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Lorsqu'ils furent installés dans les casemates supérieures, on leur octroya gracieusement une heure de récréation dans un des fossés du fort... Ils étaient là parfois plus de cinq cents, partageant cet étroit espace avec la volaille de M. Cruppy!...

Au milieu de ces tortures morales et physiques, les prisonniers rencontrèrent parfois des consolations, des adoucissements auprès de certains hommes chez lesquels la nature de fonctions rigoureuses n'excluait pas tout sentiment d'humanité. Parmi eux, je dois citer Roussel, geôlier en chef; son gendre Delmas; le portier consigne Coste, et sa femme, digne et excellente créature (1).

Le nombre des prisonniers du fort Lamalgue fut plus tard considérablement diminué. On transféra une partie des républicains à bord du navire le Généreux, mouillé en rade de Tou

(1) Je me hâte de proclamer ici, qu'à la suite d'évasions heureuses, plusieurs prisonniers se refugièrent dans des maisons de démocrates toulonnais, où ils trouvèrent, malgré les dangers d'une pareille générosité, l'accueil le plus hospitalier. Des dames même s'intéressèrent à leur sort et fournirent à la plupart de ces malheureux les moyens de passer à l'étranger.

L'une de ces courageuses républicaines, Me Buer, dénoncée, fut poursuivie et condamnée par le tribunal correctionnel de Toulon. Personne dans cette ville n'a oublié la magnifique plaidoirie que l'avocat patriote Audemar — aujourd'hui maire de Toulon prononça à cette occasion!

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lon. Un régime incomparablement plus doux les y attendait. L'âme de ces patriotes n'avait point été amollie par les souffrances et les privations endurées dans les souterrains du fort... Ils montaient au chant de la Marseillaise, sur les chalands qui les conduisaient à bord du Généreux.

Une autre partie des prisonniers fut dirigée sur la prison cellulaire de Brignoles sur des charrettes d'où on leur permettait fort rarement de descendre... Leur arrivée encombra la prison. On mit jusqu'à onze prisonniers dans une même cellule...

Pendant ce temps, l'instruction s'était poursuivie, acerbe, impitoyable, contre les vaincus. L'enquête préliminaire achevée, une commission mixte de trois membres, parmi lesquels le général commandant l'état de siége dans le Var, reçut mission de statuer sur le sort de ces infortunés... La commission mixte fut inexorable, et il est bon de faire connaître le résultat de sa terrible justice!...

Renvoyés devant les conseils de

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Report.

904

Expulsés temporairement de France. 158

Internés hors du département.

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Renvoyés en police correctionnelle. . 137
Soumis à la surveillance de la haute

police..

TOTAL.

593

2272

Les femmes ne furent pas épargnées. Plusieurs de celles qui avaient accompagné la colonne, subirent de rigoureuses condamnations. C'est ainsi que Césarine Icard fut condamnée à dix ans de déportation. Il en fut de même d'Angélique Bérenguier, de Julie Isnard, de Josephine Maire, Catherine Truc, Solange Lonjon, Appolline Lonjon, furent condamnées à cinq ans de transportation. Madame Ferrier et son mari eurent le bonheur de passser en Amérique!

Ces chiffres sont d'une éloquence suprême. Plus tard un certain nombre de ces condamnations furent diminuées, supprimées, commuées par M. Quentin-Bauchart, commissaire délégué par le Président pour réviser les décisions des commissions mixtes! Mais la part faite à ce département dans les listes de proscription et d'exil, n'en resta pas moins considérable, et le Var a gardé le deuil de beaucoup de ses enfants les plus généreux, qui sont allés mourir sans

secours, sans soutiens, sans consolations sur le sol brûlant de l'Afrique ou sous les climats meurtriers de Cayenne (1)!

Le coup d'État n'avait plus rien à redouter désormais, et pour longtemps tout était dit!

(1) « Que de veuves, d'orphelins, de proscrits, de familles rui«nées, de villages entiers dépeuplés et misérables, une fusillade « d'un quart d'heure peut faire dans toute une province, dans << tout un empire! » (MAQUAN, p. 118.)

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