque titre que ce soit, à leurs débiteurs susnommés; que par jugement du 7 Août dernier, rendu par défaut contre les débiteurs saisis, ce tribunal a déclaré valables les dites saisies, et ordonné à Béranger de se vider les mains en celles de Trappier et Roux, de la somme de 6,000 fr. qu'il avait déclaré devoir pour achats d'outils, à Pernat, Reydet et Genève, avec qui seuls il a dit avoir traité, et c'est jusqu'à concurrence des diverses sommes dues en capital, intérêts et frais, à Trappier et Roux, suivant la liquidation faite dans le dit jugement;.. de tous ces faits il résulte la que preuve que le jugement du 7 Août 1821, attaqué par voie de révision, a été rendu contre les débiteurs de Berthoud, et qu'il porte évidemment atteinte aux droits de ce dernier, puisqu'il avait pour résultat de faire payer immédiatement et sans aucune condition, aux créanciers de Pernat, Reydet et Genève seuls, la totalité de la somme de 6,000 fr. due par Béranger, laquelle, suivant la convention du 27 Février, ne pouvait être touchée qu'avec le consentement de Berthoud, et dans laquelle il devait recevoir la part qui serait jugée devoir lui revenir, par suite de ses réclamations contre ses anciens associés; en droit, que d'après l'art. 286 L. Proc., les créanciers peuvent attaquer, par voie de révision, les jugemens contre lesquels ils avaient autrefois la voie de tierceopposition, c'est-à-dire ceux rendus contre leurs débiteurs, qui porteraient atteinte à leurs droits; que la demande en révision du jugement du 7 Août 1821, a été formée dans les délais voulus, et qu'en conséquence elle doit être admise;

...

Considérant que les moyens de révision qui viennent d'être admis, ne portent point sur la partie du jugement du 7 Août, qui a déclaré valables les saisies faites au préjudice de Pernat, Reydet et Genève, jusqu'à concurrence de ce qu'ils devaient à Trappier et Roux, mais seulement

sur la disposition du dit jugement, qui attribue à ces derniers la totalité de la somme de 6,000 fr. déclarée par Béranger, tiers-saisi; qu'ainsi, d'après l'art. 298 L. Proc., le jugement ne doit être rétracté que dans la partie sus relatée;

Considérant que, dans l'espèce, c'est le cas, conformément à l'alternative qu'en laisse aux Juges l'art. 299 L. Proc., de statuer de suite, et immédiatement après l'admission de la demande en révision, sur le fond même de la contestation, puisqu'il a fait l'objet des conclusions et plaidoiries, et qu'il est en état de recevoir une décision définitive; qu'il résulte des motifs donnés ci-dessus, que ce qui concerne l'emploi des 6,000 fr. dus par Béranger, doit être réglé conformément, soit à la convention du 27 Février 1821, quant aux droits respectifs de Berthoud d'une part, et ceux de Pernat, Reydet et Genève d'autre part, soit à la partie du jugement du 7 Août dernier, qui ne sera pas rétractée, quant aux versemens à faire entre les mains de Trappier et Roux, de la portion de la dite somme, qui sera définitivement attribuée à Pernat, Reydet et Genève;....

Le tribunal admet la demande en révision formée par Berthoud contre le jugement du 7 Août 1821, rétracte le dit jugement en ce qu'il attribue à Trappier et Roux le paiement total de la somme de 6,000 fr. déclarée par Béranger; ordonne que la dite somme, déposée par Béranger dans la Caisse des Consignations, y restera en dépôt pour être, suivant la convention du 27 Février 1821, distribuée proportionnellement à Berthoud, d'une part, et à Trappier et Roux, pour la part qui reviendra à Pernat, Reydet et Genève, après liquidation faite des droits de ceux-ci et de Berthoud, etc.

(Plaid. MM. Des Arts, Lafontaine, Forget, Avocats.
Subst.)

Concl. conf. M. Duval,

EXPOSÉ DES motifs du TITRE XXII.

Dans les titres précédens, nous avons tracé aux parties la marche qu'elles avaient à suivre pour introduire et instruire leur cause en justice. Nous avons tracé aux tribunaux celle qu'ils devaient observer pour rendre le jugement, soit que la cause se présentât immédiatement à eux en état d'être jugée, soit que, pour l'être, elle exigeât l'une des procédures probatoires dont nous avons décrit les règles.

Nous n'aurions plus qu'à passer aux divers modes d'exécution, si les jugemens reposaient toujours sur la vérité et la justice, si l'infaillibilité pouvait être un attribut du Juge.

Nous avions donc à ouvrir des voies de recours aux parties victimes d'une première décision.

Ce nouvel accès aux tribunaux, indispensable pour réparer les suites de l'erreur et de l'injustice, ne sera pas moins efficace pour les prévenir.

La crainte de cette censure, de cette épreuve d'une seconde discussion publique, rendra le juge plus circonspect; elle le préservera de la légèreté et de la précipitation; et si sa probité pouvait, je ne dis pas fléchir. sous la séduction, cette supposition serait trop étrangère à nos mœurs, mais céder à un secret mouvement de faveur, il serait retenu par l'idée seule, qu'un tel oubli de ses devoirs n'assurerait à l'objet de sa partialité qu'un succès éphémère.

Ce recours, que nous accordons à la partie lésée, le porterons-nous au tribunal même qui a rendu la première décision? le porterons-nous à un tribunal supérieur?

L'erreur commise dans le jugement provient-elle de l'absence des pièces décisives, de la fausseté des documens produits, de la mauvaise foi des parties, toutes circonstances étrangères au Juge? est-elle, au plus, l'effet d'une simple distraction de sa part, telle que l'omission d'un chef de demande; ne compromet-elle ni la dignité de son ministère, ni l'opinion de son intégrité? on peut, sans inconvénient,. et même avec quelque avantage, lui confier le soin de la rectifier. Instruit déjà de l'affaire, il pourra, mieux et plus promptement que tout autre, apprécier le mérite du recours. Où est le motif d'amourpropre qui le ferait persévérer dans une erreur manifeste, dont la cause n'aura rien d'offensant pour son caractère?

Mais le recours repose-t-il sur une erreur ou sur une injustice, provenant de l'ignorance du Juge, de sa partialité, ou même de l'obscurité de la loi? Un tribunal supérieur peut seul offrir une sauvegarde assurée.

Le Titre xxII embrasse les cas où la rectification du jugement appartiendra au Juge même qui l'a rendu ; et le Titre XXIII, ceux où le recours sera porté au Juge supérieur.

Nous avons destiné les mots d'interprétation et de révision aux voies de recours devant le même tribunal. et conservé celui d'appel pour le recours à un tribunal supérieur, à la Cour de justice civile.

La voie de l'interprétation aura lieu lorsque le dispositif d'un jugement contiendra un vice de rédaction, ou que les termes dans lesquels il sera conçu, offriront quelque équivoque ou quelque double sens. (Art. 280.)

En admettant la demande en interprétation, le tribunal donnera les éclaircissemens propres à lever l'ambiguité ou l'obscurité, sans changer le fond du jugement. (Art. 297.)

Cette voie était autorisée par l'Ordonnance de Blois, de 1579, et par celle de Lorraine, de 1707. Elle est usitée dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel. Le Code de Procédure présente ici une lacune.

Ce recours nous offre deux avantages: l'un, d'éviter que les parties, se méprenant sur le véritable sens du jugement, ne se fourvoient dans l'exécution; l'autre, de prévenir ces appels qui prenaient leur source dans l'obscurité seule du jugement.

La révision qu'introduit la loi nouvelle, a plusieurs traits d'analogie, soit avec l'impétration de nouveau droit de nos anciens Edits (1), soit avec la requéte civile de l'Ordonnance de 1667 et du Code de Procédure (2). Elle diffère toutefois de l'une et de l'autre, sous un rapport essentiel.

L'impétration de nouveau droit se portait à un tribunal supérieur, et la révision se portera au même tribunal.

La requête civile est une voie extraordinaire, restreinte aux jugemens en dernier ressort, et la révision sera ouverte aux jugemens mêmes en premier ressort.

Les causes de révision, que nous admettons, sont assez variées.

(1) Edit civil, Tit. VIII.

Ord. de 1667, Titre XXXV; Code de Proc. I Partie, Livre IV, Titre II.

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