Page images
PDF
EPUB

exercée au préjudice du tiers, si elles ont été vendues sur factures et connaissemens, avant leur arrivée, la loi exige pour condition essentielle que la vente ait été faite sans fraude;

Que, dans l'espèce, on excipe, il est vrai, d'une vente qui aurait été faite par le sieur Aquarone aîné, l'un des deux commissaires de Cabanellas frères, le 21 mai dernier, au sieur François Roux, des deux barils safran dont il s'agit; mais que cette vente que la loi, quant aux faillis, déclare nulle et frauduleuse de droit, a eu lieu dans des circonstances qui doivent la faire considérer également comme frauduleuse, à l'égard du sieur François Roux;

» Que les diverses. présomptions qui indiquent la fraude consistent en ce que, 1o le sieur Roux ne pouvait ignorer, à l'époque du 21 mai, la déconfiture de Cabanellas frères, puisque non seulement cette déconfiture était notoire, mais qu'encore il traitait avec les commissaires de la masse ; que malgré cette circonstance, il se contenta d'un traité sous seing-privé ;

2° Que la vente est faite sur connaissement, bien que la marchandise fût dans le port et, par conséquent, sur le point d'être débarquée ;

3° Que quoique, dans l'usage, le safran ne se vende que sur échantillon ou après avoir été vu, l'acheteur se contente d'énoncer dans le traité sa qualité, lorsqu'il pouvait, en attendant quelques jours plus tard, s'assurer, en le visitant, s'il était, ou non, à sa convenance;

4° Enfin que le sieur Roux, qui devait recevoir la mar¬ chandise au débarquement, n'ayant pu ignorer non seulement l'opposition que le sieur Maisonnave avait faite à sa délivrance, mais encore la saisie - revendication qu'il en avait fait faire le lendemain, ne fit rien pour attaquer des actes si essentiellement contraires aux droits qu'il aurait cus;

» Que ces diverses présomptions sont assez graves et assez concordantes pour entacher de fraude la vente dont s'agit, à l égard du sieur Roux;

Qu'inntilement les syndics et le sieur Roux ont excipé de la jurisprudence qui a établi que, tant que la faillite n'est pas judiciairement déclarée, les tiers de bonne foi peuvent traiter valablement avec le failli; que les jugemens et arrêts qui ont été cités ont tous été rendus dans l'hypothèse d'opérations faites avec le failli, ce qui pouvait laisser croire au tiers qu'il était dans la plénitude de ses droits; tandis que, dans l'espèce, au contraire, il s'agit d'une opération traitée et conclue avec ceux que la masse des créanciers avait investi de l'administration des biens de la faillite, et à une époque où tout fait présumer que l'action en revendication était connue et intentée;

» Que, dans pareille circonstance, il serait contraire à toutes les règles de droit et d'équité d'entretenir un acte qui aurait eu pour but évident d'augmenter la masse, au préjudice du vendeur, d'une marchandise dont le prix n'a pas été payé.

» LE TRIBUNAL faisant droit aux fins prises par le sieur Maisonnave, maintient au 28 avril dernier l'époque de l'ouverture de la faillite des sieurs Cabanellas frères et Cnie; déclare nulle la vente faite par le sieur Aquarone aîné au sieur Roux, le 2r mai dernier, des deux barils safran dont il s'agit; admet la demande en revendication formée par le sieur Maisonnave desdits deux barils safran ; autorise, en conséquence, ledit sieur Maisonnave à s'en mettre en possession par toutes les voies de droit, etc.

Du 6 décembre 1826. - Prés. M. AUTRAN. Plaid. MM. ROUVIÈRE pour Maisonnave, MASSOL-D'ANDRÉ pour les syndics, CLAPIER pour Roux.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Les courtiers interprètes et traducteurs des langues étrangères peuvent-ils varier le prix de leurs traductions, suivant la diversité des langues? (Rés, aff.)

En conséquence, peuvent-ils élever au-dessus du prix commun et usuel, le prix de traduction d'un document écrit dans une langue moins répandue que les autres dans le lieu où se fait la traduction? (Rés. aff.)

(Raspal contre Vigne. )

LES courtiers interprètes et traducteurs des langues étrangères ont le droit exclusif de traduire toutes les pièces et documens écrits en langue étrangère, du moins en ce sens que leurs traductions ont seules foi devant les tribunaux de commerce. (Art. 80, C. de comm.)

par

Les frais de ces traductions ne sont tarifés aucune loi, ni par aucun réglement d'administration publique.

L'absence de toute règle légale, à cet égard, a donné naissance aux questions qui précèdent. Voici l'espèce :

Le sieur Raspal, négociant à Marseille, était

en procès avec ses assureurs sur corps du brigantin l'Aimable Pauline.

A l'occasion de ce procès, il avait besoin de faire traduire un document écrit en langue portugaise.

Il s'adresse à Me Vigne, seul courtier interprète et traducteur de cette langue près la Bourse de Marseille.

Me Vigne traduit le document et il perçoit une somme de 327 fr. 90 c. Le solvit est ainsi conçu: Traduction, 50 rôles 2, à 6 fr.

[merged small][ocr errors]

30gf

[ocr errors][merged small]

18f Total. 327 90c

Le 26 octobre 1826, le sieur Raspal fait assigner Me Vigne devant le tribunal de commerce: il demande restitution d'une somme de 154 fr. 50 c. sur le prix de la traduction.

Il fonde cette demande sur deux moyens:

Et d'abord, dit-il, Me Vigne a porté le prix du rôle de traduction à 6 fr.: ce prix est excessif. Et ce qui le prouve, c'est que, dans toutes les circonstances, il ne porte qu'à 5 fr. le rôle de traduction de la langue espagnole, c'est que les autres courtiers interprètes des langues espagnole et italienne nc portent ce rôle qu'à 3 et 4 fr.

Vainement on objecte que les traductions de la langue portugaise offrent plus de difficultés que

les traductions des autres langues, notamment de l'espagnol.

On sent que, pour quiconque possède également bien plusieurs langues, il n'y a pas plus de diffi culté à traduire l'une que l'autre. Or, Me Vigne est censé posséder les langues portugaise et espagnole, puisqu'il a obtenu le titre d'interprète-juré. Il doit donc avoir un prix uniforme et il ne peut arbitrairement élever les traductions de la langue portugaise, au-dessus du prix commun et usuel des traductions espagnoles.

Et, dans l'espèce, la difficulté était d'autant moins sérieuse que 562 lignes de traduction sont occupées par la répétition continuelle d'un protocole familier; ce qui représente dix-huit rôles trois quarts, dont le prix, à raison de six fr. le rôle, s'élève à 112f 50c

En deuxième lieu, les rôles de la traduction ne sont composés, l'un comportant l'autre, que de 15 à 16 lignes à la page, ce qui est véritablement abusif, puisque, dans l'usage, ces sortes de traductions ont toujours de 25 à 30 lignes à la

page.

Me Vigne répond:

1o La demande du sieur Raspal est non-recevable, puisqu'il a payé sans réserve, ni protestation.

2o Cette demande est mal fondée, parce que, d'une part, chaque langue ayant son génie propre et des difficultés particulières, il ne peut

« PreviousContinue »