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siége. Le peuple qui fréquentait leurs églises ne cabalait pas pour eux: attaqués de toutes parts, ils étaient, comme la cause populaire, sur la défensive. Mais enfin le gouvernement ne se mêlait point des débats et des rivalités des prêtres. Les persécutions religieuses avaient cessé : l'exercice de tous les cultes était libre; on n'exigeait de leurs ministres qu'une simple promesse de fidélité à la constitution. Toutes les religions étaient dans l'état; la République n'en préférait, n'en constituait aucune.

Dans cette situation de choses, que fit le gouvernement consulaire? Quelques antécédens ne permettaient plus de douter du parti qu'il prendrait. Pendant ses campagnes d'Italie, le général Bonaparte avait débuté par annoncer qu'il venait rétablir le Capitole et réveiller le peuple romain engourdi. Maître du sort de Rome, il avait soutenu le pape comme chef de l'église catholique, et même comme prince temporel. Premier Consul, avant la journée de Marengo, il avait parlé en apôtre au clergé de Milan, professé hautement sa foi, son respect pour la religion catholique, promis de la protéger et de la défendre par tous les moyens, et annoncé le désir et l'espoir de réconcilier la France avec le chef de l'église. Vainqueur à Marengo, il était allé dans la cathédrale de Milan faire consacrer sa victoire par les chants religieux. Il avait chargé le cardinal Martiniana, évêque de Verceil, d'assurer le pape de son respect pour le saint-siége, et de son désir de faire refleurir la religion en France; il avait

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invité le saint-père à y envoyer des négociateurs.

Dans le temps où Murat marchait contre les Napolitains qui occupaient les états romains, le premier Consul avait ordonné qu'il traitât la cour de Rome comme une puissance amie; qu'il témoignât, en toutes circonstances, que le gouvernement avait beaucoup d'estime pour le pape; qu'il assistât à quelques grandes cérémonies religieuses pour convaincre le peuplé que les Français n'étaient point les ennemis de la religion. Lorsque Soult fut envoyé dans le royaume de Naples, l'intention du premier Consul était qu'il allât à la messe avec son étatmajor, les jours de fête, avec la musique, et qu'il vécût bien avec les prêtres. Le cardinal Gonsalvi écrivit à Murat et lui exprima le vif sentiment dont le saint-père était pénétré pour le premier Consul auquel étaient, disait-il, attachés la tranquillité de la religion et le bonheur de l'Europe. Tout annonçait donc, de la part du premier Consul et du pape, un égal besoin de se rapprocher, et un grand intérêt à s'entendre. En effet, monseigneur Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de sa sainteté, assistant du trône pontifical, et le père Caselli, théologien consultant, furent bientôt envoyés à Paris par le pape pour négocier. Dans le même but, le premier Consul nomma de son côté Joseph Bonaparte, Crétet, conseillers d'état, et Bernier, le patriarche de la Vendée.

Le seul fait de traiter avec le pape annonçait évidemment le projet formé de constituer la religion

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catholique, apostolique et romaine. Cependant ce projet avait contre lui l'armée, une grande partie du peuple, et des hauts fonctionnaires de l'état qui prévoyaient que lorsqu'on aurait relevé l'autel, le rétablissement du trône ne se ferait pas long-temps attendre. En admettant la nécessité de traiter avec la cour de Rome sur les affaires de la religion, différentes voies se présentaient encore pour parvenir à ce but. Il y avait à examiner une foule de questions graves auxquelles avaient donné lieu les anciennes prétentions de Rome, et surtout les questions non moins importantes qu'avaient fait naître, sous le rapport religieux, les changemens produits par la révolution dans l'intérieur de la France, et dans ses relations avec le saint-siége. Alors on parlait librement au premier Consul. Il écoutait patiemment, il provoquait même la discussion, soit qu'il voulût s'éclairer, soit qu'il désirât connaître les opinions de ceux auxquels il avait affaire. L'un l'entretenait donc du danger de donner au pape, souverain étranger, une autorité dont il abuserait infailliblement. L'autre lui disait qu'il suffisait de laisser un libre cours aux opinions religieuses, et une entière liberté à tous les cultes. Quelques-uns lui représentaient que l'occasion n'avait jamais été plus favorable pour affranchir la République du

'C'est l'opinion de deux écrivains, l'un catholique, l'autre calviniste, de Pradt dans ses Quatre Concordats, et madame de Staël daus ses Considérations sur la Révolution.

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