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les rangs de la garnison, pouvait la changer d'un moment à l'autre (1), et enlever ainsi à l'insurrection son plus redoutable contingent. Quant à prophétiser sûrement le succès, qui eut osé ici-bas se charger de prédire ainsi l'avenir (2)?

L'assemblée hésita devant ces loyales paroles, et prit un moyen terme. Elle arrêta l'envoi à Paris d'un représentant chargé d'y sonder l'état des esprits, avant de proclamer une prise d'armes républicaine. Ce fut à Marescot que l'on confia cette délicate mission.

Daumas retourna à Toulon. Le gouvernement était sur ses gardes, et peu de jours après il était arrêté avec ses principaux amis, Legay, Sauvan, Reynaud le décatisseur, Fouillé, Méally, Rufelli, Fouques le chocolatier (3).

Marescot, averti à temps, prit la fuite et chercha asile à l'étranger. Daumas expia par dix ans de détention sa participation

(1) C'est ce qui arriva.

(2) Daumas a prétendu qu'à aucun moment l'insurrection n'a possédé autant d'éléments de victoire. Selon lui, à cette époque, les futurs auteurs du coup d'État n'étaient pas prêts.

(3) Legay, Fouillé, Meally et les autres furent ensuite mis en liberté sous caution. Ils attendirent le résultat du procès de Lyon, pour passer en Cour d'assises, sous l'inculpation de société secrète.

courageuse aux essais d'indépendance de son pays (1).

Avec lui et ses amis, la Jeune Montagne fut décimée à Toulon et désorganisée dans l'arrondissement (2). Pourtant la semence jetée dans le cœur des paysans provençaux avait germé, et il sera facile d'en constater les résultats dans le récit des dramatiques événements qui ensanglantèrent le sol de ce pays, en décembre 1851. Grâce à la dispersion de la plupart des chefs montagnards, qui tenaient dans leurs mains les trames de cette vaste conspiration, et seuls pouvaient dès lors combiner les divers soulèvements, les mettre en communication, et agir avec une imposante simultanéité dans

(1) Après ces diverses arrestations, on voulut renouer les liens épars de la Jeune Montagne. Une réunion eut lieu à Macon, à laquelle assistaient plusieurs Montagnards, Michel, de Bourges, et Madier de Montjau. Le Var y fut représenté par Méric, du Luc, membre du Conseil général.

Méric fut arrêté à son retour, englobé dans le complot de Lyon, et condamné à deux ans de détention. Au coup d'État alors qu'il était à Belle-Isle la Commission mixte le condamna à l'expulsion. Il fut en effet, à sa sortie de Belle-Isle, expulsé du territoire français.

Méric jouissait dans le Var d'une grande popularité, et nous verrons plus loin l'enthousiasme causé par l'annonce erronée de sa sortie de Belle-Isle, au sein des bandes insurrectionnelles. (2) Les autres arrondissements moins compromis à l'époque du procès de Lyon ne devaient être frappés que plus

tard.

les départements du Midi, les essais de résistance des républicains manqueront partout d'unité, de vigueur. Ce défaut d'ensemble, en décourageant les masses populaires si ouvertes aux impressions les plus contradictoires, rendra leur déroute inévitable. Mais cette levée en masse, faite avec un entrain qui pénètre le cœur d'émotion, n'en témoigne pas moins de la vitalité profonde de l'idée démocratique dans ces âmes méridionales. La Constitution était pour elles l'espérance suprême, le cri de ralliement! Lorsque cette Constitution fut violée et foulée aux pieds, sans ordre, sans signal, d'un seul élan et presque d'un même bond, les républicains tentèrent de défendre la liberté... Ce fut en vain... il leur fut donné seulement de mourir pour elle!

DEUXIÈME PARTIE

L'INSURRECTION

II

Ainsi que je l'ai déjà dit, de tous les points du département du Var, Toulon était le plus important à occuper soit du côté du gouvernement soit du côté de l'insurrection.

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Aux approches du coup d'État, le gouvernement y avait concentré des forces imposantes. Sans compter les troupes de l'infanterie de marine, les casemates de vétérans, l'artillerie, la garnison se composait en outre de deux régiments du 50me de ligne et du 60me de ligne. La marine pouvait aussi appuyer, en cas de besoin, les troupes de terre par ses compagnies de débarquement.

L'opinion républicaine y comptait des éléments virils de résistance. L'hésitation, le défaut d'énergie et de concert des chefs de la démocratie, paralysèrent un mouvement, qui eut forcé les troupes à rester à Toulon, et laissé dès lors l'insurrection maîtresse du Var.

C'est le 3 décembre qu'arriva à Toulon la nouvelle du coup d'État. Une agitation extrême se manifesta aussitôt dans la ville. Le rapport du général Levaillant ne laisse sur ce point aucun doute. En dépit de l'enthousiasme factice de serviteurs zélés ou de fonctionnaires ardents, la partie saine de la population accueillit avec colère l'annonce des décrets présidentiels.

de

Tout le monde pourtant n'en comprit pas suite la portée. Le soir, des groupes nombreux stationnaient sur le Champ-de-Bataille; et là de graves dissentions se manifestèrent entre les agitateurs. Les uns, criaient à la violation flagrante de la Constitution. Les autres, approuvaient la conduite du Président, et se basaient sur cette phrase de sa proclamation au peuple français: « Les hommes qui ont déjà « perdu deux monarchies, veulent me lier les «mains, afin de renverser la République; « mon devoir est de déjouer leurs projets, de « maintenir la République.... >>

La nuit fut perdue en ces oiseuses discussions. A ce moment pourtant la municipalité

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