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politique : le trait suivant achèvera de prouver cette vérité, attestée par d'autres actions de sa vie. Le chevalier de Brulard, son ancien camarade, son ami de collége, mais enrôlé sous le drapeau royaliste, était venu pour rallumer dans le département de la Manche les restes de la chouannerie; tout à coup, le préfet reçoit l'or

ture des circonstances et la sévérité des lois, cet ordre était un arrêt de mort. Le préfet appelle dans son cabinet M. de Brulard, lui donne 24 heures pour sortir du département; puis il monte en chaise de poste, et vient à Paris rendre compte de sa conduite au premier consul, qui l'approuva. Heureux Napoléon s'il eût toujours été servi par des hommes capables de cette généreuse désobéissance! On voit dans la correspondance du préfet qu'il avait deviné les projets politiques du premier consul, et qu'il s'attendait à l'empire. Napoléon reconnut sans peine cette sympathie d'opinion, et, sans doute, elle ne fit qu'augmenter ses bonnes dispositions en faveur de M. de Montalivet. Chaque jour, il se disait en secret: « Voilà un homme tel que je l'ai jugé, un homme qui me comprend, un

guerre civile, mais encore à rapprocher les cœurs. Ferme, judicieux, porté à la conciliation par son caractère, habile à manier les esprits, il fit d'un département longtemps rebelle et troublé un département paisible et soumis aux lois. La conscription s'y opéra régulièrement, et cependant cette partie rigoureuse des devoirs du préfet ne lui fit rien perdre de l'estime et de l'af-dre de faire arrêter le coupable; d'après la nafection des Normands. Tous, même les dissidents, rendaient justice à ses lumières, à son impartialité, ainsi qu'à la haute probité qui régnait dans toute son administration. — La correspondance directe qui s'établit alors entre le préfet et le premier consul, correspondance que nous avons sous les yeux, est un monument curieux; elle prouve que M. de Montalivet entrait parfaitement dans les vues du premier consul. Ces vues, il faut le dire hautement ici, embrassaient tout ce qui pouvait contribuer à la prospérité de la France. On ne sait point assez combien Napoléon était occupé du soin d'améliorer la condition du peuple. Infidèle, à beaucoup d'égards, aux principes de la révolution, il en avait retenu l'esprit sous ce rapport; et si toutes les choses qu'il a voulues, ordonnées ou faites dans le but de remplir ce premier devoir d'un gouverne-homme digne de ce que je veux faire pour lui. » ment d'origine populaire, étaient publiées, son nom, qui ne peut plus périr en France et dans le monde, acquerrait parmi nous une autre sorte de popularité que celle qu'il doit à l'enthousiasme des Français pour la gloire militaire. Malheureusement, Napoléon, si attentif à graver lui-même par la publicité, dans les fastes de l'histoire, les grandes choses qui ravissent l'admiration des contemporains et celle de la postérité, n'a jamais songé à révéler les bienfaits que sa pensée méditait, que son administration préparait ou réalisait pour le peuple. Et d'ailleurs, en étant animé des mêmes intentions que Louis XII ou Henri IV, il lui a manqué de ces mots simples, mais sublimes de bonté, qui font bénir la mémoire d'un prince dans les chaumières. Il ne les aurait pas trouvés en lui.- Instruit aussi par la révolution, longtemps en contact avec le peuple d'une grande ville, averti par les lumières de son esprit comme par la bonté de son cœur, M. de Montalivet rapportait toute son administration à ce que le premier consul regardait comme la première condition de l'existence du gouvernement et le premier devoir du magistrat suprême. De là vint la nouvelle popularité qu'il s'acquit dans le département de la Manche. Si M. de Montalivet possédait le courage militaire comme tous les Français, il possédait aussi une vertu plus rare, le courage

Plus tard, Napoléon, dans quelques moments de confiance et d'abandon, ne dédaigna pas de révéler à son ministre les progrès qu'il avait faits de jour en jour dans son estime. La nomination de M. de Montalivet à la préfecture de Seine-et-Oise devint une nouvelle occasion de se faire encore mieux connaître et apprécier du premier consul, qui l'avait rapproché de lui avec les intentions les plus favorables. Rien de plus dangereux que d'administrer sous les yeux de Napoléon, et surtout que d'être admis à ces entretiens particuliers, dans lesquels, tout en se révélant lui-même presque sans réserve, il conservait cependant assez de sang-froid pour pénétrer les hommes jusqu'au fond. M. de Montalivet sortit heureusement de cette double épreuve. — Le département de Seine-et-Oise n'a point oublié la sage administration de M. de Montalivet, qui préludait dans le département par d'utiles créations aux admirables travaux qu'il devait voir exécuter sous ses ordres comme directeur général des ponts et chaussées. La ville de Versailles en particulier se rappelle avec reconnaissance ce que M. de Montalivet a fait pour elle. De même, toutes les personnes distinguées par la culture de l'esprit et par la politesse des mœurs se rappellent encore les brillantes réceptions du préfet, attentif à honorer tous les genres de mérite, et dans lesquelles Mme de Montalivet,

- La con

haut degré, une capacité étonnante pour saisir un vaste ensemble et une facilité à descendre dans tous les détails qui étonnèrent tout le monde. Il s'appliqua surtout à favoriser les progrès de l'industrie nationale, qui, à l'abri du système prohibitif adopté par l'empereur, faisait d'heureux efforts pour doter la France de nouvelles richesses. Aucun ministre n'a plus pro

femme d'un grand courage, et d'un esprit aussi amour de la science l'exposèrent à des dangers élevé que son commerce est agréable, faisait re- | qui faillirent lui coûter la vie. A son retour, il vivre toute l'ancienne urbanité française. Plus rendit compte de sa mission à l'empereur, qui tard, Mme de Montalivet, admise à la cour de lui témoigna une vive satisfaction. Napoléon, obtint toute l'estime de ce prince, qui | fiance de Napoléon en M. de Montalivet porta la proposait en quelque sorte comme un modèle enfin ce prince à lui remettre le portefeuille de des vertus et des qualités de son sexe. - Les l'intérieur. Le ministère n'avait point dans ses succès de M. de Montalivet dans la préfecture de attributions les discussions politiques, qui en Seine-et-Oise, dont la proximité de Paris rend forment aujourd'hui une partie si importante; souvent l'administration difficile, surtout en mais la France était si vaste alors et composée matière de subsistances, furent récompensés par de tant d'éléments hétérogènes que son admisa nomination au poste de membre du conseil nistration intérieure était une chose immense d'État, de ce corps composé d'hommes d'élite de pour le travail, et pleine de problèmes nouveaux la France, et auquel Napoléon accordait une li- à résoudre. L'esprit du ministre parut s'agranberté de discussion qu'il ne souffrait dans aucun dir sur le théâtre où il était appelé. Il y déploya, autre corps de l'État. On a remarqué que l'em- outre cette puissance de travail que Napoléon pereur, qui venait chercher la lumière et la vé-estimait tant, et qu'il possédait lui-même au plus rité dans son conseil, se plaisait à déconcerter, en les combattant, le petit nombre d'hommes qui semblaient épier son opinion pour y applaudir aux dépens de leur conscience et de leur conviction. M. de Montalivet n'eut jamais à subir cette épreuve. Fidèle observateur des convenances, il n'en gardait pas moins la franchise de sa pensée. Nommé directeur général des ponts et chaussées en 1806, M. de Montalivettégé, plus honoré que lui les auteurs des noucommença dès lors à travailler souvent avec velles découvertes, les fabricants célèbres de l'empereur, qui put apprécier encore mieux sa l'époque. Sous ce rapport, il ne faisait que suihaute capacité. Le nouveau directeur général | vre les exemples de l'empereur, qui accueillait sentit le prix de l'honneur qu'on lui faisait, en avec tant de distinction les Ternaux, les Oberle donnant pour chef à un corps composé de sa-kampf et leurs pareils; mais il remplissait ce vants illustres, dont quelques-uns avaient un nom européen : il leur témoignait toute la déférence possible, en même temps qu'il conservait son autorité par les preuves d'instruction, de haute intelligence et de capacité qu'il leur donnait dans la discussion des projets soumis à sa décision, ou destinés à obtenir la sanction de l'empereur, qui, apportant de son côté la plus sérieuse attention à tout ce qui concernait les travaux publics, était charmé de trouver dans le directeur général un homme capable de soutenir la discussion sur cet important sujet, et de ré-portent tous les travaux de cette grande période pondre aux questions de son inépuisable curiosité. J'ai connu les hommes les plus distingués du corps des ponts et chaussées, et je les ai entendus donner des éloges sincères et motivés à l'administration d'un chef qui joignait à des connaissances réelles la qualité précieuse de compter les services, d'honorer le talent, et de les faire valoir auprès de l'empereur, attentif et reconnaissant. En 1807, M. de Montalivet fit, pendant l'hiver, comme directeur général des ponts et chaussées, un voyage en Italie, pour visiter les travaux du mont Cenis: son zèle et son

devoir avec le zèle ardent et éclairé d'un homme qui aime son pays, et veut laisser d'honorables souvenirs par des services. Les sciences, les arts et les lettres trouvèrent aussi dans M. de Montalivet un ministre zélé pour leurs intérêts, et convaincu de leur haute influence sur la gloire et la prospérité d'un État. Sous le rapport de la protection qui leur est due, M. de Montalivet était encore un digne interprète des sentiments de l'opinion, de la volonté de l'empereur. A l'administration du ministre de l'intérieur se rap

de 1809 à 1812, la plus brillante de l'empire. Cent dix millions de travaux exécutés; deux cents millions assignés aux autres entreprises conçues par l'empereur, ou proposées et conduites par le ministre, attestent assez hautement le génie d'amélioration qui présidait à cette époque. M. de Montalivet a posé la première pierre du bassin d'Anvers et de beaucoup d'autres monuments. Paris vit sous M. de Montalivet quarante millions consacrés à prolonger ses quais, à multiplier ses fontaines, à rendre plusieurs de ses quartiers plus sains, tandis que les abat

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d'abord leur admiration et leur assentiment; et enfin, dans toutes les questions qui n'intéressaient pas son pouvoir, il était la raison et la justice même, et montrait un profond respect pour la loi. Mais quand l'empereur, oubliant son origine, et méconnaissant les changements que la révolution avait opérés sans retour, voulut ressusciter les éléments de la monarchie de Louis XIV et reconstituer le gouvernement absolu, le devoir de ses ministres était de combattre en lui ces dangereuses dispositions par un langage austère, ferme, et respectueux pourtant, comme celui de Sully à Henri IV. Aucun ministre, aucun citoyen n'osa se roidir contre le torrent, et n'eut assez de courage pour dire des vérités dont dépendait le salut de Napoléon et celui de l'empire. M. de Montalivet se laissa entraîner ou fasciner comme ses collègues par Napoléon. Mais, s'il était sous le charme d'un homme si puissant, et rempli d'ailleurs de séductions, s'il s'associait avec trop de dévouement à la nouvelle politique du maître, si on peut lui reprocher ce que j'appellerais des torts de silence, du moins ses paroles ne manquaient jamais de franchise et de noble liberté. Un jour, dans le conseil, quelques personnes et l'empereur lui-même parlèrent des Bourbons comme d'une race éteinte, et qui n'avait plus aucune

toirs, les greniers d'abondance, les entrepôts pour le commerce, les arcs de triomphe et l'admirable monument de la Bourse, s'élevaient de toutes parts. Il fallait une activité infatigable | pour suffire, sous le rapport des travaux publics, à l'impatience de l'empereur, qui voulait faire de Paris la plus belle des capitales de l'Europe, et qui dévorait le temps comme un homme atteint de la crainte de ne pas obtenir assez d'années de règne pour achever son œuvre. Les subsistances, cette partie si importante, et quelquefois si difficile de l'administration intérieure, attirèrent toute l'attention et toute la vigilance du ministre. L'année 1812 mit son zèle et ses talents à une rude épreuve. Avant de partir pour Moscou, l'empereur, tourmenté des menaces d'une disette, prit en conseil secret des mesures de haute prévoyance et propres à prévenir la calamité qu'il redoutait, mais pendant son absence, pendant la terrible campagne de Moscou, les difficultés de l'exécution, la responsabilité de l'événement, reposèrent en grande partie sur le ministre de l'intérieur, qui rendit alors les plus mémorables services à l'empereur et au pays. Ce ministre embrassait les différentes parties de son administration et portait dans toutes l'influence d'un esprit judicieux, péné- | trant et plein de ressources. Ses circulaires, sa correspondance de tous les jours avec les auto-chance de retour. M. de Montalivet prit la parole rités, les projets de décrets proposés par lui et convertis en lois, forment encore aujourd'hui la jurisprudence administrative du ministère. Ses exposés de la situation intérieure de la France | pendant les brillantes années dont nous avons parlé ci-dessus, resteront comme de vastes et fidèles tableaux d'une époque où le génie d'un grand homme, animant le génie d'un grand peuple, faisait, ordonnait et obtenait des prodiges. Le ministre, habile et honnête homme, qui avait contribué à l'accomplissement de tant de choses utiles et glorieuses pour la France, était bien digne de les retracer. Je l'ai entendu plusieurs fois à la tribune; on ne peut pas dire qu'il fût un orateur éloquent, mais il avait de la dignité dans la personne, de la noblesse dans le geste, une voix pleine et sonore, et l'accent persuasif d'un homme de bien. On a intenté à l'ancien ministre de l'intérieur le reproche d'avoir trop subi l'ascendant de l'empereur; mais cet ascendant était presque irrésistible, comme le savent presque tous ceux qui ont approché cet homme extraordinaire. D'ailleurs, il avait tellement à cœur la gloire et la prospérité de la France que, la plupart du temps, les ordres dont il confiait l'exécution à ses ministres obtenaient

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pour contredire cette opinion, et la motiva par des raisons qui avaient le cachet d'une prédiction de l'avenir. L'empereur, qui, même au plus haut degré de sa fortune, même quand il donnait des lois à l'Europe, avait toujours eu la crainte du rétablissement de la dynastie, s'irrita comme un homme dont on touche la blessure vive et cachée; il taxa de passion et peut-être de pusillanimité l'exposé sincère d'une vérité. M. de Montalivet se tut, mais en rentrant chez lui, il envoya sa démission par une lettre pleine de dignité. Il résulta de cette lettre une scène dans laquelle l'empereur, en défendant son opinion par un reste d'orgueil naturel au pouvoir, qui craint de paraître vaincu, mit une grâce infinie à retenir le ministre, dont il estimait la franchise et connaissait le dévouement, - M. de Montalivet aimait sincèrement sa patrie; le désastre de Moscou et la funeste issue de la campagne de 1813 lui causèrent une profonde tristesse; l'entrée des alliés en France lui porta une atteinte plus cruelle encore; mais, loin de laisser abattre son courage, il fut au contraire du petit nombre de ceux qui voulaient qu'on défendît Paris : l'événement a prouvé la justesse de ce courageux avis, puisque 24 heures de

assemblée, le protecteur des droits garantis au pays par la constitution. Il défendit plus d'une fois le jury et la liberté de la presse, qu'il voulut toutefois contenir dans de sages limites. Les hommes spéciaux ont surtout conservé le souvenir de son admirable discours sur la canalisation de la France; on reconnaît dans ce discours, où il prédit un déficit de 40 millions sur le budget, l'homme éclairé qui avait souvent parlé avec Napoléon de cet objet d'un intérêt immense pour la prospérité de son pays. M. de Montalivet prévoyait tous les progrès qui se développent chaque jour sous nos yeux, et anticipait avec bonheur dans sa pensée le moment où la France serait entrée en pleine jouissance de tous les prodiges de son industrie et de son agriculture, fécondées par de si puissants moyens de succès. - M. de Montalivet avait un jugement sûr; il ne se trompa point sur l'avenir de la restauration; en voyant les princes de la branche ainée oublier leurs promesses, et marcher dans un sens contraire à l'opinion publique, il annonça leur chute inévitable : « Mes amis, disait-il à ses fils, une révolution nous menace; elle peut être terrible; elle peut, comme la première, renverser les fortunes les mieux établies, détruire les positions les plus brillantes: travaillez, devenez des hommes, afin de pouvoir résister à l'adversité si elle arrive, et de vous protéger vousmèmes par votre capacité. Au reste, je le vois clairement, le duc d'Orléans seul peut arranger nos affaires; il montera sur le trône, et relèvera le gouvernement constitutionnel. » Ces paroles prophétiques ont été dites longtemps avant l'avénement de Charles X. Elles étaient trop remarquables pour ne pas rester gravées dans la mé

plus donnaient à Napoléon le temps d'arriver sous Paris, et qu'assurément les ennemis ne l'auraient pas laissé derrière eux impunément. Son opinion n'ayant pas prévalu, M. de Montalivet se retira, avec l'impératrice et le roi de Rome, à Blois, où il prit le titre dangereux de secrétaire de la régence, Il essaya encore de ré- | veiller par des proclamations le courage des partisans de l'empereur. Au retour de l'ile d'Elbe, l'empereur ayant mis Carnot à la tête du | ministère de l'intérieur, M. de Montalivet, ap- | pelé à l'intendance générale des biens de la couronne, laissa en quelques mois des traces durables de son passage dans cette administration. - Depuis l'abdication de Napoléon, M. de Montalivet, retiré dans sa terre du Berri, étranger à toute intrigue politique, menait une vie calme et pleine de dignité, et s'occupait de l'éducation de sa fille et de ses fils, avec la plus judicieuse attention et la plus grande vigilance. Il trouvait, pour l'accomplissement de ce devoir, de merveilleux secours dans les lumières, dans la tendresse et l'expérience d'une épouse et d'une mère digne et capable de former des cœurs d'hommes. M. de Montalivet voulait avant tout que ses fils devinssent des citoyens utiles. Il destinait l'un à l'état militaire, l'autre à la carrière des ponts et chaussées, le dernier au commerce. Dans les deux premières de ces carrières, il voulait que ses fils marchassent sur les traces de leur père. Quant à la troisième, il avait été dirigé dans son choix par la haute importance qu'il attachait comme homme d'État à la toute-puissante influence du commerce et de l'industrie sur la prospérité d'un pays. C'est une circonstance remarquable que le second de ses fils, le comte Camille de Montalivet, ait été chargé de continuer, comme minis-moire de ceux qui les ont entendues sortir de la tre de l'intérieur, les travaux d'un père, et de veiller aussi sur la tranquillité publique de la France. Si M. de Montalivet avait pu prévoir cet avenir, il aurait éprouvé de la joie pour cet accroissement dans sa famille, et des alarmes sur les dangers d'une si difficile épreuve pour la jeunesse de son fils.-En 1819, M. le duc Decaze vint chercher M. de Montalivet dans sa retraitement suprême, il adressa ces dernières paroles à pour l'opposer dans la chambre des pairs à cette ses fils rassemblés autour de lui : « Voyez, mes majorité exaltée, qui voulait déjà détruire la enfants, avec quelle tranquillité on meurt quand constitution, et rejeter le pays dans les hasards on a vécu en honnête homme, » M. Daru, le d'une révolution. Malgré l'affaiblissement de sa condisciple, le collègue de M. de Montalivet au santé, M. de Montalivet vint prendre part aux conseil, a prononcé un noble et touchant éloge travaux de la chambre des pairs, où il apportait de son ami à la tribune de la chambre des pairs. toutes les lumières d'une vie passée avec tant - L'administration de M. de Montalivet a laissé d'éclat dans les postes les plus éminents. Rendu de profonds souvenirs d'estime et d'affection alors à toute la liberté de ses premières opi- parmi les habitants de Valence : il y a quelques nions, il se montra constamment, dans cette années, le conseil municipal de cette ville de

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bouche d'un père.-La mort de Napoléon, l'idole de son esprit et de son cœur, avait porté une profonde atteinte à M. de Montalivet: depuis ce malheur, sa santé ne fit que décliner; affaibli de jour en jour, il mourut le 22 janvier 1823, dans sa terre de la Grange, près Pouilly, département de la Nièvre. Calme et plein de sécurité au mo

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le commerce des hommes et dans le maniement des affaires, qu'il ne sera jamais connu tout entier, à moins que les personnes qui se sont trouvées en contact avec lui ne réunissent leurs souvenirs pour nous le montrer sous tous les aspects. P. F. TISSOT. MONTALIVET (MARTHE-CAMILLE BACHASSON, comte DE), fils du précédent, naquit à Valence | (Dròme), le 25 avril 1801. Il anonça de bonne heure d'heureuses dispositions qui furent cultivées avec soin par une mère d'une haute raison, et par un père capable de remplir les devoirs que ce titre impose. Plus tard, il fut admis au lycée Napoléon et au collége Henri IV; il y obtint des succès, et entra ensuite à l'école polytechnique, dont il sortit l'un des premiers de la promotion de 1822. Devenu élève de l'école des ponts et chaussées, il se fit remarquer par le célèbre Prony, qui le signalait comme un sujet d'une grande espérance.

Le jeune Montalivet se destinait à suivre la carrière des ponts et chaussées, lorsque la mort inattendue d'un père et d'un frère, lui ouvrit les portes de la chambre des pairs, en 1826. Dès la première année de son admission, ses opinions, franchement énoncées, le placèrent au rang des amis de la liberté. Il contribua au rejet de la loi par laquelle une faction, non moins aveugle qu'imprudente et passionnée, voulait donner de nouvelles chaînes à la presse. En 1829, on le vit s'élever avec courage contre le ministère Polignac, et il s'associa sans hésiter au mouvement électoral dont sortit la chambre des 221. Il eut aussi une grande part aux mesures qui firent

manda au gouvernement le portrait de son ancien maire. On peut voir ce portrait, en pied, dans l'une des salles de la maison commune, avec celte inscription : « Le comte Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, ministre de l'intérieur, depuis 1809 jusqu'en 1814; intendant général de la liste civile en 1815. Hommage à la ville de Valence, par le comte Camille Bachasson de Montalivet, ministre de l'intérieur (1830-1832), intendant général de la liste civile (1833). › - La mémoire de M. de Montalivet n'est pas moins honorée dans le département de la Manche: tout récemment encore, son nom a été inscrit par la ville de Cherbourg dans un musée qu'elle vient de fonder. Cet hommage rappelle à tous que, comme préfet de la Manche, et comme ministre de l'intérieur, M. de Montalivet s'est toujours recommandé par l'amour éclairé des beaux-arts. Entre les différents ministres qui ont eu le portefeuille de l'intérieur, M. de Montalivet occupera un des premiers rangs : c'était l'avis de Napoléon, qui se connaissait en hommes et en administration. Tant que ce grand prince fut sur le trône, M. de Montalivet ne laissait échapper qu'à demi ce qu'il avait appris sur Napoléon, par Napoléon lui-même, beaucoup plus expansif qu'on ne l'a cru, puisqu'il l'était quelquefois jusqu'à l'imprudence. Mais, après l'abdication et les cent-jours, l'ancien ministre, libre de toute contrainte, ne tarissait pas sur un si intéressant sujet; on ne saurait rien trouver de plus curieux que les souvenirs des rapports qu'il avait eus avec Napoléon; et, comme ces témoi- | gnages posthumes en quelque sorte, puisque l'empereur n'était plus pour la France, ne pou-échouer les menées du comte de Peyronnet pour vaient pas être soupçonnés de flatterie, ils acquéraient un prix inestimable dans la bouche du ministre, plein de respect pour une si haute infortune, mais en même temps fidèle à la vérité. Dans les épanchements de ce généreux serviteur, l'intérêt et la diversité des matières, la nouveauté des révélations, le nombre des faits curieux, les pensées fidèlement retracées, souvent avec l'originalité de leur expression, captivaient l'attention au plus haut degré. J'ai eu le plaisir d'entendre plusieurs fois M. de Montalivet raconter Napoléon, si j'ose parler ainsi, et je regrette vivement que ce ministre n'ait point confié au papier les choses qu'il a dites avec un accent de véracité qui portait la conviction dans les cœurs. Napoléon était un homme si vaste, un composé d'éléments si divers; il y avait tant de contrastes en lui, tant de grandeur et tant de souplesse, tant de génie et tant d'esprit; il avait appris, découvert ou deviné tant de choses dans

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obtenir, dans le département du Cher, des choix hostiles à la cause constitutionnelle.

Les fameuses ordonnances parurent. En apprenant leur publication, M. de Montalivet se mit en route. Arrivé à Paris, le 30 juillet 1830, il courut à la chambre des pairs, où plusieurs de ses collègues, d'acord avec lui, s'associèrent hautement à la résistance populaire en faveur de la charte violée par les ordonnances. On le vit bientôt, au Palais-Royal, se présenter devant le duc d'Orléans, dont il était inconnu. LouisPhilippe, devenu roi, ne tarda point à reconnaître dans le jeune pair un caractère sain, un esprit solide et positif, qui ne manquait pas d'une certaine dextérité naturelle que le temps développerait, un homme enfin propre à exercer de hautes fonctions dans un gouvernement constitutionnel: aussi, après avoir confié à M. de Montalivet l'intendance provisoire de la dotation de la couronne, il se trouva disposé à lui donner le

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