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éminence voifine; mais comme il y avoit un torrent, à paffer, le fou gueux Général qui n'avoit repris fes efprits qu'à demi, écarta fubitement ceux qui l'environnoient & s'élança en étourdi là où le courant fe trouvoit être le plus rapide. Cavalier & cheval, tout fut engloutio

Ces fuccès des armes tartares dans le Kiangfi furent fuivis immédiatement d'une grande victoire dans le Houkoang, qui foumit aux Mancheoux cette Province, dont ils ne poffédoient encore que la moindre partie. Mais dans le temps que le Régent apprit ces agréables nouvelles, on vint lui en apporter deux autres d'une nature bien différente il s'agiffoit de la double révolte du Chenfi & du Chanfi qu'on vit éclater coup fur coup, dans le même mois."

Le Chenfi avoit été fubjugué un volte du peu à la hâte par le brave OufanChenfi. kouei, qui, felon les premiers ar rangemens de la Cour, devoit y faire fa réfidence ordinaire. Cette

difpofition ayant enfuite été changée pour des raifons qu'on ignore; le gouvernement du Chenfi fut. confié à un Viceroi Chinois, à qui on donna trois à quatre mille Tartares commandés par un Officier général de cette nation. Tout fut d'abord affez tranquille dans le pays mais quatre ans s'étant écoulés, plufieurs Mandarins ennemis de la nouvelle domination, qui s'étoient retirés hors de la Province, y rentrèrent fucceffivement, & formèrent un gros parti dans les montagnes. Leurs premiers enrollemens furent fort fecrets; d'autres les fuivirent avec moins de mystère, & enfin on se déclara tout ouvertement contre les Mancheoux. Dans l'efpace de cinq à fix mois l'armée de ces rebelles monta à peu-près à quarante mille hommes.

Dès que les Chefs de la rébellion fe virent en forces, ils Phblièrent un manifefte fanglant contre les Tartares, qui fit une impreffion étonnante fur les efprits

Siége

ghan.

Toutes les Villes du Chenfi fecouérent le joug dans le même temps, à l'exception de Singhan, que la préfence du Viceroi & du Générál des troupes contint fans peine dans le devoir. Le feu de la révolte étoit fi, vif, qu'en très-peu de jours on vit accourir au rendezvous marqué plus de cent mille hommes, fur qui les Mandarins parurent compter beaucoup après la revue qu'ils en firent. Leur délibération ne fut pas longue pour ouvrir la campagne avec honneur: tous conclurent à fe mettre en marche vers Singhan.

La Place étoit en fort bon état ; de Sin- mais le petit nombre des Tartares qui la gardoient, faifoit espérer aux révoltés qu'on pourroit la foumettre aifément; & le Général Mancheou n'attendoit lui-même aucun bon fuccès du fiége qu'il alloit foutenir. Il fe défioit beaucoup des habitans, quelque affurance que pût lui donner làdeffus le Viceroi. Cette défiance' alla même fi loin qu'il propofa férieusement

férieufement à ce Mandarin d'égorger tous les Singhanois en état de porter les armes, pour fe mettre à couvert par cette voie de toute intelligence avec les rebelles. Deffein barbare & infenfé auquel le fage Viceroi ne manqua pas de s'oppofer fortement.

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A mefure que les rebelles établiffoient leurs quartiers autour de la Ville, le Général Mancheou fit fortir quatre à cinq cens de fes cavaliers pour donner vivement fur cette multitude de gens ramaffés, qu'on vouloit effrayer par ce coup de vigueur. Malheureusement pour ces Tartares, ils tombèrent au fortir de la Place non pas dans une embufcade, mais fur l'élite des troupes Chinoifes qui fe tenoient en bataille tandis que les autres travailloient à fe loger. Le détachement fut mal mené ; une partie y périt, & le refte pourfuivi jufqu'aux portes de la Ville y répandit quelque forte de terreur. C'en fut affez pour porter le Général Tartare à reprendre fon

Tome II.

B

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cours du

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néral Tar

tare.

premier deffein du maffacre des habitans, qu'il vouloit exécuter cette nuit-là même. Ce qui y mit obftacle, ce fut moins l'autorité du Viceroi, fon fupérieur, que la prudence de ce Chinois dans les réflexions qu'il fit faire au Mancheou, & dans les avis qu'il lui fuggéra à propos pour s'affurer de la fidélité des Bourgeois.

» Vous craignez, lui dit-il, que » les habitans de cette Ville ne fe Viceroi joignent à nos ennemis: cette » crainte eft mal fondée; je con»nois leurs vrais fentimens, & j'en réponds. D'ailleurs que pour »roient-ils faire, étant défarmés? » Peut-être que leur courage s'enhardiffant à mesure que l'armée >> rebelle achevera de nous inves »tir, les Singhanois convertiront » en armes tout ce qui s'offrira de»vant eux. Mais fi vous les fupm »pofez capables d'un tel excès, >>que ne feront-ils pas plutôt >> aux premiers cris de ceux qu'ils »entendront égorger? Hommes femmes, enfáns, tous devien

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