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sa forme actuelle, la sanction de l'expérience. (Nouveaux applaudissements vifs et répétés). Ils doivent souhaiter que la supériorité des procédés de l'arbitrage s'affirme sans trop tarder par le réglement des conflits d'ordre secondaire. Une fois ces premiers résultats acquis, il se fera des deux côtés de la Manche un tel mouvement d'opinion que certaines des réserves jugées d'abord nécessaires tomberont d'elles-mêmes, (Bravos prolongés), et peut-être, c'est du moins une espérance que je me plais à émettre en ce moment en votre compagnie, et, laissez-moi vous le dire, puisque le mot est de circonstance, à la faveur de la chaleur communicative de ce banquet, (Sourires) - peut-être le jour n'est-il pas très éloigné où les deux peuples s'accorderont à penser qu'aucune raison décisive ne s'oppose à ce qu'on soumette à l'arbitrage toutes les causes de dissentiment de quelque nature et de quelque importance qu'il soit. (Bravos répétés.)

Voilà pourquoi, Messieurs, j'appelle de mes vœux l'application de la convention nouvelle aux litiges pendants entre les deux pays, si toutefois les deux gouvernements ne parviennent pas à les résoudre par des négociations préalables.

Au reste, je me hâte de le dire parce que je dois le dire, ce sont là des vœux et rien que des vœux que j'énonce en ce moment, laissant à mon collègue le ministre des affaires étrangères, dont la prudence nous est connue, son droit d'initiative en pareille matière. Je me hâte d'ajouter que si je suis mû surtout en tenant ce langage par la considération des intérêts français, ma

pensée n'a rien d'égoïste, elle embrasse dans une prévision d'avenir les intérêts légitimes des autres nations (Vifs applaudissements.)

Ce doit être même pour les deux contractants une grande satisfaction de penser qu'ils ont donné au monde un exemple des plus louables et que seuls peut-être ils pouvaient donner avec la certitude anticipée qu'il sera suivi. A lire leur histoire, qui n'a été jusqu'au commencement du siècle passé qu'une longue suite presque ininterrompue de luttes meurtrières, on pouvait craindre que des haines accumulées ne les séparassent indéfiniment, de même qu'à remarquer leurs positions respectives dans toutes les régions du globe, il semblait aussi que partout leurs intérêts étaient condamnés à s'entrechoquer dans des rivalités âpres et inconciliables. (Bravos).

Cette perspective, messieurs, s'est brusquement modifiée avec la conclusion du traité d'arbitrage. Il ne faudra désormais aux deux peuples, aux deux gouvernements qu'une égale disposition à des concessions réciproques pour écarter toute éventualité menaçante (Bravos ! Bravos !); pour peu qu'ils s'inspirent du principe supérieur qui s'est affirmé dans le traité d'arbitrage, c'en sera fait pour toujours de leurs inimitiés sanglantes d'autrefois, c'en sera fait de cet ancien antagonisme qui se résolvait pour eux en hécatombes humaines, en armements ruineux (Bravos prolongés et répétés), en souvenir de rancunes et de deuils. C'est avec les seules armes de la paix (Très bien ! Très bien !), c'est avec les engins inoffensifs de l'industrie et du commerce (Bravos),

qu'ils se rencontreront dorénavant sur les marchés du monde. Il y a sujet d'espérer que l'Europe, attentive à cet heureux changement, cèdera à son tour au vent pacifique qui souffle sur elle (Longs applaudissements) et s'engagera résolument dans la voie salutaire que nous lui avons montrée. Messieurs, je lève mon verre en saluant cette espérance et, pour la consacrer d'un nom, je porte un toast au souverain à qui nous la devons (Bravos et acclamations), je bois à S. M. Edouard VII, roi d'Angleterre, et je crois répondre à vos sentiments intimes en associant à ce toast la santé de Sa Majesté la reine. (Bravos et acclamations répétées et prolongées.)

DISCOURS DE LORD BRASSEY

Président du « Commercial Committee» de la Chambre des Lords

Lord Brassey, qui s'exprime en français, affirme son amitié sincère pour la France. Voici son discours :

C'est un grand privilège que de porter la parole devant une si brillante assemblée, mais ce serait aussi une tâche bien pénible si vous n'étiez pas compatissants pour un Anglais timide. (Applaudissements).

Les sentiments qui nous ont unis me touchent profondément. Nous sommes amis sincères de la France. Nous admirons la France pour son commerce, sa littérature, sa science, pour tout ce dont l'homme est capable. La France est toujours maîtresse

de sa glorieuse magnificence parmi les nations civilisées. (Applaudissements).

La France est la nation des grandes idées : Liberté, Egalité, Fraternité, devises sublimes de la République française. Et nous, sous une Constitution différente, nous sommes ici pour affirmer les mêmes principes dans nos relations internationales. Malenlentendus, accusations sont finis entre nous. Nous voulons nous mettre en meilleure voie, substituer l'arbitrage à l'empire de la force, en un mot cimenter l'estime et l'amitié mutuelle qui déjà ont donné naissance à notre entente cordiale. (Bravos).

Nous sommes ici pour donner notre appui à l'œuvre de mon ami le baron d'Estournelles et de notre compatriote M. Barclay.

Nous sommes ici pour cultiver les amitiés personnelles. C'est la tâche si agréable pour nous de ces jours heureux. Nous garderons pour toujours le souvenir de votre charmant accueil. Nous remercions les membres du Sénat et de la Chambre des députés, dont les noms sont si bien connus en Angleterre, qui nous ont donné une bienvenue que je puis dire fraternelle et dont nous avons été extrêmement touchés. Nous vous connaissons, messieurs, comme des serviteurs fidèles et capables de votre patrie. C'est un privilège que de pouvoir vous serrer la main. (Applaudissements).

Le président de la République nous a fait aujourd'hui le même accueil que l'Angleterre lui a offert avec les mêmes sentiments de sincérité qui unissent les deux patries. Au nom de tous mes compatriotes, en mon

nom, je le prie d'agréer l'expression de notre gratitude.

Cette allusion si courtoise à la réception de l'après-midi au Palais de l'Elysée est accueillie par des applaudissements. C'est pour les parlementaires anglais une occasion nouvelle de manifester leurs sentiments à l'égard du Président de la République.

DISCOURS DE M. BERTHELOT
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

Président d'honneur du Groupe parlementaire de l'Arbitrage international

Messieurs,

Il y a quelques années, j'étais en relations suivies avec lord Dufferin, ambassadeur d'Angleterre, et nous avons causé ensemble bien souvent des intérêts respectifs de nos nationaux, et aussi des qualités et, permettezmoi d'ajouter des défauts de nos concitoyens, chacun de nous épiloguant sur les riverains de la Manche qu'il représentait, battant sa coulpe, comme on parlait autrefois, avec le ferme désir de mettre fin à tous nos conflits.

« Vous autres Anglais, disais-je, vous êtes de grands promoteurs de la civilisation, << poursuivant à la fois les intérêts généraux « de l'humanité et ceux de la Grande-Breta«gne, mais... - Lord Dufferin se hâta d'intercaler : « On nous reproche d'avoir les

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