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Tribunal de commerce.-Preuve testimoniale.Compétence.

Un tribunal de commerce dont la compétence est déclinée, peut-il, avant de statuer sur le déclinatoire, ordonner une preuve par témoins demandée par l'une des parties et tendante à déterminer la nature du litige? (Rés. nég. )

(Dumontier contre Liston.)

E

Le sieur Liston assigne le sieur Dumontier devant le tribunal de commerce de Bernay, pour le partage d'une certaine quantité de bois achetée sous le nom du sieur Dumontier seul, mais que le sieur Liston prétendait être de compte à demi entr'eux.

Le sieur Dumontier nie la participation et refuse le partage. Le sieur Liston offre de prouver par témoins que l'achat des bois a été fait par lui conjointement avec le sieur Dumontier.

Alors le sieur Dumontier décline la juridiction du tribunal de commerce.

Le 3 février 1826, jugement par lequel le tribunal retient l'affaire et, avant dire droit sur le déclinatoire, ordonne la

preuve demandée

par le

sieur Liston.

Appel, de la part du sieur Dumontier.

ARRÊT.

« Considérant que les juridictions sont de droit public, et qu'il n'est permis à qui que ce soit d'y porter atteinte ;

» Qu'il serait très dangereux, et surtout dans l'espèce actuelle, de faire dépendre du sort d'une preuve testimoniale la compétence d'un tribunal;

» Que les tribunaux de commerce sont des tribunaux d'exception, et que leur compétence est établie par la loj spéciale sur la matière ;

>> Considérant que le sieur Liston a intenté son action pour une demande en partage de bois vendus par le sieur Aubert Dumesnil;

» Que le titre de cette action ne présente aucune opération commerciale; que, sous ce rapport, elle rentrait dans le droit commun, et devait être soumise aux tribunaux ordinaires;

Que, même dans le fait particulier, il est démontré au procès, que le sieur Dumontier a acquis, seul et à son profit singulier, les arbres dont il s'agit;

> Qu'il appert des plaidoiries qu'il y aurait eu quelques pourparlers entre les parties pour la cession d'une portion desdits arbres, mais à des conditions que le sieur Liston n'a point voulu accepter, ce qui écarte toute idée d'une société en participation.

>> LA COUR, émendant, déclare l'action incompétemment portée devant le tribunal de commerce de Bernay. >

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Lettre de change sur soi-même.

Compétence.

Un effet souscrit dans un lieu et payable dans un autre lieu par le souscripteur lui-même, peut-il être réputé lettre de change? ( Rés. nég. ) Les tribunaux de commerce sont-ils compétens pour connaitre d'un pareil effet, lorsque le souscripteur n'est pas commerçant? (Rés. nég. )

E

(Olive contre Palancade. )

Le sieur Olive avait souscrit un effet, sous la forme de lettre de change, dans lequel il était à la fois tireur et tiré.

A l'échéance, protêt faute de paiement.

Le sieur Palancade, porteur de l'effet, assigne le souscripteur devant le tribunal de commerce de Pamiers, et demande condamnation avec contrainte par corps.

Le sieur Olive oppose qu'il n'est point négociant, et que l'effet qu'il a souscrit, payable par lui-même, n'est point une lettre de change, mais une simple promesse civile.

En conséquence, il décline la juridiction du tribunal de commerce.

Le 12 août 1824, jugement qui rejette le déclinatoire, attendu que l'effet, tiré d'un lieu sur un autre lieu, présente tous les caractères d'une lettre de change.

VIII. 2me P.

3

Appel, de la part du sieur Olive, devant la cour royale de Toulouse..

ARRÊT.

«Attendu que si, avant la promulgation du code de commerce, les lettres de change tirées sur soi-même étaient reconnues valables, c'est parce que l'article 1o du titre V de l'ordonnance de 1673 n'avait pas compris dans le nombre des qualités nécessaires à une lettre de change le concours de trois personnes ;

Que plusieurs auteurs s'étaient élevés contre cette législation, et que divers parlemens avaient même annulé des lettres de change tirées sur le souscripteur luimême, comme ne présentant pas le nombre de personnes essentielles à ce genre d'obligation;

» Attendu que le code de commerce, article 110, en copiant presque textuellement l'article 1er du titre V de l'ordonnance de 1673, y a ajouté que la lettre de change contiendrait le nom de celui qui doit la payer, et que, par là, le législateur a exigé le concours de trois personnes, et proscrit les lettres de change sur soi-même ;

>> Attendu que le caractère principal qui distingue le billet à domicile de la lettre de change, consiste en çe que deux personnes interviennent dans le premier, et que le souscripteur s'oblige à faire lui-même le paiement, tandis que, dans la lettre de change, le tireur indique une tierce personne pour acquitter son obligation;

» Que, dans les lettres de change tirées sur soi-même, le souscripteur fait lui-même le paiement, et qu'ainsi ce n'est qu'un billet à domicile, revêtu des apparences d'une lettre de change;

-> Attendu que, si le tireur et le tiré étaient une seule et même personne, l'acceptation deviendrait impossible, et

que cependant, par l'importance que la loi y a attachée et les effets qui en résultent, l'acceptation est une des conditions essentielles à la lettre de change;

» Attendu que les articles 115 et 116 du code de commerce, en exigeant que la provision soit toujours faite par le tireur, et en déclarant qu'il y a provision dans les mains du tiré toutes les fois qu'il est redevable d'une somme au moins égale au montant d'une lettre de change, prouvent que la loi a entendu que le tireur et le tiré ne seraient pas une même personne, mais deux individus distincts;

*** Attendu que, lors même que l'usage de tirer sur soimême se serait continué depuis le code de commerce, il faudrait, pour abroger les dispositions de la loi, que cet usage eût été controversé et suivi de quelques jugemens contradictoires, et qu'en outre, il fût établi par des actes publics, fréquens, uniformes, répétés pendant un espace de temps assez long pour que le législateur pût être présumé avoir tacitement consenti à l'abrogation qu'on prétend établir, et que l'usage qu'on allègue ne présente point ces caractères;

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» LA COUR infirme le jugement et renvoie les parties à se pourvoir devant les juges compétens (1). »

Du 22 juillet 1825.- Cour royale de Toulouse, 3me chambre. Prés. M. le Baron de CAMBON.

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Plaid. MM. SONEIX et DELOUME.

(1) Cet arrêt est conforme à la doctrine de M. Pardessus, Cours de droit commercial, 3me édition, n° 335.

Voy. ce Recueil, tome VII, 2me part., pag. 177.

En cette matière, l'essentiel est de savoir, quant à la compétence, s'il y a remise de place en place. La

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