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propriétaire qui a construit un édifice sur le fonds grevé d'usufruit, ne peut le démolir lorsque l'usufruitier s'y oppose, il résulte bien de là que celui-ci peut en exiger la jouissance; mais il n'en résulte pas qu'il puisse l'exiger sans aucune récompense envers le propriétaire. Ce ne serait que par une conséquence outrée qu'on tenterait d'en venir jusque-là, et cette conséquence est repoussée par tant d'autres textes, qu'elle est également contraire aux principes du droit positif, comme à ceux du raisonnement. Si l'héritier chargé de la remise des biens ou de la délivrance du legs, a fait des ouvrages ou constructions sur le fonds, dit Ulpien, il a le droit de faire la distraction de ses impenses: Sed et ipse, si quem sumptum in res hæreditarias fecit, detrahet (1). J'ai répondu, dit Papinien, que si une maison avait été brûlée, et qu'elle eût été reconstruite par l'héritier qui était chargé de la remettre à quelqu'un, après sa mort, le fideicommissaire la recevant, serait tenu de rembourser les impenses faites par l'héritier, pris égard aux qualités du bâtiment: Domus hæreditarias exustas, et hæredis nummis extructas; ex causâ fideicommissi post mortem hæredis restituendas, viri boni arbitratu sumptuum rationibus deductis, et ædificiorum ætatibus examinatis respondi (2). Lucius Titius, dit Scévola, a laissé dans son testament, à Publius Mévius, le fonds

(1) L. 22, §. 3, ff. ad senat. consul. Trebell., lib. 36, tit. 1.

(2) L. 58, ff. de legat. 1.

pour

Tusculain, et l'a chargé de remettre à Tilia la moitié de l'usufruit de ces fonds. Le légataire principal, Publius Mévius, a rétabli un bâtiment qui était tombé de vétusté, et qui était nécessaire recueillir et conserver les fruits du fonds. On demande si Titia doit entrer dans cette dépense suivant la proportion de son usufruit? J'ai répondu Si le légataire principal a rétabli ce bâtiment avant de faire à Titia la délivrance de son usufruit, on ne pourra le forcer à en faire la remise, qu'autant que l'usufruitière offrira de lui rendre compte de cette dépense: Lucius Titius testamento suo Publio Mavio fundum Tusculanum reliquit : ejusque fidei commisit, ut ejusdem fundi partem dimidiam ususfructús Titiæ præstaret: Publius Mævius villam vetustate corruptam, cogendis et conservandis fructibus necessariam ædificavit. Quæro an sumptús partem proportione ususfructus Titia agnoscere debeat? Respondi: Si priusquàm usumfructum præstaret, necessariò ædificavit, non aliàs cogendum restituere, quàm ejus sumptus ratio habeatur (1). Il est vrai que dans ce dernier texte, il s'agit d'une impense reconnue nécessaire; mais le point de droit sur le principe de la dette est toujours le même. Il y a seulement cette différence entre le cas d'une amélioration procurée au fonds, et celui d'une reconstruction jugée indispensable, que dans le premier, l'indemnité n'est due que dans la mesure de la plus-value donnée au produit ou revenu du fonds, tandis

(1) L. 32, §. 5, ff. de usufruct. legato, lib. 33,

tit. 2.

que

que c'est sur le montant de l'impense même qu'on doit calculer le remboursement, quand il s'agit d'une reconstruction reconnue nécessaire, ainsi que nous l'expliquerons plus au long dans la suite (1). 1132. Il faut remarquer encore, qu'il y a une grande différence entre la cause du légataire de la propriété, et celle du légataire de l'usufruit seulement, en ce que l'indemnité due par le premier consiste dans un capital, tandis que celle qui est due par l'autre ne peut consister qu'en intérêts. Si l'héritier qui a construit une maison sur le fonds légué en toute propriété, en a augmenté la valeur de 10,000 fr., par exemple, le légataire ne sera admis à entrer en possession de son legs qu'en remboursant ces 10,000 fr., parce que lui seul doit profiter de l'augmentation de valeur procurée au fonds. Si au contraire il n'y a que l'usufruit du fonds qui ait été légué, le légataire ne devra pas le capital, mais seulement l'intérêt 'de la valeur estimative de l'amélioration, parce que l'augmentation de valeur du fonds devant rester au propriétaire, l'usufruitier n'en peut profiter que quant à la jouissance. Et encore cet intérêt n'est dû que dans la mesure du revenu net qu'il pourra en percevoir, défalcation faite de toutes les charges, parce que ce n'est qu'en cela seulement qu'on peut dire qu'il est rendu plus riche par l'amélioration procurée au fonds. 1133. Mais lorsque l'héritier répète la valeur de la construction qu'il a faite sur le fonds avant la

(1) Voy. au chap. 35, sous les n. 1687 et suiv.

TOME III.

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il

demande en délivrance du legs, le légataire n'estpas fondé à lui imputer la valeur des fruits qu'il a perçus jusque-là sur ce même fonds?

Nous croyons que cette question doit être décidée dans un sens négatif, parce qu'il ne peut y avoir lieu à compensation que là où l'on trouve deux personnes respectivement créancières et débitrices l'une de l'autre, ce qu'on ne saurait trouver ici, car l'héritier est bien créancier de la somme qui lui est due pour l'amélioration qu'il a faite; mais il n'est certainement pas débiteur des fruits qu'il a perçus sur le fonds, en vertu de sa saisine légale, puisque la loi veut qu'ils soient les siens dans le sens le plus absolu : il ne serait donc pas possible de trouver ici le principe de la compensation.

A la vérité, la loi romaine voulait que le possesseur, même de bonne foi, fût tenu de souffrir la compensation des fruits qu'il avait perçus, en déduction de l'amélioration qu'il avait faite Etenim admissá compensatione, superfluum sumptum, meliore prædio facto, dominus restituere cogitur (1); mais outre que l'héritier saisi par la volonté de la loi, a un titre éminemment supérieur à celui du simple possesseur de bonne foi, c'est qu'aujourd'hui, même à l'égard de ce dernier, il n'existe aucune disposition dans notre code, de laquelle on puisse conclure que les auteurs de la loi nouvelle ont eu l'intention de le soumettre au principe de compensation qui lui était appliqué par

(1) L. 48, ff. de rei vindicat., lib. 6, tit. 1.

la loi romaine. L'article 549 veut que le possesseur de bonne foi fasse les fruits siens, et il le veut sans aucune restriction: d'autre part, l'article 555 veut qu'on lui rembourse ses améliorations, nonobstant qu'il conserve les fruits: donc il n'est obligé à souffrir aucune compen

sation.

CHAPITRE XXV.

Des Droits de l'usufruitier sur les

usines.

1134. Le produit d'une usine ne consiste qu'en fruits civils, qui s'acquièrent par le cours du temps, comme le revenu des rentes ou celui des maisons; avec cette différence néanmoins que les arrérages des rentes et les loyers des maisons échoient par parties égales chaque jour, tandis que le produit d'une usine n'est point uniforme, puisqu'il est corrélatif à la fabrication, qui ne peut être toujours la même.

Néanmoins si l'usine était amodiée, le prix du bail écherrait aussi jour par jour et par portions égales.

1135. Le legs d'une usine comprend aussi les accessoires immobiliers destinés à son usage et aux aisances de son roulement, et il les comprend avec plus de latitude encore que celui d'une simple maison, parce que son service est bien plus étendu.

Ainsi l'usufruitier d'une usine a le droit de

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