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républicains avait pris les armes pour accomplir un devoir sacré. Le départ de Paul Cotte ressemblait donc au commencement de la lutte, et les patriotes en accueillirent la perspective avec plaisir.

Cotte s'éloignait à peine, lorsqu'on vint prévenir Duteil que les prisonniers désiraient lui parler. Il les trouva dans un état de prostration difficile à dépeindre. Les prisonniers lui demandèrent la permission d'écrire à leurs familles, permission accordée sans difficultés. Il leur promit même de laisser partir les lettres sans les décacheter. Duteil a raconté que, durant cette entrevue, un petit monsieur s'offrit pour servir d'intermédiaire entre le préfet du Var et lui, pour arriver à une pacification générale. Cette proposition ridicule fut écartée par Duteil. « Je ne sais pas, a-t-il dit, si ce << petit monsieur était M. Maquan, rédacteur « en chef de l'Union du Var; mais ce que je «sais, c'est qu'il avait bien envie de s'en aller. »>

En sortant de l'hôtel Crouzet, Duteil inquiet de l'absence prolongée d'Arrambide, demanda un cheval pour opérer une reconnaissance sur la route de Salernes.

Le moment du départ approchait. Une partie de l'armée, forte en totalité de trois mille hommes environ, commença sur l'Esplanade ses préparatifs de campagne. L'autre partie s'oc

cupa des approvisionnements nécessaires à une expédition d'hiver. De son côté Duteil, entraîné par Campdoras, désireux de faire face aux exigences pécuniaires de cette guerre de partisans, leva sur la ville d'Aups un emprunt forcé de 40,000 fr., dont pas un centime ne fut touché par les insurgés. Une commission spéciale, présidée par Brunet, avait, en vue de cet emprunt, taxé les principaux propriétaires De Gassier, Layet, etc.

Ces diverses opérations terminées, Duteil fit battre le rappel et annoncer qu'il allait, avant de quitter la ville, passer en revue ses troupes.

Il était environ dix heures du matin. Absorbé par ce projet de revue, le général oublia Arrambide, les avant-postes, les sentinelles à placer, son dessein de reconnaître la route de Salernes. C'est à peine s'il trouva le temps d'aller explorer du regard le bout de l'avenue d'Aups.

Les insurgés occupaient presque toute la place. L'aspect des bandes était pittoresque et redoutable à la fois... Sur cette foule de vestes bleues, à travers cette forêt de chapeaux de feutre gris, les paletots et les burnous des chefs se détachaient ça et là ! Les drapeaux rouges flottaient au vent. Des armes de toute espèce, de tout calibre étincelaient aux rayons du soleil. Plusieurs femmes, cantinières volontaires, circulaient dans les rangs de la colonne.

Les figures énergiques des gens de la GardeFreinet, du Luc, de Saint-Tropez, de Brignoles, respiraient la décision et l'énergie. Lorsque Duteil parut, les tambours battirent aux champs, et de ces poitrines frémissantes sortit le cri de : « Vive la République ! »

La revue commença.......

XIV

C'est dans l'après-midi du 9, qu'un bataillon sous les ordres d'Arrambide, bataillon composé des compagnies du Cannet du Luc, du Muy, de Barjols fortes de huit à neuf cents hommes, avait quitté la colonne pour se diriger sur les hauteurs de Tourtour.

Vers les trois heures, le bataillon entra dans Villecroze, où il reçut une cordiale hospitalité. Puis, après une perquisition faite à la mairie pour se procurer des fusils, le bataillon se mit en marche sur Tourtour, où il campa. Le lieu était admirablement choisi.

Tourtour, petit village bâti sur la cîme d'une montagne élevée, surplombe Villecroze et do

mine la route de Draguignan. Cette route est bordée de rochers et de fourrés impénétrables. Quelques hommes résolus, postés en embuscade, auraient arrêté sans peine les troupes du colonel Trauers. La cavalerie eut été réduite à l'impuissance, et les insurgés, maîtres des hauteurs, auraient pu par une fusillade terrible, causer les plus grands ravages dans les flancs de la colonne. Si, malgré tout, l'assaut des soldats les avait forcé de battre en retraite, ils auraient gagné le sommet de Tourtour, toujours abrités par les arbres, sans discontinuer le feu. « A coups de pierre, nous aurions «assommé les soldats » disait plus tard un exilé! Ajoutez à cela, la marche aventureuse de la colonne expéditionnaire, qui ne soupçonnait pas le moins du monde la présence d'Arrambide à Tourtour.

Arrambide ne comprit pas ces avantages naturels. I massa ses hommes en arrière du plateau de Tourtour et à découvert, et ne songea nullement à cacher des tirailleurs dans les bois! Il se contenta de placer en avant du village, à cinq cents mètres environ, une petite avant-garde. Et cependant ses soldats étaient armés de fusils, munis de cartouches... en mesure de lutter avec succès contre le bataillon du colonel Trauers.

Ce bataillon, après un jour de repos à Dra

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