Page images
PDF
EPUB

DES TRAVAUX DE J. MOLANUS, PROFESSEUR DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN,

SUR L'ICONOGRAPHIE CHRÉTIENNE.

[blocks in formation]

L'histoire de l'Université de Louvain au XVIe siècle est riche en noms illustres daus les annales de l'Eglise, célèbres dans la science. Parmi ces noms, il en est un qui mérite de fixer l'attention de tous ceux qui à notre époque veulent connaître les traditions primitives de l'art chrétien et le rôle important qui lui appartient dans le culte catholique. Ce nom, c'est celui de Jean Molanus (Vermeulen ), auteur de l'Histoire de l'usage légitime et des abus des images et des peintures sacrées (1).

Il n'entre pas dans notre plan de tracer ici la vie de ce savant distingué, professeur de théologie, censeur royal, etc., ni de donner un tableau critique de ses nombreux ouvrages sur le droit canon, la théologie, l'histoire ecclésiastique ou nationale. Notre but est uniquement de montrer, par un rapide examen de son travail sur les Images, les services qu'il a rendus à l'étude des

(1) De historia SS. Imaginum et Picturarum pro vero earum usu contra abusus, libri quatuor, auctore Joanne Molano, Regio professore et cive Lovaniensi.

antiquités chrétiennes, alors en si grand honneur à l'Université de Louvain, et de faire voir ensuite non seulement l'utilité que renferme encore aujourd'hui son livre, trois siècles environ après sa première édition, mais encore l'intérêt spécial qu'il offre pour l'histoire de l'art belge, dont il cite très-fréquemment les productions. Sans doute, en présence des hautes questions de doctrine que Molanus soulève dans son ouvrage, ce dernier ordre de faits est d'une valeur secondaire ; mais si nous nous plaçons à ce point de vue, c'est que nous sommes convaincus que l'Iconographie chrétienne, dont dépend tout l'avenir de l'art religieux, ne peut faire de progrès véritables qu'en s'appuyant sur une connaissance solide des dogmes et des symboles et sur une interprétation orthodoxe de leur signifi

cation.

Pour déterminer avec justesse la place à laquelle a droit le livre de Molanus au milieu des innombrables travaux ecclésiastiques de son temps, il suffira d'esquisser en quelque sorte l'histoire de sa composition, de rappeler les circonstances favorables où s'est trouvé son auteur, les relations qu'il à eues avec les écrivains les plus vénérables par leur attachement à leur foi et par leur savoir.

La première édition du livre des images parut en 1570 (1). La Belgique, qui avait d'abord échappé aux

(1) L'ouvrage de Molanus a eu plusieurs éditions à Louvain, à

torrents dévastateurs de la Réforme, avait vu s'allumer depuis quatre ans l'incendie qui devait ruiner à jamais son antique prospérité. Les années, qui suivirent le règne si glorieux de Charles V, furent ensanglantées par les guerres civiles les plus acharnées, les fureurs sacriléges des sectaires et tous les maux qu'entraînent à leur suite les passions de la discorde et de l'impiété. Le tableau de la lutte entre la vérité et l'erreur dans le domaine de la science est peut-être le seul sur lequel on puisse arrêter les yeux sans douleur pendant ces temps malheureux : on y voit avec quelle constance et quel dévouement nos pères défendirent leurs croyan ́ces, et avec quel talent ils prirent part au combat que l'Église entière eut à livrer contre l'hérésie.

L'Université de Louvain justifia alors tout ce qu'avaient attendu d'elle les Souverains Pontifes et les princes chrétiens ses bienfaiteurs. Fondée depuis moins d'un siècle, quand le premier cri de Luther retentit en Europe, elle avait déjà formé un grand nombre d'hommes qui furent, non seulement dans nos provinces, mais encore hors de notre patrie, d'infatigables athlètes de la foi. Ses docteurs, dirigeant leurs études

Douai, à Lyon... Paquot en 1771 en a donné une nouvelle d'après celle de Cuyckius de 1594; il y a noté les variantes des éditions précédentes, et il l'a enrichie de notes d'une aussi grande étendue que l'ouvrage entier. C'est à cette édition que renvoient les chiffres de nos eitations.

avec intelligence selon les besoins du moment, suivirent avec succès les novateurs dans leurs investigations passionnées sur les premiers siècles de l'Église, où leur orgueilleuse prétention de purifier le christianisme romain leur avait fait choisir leurs retranchements. Cette disposition des esprits donna naissance à un grand nombre de dissertations sur les antiquités chrétiennes, et la querelle des nouveaux iconoclastes fixa longtemps la discussion sur un terrain déjà battu en tous sens par les hérésiarques et leurs contradicteurs du Ve au IXe siècle.

Le concile de Trente, qui imprima une nouvelle impulsion à toutes les études qui touchent à la religion, facilita beaucoup la controverse sur la question du culte des images ; il remarqua cependant, dans sa vingtcinquième session, que plusieurs points avaient déjà été décidés dans les conciles précédents et qu'il était surtout nécessaire d'en parler pour corriger les abus. Tout le monde sait, qu'un grand nombre de membres du clergé belge et de docteurs de Louvain se rendirent au concile, et qu'ils y parurent avec distinction: nous avons à citer pour notre sujet J. Hesselius, qui fut un des maîtres de Molanus, et qui fut choisi avec Richardot, évêque d'Arras, pour rédiger les décrets concernant le culte des images (1).

(1) Mémoire sur la part que le clergé de Belgique et spécialement les Docteurs de l'Univ. de Louvain ont prise au concile de Trente, par M. de Ram, Rect. de l'Univ. cath. Bruxelles, 1841. in-4, p. 71.

[ocr errors]

C'est dans le but de répondre aux intentions du concile que Molanus conçut le plan de son livre, ainsi qu'il nous le dit lui-même en plusieurs endroits. Citons d'abord un extrait de l'épître dédicatoire qui sert de préface à la première édition, et qui renferme en même temps des détails curieux sur la manière dont il a été amené à composer son ouvrage. Au milieu des plus grandes fureurs des sectaires, il a toujours espéré que Dieu n'abandonnerait pas son peuple belge, ni son peuple d'Anvers (Deum non derelicturum plebem suam Belgicam, imo nec Antuerpiensem), quoique les hommes les plus impies eussent reflué dans cette dernière ville pour la ruine de la religion. Il savait par lui même (ex visu ) et par ses relations, qu'une solide piété demeurait dans le cœur des prêtres, des religieux et des religieuses, ainsi que de la masse du peuple à Anvers (in innumeris plebeiis), et il se confiait dans la miséricorde du Seigneur... Cependant au milieu de toutes ces calamités, << je voulus chercher, dit-il, quelque consolation dans l'histoire des saints, pour leur gloire et pour l'édification de l'Église; je me mis à travailler sur le martyrologe d'Usuard, en y ajoutant des additions tirées des autres martyrologes et de courtes indications destinées à faire connaître les auteurs recommandables, qui ont écrit le récit de la vie des saints et de leurs triomphes. Je notais dans ce travail tout ce qui me paraissait digne de remarque sur les peintures sacrées. Bientôt de nouvelles recherches vinrent se joindre à mes premières

« PreviousContinue »