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est consacrée à relever l'utilité des productions qui sont destinées à perpétuer le souvenir des grandes actions soit dans la vie civile, soit dans la carrière des armes. L'autre pièce, bien plus curieuse, est une adresse au Lecteur (Lectori benevolo et doctrinæ Belgicæ amanti), dans laquelle V. André veut expliquer son dessein : il rappelle que des travaux du même genre ont été entrepris avant lui pour éclaircir l'histoire d'un pays. Parmi les auteurs des premiers siècles chrétiens, il cite S. Jérôme, Gennadius, Honorius, Isidore, Ildephonse; il choisit dans le moyen âge les noms de Sigebert de Gembloux et de Henri de Gand; dans des temps plus rapprochés, il trouve l'exemple de Jean Trithemius, abbé de Spanheim (1), et du cardinal Rob. Bellarmin; il doit ensuite faire mention de l'Apparatus sacer d'Antoine Possevin, et de la Bibliotheca de Conrad Gesner, répertoire universel des lettres et des sciences. Valère André énumère ensuite les recueils spéciaux consacrés dans tous les siècles à l'histoire de l'une ou l'autre classe de savants. Il reconnaît que c'est dans la maison d'A. Miræus, si versé dans ce genre de recherches, qu'il en a pris le goût, quoique jeune encore, et qu'il a commencé à rassembler les matériaux de son recueil; mais il avoue qu'il doit à André Schott, dont il avait été assez longtemps le secrétaire, l'idée que d'autres

(1) Auteur d'un recueil de Scriptoribus ecclesiasticis, plusieurs fois imprimé dans le XVIe siècle.

vers le même temps l'ont aidé à réaliser (1). C'est en voyant s'accroître la matière de son livre qu'il lui vint l'idée de l'intituler Bibliotheca Belgica : le manuscrit était terminé dès l'an 1515, mais il passa entre diverses mains, quand l'auteur l'eut envoyé à Bruxelles pour en obtenir l'impression avec privilége, et il ne lui revint que cinq années après. Valère André déclare à la fin de son avertissement, qu'il a fait choix des plus distingués d'entre les écrivains du pays, et qu'il n'a pu faire entrer dans son cadre, tous ceux qui ont composé quelques écrits dans leur langue maternelle; il prévient encore le lecteur, qu'il a été très-bref en parlant des auteurs condamnés et de leurs ouvrages, quand ces auteurs n'ont pas été d'ailleurs des hommes éminents dans la république des lettres, exempts d'un désir immodéré de quereller contre la foi orthodoxe. En réclamant l'indulgence de ses lecteurs, il sollicite comme une grâce les observations de la critique, qui sont des services rendus à la véritable science:

Κἂν βροτοῖς

Αἱ δέυτεραί πως φροντίδες σοφώτεραι.

Parmi les livres que Val. André cite au nombre des sources, nous remarquons, outre les collections les plus connues et les Bibliothèques servant à l'histoire des

(1) « Primus vero mihi admodum adolescenti auctor operis hujus fuit ANDREAS SCHOTTUS, e Societ. Jesu, vir præstantissimus, cum illi ego a manibus essem ac studiis. »

ordres célèbres, la Bibliotheca sacra de J. Molanus, encore manuscrite, et un ensemble de notes rédigées par le même en 1575 De Scriptoribus Belgii; ces pièces lui avaient été communiquées par A. Schott avec beau coup d'autres (1).

Valère André a pu profiter des monographies publiées par son ami et protecteur, Aubert Miræus, avant 1623, sur l'origine de plusieurs ordres et de divers monastères devenus fameux; il a dû mettre au nombre de ses modèles une des premières publications historiques de Miræus, les Elogia Illustrium Belgii Scriptorum, qui avaient paru pour la première fois à Anvers en 1609.

La Bibliotheca Belgica se terminait par un avis au lecteur sur l'usage qu'avaient les anciens auteurs de parler de leur propre vie : Valère André réclame le même privilége (2), avant de donner un résumé de ses travaux personnels, à la manière des Allemands, qui ont conservé jusqu'aujourd'hui l'usage d'ajouter à la plupart de leurs thèses un Curriculum Vitæ. On ne peut reprocher à notre historien d'avoir été trop peu mo

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vša si quis

(2) Ibid. ·, p. 752--53. « Quod exemplo D. Hieronymi, Gennadii. Honorii et Sigeberti Trithemius cæterique in hoc scripti genere sibi licitum putarunt, idem in hac Bibliotheca mihi quoque quasi vitio verti non debet, ut a me scripta hactenus numerem, forte vel id scire aveat, vel mea tanti esse putet, ut cæteris accenseri debeant aut possint, quando et vivis eis hoc Doctorum Viroram Nomenclatore locum suum dedi. Atque hoc modo Colophonem libro meo imponam. >>

deste; il rapporte des faits accomplis, et finit par une promesse. « Pluraque in juris deinceps tractatione me>> ditatur, dum vivit valetque ».

Nous ne citerons pas ici les vers de félicitation adressés à Valère André au moment où la Bibliotheca Belgica allait voir le jour; nous aimons mieux nous arrêter quelque peu à la querelle littéraire que l'apparition de ce livre lui suscitée. Il est aisé de reconnaître que le bon droit était de son côté, quand il fut accusé publiquement de rivalité et de plagiat par François Sweertius. L'ouvrage de ce dernier, intitulé ATHENE BELGICE (1), n'a paru qu'en 1628, cinq ans après l'impression de la Bibliothèque mais comme l'objet des deux livres était le même, l'auteur prétendait que V. André lui avait dérobé son plan et l'avait prévenu avec intention; dans sa préface, il s'est plaint de ce qu'un autre lui a enlevé les fruits de son travail en violant les secrets de l'amitié (2), et il s'est justifié par avance, de toute accusation de plagiat, en prétendant qu'il avait le droit de marcher dans la même voie où un autre était déjà entré. Valère André se crut blessé par cette prétention de Sweertius, et présenta dans sa seconde édition l'Athence

(1) Sive Nomenclator Inferioris Germaniæ Scriptorum. (Antverpiæ, folio, typis Gui!. a Tungris.)

(2) Ab amico quen juvenem adhuc... colui, hæc obtrudi satis insolens et durum videtur... Non equidem invideo. Neque tamen tantopere me peccasse agnosco. quod in eadem arena uterque ludimus,

quod in simili argumento fructum et laudem quærimus. »

de celui-ci comme une copie et un plagiat de sa Bibliothèque pour la majeure partie des notices. La plainte de V. André semble en effet être assez fondée; le livre de Sweertius est en tout cas bien inférieur au sien, et, en supposant que le biographe anversois ait travaillé pendant de longues années d'une manière indépendante, on ne peut douter qu'il n'ait enrichi son travail d'un grand nombre de documents empruntés à son devancier (1). Les conseils de Lemire et d'A. Schott; n'ont pas manqué à l'un et à l'autre; mais Valère André en a fait librement un meilleur usage. On acceptera sans doute volontiers le jugement du fameux polygraphe MORHOF qui s'exprime ainsi dans la section littéraire de son Polyhistor (2) : « Valerii Andreæ Desselii Biblio>> theca cæteris omnibus in hoc genere scriptoribus >> præferenda est, etsi in multis deficit; ac Franciscus >> Swertius in Athenis suis Belgicis, quædam sibi sub>> repta queritur; qui hoc suo libro de academiis et Bi>>bliothecis Belgii agit. Sed Valerii Andreæ liber multò » accuratior est ». L'ouvrage de Val. André, dit un autre polygraphe non moins vanté (3), « est le plus beau corps de Bibliothèque que nous ayons pour les

(1) Nous ne pensons pas avec M. GOETHALS que « dans cet état de choses, il n'est guère possible de connaître la vérité. » (Ouvr. cité, 1. II, p. 198.)

(2) T. I, lib. I, cap. XVIII de catalogorum scriptoribus, p. 36-37. (3) Adrien BAILLET, Jug. des Savants, t. II, Ire P., critiques historiques.

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