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sieurs jours après ces événements, à la date du 8 décembre 1851, un soldat ayant été blessé par un inconnu, le général Levaillant, commandant l'état de siége dans le département, rendait responsable de cet attentat « cette classe infâme qui, après avoir tenté « de séduire nos soldats, se venge de leur « noble conduite en les assassinant. » Cette « classe infâme » était alors impuissante et vaincue sous les verrous du fort Lamalgue! La légende de la Jacquerie du Var repose sur des appréciations analogues.

La prompte répression des troubles à Toulon, comme à Cuers, à Hyères et dans les villages peu éloignés, empêcha ces localités de joindre leurs contingents à ceux du nord du département. Elle permit encore à l'autorité de disposer des ressources militaires de cet arrondissement, pour écraser l'insurrection, qui

pareille à une traînée de poudre avait incendié les communes du Var.

Je ne veux pas quitter Toulon, sans relever un fait peut-être unique dans l'histoire du coup d'Etat, et qui prouve jusqu'où peut aller la platitude de la peur. Lorsque le Var fut pacifié, le Conseil municipal de cette ville vota au Président une adresse de félicitations dans la séance du 15 décembre 1851. Ce fait était à cette époque très-ordinaire.

Mais le zèle du Conseil municipal ne s'arrêta pas là. Il vota aussi des remerciments à l'armée, et décida qu'une somme de 10,000 fr. serait distraite des deniers communaux pour être distribuée aux troupes de la garnison (1). Le préfet du Var fut surpris par cette délibération étrange, et crut devoir en référer au ministre de l'intérieur. M. de Morny annula la décision du Conseil municipal de Toulon, en la déclarant incompatible avec la dignité de l'armée. M. le ministre ajoutait encore que le budget de la commune se soldant par un déficit de 86,848 fr., le moment était mal choisi pour opérer de pareilles largesses. Dépasser en enthousiasme les prévisions de M. de Morny, et le contraindre à apaiser la sollicitude d'un Conseil municipal, c'était sans nul doute affliger beaucoup le ministre de l'intérieur... et le fait méritait d'être rappelé.

En présence de l'inaction forcée des républicains toulonnais, Berthier, était revenu en toute hâte à Hyères.

(1) Avaient signé cette délibération : MM. Brousset, Ricard, Rebuffat, Michel, Nouvelle, Caire, Varėze, Simon, Garnier, Bezot, Baux, Patac, Chaumont, Briet, Sénequier, Geoffroy, Layet, Léon, Rouquerol, Auban, Villers, Sourd, Faye, Guès et Boyer, conseillers municipaux.

III

Hyères, à l'époque du coup d'État, était dominée par une municipalité cléricale, à la tête de laquelle se trouvait le comte David de Beauregard. Tous les emplois étaient tenus par des créatures de la réaction, et le parti démocratique n'avait au bilan de ses forces que ses convictions et son courage.

A sa tête, se trouvait un homme adoré de ses coreligionnaires, capable des plus fortes luttes, et qui a laissé dans ce pays, le souvenir d'une âme héroïque! Je veux parler de Berthier, propriétaire du café d'Orient. Un citoyen dont le témoignage ne saurait être suspecté, Menan, ancien officier de la garde impériale, disait en apprenant le coup d'État : d'État : « Si j'avais dans

« mon parti quatre hommes comme Berthier, « je bouleverserais Hyères. » Berthier était en outre d'une droiture de cœur et d'une honora

bilité parfaites.

Le 5 décembre, à dix heures du matin, Berthier, accompagné de trois cent cinquante républicains sans armes, se rendit à la mairie. Arrivé devant la maison commune, il pria la foule de s'arrêter, et monta avec une vingtaine de patriotes dans la salle des délibérations. Il y rencontra M. de Beauregard, maire; Rey, adjoint; Curel, deuxième adjoint, et Bonnefoy, juge de paix. Berthier, au nom du peuple, pria le maire de lui désigner un local où l'on pût délibérer, et réclama la communication immédiate des dépêches de Paris.

M. de Beauregard connaissait de longue date la mansuétude de ces hommes, si longtemps traités de bandits par une histoire complaisante. Il savait que dans ces pays méridionaux, si excitables, si explosibles, une provocation maladroite entraîne parfois à des violences regrettables les citoyens les plus inoffensifs. Sans rien brusquer, il répondit à Berthier qu'il était de son devoir de magistrat de conférer de sa demande avec M. de Lisa, souspréfet à Toulon. Il lui promit en outre de donner à lui et à ses amis communication des dépêches reçues à la municipalité.

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tinrent pour satisfaits. satisfaits. L'événement allait leur démontrer le danger des naïves temporisations.

Sur ces entrefaites, arriva Dupont, rédacteur du Démocrate du Var. Il était parti précipitamment de Toulon, en recevant la nouvelle de l'insurrection des villages du Luc, de la Garde-Freinet, etc... Dupont, un des rares républicains qui, en ces jours néfastes paraissent avoir compris la valeur du temps et la nécessité des résolutions rapides, voulait sur le champ soulever la ville d'Hyères, et marcher sur le Luc, à la tête d'une colonne, en traversant Pierrefeu et Collobrières, qui n'attendaient que le signal du soulèvement. Mais à Hyères, il trouva les paysans découragés par l'inaction de Paris. La fièvre du premier moment était déjà passée !

Un incident inattendu la ralluma. Berthier, Andrieu et ses amis réunis au café d'Orient,

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sous le titre de commission de surveillance avaient fait afficher en plusieurs endroits des placards rappelant à leurs concitoyens les termes de la Constitution, foulée aux pieds par le coup d'État (1). Un homme, un ancien député

(1) « ART. 68. Toute mesure par laquelle le président de la « République dissout l'Assemblée Nationale, la proroge ou met

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