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» dront furieux, & feront pour »nous autant de bêtes féroces qui ≫me manqueront pas de nous dé» chirer. Ecoutez-moi Générat » des troupes, c'est tout à la fois »un confeil & un ordre que je >> vous donne : parmi ce grand peu»ple il y a un nombre confidéra>>ble de bourgeois qui ont porté >> les armes; levez-y inceffamment »um corps de volontaires , que »vous expoferez hardiment à la »première fortie qui fe fera. La » manière dont ils fe conduiront, »nous montrera ce qu'ils fçavent faire dans l'occafion; & vous » connoîtrez auffi-bien que moi fi ≫on peut compter fur leur fidélité.

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Par bonheur pour les Singhanois & pour le Général lui-même, qui paroiffoit fi mal difpofé à leur égard, cé Mancheou n'étoit qu'à demi barbare; & ce qui eft encore plus fingulier dans un homme de ce caractère, c'eft qu'il étoit capable de goûter un bon avis oppofé au fien. Celui du Viceroi fut fuivi à la lettre. Le corps de volontaires

qu'on forma ce jour-là même parmi les bourgeois, fortit dès le lendemain. Il donna heureusement fur un quartier des affiégeans, où fe trouvoit réuni ce qu'il y avoit de plus foible, & il en eut par conféquent très-bon marché.

Le Général Tartare, qui ignoroit la qualité des troupes que ces Bourgeois attaquoient fi vertement, venoit de monter fur une tour des remparts, d'où il découvrit à fon aife la bonne manœuvre des Singhanois. Au bout de quelque temps il fit fonner la retraite, & tout tranfporté de joie il accou rut au devant des vainqueurs qu'il combla d'éloges. Ces bonnes gens y furent très fenfibles, n'ayant rien fçu des mauvais deffeins de ce Mancheou.

De fon côté le Prince Régent ne s'endormoit pas à Pekin. Sur la première lettre qu'il avoit reçue de Singhan, au fujet de la révolte du Chenfi, il avoit envoyé ordre au Général des troupes tartares qui venoient de réduire Nanchang,

de faire marcher contre les rebelles vingt mille hommes de fon armée. Tout ce qu'il y avoit de Mancheoux fur la route devoit fe joindre à ce détachement, qui devint par-là une armée en forme.

Ce grand fecours étoit cependant moins néceffaire qu'on ne penfoit. Il fe trouvoit encore bien foin de Singhan, & le fiége de cette Ville languiffoit déjà. Ceux qui en avoient la conduite, s'étoient déterminés à tenter l'efcalade; ils hazardèrent même un affaut, dans l'efpérance que les habitans fe déclareroient enfin pour eux, ou refteroient au moins comme neutres; mais ils furent partout repouffés. Les Singhanois étoient à leur égard autant de Tartares qui les culbutoient du haut des échelles, ou les enfiloient fans ménagement avec leurs piques.

En vue d'infpirer aux Bourgeois une ardeur fi vive, & naturellement fi peu attendue de leur part, le Viceroi fe contentoit de répéter ce peu de paroles dans tous

Soumif

Chenfi.

les poftes défendus par les habitans: Courage, braves Singhanois penfez à ce qu'on dira de vous à la Cour, lorfqu'on y fçaura ce qui fe paffe ici; que de toutes les Villes de la Province, il n'y a eu que Singhan qui foit reflé fidéle; & que fes Bourgeois ont écrasé vaillamment cent mille ennemis de notre bon Maître.

Les Soldats Mancheoux, nation folide à bien des égards, loin d'être jaloux & mécontens de l'honneur que ce Mandarin fembloit faire à la feule Bourgeoifie de la défense de Singhan, étoient les premiers à lui applaudir. Ils affectoient même de dire tout haut que la Place eût été infailliblement perdue, fi les Citoyens avoient eu moins de bravoure ou moins de fidélité pour leur Souverain.

Le fecours approchoit cepenfion du, dant; mais tout bien examiné, les affiégeans déjà fi mal traités, ne jugèrent pas à propos de le voir arriver. Ils décampèrent avec tant de hâte, qu'il refta bien de leurs bagages autour de la Ville, dont

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les Singhanois & les Mancheoux profitèrent également. L'avantgarde de l'armée tartare voyant le fiége levé, voulut pénétrer plus avant dans le pays: on ne s'avisa pas de troubler fa marche. Point d'ennemi en campagne, point de Ville qui fermât fes portes; tout parut foumis, autant qu'on pouvoit le defirer. Il eft hors de doute que cette conduite toucha efficacement le Général Mancheou, & lui fit tomber les armes des mains. L'amnistie qui vint enfuite, ne portant exclufion de perfonne, acheva de pacifier toute la Province: elle parut plus tranquille après cet orage qu'elle ne l'avoit été auparavant.

volte du

Chanfi.

La révolte du Chanfi fut plus Rédifficile à appaiser: auffi devoitelle fon origine à l'impunité d'un crime énorme, commis par quelques Mancheoux. Lejeune Empereur approchant de fa quatorziéme année, la Régence penfa à le marier, & jetta les yeux fur la fille d'un Prince Mongou, puiffant par

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