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Près de la route, se trouvait une sorte d'égout. Panisson, pour se soustraire aux regards des soldats, essaya de s'y enfouir... Mais il avait été aperçu; plusieurs balles et des coups de baïonnette l'atteignirent dans sa retraite...

Un autre récit a été fait de cette exécution. On a écrit que Panisson avait été posté en sentinelle sur la route; à la vue des soldats, il avait fait feu sur eux et blessé un grenadier. Saisi immédiatement, il aurait été fusillé sur place!

Bien des raisons me paraissent contredire cette seconde version. D'abord, les anciens amis de Panisson, desquels je tiens mon premier récit, m'ont dépeint Panisson comme doué d'un caractère doux, inoffensif et même timide. Cela s'accorderait peu avec ce rôle si courageux de sentinelle perdue! Puis, comment concevoir qu'un homme, même le plus brave, affronte ainsi de pied ferme un bataillon entier, et engage avec lui une lutte insensée? Enfin pourquoi cette unique sentinelle sur la route? Pour avertir les insurgés de l'arrivée des troupes ? Mais n'a-t-on pas vu Bernard, Testo-dé-Pei, déclarer formellement - et la suite démontra la véracité de ces paroles que les républicains ne songeaient point à une résistance à main armée ? Dès lors à quoi bon

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exposer à des représailles impitoyables, ce malheureux et le placer seul, en avant-garde, sur le passage des soldats.

Il est du devoir de l'écrivain de mettre face à face les opinions contradictoires, sauf au lecteur à choisir, à travers les obscurités de l'histoire, la relation la plus vraisemblable. Quoi qu'il en soit, et ce point ne peut souffrir aucune constestation, Panisson fut apporté - d'autres disent trainé jusqu'au pied d'un

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platane, sur la place de la mairie. Malgré ses nombreuses blessures, cet infortuné respirait encore. Jusqu'à 6 heures du matin, il resta là.. geignant et pleurant sous la glaciale étreinte de la mort, demandant qu'on l'achevât! A 6 heures, il fut transféré à la chapelle de l'Hospice, et placé sur les dalles, où il expira enfin! Il était horriblement défiguré, et sa veuve éplorée ne le reconnut pas.

La mort de Panisson, dans ces cruelles circonstances, n'efface point l'horreur du meurtre de Lambert. Mais le rapprochement de ces actes sanglants, ne prouve-t-il pas l'iniquité des violences et des répressions aveugles?

Après l'arrestation de la commission municipale et des membres de la Pomone, on procéda à de nombreuses incarcérations. Près de 417 personnes furent emprisonnées. Jacquon condamné à mort, vit sa peine commuée plus

tard, sur les supplications de sa vieille mère, en celle des travaux forcés. Jacquon est mort à Cayenne. Le Pacifique et son frère furent transportés à Cayenne, où ils sont morts aussi. Le père Mourre, mourut fou à la prison du fort Lamalgue... On déporta Bernard en Afrique! Beaucoup d'autres, parmi lesquels Laugier, Bourges, cultivateurs, ont péri dans un exil lointain!

La liste des victimes ne se termina pas là! Un patriote du nom de Mourrier, craignant d'être arrêté, se pendit; il en fut de même du notaire Justin Rolland.. Une femme Allègre, à la nouvelle de l'arrestation de l'un de ses fils, voulut s'étrangler; on arriva à temps pour la sauver. Si Cuers a eu une dette de sang à liquider, on voit que ses enfants l'ont largement payée !

Une compagnie du 50me demeura longtemps à Cuers. Les habitants durent déposer à la mairie leurs armes... depuis dispersées, égarées. Tous les villages voisins furent maintenus dans la tranquillité par des colonnes mobiles de troupe... Solliès, Belgentier, Collobrières, Pierrefeu, où d'ailleurs on procéda à de multiples incarcérations, ne prirent ainsi aucune part effective à l'insurrection du Var.

Le soulèvement de Cuers resta sans lien aucun avec celui des cantons du Nord du

département, où il me faut maintenant étudier

la marche rapide, et la défaite sanglante de l'insurrection.

V

Grâce aux hésitations, au défaut de concert et de but des chefs de la démocratie dans les villages dont je viens de raconter l'histoire, l'insurrection y avait été facilement réprimée. On va la voir maintenant, pleine d'abord d'une énergique exubérance dans le nord du Var, avorter misérablement dans une déroute honteuse, par la faute de ceux qui avaient légèrement accepté la responsabilité de la diriger dans ses éclatantes manifestations!

le

Les démocrates du Luc apprirent des premiers coup d'État. La dépêche aux préfets de M. le ministre de l'intérieur, y fut connue dans la nuit du 3 décembre.

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