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mède insuffisant à cette lacune de la loi, soit parce que la fraude est toujours difficile à établir, soit parce qu'elle doit être justifiée, non-seulement du côté du débiteur, mais aussi du côté de la partie avec laquelle il a contracté. Les tribunaux, dans l'absence d'autre sanction légale, avaient cherché à réprimer les abus commis au moyen des baux, en assimilant, par analogie, le paiement par anticipation à une aliénation, et un bail d'une longue durée à un usufruit. Mais le recours à ces moyens prouvait à lui seul l'insuffisance de la loi sur ce point.

Nous avons cherché, dans les articles 625 et 626, des remèdes plus efficaces contre les abus auxquels le silence de la législation avait donné lieu. Pour que l'adjudicataire soit tenu de respecter les baux existans, nous exigeons que les baux par écrit, d'une durée excédant celle du bail verbal, soient rendus publics par la voie de l'inscription, ou par celle d'une opposition faite au greffe. L'enregistrement ne suffirait pas pour atteindre ce but; il donne bien la date certaine, mais non la publicité. Or, la publicité est ici nécessaire dans l'intérêt de l'adjudicataire, puisque le bail est une charge réelle dont l'existence et les conditions peuvent avoir une influence sur le prix qu'il offrira de l'immeuble; dans celui des créanciers, pour qu'ils puissent, avant l'adjudication, faire prononcer la nullité des baux s'ils contiennent des dispositions qui leur soient préjudiciables, et qui soient de nature à déprécier leur gage.

Le paiement des loyers et fermages par anticipation est rarement exempt de fraude quand il a lieu vis-à-vis d'un débiteur obéré, et dont l'expropriation est prochaine. Si ce paiement est légitime à l'égard d'un propriétaire aisé, qui, à raison d'une absence ou de quelque spéculation, y recourt plutôt qu'à un emprunt, il est suspect dans les circonstances ordinaires. Tout locataire ou fermier à qui ce mode insolite de paiement est proposé, doit se défier de la position et des intentions du bailleur. Il est mis sur ses gardes; il doit prendre des informations. Et si, par imprudence, par l'appât d'un

loyer à vil prix, il se soumet à ce paiement anticipé, il doit en courir les risques. L'art. 626 déclare que les paiemens de loyers ou fermages effectués par anticipation, ne pourront être opposés à l'adjudicataire, si non pour le terme courant, d'après la loi ou l'usage.

III. Dans l'art. 627 le législateur passe à la purgation des priviléges et hypothèques, et la fait partir de la consignation du prix, c'est-à-dire du moment où l'adjudicataire a satisfait à sa principale obligation, le paiement. Cette consignation une fois opérée, les immeubles adjugés demeurent affranchis de tout privilége et hypothèque du chef du saisi et de ses auteurs. Le droit d'hypothèque, les priviléges résultant pour les créanciers de leurs inscriptions, se convertissent en un droit sur le prix consigné; ce n'est plus que sur ce prix qu'ils peuvent être exercés, d'après le rang que leur assurent la nature des créances, ou la date de leur inscription. Ainsi l'adjudicataire n'est point obligé de recourir aux formalités tracées par les Chapitres VIII et Ix du Titre des hypothèques au Code Civil, pour purger les immeubles vendus des hypothèques inscrites ou de celles existantes indépendamment de l'inscription.

IV. D'après l'art. 2108 du Code Civil, le Conservateur des hypothèques doit, en transcrivant les actes de vente, prendre une inscription d'office au profit du vendeur, si l'acte constate que le prix lui est encore dû. Cette disposition est applicable à la vente forcée comme à la vente volontaire. De plus, d'après la loi du 28 Juin 1820, le Greffier du tribunal civil doit produire à la transcription l'ordonnance d'adjudication dans la quinzaine de sa date. Si, lors de la transcription, le prix, pour la consignation duquel l'adjudicataire a les délais de deux et quatre semaines, n'est pas encore consigné, le Conservateur des hypothèques devra prendre une inscription d'office pour ce prix ou pour la partie non consignée.

L'art. 628 introduit, pour opérer la radiation de cette inscription, un mode aussi simple qu'expéditif; il n'exige ni acte authentique, ni jugement ou ordonnance de ra

diation, mais la seule production du certificat de la Caisse des consignations, qui constate que postérieurement à la transcription et à l'inscription d'office, l'adjudicataire a versé le prix entier dans la Caisse des consignations.

SECTION XVIII.

DE L'OBLIGATION JUDICIAIRE EN FAVEUR DU PRÊTEUR DU PRIX.

L'art. 601 statue que dans le cas où les deniers consignés n'appartiendraient pas à l'adjudicataire, le récépissé de la Caisse des consignations doit désigner les prêteurs qui les lui auront fournis ; et l'art. 603 porte que l'adjudicataire est dispensé de consigner le montant de la créance que tout créancier, colloqué en degré utile, consent à laisser entre ses mains.

Dans les cas prévus par ces deux articles, il doit être délivré à ces prêteurs, par le Greffier du tribunal civil, une obligation judiciaire énonçant l'ordonnance d'adjudication, la somme prêtée, le taux de l'intérêt, et le terme du remboursement, tel que le tout sera réglé et convenu devant lui entre les prêteurs et l'adjudicataire (Art. 629). Cette obligation servira de titre exécutoire contre l'adjudicataire. Elle porte, sur les immeubles, le privilége de l'art. 2103, no 2 du Code Civil. Ce privilége est assuré par l'inscription d'office, prise pour sûreté du prix, au nom et profit de la partie saisie, soit de ses créanciers. Dès que la consignation a été opérée, les créanciers cessent d'avoir droit à l'inscription d'office; elle est substituée aux bailleurs des deniers. Aussi l'article 631 prescrit-il que sur la représentation et le dépôt d'une expédition de l'obligation judiciaire, l'inscription prise contre l'adjudicataire soit mise, par le Conservateur, sous le nom du prêteur des deniers consignés, jusqu'à concurrence de ceux qu'il aura prêtés; en totalité, si le prêt comprend la consignation entière; en partie, si le prêt ne comprend qu'une partie de la consignation, l'adjudicataire en ayant effectué le surplus de ses deniers. Dans ce dernier cas, l'inscription d'office sera radiée

par

tiellement, jusqu'à concurrence de la somme consignée directement des deniers de l'adjudicataire; elle sera réduite à la somme consignée des deniers du prêteur, et mise, ainsi réduite, sous son nom.

Nous avons emprunté l'usage de l'obligation judiciaire à nos anciens Edits civils.

[[Les comptes rendus des opérations des tribunaux de Genève pour les vingt ans 1817 à 1836, donnent le nombre des saisies immobilières: ceux de l'enregistrement, en indiquant le chiffre du droit proportionnel perçu sur les adjudications, permettent de calculer le montant des ventes. En combinant ensemble ces deux données, j'ai dressé le tableau suivant :

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Conséquences. 1° Sur le nombre total des saisies immobilières opérées, les deux cinquièmes à peu près sont suivies d'adjudication: dans les autres cas, les poursuites sont abandonnées à raison de paiement, d'attermciement, d'arrangement entre le créancier et le débiteur, etc.

2o La saisie immobilière est donc pour le créancier un moyen d'obtenir son paiement, plus sûr et plus efficace que les autres voies d'exécution forcée. En effet,

Sur 100 saisies de fruits, il n'y en a que 15 suivies d'adjudication.
Sur 100 saisies mobilières, il n'y en a que 20 suivies d'adjudication.
Sur 100 saisies immobilières, il y en a 39 suivies d'adjudication.

3° Il y a par an une saisie immobilière opérée sur 1280 habitans, et une suivie d'adjudication seulement sur 3600.

4° En comparant le nombre des saisies immobilières avec celui des propriétaires fonciers, qui est d'environ 9000 dans tout le Canton (1), on trouve qu'il y a par an une saisie immobilière, opérée sur 210 propriétaires, et une suivie d'adjudication seulement sur 600. C'est un propriétaire par an sur 600, dépossédé de sa propriété par voies judiciaires pour le paiement de ses dettes.

5° Malgré la petitesse du ressort de Genève, qui empêche de tirer du nombre variable des adjudications des conséquences bien concluantes, on peut cependant remarquer que les expropriations augmentent dans les époques de malaise et de gêne financière; ainsi, le nombre considérable des saisies immobilières des années 1831 à 1834, est un symptôme corrélatif à celui du grand nombre de causes portées devant les tribunaux pendant

(1) [ D'après un relevé fait en 1855 an bureau du Contrôle des contributions, il y avait, dans la ville de Genève, 1,200 imposés à la contribution foncière, daus les communcs rurales

8,000
9,200

Comme les individus propriétaires dans diverses localités figurent dans ce relevé autant de fois qu'il y a de communes dans lesquelles ils sont propriétaires, il faut déduire au moins 200: reste à 9,000 ]]

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