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prétendu que c'était une circonstance à déclarer aux assureurs, comme capable d'aggraver l'opinion du risque;

Qu'inutilement les assureurs, s'étayant des déclarations faites par les marins qui montaient la chaloupe de secours près de Mahon, pré endent que la cabane dont s'agit pouvait être une cause d'accident, parce que, d'après eux, outre la place pour les ânes, elle contenait également les provisions pour leur nourriture;

» Qu'il résulte, au contraire, des attestations produites. par l'assuré que la cabane était uniquement destinée pour les animaux et que les provisions pour leur nourriture étaient placées dans l'entre-pont;

Qu'il n'est même pas à présumer que l'on eût placé ces provisions sur le pont, où elles auraient pu être atteintes par l'eau de la mer dont on avait à les préserver, et qu'il est bien plus naturel de penser qu'on les avait mises à l'abri dans l'entre-pont;

» Qu'au surplus, il est difficile de concevoir que les marins qui montaient la chaloupe de secours aient pu voir les provisions qui, ne fût-ce que pour mieux les conserver, devaient être enfermées, puisqu'il est constant, en fait, qu'aucun des marins n'est monté à bord du brick Sarde le Saint-Joseph;

» Qu'ainsi, il y a lieu de considérer la cabane dont il s'agit comme une circonstance indifférente que l'assuré a pu se dispenser de faire connaître à ses assureurs;

» Attendu qu'il résulte du rapport fait par le capitaine Sardi, dans le lazaret de Mahon, le 25 novembre 1825, dûment affirmé par les gens de son équipage et deux négocians passagers, qu'après avoir perdu, par l'effet d'un coup. de vent, la grande vergue sans laquelle il ne pouvait naviguer et en se dirigeant vers Mahon pour la remplacer, un coup de mer, qui remplit la couverte et la chambre

d'eau, lui emporta l'habitacie et divers autres objets; qu'arrivé, le 23 novembre, à l'embouchure du port de Mahon, où il ne put entrer à cause du vent du nord qui soufflait avec violence, il y jeta l'ancre et fit signal de détresse, en tirant un coup de canon; que quelque temps après, une chaloupe de pilote, montée d'un assez grand nombre de marius, vint à son secours et l'aida à mettre de sorte que le

à la mer une petite et une grosse ancre, navire était ainsi fixé sur ses trois ancres; qu'ensuite la chaloupe de secours se retira et le navire se maintint dans cette situation jusqu'à quatre heures et demie du soir; que le vent se renforçant avec beaucoup de force au nord-est, lui fit rompre l'un des câbles; que voyant le péril imminent dans lequel il se trouvait et que déjà il n'y avait plus d'espérance de sauver le navire, le capitaine consulta son équipage et que, d'un avis unanime, il fut décidé d'abandonner le navire pour sauver au moins leur vie, ce qu'ils effectuèrent en s'embarquant dans la chaloupe sur laquelle ils abordèrent avec peine, entre six et sept heures du soir, au lazaret de Mahon; d'où ils aperçurent, vers neuf heures et demie, les autres câbles casser et le navire aller se mettre. en pièces contre les rochers;

» Attendu que les assureurs ont blâmé la conduite du capitaine Sardi et ont soutenu qu'il avait fait faute, soit en abandonnant le navire, tandis qu'il tenait encore sur deux ancres et par deux câbles, au lieu de l'alléger et de manœuvrer pour le sauver, soit en ne pas coupant les mâts et la cabane en question, soit en laissant le navire sur un écueil, au lieu d'abandonner les ancres et de se porter au sud de l'île où le vent l'aurait poussé naturellement, soit enfin en abandonnant le navire sans avoir demandé de nouveaux secours;

» Et sur ce, attendu que le consulat atteste que le capitaine Sardi n'a abandonné le navire qu'après en avoir

délibéré avec l'équipage, et que, de plein droit, il doit ètre réputé ne l'avoir fait que par nécessité; que le capitaine et son équipage étaient naturellement les meilleurs juges de la situation où se trouvait le navire, et qu'il serait injuste de supposer qu'ils prirent mal à propos l'épouvante et abandonnèrent lâchement le navire avant que tout espoir de le sauver fût perdu;

» Qu'il résulte, au contraire, du consulat que le capitaine ne s'est décidé à cet abandon qu'après qu'un des câbles eut cassé, et que le vent renforçant avec fureur, ne lui laissait plus d'espoir de sauver le navire, ce que l'événement n'a que trop justifié;

» Que le capitaine Sardi a déduit les causes qui, dans son opinion, l'ont empêché de faire les manœuvres que les assureurs lui reprochent de n'avoir pas faites; mais qu'en supposant qu'il se fût trompé et que de deux partis, il n'eût pas pris celui qu'un capitaine d'un courage et d'une instruction au-dessus de l'ordinaire aurait peut-être adopté, il ne s'ensuit pas qu'il ait commis une faute dont il doive subir les conséquences;

Que si, d'un côté, le capitaine doit répondre de ses fautes réelles, de l'autre, on ne doit pas légèrement l'accuser et préférer des conjectures et des raisonnemens plus ou moins spécieux, faits hors du lieu et du moment du péril, à l'assentiment et au témoignage d'un équipage nombreux et de passagers qui ont pu apprécier le courage ou les craintes du capitaine et qui ont été avec lui les témoins et les juges des circonstances;

» Attendu que le reproche d'avoir abandonné le navire sans faire aucun signal pour demander de nouveaux secours, n'est justifié que par des attestations contredites par les attestations contraires produites par l'assuré; que, sans entrer dans le mérite du reproche adressé par le capitaine Sardi aux marins de la chaloupe de secours qui furent

entendus, et à la forme de l'enquête prise au nom des assureurs, les faits sur lesquels portent les déclarations produites par l'assaré sont bien plus vraisemblables que ceux contenus dans le premier document; qu'il est, en effet, bien plus naturel de présumer que le capitaine, qui était intéressé à sauver non-seulement sa vie, mais encore le navire et la cargaison, qui étaient sa propriété, a fait tout ce qui dépendait de lui pour y parvenir, et que, s'il n'a pas donné le signal dont parle l'enquête des assureurs, c'est que, sans doute, non-seulement ce signal n'avait pas été convenu, mais encore qu'il a jugé inutile de réclamer de nouveau du secours, la tempête ne permettant pas qu'on vînt le lui donner, et que d'ailleurs la nuit s'avançant, il a pensé qu'il n'avait pas de temps à perdre pour sauver la vie des hommes du bord;

» Que si, à toutes ces considérations, on ajoute la circonstance qu'aucun soupçon de baratterie n'a été élevé contre le capitaine Sardi dont les assureurs n'ont point méconnu la probité, on reste intimement convaincu que le capitaine ayant, indépendamment des devoirs que sa qualité de capitaine lui imposait, un intérêt personnel et majeur à éviter le malheur qu'il a éprouvé, a fait tout ce qui dépendait essentiellement de lui pour n'y pas tomber;

» LE TRIBUNAL déclare valable l'abandon des facultés chargées sur le brick le Saint-Joseph, capitaine Sardi; condamne, en conséquence, les assureurs au paiement, en faveur du sieur Pagano neveu, des sommes par eux rešpectivement prises en risques, etc. »

Du 27 décembre 1826. Prés. M. AUTRAN. Plaid. MM. MAURANDI pour Pagano, ROUVIÈRE les assureurs (1).

pour

(1) Ce jugement a été exécuté sans appel par les assureurs.

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En général, le terme stipulé dans une chartepartie pour le paiement du fret et qui dépasse l'époque de la décharge des marchandises, est-il un obstacle aux mesures conservatoires autoril'article 306 du code de commerce, par c'est-à-dire, au dépôt des marchandises en mains-tierces jusqu'au paiement du fret? (Rés. nég.)

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Et spécialement, le dépôt des marchandises en mains-tierces doit-il surtout être ordonné, nonobstant le terme convenu pour le paiement du fret, dans le cas où la cargaison est affectée à ce paiement par une clause expresse de la chartepartic? (Rés. aff.)

(Le capitaine Lucas contre Poussel et Staffort.)

Le 14 mars 1826, le capitaine Lucas nolise le brick Emilie qu'il commandait aux sieurs Poussel et Staffort, pour un voyage de Marseille à Rio

Janeiro et retour.

La charte-partie porte :

Art. 14. Le présent affrétement est conclu au

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