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(118) Page 363. De la Suisse.

Depuis l'avènement de Bonaparte au Consulat, la Suisse était restée telle que le Directoire l'avait constituée, le premier Consul voulut lui donner un nouveau gouvernement ; et vingt-quatre heures suffirent pour accomplir ses volontés. Le 8 du mois d'août 1800, la commission exécu tive signifia au corps-législatif, que l'heure était venue d'abdiquer le pouvoir; et lui présenta un projet de décret pour l'organisation d'une législature provisoire; les me. sures avaient été prises pour assurer l'exécution de cette démarche. La garnison était sous les armes, des patrouilles parcouraient la ville, deux forts détachemens d'infanterie et de cavalerie veillaient aux portes de la salle des délibérations; le conseil intimidé obéit. Un meunier de Zurich, seul, osa opposer quelque résistance, il fut obligé de céder à la supériorité du nombre.

Le sénat, plus courageux, renvoya le décret à l'examen d'une commission; mais on lui intima i'ordre de délibé rer sur-le-champ, vingt-quatre de ses membres se séparèrent de leurs collègues, et le reste, mutilé, céda à la nécessité ; la tranquillité publique ne fut pas troublée un instant.

Ainsi, tout recevait les formes de gouvernement qu'il plaisait à Bonaparte d'imposer aux peuples, et ses volontés tenaient lieu de loi, tant était forte la haine du passé et l'espérance de l'avenir. La France, fière des succès de ses armes, rassurée contre les excès de la révolution, tranquille dans son intérieur, jouissait du plaisir secret de voir ses tyrans abattus, et retournait avec joie à ses goûts les plus chers.

(Mém. pour servir à l'histoire.)

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(119) Page 364. De les avoir protégées.

Les alliances forcées sont sujettes aux vicissitudes de la guerre.....

Qu'un peuple libre, (les descendans de Guillaume-Tell), sûr de son indépendance et de sa neutralité, ait résolu de la maintenir; que ce peuple en état de le faire, y ait cependant renoncé, et ait traité pour le sacrifice d'un droit si important pour son pays, et dont l'inviolabilité venait d'être si solennellement proclamée. C'est ce qui ne peut être conçu que par ceux qui prétendent que les vertus publiques n'existent qu'en théorie.

(Pensées attribuées à sir Rob. Wilson.)

(120) Page 377. Les bases de la puissance papale.

Formule du serment prêté par les ecclésiastiques, conformément à l'article 6 du concordat, portant :

« Leclergé, avant d'exercer ses fonctions, prêtera serment de fidélité au premier Consul. Le serment de fidélité exprimé dans les termes suivans: je jure et promets, etc., de demeurer soumis et fidèle au gouvernement établi par la constitution de la République française. Je promets également de n'entretenir aucune correspondance, de n'être présent à aucune conversation, de ne former aucune liaison, soit au dedans, soit au dehors de la République, qui puisse en aucune manière troubler la tranquillité publique ; et si je découvre dans mon diocèse ou dans ma paroisse, ou ailleurs, des choses préjudiciables à l'état, je communiquerai immédiatement au gouvernement toutes les informations que j'aurai, etc. »

Le négociateur de la cour de Rome, fut dans cette circonstance, M. Gonsalvi, ancien ami du cardinal Chiara

monte, qui, devenu pape, l'éleva à la pourpre. Lucien Bonaparte concourut à la négociation comme diplomate; mais encore il étendit ses soins à tout ce qui lui parut propre à en compléter le succès. Il fallait ramener des prélats aigris par une longue persécution; il fallait les réconcilier franchement avec le nouveau systême politique, sans pouvoir restituer au clergé ce que ce systême lui avait ôté ; enfin il fallait attacher les ministres d'une religion sainte, au nouveau gouvernement de la France, pour qu'ils devinssent les utiles auxiliaires de son autorité. Lucien s'y employa tout entier et réussit. Ses attentions délicates, ses prévenances aimables contrastaient singulièrement avec la maladresse que Bonaparte montrait toujours dans ces sortes d'occasions, jusqu'à ce que, parvenu à la toute puissance, il se fût affranchi de toutes les contraintes et de tous les égards que les convenances auraient dû lui faire observer. Citons un exemple; un jour il donna un grand dîner dont quelques évêques, nouvellement promus, et de l'ancien clergé de France, étaient les principaux convives. Il était convenu que le premier Consul les accueillerait avec distinction et amabilité. A table, rien de particulier à cet égard; on en sort, et Bonaparte, tout rempli de l'idée de son rôle, s'empresse auprès du nouvel archévêque de Tours, et, d'un air caressant, lui dit : « Eh bien! M. de Boisgelin, avez-vous bien dîné ?... il n'avait rien imaginé de plus heureux que cette question. (D. P***.)

(121) Page 387. Et la personne qu'il accusait.

La déclaration de Georges Cadoudal fut que Pichegru et Moreau ne s'étaient point réconciliés, et par conséquent n'avaient pu se revoir, que quant à lui Georges, il persistait à nier avoir jamais vu Moreau de sa vie, avant le jour où ils furent mis en jugement ensemble. On demanda à

Pichegru s'il connaissait Moreau: L'univers entier sait que je le connais, répondit-il. Pourquoi il s'était caché? Parce que, dit-il, si je ne m'étais point caché, j'aurais été arrété sur-le-champ; un homme proscrit doit se cacher. Pourquoi il n'était point rentré comme beaucoup d'autres français frappés en fructidor? Bien des français sont rentrés, en France, parce qu'ils y ont été rappelés : je ne l'ai point été. Il ajouta: Je n'ai quitté l' All magne que parce que l'on m'y poursuivait on a voulu m'arréter à Baruth, j'ai été obligé de me réfugier en Angleterre. Cette fermeté avait fait craindre à Bonaparte que Pichegru ne s'élevât du milieu des accusés, pour faire contre lui de terribles révélations sur les fameuses journées des 13 vendémiaire et 18 fructidor, et sur ses menées secrètes pour arriver à la suprême puissance, etc, etc. (Histoire de Bonaparte.)

(122) Page 392. Donjon de Vincennes.

La mort du duc d'Enghien est un crime politique. Bonaparte, premier Consul, voulait s'emparer de la couronne. Pour réussir, il avait besoin de s'étayer d'une partie des chefs de la révolution qui l'entouraient : il leur fit part de son projet; les lâches qui avaient juré cent fois de mourir pour l'indépendance de leur pays, sacrifièrent sans balancer ses intérêts à leur élévation. Sans balancer! Je me trompe. Dans ce grand changement ils étaient travaillés d'une grande inquiétude, leur sécurité personnelle. Plusieurs avaient voté la mort : tous avaient mis la main au grand œuvre. Voici les paroles de l'un d'eux à Bonaparte : Ab uno disce omnes.

<< Nul doute que la liberté ne soit en France une chimère, que la constitution présente ne soit une aberration. Pour réparer nos désastres et en prévenir de nouveaux, il faut un chef suprême ; et qui plus que vous a mérité de l'être ?

Mais, qui nous dévoilera votre pensée toute entière? Qui nous dira qu'après avoir aplani les degrés du trône, jaloux d'imiter Monk, vous ne remettrez pas le sceptre aux maius d'un Bourbon? Le rôle est beau; l'épée de connétable vous attend; mais nous, la proscription nous menace, l'échafaud nous réclame. Prouvez-nous qu'en aspirant à la royauté, vous n'avez de vouloir que celui de la conserver; et, vos premiers sujets, nous tombons à vos pieds. »

Quelle preuve plus convaincante du désir qu'il avait de s'emparer de la couronne pour lui-même, pouvait leur donner Bonaparte, que celui de l'assassinat d'un prince du sang? celui du duc d'Enghien, ou de tout autre fut résolu, et parce qu'il était le plus près de la France, il fut choisi pour victime.

On sait qui fut le prendre, où il fut pris, le général qui présida la commission militaire, le favori qui commanda le feu et l'arme qui l'exécuta.

Le prince, fatigué d'un voyage aussi long que rapide, s'était jeté sur un lit en arrivant à Vincennes. Il dormait, quand on vint lui dire qu'il fallait descendre; on le conduisit dans un des fossés du château; il était nuit: en descendant, à la lueur des flambeaux, un souterrain et des escaliers. humides, il crut qu'on le conduisait dans un cachot. Pourquoi, dit-il, ne pas me mettre dans le donjon où fut renfermé mon aïeul (le grand Condé )? On ne lui répondit pas. Arrivé à la dernière porte, il voit une fosse, la terre nouvellement remuée, et des soldats prêts à le coucher en joue. -Je veux parler à Bonaparte. Cela ne se peut pas (*). Ne puis-je avoir un confesseur? A l'heure qu'il est, c'est impossible. On lui présente un mouchoir. Non, un

(*) Cela semble confirmer ce que j'ai déjà dit, que Bonaparte n'était point présent à l'exécution de ce malheureux prince.

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