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faite (Applaudissements). Et maintenant c'est à nous, chacun dans sa mesure, de prendre part à ce grand mouvement et de rétablir l'entente dont j'ai parlé sur des fondements si fermes qu'ils ne puissent plus être ébranlés. Et je suis convaincu que c'est le résultat pratique que nous pouvons espérer de cette heureuse réunion.

RÉPONSE DE M. D'ESTOURNELLES

aux discours de

MM. BALFOUR, CAMPBELLBANNERMAN, CHAMBERLAIN

et HOULDSWORTH

Mes chers collègues,

Au nom de mes camarades et amis français, j'ai à cœur de répondre aux paroles de profonde sympathie prononcées à l'égard de la France et de l'arbitrage par les hommes d'Etat éminents que nous venons d'applaudir.

A M. Arthur Balfour, à mon ami Arthur Balfour, (car il est vrai que nous nous connaissons maintenant depuis plus de vingt années), je dirai qur je suis heureux, ému de son adhésion, si explicite à la juste cause que nous défendons. Cette adhésion est pour moi une récompense comme aussi son appréciation des services que j'ai pu rendre aux bons rapports des deux pays en quittant la didlomatie. Nombreux furent

ceux qui me blâmèrent alors et n'hésitèrent pas à penser que j'avais eu tort de me dévouer à une généreuse idée plutôt que de rester attaché à une bonne carrière; nombreux furent ceux qui déclarèrent avec une commisération touchante que décidément j'avais mal tourné!... (rires). Aujourd'hui, je prends ma revanche; il est possible que j'aie mal tourné. mais c'est au bénéfice de mes idées, et si je suis parti seul avec elles il y a huit ans, nous revenons plus de cent aujourd'hui pour les défendre, (vifs applaudissements) et nous vous rencontrons, mes chers camarades, dans une étroite et chaleureuse union, pour les défendre comme nous, sans distinction de pays ni d'opinion. C'est quelque chose et je n'avais jamais fait, je l'avoue, un si beau rêve que celui que nous réalisons ce soir ensemble.

Sir Henry Campbell-Bannerman n'a pas voulu laissez à son loyal adversaire, sans en prendre sa large part, le mérite de ses sympathies pour l'organisation d'une paix durable entre nos deux pays et je le remercie, en notre nom à tous, de son chaleureux et spirituel discours. (Applaudissements). J'irai même jusqu'à dire au risque de prendre un instant et imprudemment parti entre l'honorable représentant de l'opposition et le premier ministre, que sir Henry a remporté ce soir sur M. Arthur Balfour une incontestable petite victoire, car il a eu le courage de parler français (rires et applaudissements), et cette petite victoire est d'autant plus décisive que M. A. Balfour aurait pu très bien faire de même s'il avait voulu, car il m'a parlé français et parfaite

ment pendant tout le cours du dîner. (Nouveaux rires). M. A Balfour a donc incontestablemement une revanche à prendre, et cette revanche est toute indiquée : nous le convions à venir à son tour, uccompagné de sir Henry Champbell-Bannerman et de vous tous, nous faire un discours en français, mais cette fois à Paris. (Bravos et applaudissements).

Quant à M. Chamberlain, il nous a dit aussi d'excellentes choses dont je prends acte. Depuis plus de vingt années également nous nous connaissons et je constate, une fois de plus, que ces années sont passées sur lui sans laissez de traces. Je vais même profiter de nos relations anciennes pour lui répondre avec une netteté qui n'aura rien de diplomatique. D'autres éluderaient peutêtre cette réponse, mais précisément la beauté, le prix de notre réunion de ce soir est, que, malgré nos divergences profondes de vues entre Français comme entre Anglais, entre Français et entre Anglais nous avons réalisé de tels progrès que nous pouvons néanmoins parler librement et sans contrainte. Oui, M. Chamberlain a la réputation non pas d'un enfant, mais d'un homme terrible; à quoi bon le dissimuler? Mais je ramène tout au service de ma cause et je découvre que M. Chamberlain peut disposer d'un excellent et infaillible moyen de modifier cette réputation : il a parlé de son attachement à la paix : qu'il le prouve!... (vifs applaudissements) qu'il prouve son attachement non pas au mot seulement, mais à la chose! (applaudissements) voilà ce que je lui demande et ce

qu'il fera, j'en suis sûr, comme je suis sûr de son désir sincère d'entretenir avec la France les meilleures relations possibles. (Applaudissements).

Seulement, entendons-nous bien ! il a parlé de l'entente cordiale entre nos deux pays; c'est là ce que nous désirons tous; il a rappelé que cette entente avait déjà existé, même officiellement : cela est vrai. Mais que de progrès, depuis un demi-siècle ! Alors c'était l'entente cordiale pour la guerre: celle-là, nous n'en voulons plus!

Nous voulons l'entente pour la paix ! (Applaudissements prolongés).

Les convives se lèvent et entonnent en l'honneur de l'orateur le chant: He is a jolly good fellow.

ALLOCUTION DE M. DE LANESSAN

Messieurs, un dernier toast nous reste à porter et, sur l'invitation de notre ami M. d'Estournelles de Constant, je lève mon verre en l'honneur du président de ce banquet, Sir William Houldsworth (Applaudissements) et des membres du Parlement britannique qui nous reçoivent ce soir dans l'illustre palais de Westminster. Cette réception est à la fois cordiale et politique et il n'en pouvait être autrement entre les représentants de nos deux pays: l'Angleterre qui a fondé le parlementarisme pour la défense des libertés publiques et privées, la France qui a pris pour base de ses institutions la liberté et s'est constituée par là

même le champion de la paix dans le monde. (Applaudissements).

Chacun de nous, Messieurs, reconnaît que cette réunion marquera l'entrée de nos deux pays dans une phase nouvelle de leur histoire. Saluons cette aurore (Applaudissements), et buvons au succès de notre œuvre désormais commune, à l'affermissement de nos institutions dans la paix et la liberté. (Vifs applaudissements).

Pendant le séjour des Sénateurs et des Députés français à Londres, des réceptions ont été organisées en leur honneur, à Mansion House où le Lord Maire, la Lady Mayoress et les Sheriffs de la Cité leur ont fait le plus gracieux accueil, puis au Guildhall, au StockExchange, au Lloyd, à la Bourse des blés, à la Tour de Londres, à la Chambre de Commerce. Le soir, des dîners très cordiaux réunissaient au domicile d'un certain nombre de parlementaires anglais les délégués français.

son

Le voyage s'est terminé par une réception au château de Windsor. Le Roi a fait exprimer à M. d'Estournelles et à ses collègues le regret que leur venue en Angleterre ait coïncidé avec voyage en Irlande. Il eût été heureux de leur faire lui même les honneurs de Windsor. Après la visite du château, une collation est offerte aux parlemen

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