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d'Anvers pour l'étude des questions relatives à l'amélioration de l'Escaut; cette invitation si flatteuse lui valut, pendant une année, de consacrer ses pensées à la célèbre question de la << Grande Coupure », et plusieurs semaines à de nombreux voyages à Bruxelles et Anvers.

Ses missions lointaines eussent même été plus nombreuses encore si le temps ne lui avait pas été tellement mesuré par l'affluence des affaires courantes dont il devait assurer l'expédition; il se résigna à refuser ainsi une mission à Dakar, d'autres à Pétrograd et pour un port au Japon.

M. de Joly s'était vu orienter dans ces voies étrangères par M. Quinette de Rochemont qui s'y était illustré lui-même et qui avait vite reconnu dans son collaborateur un successeur digne de poursuivre, entre beaucoup d'autres, cette partie de sa carrière; il l'y engagea de plus en plus à mesure que l'âge lui commandait de se ménager.

C'est ainsi que M. de Joly fut appelé, dès 1900, à prendre part aux congrès internationaux de Navigation, dont l'Association très active a son siège permanent à Bruxelles. Sa tâche fut particulièrement lourde au début pour la préparation matérielle du VIII Congrès qui se tint à Paris pendant la dernière Exposition universelle. Mais il s'en acquitta de telle sorte qu'on ne devait plus pouvoir se passer de sa collaboration dans les délégations successivement envoyées par le Gouvernement français aux congrès de Dusseldorf (1902), de Milan (1905), de Pétrograd (1908), de Philadelphie (1912). Les efforts que dépensait M. de Joly pour la préparation de ces manifestations périodiques n'étaient pas perdus, car ils aboutissaient évidemment à y faire très grande la place qu'y tenait notre pays. Ils lui valaient à lui-même les témoignages d'une estime universelle et d'un grand respect pour sa valeur professionnelle; les sentiments que sa bonne grâce et l'autorité de sa parole ou de ses écrits lui avaient de plus en plus attirés à la suite de chaque réunion se manifestèrent d'ailleurs d'une manière empressée et souvent touchante au cours de sa longue maladie ou à la nouvelle de sa mort.

Il resta jusqu'à la fin secrétaire de la Section française de l'Association des Congrès de Navigation.

Le succès qu'il assurait aux Assemblées internationales des représentants de son art lui valut souvent d'être délégué même pour des manifestations sans rapport avec les travaux ou les questions maritimes.

L'Association permanente des Congrès de la Route l'appela à remplir les fonctions de Secrétaire général adjoint au Ier Congrès de Paris (1908); il compta parmi les délégués du Ministère des Travaux publics au Ile Congrès (Bruxelles, 1910) et au III Congrès (Londres, 1913).

Il représenta de même son Département au IV Congrès de l'Acétylène qui se tint à Liége, en juillet 1905.

Il fut chargé d'étudier la participation du Ministère des Travaux publics à l'exposition des Industries et du Travail de Turin et nommé membre des Comités d'admission et d'installation (1911).

On le voit encore figurer au même titre à l'exposition internationale de Gand (1913).

Si l'étendue de ses relations étrangères pouvait se mesurer à cette échelle, nous appellerions l'attention sur l'ampleur de la collection des documents qu'il a reçus de toutes parts à titre personnel et qui forment une véritable bibliothèque de 900 pièces environ.

De nombreuses distinctions honorifiques devaient reconnaître la vaste collaboration, toujours active et efficace, de M. de Joly à ces œuvres extérieures; la Tunisie, le Maroc, le Cambodge, d'une part, la Hollande, la Belgique, l'Italie, l'Angleterre (1), etc., d'autre part, lui décernèrent successivement les insignes de leurs ordres nationaux.

M. de Joly trouva même le temps de ne pas négliger entièrement les intérêts professionnels du Corps auquel il était résolu à consacrer sa vie, car il fut, pendant trois ans (février 1911

(1) Il obtint, à la fin de la guerre, la décoration si rarement accordée de Commandeur de l'Ordre du Bain.

janvier 1914), secrétaire du Comité de l'Association des Ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Mines.

C'est au milieu de ce vaste ensemble d'occupations si diverses et si absorbantes que s'écoulèrent rapidement, pour M. de Joly, les années qui précédèrent la guerre. Le 1er août 1914 l'arracha à cette vie si remplie et déjà si fatigante, au moment où il allait prendre un des rares congés qu'il se laissait accorder. Il devait, par sa lettre de service, remplir, en cas de mobilisation, auprès du préfet maritime de Cherbourg, les fonctions de conseiller technique pour l'éclairage et le balisage des côtes, service qui passait automatiquement alors dans les attributions des commandants de nos arrondissements côtiers.

Il s'acquitta de cette tâche nouvelle et très complexe avec tout le tact désirable, s'efforçant d'obtenir, malgré les émotions inévitables du début de cette guerre, que les légitimes exigences de notre défense maritime n'aggravent pas inutilement les risques déjà courus par la navigation commerciale. Il fit souvent prévaloir ses points de vue, tour à tour fermes et conciliants, pour limiter les effets de décisions trop hâtives, pour éviter des mesures irréparables, notamment lors de la menace d'évacuation de notre littoral septentrional.

Il apporta quelques autres concours subsidiaires à la Marine, soit par ses connaissances en langue allemande, soit du fait de ses notions sur la configuration des rivages ennemis.

Son départ, au début du huitième mois de la guerre, fut vivement regretté, et ses services avaient été assez appréciés pour qu'il eût été l'objet d'une proposition de promotion dans la Légion d'honneur (1).

C'est dans des conditions bien tristes qu'il quittait son poste de mobilisation: il venait d'y perdre (17 février 1915), après une

(1) Il ne devait obtenir la rosette qu'à dater du 10 juillet 1918, au titre du Département de la Guerre, où il comptait alors, par rattachement au 4 bureau de l'Etat-major de l'Armée.

courte et foudroyante maladie, sa plus jeune fille, âgée de onze ans seulement, dont le gracieux enjouement était le charme des trop rares moments que M. de Joly pouvait consacrer à la vie de famille.

Ce premier ébranlement laissa chez lui des traces profondes et il s'y ajouta bientôt la préoccupation de voir son fils rejoindre au front le corps d'artillerie où il s'était engagé.

Il essaya d'effacer un peu les souvenirs pénibles que devait lui rappeler Cherbourg en acceptant à Paris (Arrêté du 22 février 1915) les fonctions d'adjoint au Commissaire technique des ports maritimes et en s'absorbant dans cette lourde tâche pour laquelle sa compétence indéniable l'avait fait désigner.

La Commission des ports maritimes était un organisme mixte centralisant les efforts des Départements de la Guerre et des Travaux publics en vue d'utiliser nos ports avec le meilleur rendement, et notamment pour assurer les opérations des divers services militaires. L'importance de ces questions s'accroissait toujours en effet avec les besoins de nos importations, l'augmentation du nombre et du concours de nos alliances, les fluctuations des opérations sur terre qui obligeaient à renoncer momentanément à certains ports et à transférer à d'autres leurs installations spéciales.

Soit en qualité de Commissaire technique adjoint (mars 1915décembre 1916), soit plus tard sous les titres de Chef-adjoint et Chef du Service central d'Exploitation militaire et commerciale des Ports maritimes (1917-1918), soit enfin comme Directeur des Ports maritimes (effectivement de juillet à octobre 1918), M. de Joly mit son immense activité au service des importantes fonctions qui ressortissaient à nos ports et leur communiqua la vive impulsion dont son âme d'organisateur et ses sentiments patriotiques lui révélaient l'impérieuse nécessité.

Les circonstances commandaient alors d'instaurer, au lieu de la liberté quasi absolue qui caractérisait naguère l'exploitation de nos ports, une organisation et une discipline qui furent de plus en plus strictes, de plus en plus indispensables et se révélèrent de plus en plus fructueuses.

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Il contribua ainsi à accroître, dans une forte proportion, la puissance de nos déchargements par l'acquisition, à l'étranger, d'un grand nombre d'engins de levage, par l'organisation du travail continu avec les ressources en mains-d'œuvre prisonnière, coloniale ou étrangère mises successivement à sa disposition et par une bonne répartition de cette main-d'œuvre; il contribua à accélérer beaucoup l'évacuation des marchandises par une meilleure utilisation de la voie d'eau, de meilleures liaisons avec le réseau ferré, une concentration convenable des services de camionnage.

L'importation des charbons, des aciers, des céréales, la création ou l'extension des bases de nos alliés anglais et américains étaient au premier rang des préoccupations; elles durent à M. de Joly une bonne part des résultats obtenus, et ceux-ci comptèrent parmi les facteurs de la victoire finale.

Nombreux furent les travaux qu'il fallut, à cet effet, entreprendre et achever en pleine guerre, les postes de déchargement qui furent créés de toutes pièces ou complétés, les adjonctions de voies, de raccordements et de faisceaux de triage supplémentaires qui furent décidées et réalisées avec le concours des réseaux et du génie militaire, les constructions de camps pour la main-d'œuvre embrigadée, les parcs de camionnage qui surgirent dans la plupart de nos ports.

Pour consacrer le meilleur de son temps et de son labeur à ces œuvres de guerre, M. de Joly ne négligeait pas de prévoir la reprise, après la paix, des travaux ou des programmes d'extension de nos grands ports, tant pour parer à une crise possible à la fin des hostilités que pour ne pas encourir un retard préjudiciable au maintien de notre outillage national à la hauteur des futures circonstances économiques; les ports du Havre, de Dunkerque, etc., bénéficièrent notamment de l'activité éclairée qu'il déployait lui-même et inspirait aux autres dans tous les objets dignes de ses préoccupations.

En dehors de ses fonctions officielles au Ministère des Travaux publics et de ses conférences presque quotidiennes avec les représentants du Ministère de la Guerre ou ceux des missions

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