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Dans l'un comme dans l'autre cas il est procurator in rem suam, et il tient du testateur même tout pouvoir nécessaire pour agir contre les débiteurs comme contre les tiers détenteurs (1). 1034. La constitution d'usufruit sur des créances en opère donc une espèce de transport sur la tête de l'usufruitier, puisqu'il a le droit d'en exiger à son profit les arrérages lorsqu'elles portent intérêts, et d'en forcer le remboursement lorsqu'elles sont exigibles.

Nous disons une espèce de transport, parce que l'usufruitier n'étant pas rendu propriétaire de la créance, le transport dont il s'agit ne peut être qu'imparfait; néanmoins, comme durant sa jouissance il exerce les actions du maître; comme il a le droit d'exiger les paiemens, et comme les paiemens ne doivent être faits qu'à lui, il faut bien qu'il soit saisi à l'égard des débiteurs, de manière que ceux-ci ne puissent reconnaître que lui pour leur créancier.

Ces observations générales nous conduisent à plusieurs conséquences de développemens. 1035. La première; c'est que le légataire de l'usufruit des créances ne doit pas obtenir de l'héritier un simple consentement pour entrer en jouissance de son legs, comme s'il s'agissait de la délivrance de l'usufruit des immeubles qui sont dans la succession; il faut qu'il obtienne un acte en délivrance, c'est-à-dire un acte tel qu'il puisse le notifier aux débiteurs

(1) Voy. dans MANTICA, de conjecturis ult. volunt., lib. 9, tit. 6, n. 3.

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afin que ceux-ci ne puissent prétexter cause d'ignorance de sa qualité de légataire saisi par l'envoi en jouissance de son droit.

1036. La seconde ; c'est que la délivrance qui aurait été opérée entre l'héritier et le légataire par la remise des titres (1689), même accompagnée de l'acte dont on vient de parler, ne suffirait pas encore pour opérer la saisine de l'usufruitier envers les débiteurs et autres tierces personnes; il faut de plus la notification du transport même, puisque la loi l'exige ainsi dans toutes cessions de créances (1690). Et comme l'acte de transport est ici tout entier dans la clause du testament contenant le legs d'usufruit, il faudra donc en faire aussi la notification aux débiteurs.

1037. La troisième, que s'il s'agit de créances hypothécaires pour lesquelles il a déjà été pris des inscriptions, l'usufruitier aura bien la faculté d'en profiter (1692), comme s'il les avait prises lui-même; mais pour la conservation entière de ses droits à cet égard, et pour parer à tout événement qui pourrait lui nuire, il devra se transporter au bureau du conservateur, afin de faire consigner sur le registre des inscriptions, son nom et son propre domicile, ainsi que le domicile d'élection qu'il jugera à propos de prendre, conformément à ce qui est porté en l'article 2152 du code, afin d'éviter toute surprise sur la purgation de ses hypothèques.

1058. La quatrième; que l'usufruitier d'une créance hypothécaire non encore inscrite, ou même d'une créance inscrite, mais dont l'inscrip

tion toucherait à son terme, doit, pour garantir ses droits et mettre à couvert sa responsabilité, prendre ou renouveler inscription tout à la fois en son nom propre et sous sa qualité d'usufruitier, et au nom de l'héritier propriétaire de la créance.

Il doit la prendre en son nom propre et sous sa qualité, puisqu'il est réellement créancier des intérêts qui lui sont acquis jour par jour comme fruits civils (586), et même du capital, à supposer qu'il devienne exigible pendant la durée de son usufruit, et par là ses droits personnels seront à couvert, attendu qu'on ne pourra procéder à la purgation des hypothèques sans qu'il en soit personnellement averti.

Il doit la prendre aussi au nom de l'héritier propriétaire de la créance, parce qu'il est le gardien des droits de celui-ci, et que les titres de créances lui étant remis, c'est à lui à en faire tout usage nécessaire à leur conservation et au maintien des priviléges qui y sont

inhérens.

1039. Mais faut-il de toute nécessité que l'inscription soit simultanément prise tant au nom de l'héritier, qu'à celui de l'usufruitier? Si elle n'était prise qu'au nom de l'un d'eux, ne pourrait-elle produire aucun effet pour l'autre ?

L'usufruitier et le propriétaire étant comme deux associés dans la même chose, il faut dire que quand l'usufruit est établi sur une créance, il Ꭹ a réellement deux créanciers, dont l'un a les actions qui se rattachent à la jouissance, et l'autre celles qui se rapportent au fond du droit de créance.

Suivant notre régime hypothécaire, le créancier qui, dans la discussion des biens de son débiteur, veut obtenir son paiement par préférence aux autres, à raison de son hypothèque, doit faire preuve d'une inscription prise au bureau du conservateur, et contenant ses nom, prénoms, domicile et profession (2148); d'où il résulte que lorsqu'il s'agit d'une créance soumise à un droit d'usufruit, l'inscription doit être prise tant au nom du propriétaire, qu'en celui de l'usufruitier, pour pouvoir obtenir directement et entièrement, dans l'intérêt de l'un et de l'autre, le bénéfice de préférence à réclamer sur les autres créanciers. Il n'y a, en effet, que celui qui est rappelé dans l'inscription qui puisse se dire créancier inscrit, et qui puisse en conséquence revendiquer, de son chef, les avantages de l'hypothèque.

1040. Mais si l'un d'eux seulement a pris inscription en son nom, cette inscription devra-t-elle indirectement profiter à l'autre, dont les nom, prénoms, domicile et profession n'y sont pas rappelés? ou, en d'autres termes, le bénéfice directement obtenu par l'un, devra-t-il être communiqué à l'autre ?

Il faut faire la distinction du cas où c'est l'usufruitier qui touche la somme en vertu de sa propre inscription, de celui où c'est l'héritier qui, comme créancier seul inscrit, reçoit le paiement de la créance.

Supposons d'abord que ce soit l'usufruitier seulement qui ait pris inscription en son nom, et qu'il se présente pour toucher le capital de la créance à l'effet d'en jouir, en sa qualité d'usu

fruitier: il est évident qu'il ne pourra exiger qu'un nantissement provisionnel, à charge de rapport après la cessation de l'usufruit, puisque son droit personnel se borne à la faculté de jouir à charge de restitution. Il paraît évident encore que ce sont les seuls créanciers nominativement inscrits après l'usufruitier qui seront fondés à exiger que sa collocation ne lui soit adjugée que provisoirement, et que c'est à eux seuls que devra profiter le rapport de la somme touchée, quand elle devra être rendue après la cessation de l'usufruit, parce que c'est eux seuls qui l'auraient touchée, si l'usufruitier ne s'était pas trouvé personnellement inscrit avant eux. 1041. L'usufruitier était bien procurator soit in rem suam, soit in rem alterius, pour prendre inscription tant en son nom qu'en celui de l'héritier; mais ne l'ayant prise que pour lui, et n'ayant pas exécuté son mandat à l'égard de l'héritier, nul n'a le droit de toucher pour celuici, par préférence aux autres créanciers, puisqu'on n'a pas rempli pour lui la formalité à laquelle la loi attache le droit de préférence dans le paiement.

Il résulte de là que l'inscription prise au nom de l'usufruitier seulement, ne doit profiter ni directement, ni indirectement à l'héritier qui n'est pas inscrit lui-même.

Elle ne peut pas lui profiter directement en lui servant de titre pour obtenir lui-même collocation à sa date; parce qu'il est vrai de dire qu'il n'est point un créancier iuscrit dès qu'il n'est point en nom dans l'acte d'inscription, et

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