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et nous le contemplerons comme défenseur énergique de la Patrie et de l'Eglise, je dirai presque comme un martyr continuel de son amour pour les hommes et de son zèle pour la Religion.

Corneille-François de Nelis naquit à Malines en 1736 d'une famille respectable et profondément religieuse. Son père, ami de la Patrie, en véritable Belge, mérita par d'éclatants services d'être anobli par l'impératrice Marie-Thérèse. Attentif à former le cœur de son fils, il s'appliqua de bonne heure à y semer les belles vertus de l'enfance, qui portèrent dans la suite des fruits admirables de sagesse et de sainteté.

Le jeune de Nelis fit au collége de Malines, sa ville natale, ses premières études; ce fut là aussi qu'il recueillit ses premiers lauriers.

Bientôt il passa à l'Université de Louvain; et, par une étrange et brillante exception, il y fut proclamé Premier en Philosophie à l'âge de dix-sept ans. Ainsi cette palme tant ambitionnée par toute la jeunesse studieuse, ce triomphe que les cités belges inscrivaient dans leurs archives, auquel applaudissaient même les étrangers, fut le partage d'un enfant! Combien de vies d'homme aurait pu distinguer cette seule victoire ! Combien de fronts aurait pu orner seule cette perle brillante! Mais pour de Nelis, ce ne fut que le premier joyau de sa resplendissante couronne.

Son penchant et sa vocation le portèrent vers les études ecclésiastiques; il n'y démentit pas son brillant début

dans la carrière des sciences. Ni la longueur des travaux, ni la multitude des difficultés ne purent décourager son ardeur, ni entraver ses efforts. Son zèle triompha de tous les obstacles; et bientôt, devenu supérieur à tous ses émules, notre jeune théologien obtint à l'âge de vingt-quatre ans le grade de licencié avec un succès éclatant. Mais ce qui achève de relever son savoir, ce qui donne un nouveau lustre à son mérite, c'est l'humble modestie avec laquelle il accueillait les plus flatteuses paroles, les éloges les mieux mérités. Aussi sutil toujours avec l'affection de ses supérieurs s'attirer l'attachement de ses condisciples, qui se plaisaient à la société de ce jeune homme à cause de sa douceur, de sa piété et du charme de sa conversation. De Nelis ne recherchait pas les honneurs; son grand cœur n'aimait la science que pour elle-même et pour la faire servir au bien-être des autres hommes ; il ne pratiquait la vertu que pour ses propres délices et pour la faire fleurir par son exemple; mais les récompenses ne purent manquer de venir d'elles-mêmes honorer tant de savoir et de sagesse.

Déjà dès l'année 1757, à l'âge de 21 ans, il s'était vu confier la présidence du collége de Malines, établi à Louvain; en 1758, il était reconnu comme tellement versé dans les Lettres sacrées et profanes, qu'on l'avait nommé bibliothécaire de l'Université; quelques années plus tard, il reçut le titre de chanoine de la cathédrale de Tournay, l'emploi de grand-vicaire de

l'évêque, et en même temps la présidence des Etats du Tournaisis.

Pour beaucoup d'autres des succès si précoces, des dignités si importantes et si rapidement acquises, eussent pu être un écueil contre lequel se fussent brisés leur zèle et leur travafl; mais pour de Nelis ce fut au contraire un puissant aiguillon. C'est que les âmes trempées comme la sienne ne cherchent pas la vérité, ne pratiquent pas le bien dans le seul but d'être applaudi et récompensé par les hommes.

En 1774, Marie-Thérèse donna à de Nelis la preuve la plus éclatante de l'estime et de la confiance qu'il avait su lui inspirer. Elle le choisit pour donner des leçons de littérature et d'histoire au prince Maximilien son fils, et l'on sait combien cette grande impératrice tenait à l'instruction de ses enfants et à l'honneur de sa maison. Ce fait à lui seul en dit plus que tous les honneurs que sa bienveillance royale eût pu prodiguer à notre illustre compatriote, et confirme surabondamment ce que la renommée n'avait cessé de publier de son mérite et de ses vertus.

Mais laissons-le à ce degré de gloire, qu'il atteignait presque en courant, laissons-le répondant dignement à l'attente de l'impératrice vénérée; et revenons sur nos pas pour recueillir les travaux précieux qu'il laissa sur son passage.

L'étude de la philosophie, ce trésor des grandes âmes, fit d'abord ses plus chères délices: Platon, Aristote,

Cicéron étaient pour lui des sources intarissables de jouissances. Il aimait à pénétrer, en se familiarisant avec ces écrivains, les mystères de la philosophie ancienne, à contempler dans leurs ouvrages ce que la raison, abandonnée à elle seule, avait découvert de plus sage sur la vérité et sur la morale. Une étude aussi noble, aussi digne des recherches de l'esprit humain ne demeura pas stérile. Un opuscule sur les principes du vrai bonheur, que le jeune philosophe composa à l'âge de vingt-trois ans, fut le premier fruit de ses travaux. On y suit avec plaisir les pensées généreuses, les vifs élans d'une âme pure et amie des hommes, et l'on y reconnaît sans peine les germes précieux de productions plus importantes qui apparaîtront dans la suite.

Dès lors déjà le mérite de Nelis parut assez grand pour exciter l'envie. Une critique acerbe de son œuvre fut imprimée et publiée à Louvain; mais cette critique, loin de décréditer le travail de Nelis, tourna à la honte de son auteur, et contribua puissamment à mettre au grand jour l'estime que s'était acquise déjà notre jeune écrivain. Le gouvernement proscrivit le libelle envieux, et Marie-Thérèse déclara en propres termes « qu'elle >> ne voyait pas sans indignation attaquer de Nelis, at>> tendu la protection particulière qu'elle lui accordait » à cause de ses talents, de son application et de ses >> vertus (1). >>

(1) Voyez les Analectes de 1842, p 107.

N'est-ce pas là, Messieurs, un témoignage qui commande le respect et qui place celui qui en est l'objet à un rang bien élevé? O de Nelis, puisse ta mémoire, sous la sauvegarde de ces nobles paroles, passer sans entraves à la postérité. Puisse ta gloire briller d'un éclat que rien ne ternisse, sous l'œil protecteur de la plus auguste et de la plus éclairée des Souveraines! Cependant les études philosophiques n'absorbèrent pas tellement le jeune auteur, qu'il ne portât la pénétration de son esprit sur d'autres objets.

Sans doute à l'époque qui nous occupe, la Belgique s'élevait majestueuse parmi les contrées savantes et éclairées, sans doute elle renfermait dans son sein des hommes de lumières et de profonde érudition; mais la littérature, cette belle compagne de la science, n'était pas appréciée à son juste prix dans notre pays.

De Nelis, grâce à sa rare perspicacité, comprit ce que pouvait apporter de gloire et d'utilité à sa patrie la culture des lettres. Aussitôt il conçoit une idée aussi féconde que sage. L'établissement d'une académie régulatrice et protectrice de la littérature, va faire désormais l'objet de ses efforts, le but de ses travaux ; il ne s'épargne pour l'atteindre ni veilles ni sollicitations, et à force de zèle et de courage, il parvient, après bien des démarches, à réaliser ce louable projet.

Toutefois ce ne fut là que le prélude des progrès qu'il avait entrevus et qu'il voulait mener à leur fin. Membre de cette institution dont il avait eu le premier la pensée,

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