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DÉVOILÉE,

DEPUIS LA RESTAURATION,

ET NOTAMMENT

SOUS MESSIEURS

FRANCHET ET DELAVAU,

PAR M. FROMENT,

EX-CHEF DE BRIGADE DU CABINET PARTICULIER DU PRÉFET.

Deuxième Edition.

TOME TROISIÈME.

Durand-Roussian.

Paris.

LEMONNIER, ÉDITEUR,

RUE DE LA BIBLIOTHÈQUE, No 17, PRÈS LA RUE SAINT-HONORÉ.

LEVAVASSEUR, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL.

GARNIER, LIBRAIRE, RUE DE VALOIS, N° 1, PALAIS-ROYAL..

1829.

SOUS MESSIEURS

FRANCHET ET DELAVAU.

LA BOURSE.

Les chances et les jeux de la Bourse n'étaient pas sans attraits pour la police; elle suivait en celal'exemple de ses chefs suprêmes, qui faisaient la hausse ou la baisse, selon que cela convenait à leurs intérêts ou à leurs projets.

On fabriquait des lettres qui arrivaient de Londres, de Vienne, de Berlin, de Saint-Pétersbourg; elles annonçaient ou la paix ou la guerre.

Une autre fois Madrid et Naples étaient à la veille des plus grands malheurs; la guerre civile allait s'allumer; il y avait déjà eu des mouvemens séditieux.

Alors les fonds baissaient. Les peureux, les trembleurs assiégeaient toutes les issues de la Bourse, cherchaient à savoir ce qui se passait; des agens envoyés ad hoc lâchaient confidentiellement quelques mots, et, de peur de tout perdre, les gobes-mouches vendaient à vil prix. Les fa

bricans de nouvelles achetaient, et cinquante individus s'enrichissaient aux dépens de dix mille malheureux qui voyaient s'évanouir leurs rêves de bonheur et passer en d'autres mains le fruit de leurs travaux et de leurs économies.

Le désespoir s'emparait d'eux. Ils cherchaient dans la Seine la fin de leurs tourmens, et la Morgue offrait chaque jour, à l'œil effrayé des habitans de Paris, les victimes nombreuses de ees perfides machinations et de ce honteux agiotage.

On voit que le monopole ministériel pesait même sur l'existence des Français, et que leur vie était le prix de ses spéculations homicides.

Le ministère travaillait en grand à la bourse, et la police, qui était son auxiliaire fidèle, tournait également à son profit les chances que le premier faisait naître.

L'inspecteur général Foudras envoyait chaque jour à la bourse un agent nommé Rousseau, qui le mettait au courant de ce qui s'y passait, et il avait en outre des acheteurs ou des vendeurs à son compte, qui ne donnaient rien au hasard : ils savaient d'avance ce qui devait arriver. Il n'était donc pas difficile de multiplier ses fonds, sans qu'on pût accuser ni soupçonner personne. Il n'est donc pas étonnant que l'on fît des fortunes colossales, lorsqu'on pouvait détourner à son profit le cours du Pactole.

Quoique l'inspecteur-général Foudras témoignât une grande confiance à son agent Rousseau, il ne le faisait pas moins surveiller par un autre agent nommé Grand, qui lui remettait des rapports et ne perdait pas de vue tous les agens de change et les coulissiers. Rien n'était caché à la police.

Les agens de change et les courtiers qui ont fait faillite en s'abandonnant à de fausses spéculations, doivent un peu en savoir gré à la police. C'est ainsi qu'elle agissait lorsque la bourse se tenait au Palais-Royal.

Ellene changea pas de tactique lorsqu'elle passa dans son nouveau local, rue Notre-Dame-desVictoires: on y voit encore des agens publics et secrets de toutes les polices.

M. de Villèle avait pour agent un nommé Bourdé qui s'y rendait chaque jour, et qui correspondait directement avec un des chefs de division du ministère. Les plus petits détails étaient transmis avec une scrupuleuse exactitude; il ne se te nait pas le moindre propos dans les groupes, qui ne fût rapporté au ministre; il dressait ses plans d'après cela et faisait pencher la balance selon son bon plaisir. Les courriers particuliers partaient ensuite dans toutes les directions, afin de favoriser les élus et les amis.

L'inspecteur-général des prisons, Bonneau, avait aussi son agent à la Bourse; c'était un ex

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