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putés par MM. Clausel de Coussergues, de Villèle, Bourdeau, de La Bourdonnaye, de Girardin; et enfin il citait l'opinion émise par M. de Corbière, sur l'obligation où étaient les fonctionnaires publics de voter dans le sens de l'administration, ou de renoncer aux emplois qu'ils tenaient de sa confianee.

« Le gouvernement représentatif, dit Me Barthe en terminant la première partie de son plaidoyer, n'est autre chose que l'intervention du pays dans les affaires publiques; il y intervient par deux moyens par les élections qui vous donnent le pouvoir que vous exercez, et par la liberté de la presse.

« Si le premier moyen venait à succomber sous une influence corruptrice, la liberté de la presse doit être là pour recevoir les plaintes du pays, et pour les exprimer avec la plus grande énergie; et rien n'est encore perdu : mais qu'on lai enlève cette dernière ressource, toute intervention nationale a dispara; le gouvernement représentatif n'est plus qu'un vain mot, il n'en reste que les charges; il y a tyrannie d'un ministère ou d'une majorité. »

Quant aux autres chefs de l'accusation, « que la Chambre s'est servie de son pouvoir pour des intérêts personnels, et que par sa composition elle semble le tuteur des commis et des courtisans,

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« L'on a cru voir dans ces paroles, dit Me Barthe, que la Chambre votait sans indépendance et sans désintéressement, ce qui a paru un outrage. Messieurs, s'il était vrai que le Journal du Commerce eût dit que la majorité de cette Chambre avait sacrifié ses opinions à ses intérêts; s'il était vrai qu'on eût pu écrire que cette majorité avait vendu pour des emplois et de l'argent les intérêts sacrés qui lui étaient confiés, vous n'auriez pas eu l'inconvénient d'une défense. La défense ne serait pas possible devant une chambre qui ne mériterait pas un tel outrage, moins possible encore devant une Chambre qui les mériterait.

«Telle n'a pas été la pensée de l'écrivain; et la preuve se trouve dans son article même: il y déclare qu'il rend justice à la loyauté de ceux qui composent cette Chambre, comme citoyens, et qu'elle est un embarras pour le ministère : ce qui serait évidemment contradictoire avec l'imputation de sacrifier son indépendance à ses intérêts. Il est constant d'ailleurs que, parmi ceux qui ont voté la loi, plusieurs n'avaient pas un intérêt à son admission; que d'autres, ayant un intérêt à cette admission, ont voté contre.

« L'écrivain a reconnu un premier fait: c'est qu'an grand nombre de membres de cette Chambre appartenait à la classe pour laquelle la loi d'indemnité a été faite, et que ces membres ont voté. Out-ils voté contre leur conscience? le journal ne le dit pas; il est même certain du contraire. Il faudrait bien peu connaître les hommes, l'influence que leurs habitudes, que leurs souvenirs exercent sur leurs opinions, pour supposer que ceux des députés qui avaient un intérêt en votant l'indemnité, croyaient voter une loi injuste. S'ils la taxaient d'injustice, c'est parce qu'elle n'accordait pas assez. En votant, ils ont rencontré leurs intérêts; ils ne les ont pas cherchés en capitulant avec leur conscience, car leur conscience et leurs intérêts se trouvaient d'accord. Mais le journal n'en a pas eu moins le droit de constater ce qui sera constaté par l'histoire, la coincidence des intérêts avec les votes. Ceux de MM. les députés qua nos articles semblaient atteindre dans cette partie de la discussion doivent

croire à la sincérité de notre explication. Le Journal du Commerce a dit que, par sa composition, la Chambre des députés semblait le tuteur des commis et

des courtisans.

Il est évident que l'écrivain a fait allusion au grand nombre de fonctionnaires révocables qui se trouvent dans cette assemblée. Après avoir reconnu le fait en lui-même, il en tire une conséquence rationnelle.

«Le calomniateur invente les faits et en tire des conséquences: il commet un délit.

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« Un autre, en exprimaut la vérité, se sert de mots grossiers, que la bonne compagnie réprouve. Il peut offenser; mais son délit est bien loin d'approcher de la calomnie elle-même. Le journal n'est dans aucun de ces cas.

« Il a reconnu un fait; il a ensuite raisonné bien ou mal: un raisonnement, une conséquence rationnelle peut-elle être une offense ? telle est la question.

Ici encore l'éloquent défenseur citait des exemples d'une critique plus offensive donnée par des écrivains, par des orateurs des deux Chambres, surtout en Angleterre; il s'élevait contre le mépris affecté pour la profession de journaliste dans cette circonstance par des membres qui avaient porté ou soutenu l'accusation; et il terminait par un appel à la générosité, à la justice, à la dignité de la Chambre, dont la juridiction nouvelle ne devait pas s'ouvrir par un acte de rigueur qui compromettrait les droits qu'elle avait mandat de défendre.

M. le président venait de poser les questions et d'indiquer le mode à suivre dans le dépôt des boules. Le nombre des votans était reconnu de 342, déduction faite des trois ministres députés (MM. de Villèle, de Corbière et de Peyronnet) qui avaient déclaré n'assister que comme ministres à la séance, et de MM. Casimir Perier et Humann qui s'étaient récusés. On allait procéder au scrutin, lorsque M. Benjamin Constant rappelant que lorsque la Chambre des pairs s'était trouvée dans une circonstance analogue, le noble pair auteur de cette proposition (M. le comte de Noé) avait cru devoir s'abstenir de voter, témoigna qu'il espérait que son honorable collègue (M. de Salaberry), accusateur du Journal du Commerce, et ceux de la Chambre qui s'étaient prononcés d'avance pour le châtiment à infliger au journaliste, auraient la même délicatesse. Cette observation, appuyée par M. de Cambon, n'eut point de suite; et le dépouillement du scrutin, fait dans le plus grand silence, offrit en résultat 213 boules blanches pour la

condamnation, et 129 boules noires pour l'absolution, en conséquence de quoi le président déclara que l'éditeur responsable du Journal du Commerce s'était rendu coupable d'offense envers la Chambre des députés des départemens.

Il s'agissait maintenant de décider quelle peine devait être appliquée au coupable, et il s'élevait une difficulté relativement au cas de récidive qui permettrait d'élever l'amende encourue au quádruple du maximum (c'est-à-dire à 20,000 fr.); mais sur les observations faites par quelques membres que le cas de la récidive ne pouvait exister que suivant les dispositions de l'article 58 du Code pénal, c'est-à-dire lorsqu'une première condamnation aurait entraîné plus d'un an d'emprisonnement, et qu'il était du devoir particulier des députés de défendre les droits et les prérogatives des communes qui avaient besoin de la liberté de la presse pour faire arriver au trône leurs vœux et leurs doléances (M. Hyde de Neuville), la Chambre se prononça pour le minimum de la peine, à la majorité de 37 voix (188 boules blanches contre 151 boules noires), et l'éditeur du Journal du Commerce fut condamné à too francs d'amende et à un mois de prison.

On s'est étendu sur cette affaire, parce qu'elle offre des détails précieux à recueillir pour l'histoire du temps; on ne fera que rappeler ici d'autres propositions faites à la même époque.

La première, développée par M. de Fournas dans la séance du 20 février, tendait à faire plusieurs modifications au règlement de la Chambre des députés, relativement au mode d'élection des candidats à la présidence et du recueillement des votes de la Chambre. L'honorable membre proposait: 1° d'élire les cinq candidats à la présidence et les vice-présidens par un seul et même scrutin, de sorte que le Roi ayant choisi entre les cinq premiers, les quatre candidats désignés ensuite fussent de droit vice-présidens; 2o de fixer la majorité nécessaire pour la validité des votes de la Chambre, eu égard au nombre des membres absens par congé ou autrement, de sorte toutefois qu'elle fût au moins de 109 membres pour rendre valable l'acceptation ou le rejet d'une proposition de loi; 3o de laisser au bureau, formé du président et de deux secrétaires au

moins, le soin de nommer les commissions, en choisissant un membre dans chaque bureau, etc.

Cette proposition fut discutée dans la séance du 22 février. M. de Beaumont trouvait des avantages à l'adoption de quelques unes de ses dispositions; mais il regardait celle qui fixait la majorité nécessaire pour voter les lois comme contraire à l'art. 18 de la Charte. M. Mestadier appuyait la prise en considération, sans toutefois adopter tous les changemens proposés. M. Reveillère portait une opposition décidée à des améliorations dont la réalité ne lui était pas démontrée. M. Hyde de Neuville approuvait que la Chambre nommât par un même scrutin les candidats à la présidence et à la vice-présidence; car il lui semblait que, d'après le mode qui s'est établi, la Chambre des députés pouvait imposer au monarque un président qui ne serait point l'homme de son choix; au lieu que si la vice-présidence revenait de droit aux députés présentés pour la présidence, il en résulterait la nécessité de nommer cinq candidats remplissant toutes les conditions nécessaires pour présider la Chambre, et le choix du souverain serait alors parfaitement libre.

Quoique la nomination des commissions par le président parût être un avantage pour les membres de l'opposition, le même orateur la croyait contraire à nos mœurs. A cet égard, d'ailleurs, il ne voyait pas d'intérêt à changer le règlement; car, selon lui, ce n'était dans la Chambre, ce n'était pas même dans les bureaux que se nommaient les commissions.

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« Voulez-vous savoir, dit l'honorable député, comment tout se passe? car ici nous n'avons rien à taire; nous n'accusons, nous ne voulons blesser personne; nous ne faisons qu'établir des faits.

« Il existe, Messiears, une réunion composée de bons et loyaux députés, qui votaient avec nous en 1815, et qui nous reviendraient bien vite si le panache blanc courait des dangers, s'ils savaient seulement, ce dont nous sommes convaincus, à quel point le faux système que l'on suit peut exposer notre pays. C'est dans cette réunion, Messieurs, réunion que préside un hôte fort estimable, qui depuis long-temps est armé, par l'habitude et la courtoisie, d'une sorte de dictature (les regards de l'assemblée se tournent vers le banc où siége M. Piet); c'est dans cette réunion, dis-je, que tout s'élabore, tout se règle, tout se décide; c'est là, Messieurs, qu'on met en quelque sorte la Chambre en tutelle: et voilà pourquoi nous ne sommes plus, pour ainsi dire, que les spectateurs de ses opérations. C'est aussi ce qui vous

explique, Messieurs, comment il arrive si souvent que nous voyons sortir de l'urne, dans nos bureaux, le nom d'un député qui, comme vous l'a fort bien fait observer M. de Beaumont, n'a pas même ouvert la bouche et pris part à la discussion.

Que faire, Messieurs? tout est dans l'ordre : la majorité fait partout la loi; il n'y a donc qu'à se soumettre, comme le font partout les minorités; seulement, il est utile de signaler l'abus; c'est le seul moyen qui nous reste peutêtre pour l'affaiblir. Au reste, Messieurs, consolons-nous : si nous sommes battus, nous ne sommes pas vaincus; les majorités moissonnent, mais d'ordinaire elles gaspilleat; les minorités glanent, mais elles conservent, mais elles fout des provisions. Rappelons-nous, Messsieurs, que le Conservateur, ce dépositaire de toutes les doctrines monarchiques, a fini par passer de la minorité à la majorité. Nous sommes. quant au nombre, les plus faibles; tâchons d'être toujours en logique, en raison, les plus forts. La force de la raison est celle qui finit par triompher de tous.

En résumé M. Hyde de Neuville rendait justice aux sentimens de l'auteur de la proposition, mais il ne croyait pas que le temps fût venu d'en tirer les avantages qu'il pouvait s'en promettre. Après ce discours, qui fit dans la Chambre des impressions bien différentes, la prise en considération fut rejetée à une forte majorité.

La seconde proposition, développée par M. Boucher le 6 mai en comité secret, rappelait celle faite dans une session précédente par M. Jankowitz : elle portait que tout député promu par le gouvernement à un emploi amovible, excepté dans les armées de terre et

de mer, cesserait par le fait même de sa nomination de faire partie de la Chambre, mais qu'il pourrait être réélu... Les journaux de l'opposition ont nommé parmi les députés qui ont combattu cette proposition MM. Chifflet, de Boisclairaut, de Sesmaisons; et parmi ceux qui l'ont défendue MM. de Leyval, Jankowitz, Raudot, Réveillère, Benjamin-Constant, Hyde de Neuville. Ils ont prétendu que M. de Villèle, auteur d'une proposition analogue en 1815, s'était fortement opposé à l'adoption de celle-ci, et que la discussion engagée incidentellement sur l'influence que les ministres avaient exercée sur les dernières élections avait été fort animée. Nous n'en connaissons que le résultat : c'est que la proposition de M. Boucher ne fut pas prise en considération.

Une troisième paraissait se présenter avec plus de faveur à la délibération de la Chambre, celle de M. Duhamel ( 20 février )

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