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prouver leur conviction à cet égard, ils avoient demandé, en représentation des principaux droits à eux réservés comme fondatenrs de l'établissement, trois cents actions; savoir, deux cents actions quand un dividende de 200 liv. seroit assuré à chacune des actions créées, et cent actions (toujours sous la même condition) mais seulement payables après leur mort, et à leurs héritiers. Ce traité fut passé par acte du 28 mai 1786. On continua en mêmetemps à MM. Périer, 20,000 liv. de traitement annuel à raison des soins auxquels ils s'engageoient pour l'établissement, pour sa fondation, et pour la direction des travaux.

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Les admistrateurs de la compagnie des eaux, disoient donc à MM. Périer: « Restituez à la » caisse 4,620,00 liv. »; et MM. Périer disoient à leur ancienne compagnie : Donnez-nous trois cents actions & 20,000 liv. par an en exécution du traité du 28 mai 1778.

Ne semble-t-il pas, Messieurs, que la replique des administrateurs étoit péremptoire ? Vous invoquez ( devoient-ils répondre à MM. Périer) vous

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invoquez un traité qui vous condamne; car » sur les trois cents actions que vous demandez » deux cents ne doivent être payées que quand chaque action vaudra 200 liv. de rente, et elles » n'ont encore aucun revenu. Les cent autres ne » sont payables qu'aux mêmes conditions, et même qu'après votre mort. Ainsi, vous et vos héritiers » n'avez ni n'aurez rien à réclamer. Vos services » ne sont plus utiles ni agréables à la compagnie : » elle se sépare de vous; mais vous, vous devez 462,000 liv. à la caisse des actionnaires; res>> tituez cette somme ou rendez compte de son emploi ».

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Je ne prétends pas dire que MM. Périer n'eussent rien à repliquer à ce langage; mais je dis que les défenseurs de la compagnie pouvoient le tenir avec un grand avantage. Voici cependant ce qui est arrivé. On a laissé à l'écart l'agent du trésor public, chargé de défendre les intérêts de la nation c'est-à-dire, des quatre cinquièmes de cette propriété; et hors de sa présence, on a concerté un arrêt, dont le dispositif présenté par les soi-disant parties, a été admis ainsi qu'il est d'usage; si bien, que la cause n'a même pas été plaidée, quoique mise à l'audience. Ce fait est attesté par la déclaration particulière du substitut du procureur-général, qui a conclu.

Voici, Messieurs, les principales dispositions de cet arrêt concerté.

Les trois cents actions réclamées par MM. Pẻrier leur sont accordées ; et bien plus, ces actions, aujourd'hui sans valeur réelle, ont été évaluées à 3,600 liv. chacune, ce qui forme une somme de 1,080,000 liv.

Le même arrêt alloue à MM, Périer 80,000 1. pour prétendues avances par eux faites 40,000 liv. pour deux années d'honoraires.

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Cet arrêt alloue encore une indemnité conditionnelle de 300,000 liv. à MM. Périer. Nous observerons, en passant, que MM. Périer avoient ci-devant reçu des actions, qui leur avoient valu plus de cent mille écus.

Enfin, cet arrêt condamne la compagnie en tous les dépens, et ordonne que les administrateurs l'exécuteront sur-le-champ avec les deniers de la caisse à eux confiée.

OBSERVATIONS.

OBSERVATION S.

Peu de mots vont peut-être suffire pour dé velopper les causes de ce concert, abréger les observations de votre comité, et éclairer à-la-fois votre justice et votre prudence.

Quand les administrateurs actuels furent nom. més ils étoient principaux actionnaires, et le dépôt de la caisse de la compagnie leur fut confié. Leurs actions ont depuis sorti de leurs mains; mais la caisse y est restée, et cette caisse contenoit plus de 2,400,000 liv. Elle étoit donc laissée à des personues totalement étrangères à sa prospérité, puisque, suivant les administrateurs euxmêmes, ils n'avoient plus d'actions, et que, d'ailleurs, leur administration étoit gratuite. Ces deux derniers faits ont été écrits et attestés par les ad- . ministrateurs ; ils ont aussi déclaré qu'ils n'ont cessé de se plaindre au ministre de l'abandon où il les laissoit; de demander à être remplacés, et d'avertir qu'ils voyoient avec inquiétude l'activité de MM. Périer, leurs succès inouis auprès des tribunaux, et qu'ils avoient la presque certitude qu'un succès plus complet que les précédens alloit consommer la ruine totale de la compagnie des eaux et de sa caisse. En effet, MM. Périer récla moient plus de 2,400,000 livres ; c'étoit tout cé que contenoit la caisse de la compagnie, quand elle avoit passé entre les mains des administrateurs actuels. C'est cette caisse, Messieurs, si négligée par le gouvernement, quoique si chèrement acquise, dont la dilapidation seroit, si vous n'y mettiez ordre, le dernier délit de la cupidité qui n'a cessé de l'environner.

Cependant, que dois-je vous apprendre? Cette dilapidation a été consommée; du moins, l'arrêt dérobé à la connoissance de l'agent du trésor public, a été exécuté presqu'aussitôt que rendu; mais cette fois les moyens de remédier au désordre seront offerts, et sans doute l'Assemblée nationale ne laissera pas les ennemis de la fortune publique s'applaudir de cette dernière conquête.

Si pour arrêter une dilapidation ausi téméraire il falloit attaquer devant vous, soit au fond, soit dans les formes, le prétendu arrêt qui semble s'élever pour la défendre, nous observerions, d'abord sur le fond, que les dispositions qu'il contient sont d'une injustice évidente. A quel titre, et lorsque les actions des eaux ne donnent aucun revenu, a-t-on pu adjuger à MM. Périer deux cents actions qu'ils ne pouvoient réclamer que quand chacune des actions rendroit deux cents liv. de revenu?

Deuxièmement, comment a-t-on pu adjuger à MM. Périer, vivants, cent autres actions qui ne pouvoient revenir qu'après leur mort à leurs héritiers?

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Troisièmement, pourquoi évaluer à un million quatre-vingt mille livres ces trois cents actions quand, au prix même de leur agiotage, elles sont si éloignées de cette valeur, ou, pour mieux dire, quand elles n'en ont aucune?

Enfin pourquoi cette énorme libéralité des deniers de la nation et de ceux des actionnaires lorsque MM. Périer ont déja reçu d'eux plus de 350,000 livres ?

Quant aux formes, elles ont bien été suffisamment combinées pour surprendre un arrêt, mais non pas pour soutenir un examen approfondi.

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En effet, Messieurs, l'arrêt concerté a été rendu sur l'appel d'une sentence du Châtelet, qui ordonnoit des mises en cause, des comptes respectifs, et elle ne consacroit pas, à beaucoup près, toutes les injustes demandes que l'arrêt tend à légitimer : il est même à remarquer qu'elle condamnoit les administrateurs personnellement aux dommages et intérêts du sieur Périer, et qu'elle ordonnoit l'impression et l'affiche de la sentence également aux frais des administrateurs.

Au moins cette sentence avoit été rendue avec une sorte de régularité et de connoissance de cause; le contrôleur des bons d'état représentant alors les droits du trésor public, avoit été reçu partie intervenante au procès; mais depuis, on a habilement écarté ce scrutateur incommode avec lequel il eût été impossible de concerter un arrêt contre les intérêts de la nation.

D'abord MM. Périer ne lui ont fait aucune intimation régulière sur l'appel de la sentence, et cependant on a eu l'art de faire la procédure avec cet agent, comme s'il eût été légalement partie au procès; et sans l'avoir mis régulièrement en cause, on a pris contre lui un arrêt par défaut, faute de comparoir; puis, sous le prétexte de cet arrêt on a fait déclarer commun avec lui l'arrêt également concerté sans lui. Remarquez, Messieurs, que les aveux de toutes les parties, en présence de votre comité, ont été uniformes sur ce dernier point, il est d'ailleurs prouvé par les

actes.

Voilà, Messieurs, si vous deviez être les juges de cette affaire, voilà les principaux moyens qu'on développeroit devant vous; mais vous n'avez à cet égard que la surveillance du législateur; surveil

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