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la ville qu'habitent également les deux parties. Mais, répond le citoyen Treilhard, si cet immeuble était à une trop grande distance, il ne donnerait point de crédit au propriétaire. Ce point a été reconnu au tire du cautionnement, et c'est parce qu'il est dans l'habitude des hommes de vouloir leur gage soit sous leur main, qu'on a limité l'étendue dans laquelle devait être situé l'immeuble présenté par la caution.

*

On ajoute que le système de la loi du 2 brumaire ne peut convenir aux transactions les plus importantes, et particulièrement aux contrats du mariage.

Ce système s'adapte à toutes les conventions, et aux contrats de mariage comme aux autres. Il est facile de concevoir, en effet, qu'il donne entière sûreté pour la dot.

Ce n'est pas cependant que le mari ait toujours des meubles à offrir en garantie; mais alors le père et l'épouse ne cherchent leur sûreté dans aucun système hypothécaire : ils croient la trouver dans la confiance que leur inspire la moralité du mari, et ils s'en contentent. Mais, dans ce cas même, la loi du 11 brumaire leur est utile, en ce qu'elle soumet à l'hypothèque de la dot les biens qui peuvent échoir par la suite. La femme peut prendre inscription sur ses biens, sans être arrêtée par les obstacles dont on a parlé; si elle n'a pas le contrat sous la main, elle le lèvera chez le notaire. Quant aux frais de l'inscription, ils sont tellement modiques qu'aucune femme ne peut se trouver dans l'impuissance de les faire.

Les difficultés ne sont pas plus grandes à l'égard des hypothèques du pupille.

Le tuteur est ordinairement un membre de la famille; il est nommé par d'autres parents qui nécessairement connaissent ses biens et sa fortune, et auxquels dès lors il est facile de former des inscriptions. Au surplus, sous ce rapport, le système de la loi du 11 brumaire n'est pas plus embarrassé que celui de l'édit de 1771; car d'après cette dernière loi, le défaut d'opposition anéantissait les hypothèques.

Mais, dit-on, la loi du 11 brumaire empêche de donner aux créanciers une sûreté complète, puisqu'elle ne permet pas d'hypothéquer les biens à venir. Elle blesse les principes de la matière, car il est juste qu'un débiteur paie tout à la fois et sur les biens qu'il a et sur ceux qu'il pourra avoir.

Il y a quelque chose d'immoral dans tous les calculs fondés sur la dépouille d'un homme encore vivant, et d'ailleurs l'espérance des biens à venir est souvent trompeuse. Si cependant il survient des biens au débiteur, la loi ne s'oppose pas à ce que le créancier s'en empare, comme d'un gage nouveau, et ne forme inscription à mesure qu'ils arrivent.

L'hypothèque légale, a-t-on dit encore, est établie par la seule force de la loi; qu'est-il donc besoin, pour qu'elle ait ses effets, du fait de l'homme ou de formalités extérieures ?

Sans doute c'est la loi qui donne l'hypothèque; mais la loi ne suppose pas, lorsqu'elle accordé scn recours, qu'on demeurera dans l'inaction. C'est ainsi que, quoiqu'elle accorde la contrainte par corps, ceux-là seuls profitent de cette garantie qui ne négligent pas de la demander.

On observe enfin que la bonne foi étant l'âme des contrats, il faut bien se garder d'accoutumer les citoyens à une défiance et à des précautions qui changeraient le principe des conventions entre les hommes.

La conséquence rigoureuse de cette doctrine se

rait qu'il ne faut point du tout d'hypothèque. Cependant elle est professée par ceux-là même qui se plaignent de ce qu'on ne permet pas d'étendre l'hypothèque sur tous les biens, même à venir. Ils sont au surplus dans l'erreur. Les partisans de la loi du 11 brumaire accordent l'hypothèque sur tous les biens; ils veulent seulement qu'elle soit publique et spéciale, parce que l'expérience leur apprend que les hypothèques occultes nuisent aux citoyens honnêtes qui, dans leur aveugle confiance, s'en rapportent trop facilement aux fausses apparences de fortune. La justice veut qu'on leur fournisse un moyen de les vérifier et d'éviter les surprises. Il est possible que cette trop grande évidence de la situation de chacun prive quelques hommes de leur crédit mais quel est l'inconvénient de ruiner un crédit qui ne reposait que sur la fourberie?

:

Le Premier Consul dit qu'il aperçoit ici trois systèmes différents :

Celui des lois romaines, qui n'admet ni publicité ni spécialité;

Celui de l'édit de 1771, qui admet la publicité sans spécialité;

Celui enfin de la loi du 11 brumaire an VII, qui admet également et la publicité et la spécialité.

Le Consul ajoute que d'après ce qu'il vient d'entendre, le système du droit romain lui paraît plus dans la nature et dans les principes de la justice civile, en ce qu'il donne la garantie la plus entière pour les hypothèques légales.

L'édit de 1771 leur est moins favorable, puisqu'il exige, pour les maintenir, la formalité de l'opposition.

Mais la loi du 11 brumaire an VII les anéantit dans leurs effets, car les femmes et les mineurs ne les obtiennent que dans le cas où il a été formé inscription à leur profit.

Serait-il impossible de concilier ces divers sys

tèmes ?

Ne pourrait-on pas laisser subsister la nécessité de l'inscription pour toutes les hypothèques légales, car la loi doit défendre celui qui ne peut se défendre lui-même ? On n'a point répondu à cette raison or la femme, le mineur, sont incapables de veiller à leurs intérêts; et cependant, dans l'état actuel des choses, il ne faut que l'omission d'une formalité pour leur enlever l'hypothèque que la loi a entendu leur assurer.

Le citoyen Treilhard a objecté que, sous l'empire de l'édit de 1771, il suffisait aussi qu'il n'eût point été formé d'opposition pour que le mineur et la femme perdissent leur hypothèque.

Mais il y a une grande différence entre faire dépendre d'une formalité l'effet d'une hypothèque qui doit être forcée par cela seul qu'elle est déclarée légale, et laisser périr des hypothèques acquises, en négligeant de former opposition; et le citoyen Bigot-Préameneu a fort bien observé, à cet égard, que le défaut d'opposition n'efface du moins l'hypothèque que sur un seul immeuble, tandis que le defaut d'inscription en affranchit tous les biens du débiteur.

Pour que le Code porte une profonde impression de justice civile, il est nécessaire de concilier ces différents systèmes; la justice civile s'oppose à ce qu'on reporte sur le mineur et sur la femme les suites d'une négligence qu'il n'était pas en leur pouvoir d'empêcher. Ce principe ne doit pas être sacrifié au désir, très-louable d'ailleurs, de rendre les transactions plus sûres. Il ne faut pas acheter, au prix d'une injustice, l'avantage de simplifier la loi : tous les principes doivent être également respectés.

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Il semble qu'on parviendrait à tout concilier, si on décidait que les hypothèques légales frapperont de plein droit les immeubles du mari et du tuteur, que cependant il est permis au mari de les restreindre à une portion suffisante de ses biens, si la femme y consent; que la même faculté est donnée au tuteur; et que si les biens sont insuffisants, pour restreindre ainsi l'hypothèque à une partie seulement du patrimoine soit du tuteur, soit du mari, l'acquéreur achètera. à la charge des hypothèques, ainsi que le décidait l'édit de 1771.

Le citoyen Réal dit que ce serait aller directement contre le but qu'on se propose. On veut, en effet, garantir les droits de la femme, et cependant on rendrait sa condition bien plus désavantageuse qu'elle ne l'était sous l'édit de 1771; car alors l'acquéreur, sachant qu'elle perdrait son recours faute d'opposition, trouvait dans cette disposition une garantie suffisante. Si, au contraire, il est indéfiniment soumis aux hypothèques de la femine, il ne traitera avec le mari que sous la condition qu'elle interviendra et qu'elle s'obligera solidairement.

Le Premier Consul dit que depuis qu'il entend discuter le Code civil, il s'est souvent aperçu que la trop grande simplicité dans la législation est l'ennemie de la propriété. On ne peut rendre les lois extrêmement simples sans couper le noud plutôt que de le délier, et sans livrer beaucoup de choses à l'incertitude de l'arbitraire.

Cependant si la justice civile est la base de la loi, chacun est frappé du sentiment que les droits des hommes reposent sur des princípes immuables. On perd au contraire le respect pour la propriété, lorsqu'on la regarde comme soumise à des chances qui peuvent facilement et sans raison la porter d'une main dans une autre. Partout les hypothèques des femmes et des mineurs ont été considérées comme naissant et s'identifiant avec l'engagement qui les fait naître; c'est ce principe qu'il faut parvenir à concilier avec la sûreté des acquéreurs et des prêteurs. La loi sera moins simple, mais elle sera conforme aux principes de la justice civile.

Le citoyen Réal dit que le système de la loi du 11 brumaire ne blesse point le principe de la propriété, puisqu'il est né dans un pays où la propriété était infiniment respectée, dans la cidevant Belgique.

Le citoyen Bigot-Préameneu dit que le régime de la Belgique était entièrement féodal; là le seigneur était considéré comme le propriétaire du domaine direct et universel.

Le citoyen Réal dit qu'il n'examine le système qu'en soi et indépendamment de ses abus. Dans le Brabant il n'y avait d'hypothèque légale que pour les droits du prince, et encore n'en étaitpas ainsi dans toutes les parties de ce pays. Au reste les choses ne sont plus entières. Depuis l'an VII le système de la spécialité et de la publicité existe en France; on ne peut plus l'abolir sans rétrograder.

Le Premier Consul dit qu'il ne s'agit point de revenir sur ce système; il faut la publicité, il faut la spécialité; mais il faut aussi qu'elle ne puisse nuire aux hypothèques légales.

Le citoyen Treilhard a observé que les frais de saisie réelle consument le bien du débiteur et le gage du créancier; qu'avec des hypothèques cachees il n'y a plus de sûreté pour les acquéreurs ni pour les prêteurs, qui peuvent se laisser tromper par de fausses apparences: il a présenté la publicité et la spécialité comme le remède de

ces inconvénients; on les lui accorde; mais on désire en même temps que sans rien changer au fonds du système, la loi évite de commettre une injustice civile, en sacrifiant un principe à l'autre, et en rendant sans effet les hypothèques légales.

Le citoyen Jollivet dit que pour affranchir les hypothèques légales de la nécessité de l'inscription, on s'est fondé sur la publicité du fait du mariage et de la tutelle. Cette notoriété, continue le citoyen Jollivet, n'existe pas toujours: il est des maris qui vivent loin de leurs femmes ; et la mort de la femme n'éteint pas ses droits : ils. passent à ses héritiers. Egalement, on peut ignorer l'époque où une tutelle a fini, et ne pas savoir si les comptes ont été rendus. Le mari et le tuteur se trouvent donc placés dans une dépendance indéfinie.

Le Premier Consul dit qu'on leur propose un moyen de s'y soustraire, en rendant spéciale l'hypothèque générale dont leurs biens sont grevés; qu'au surplus, il n'y a peut-être pas beaucoup d'inconvénients à placer le mari dans une situation qui l'empêche de dissiper son bien; car il est hors de doute que s'il ne veut faire que des emprunts nécessaires, la femme ne refuserà point d'y consentir.

La discussion est continuée à la prochaine séance.

La séance est levée.

Pour extrait conforme :
Le secrétaire général du Conseil d'État,
J. G. LOCRÉ.

SÉANCE

DU 19 PLUVIOSE AN XII DE LA RÉPUBLIQUE.
(Jeudi 9 février 1804).

Le Premier Consul préside la séance. Le second et le troisième Consuls sont présents.

Le citoyen Bigot-Préameneu annonce que le titre II du livre Ill du projet de Code civil, des contrats ou des obligations conventionnelles en général, a été décrété par le Corps législatif, dans sa séance du 17 pluviose.

Le citoyen Treilhard annonce que le titre III du livre fll du projet de Code civil, des engagements qui se forment sans convention, a été décrété par le Corps législatif, dans sa séance de ce jour. LIVRE III. TITRE V.

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<< Non, citoyens législateurs, la garantie qu'il ne nous offre pas, nous pouvons la recevoir d'un autre qui, le connaissant mieux peut-être, ou par tout autre motif, consent à s'engager pour lui.

« Déjà vous voyez quelle grande influence peut avoir sur la vie civile l'usage du cautionnement; et ce titre n'est pas le moins important du Code.

« Pour établir des règles sur cette matière, il faut se pénétrer avant tout et de la nature et de l'objet d'un cautionnement les difficultés les plus graves en apparence s'aplanissent bientôt pour celui qui sait remonter au principe des choses; c'est par cette marche qu'on parvient à les bien connaître et savoir bien, je ne crains pas de le dire, est encore plus utile que de savoir beaucoup.

« Le cautionnement a pour objet d'assurer l'exécution d'un engagement: il faut donc que le fidéjusseur ou la caution remplisse cet engagement au défaut du principal obligé, et il est juste aussi que la caution qui l'a rempli soit subrogée aux droits du créancier.

« Toutes les règles de ce titre découlent de ce premier aperçu.

« Un cautionnement est l'accessoire d'une obligation principale: il ne peut donc pas exister de cautionnement quand il n'existe pas une première obligation à laquelle le cautionnement se rattache.

« Une obligation contractée contre la défense de la loi, surprise par le dol, arrachée par la violence, entachée enfin de quelque vice de cette nature, est absolument nulle; l'acte qui la cautionne tombe par conséquent avec elle.

«Mais si l'obligation principale, valable en elle-même, ne se trouvait caduque que par une exception personnelle au principal obligé, la restitution de celui-ci ne détruirait pas l'essence de l'obligation, et le cautionnement devrait produire son effet.

« J'ai dit que le cautionnement était l'accessoire d'une obligation; il ne peut donc pas l'excéder : il est contre la nature des choses que l'accessoire soit plus étendu que le principal. Comment peuton cautionner trois mille francs quand il n'en est dû que deux mille? Comment la caution serait-elle contraignable par corps quand le débiteur principal lui-même n'est pas soumis à cette exécution rigoureuse?

"Mais le cautionnement, quand il excède l'obligation principale, est-il absolument réductible aux termes de cette obligation? Cette question fut autrefois controversée; les deux parties s'appuyaient également sur des textes et sur des autorités. Le règne des subtilités est passé; et comme il est bien évident que celui qui voulut s'engager à plus que l'obligation principale, fut dans l'intention de garantir au moins cette obligation, nous avons pensé que le cautionnement excessif n'était pas nul, et qu'il était seulement réductible. Il ne faut pas créer des nullités sans un motif réel: c'est bien assez de voir les nullités partout où elles existent en effet.

« Si on ne peut pas dans un cautionnement s'engager au delà des termes de l'obligation principale, on peut, sans contredit, ne pas s'obliger à cautionner la totalité de cette obligation, ou ne la cautionner que sous des conditions plus douces.

"

L'engagement de la caution est volontaire, il doit être par conséquent renfermé dans les limites qu'elle a posées; si elle s'était engagée indéfiniment, son engagement embrasserait toute l'obligation principale avec ses accessoires. Il n'était pas dans son intention d'y apposer des restric

tions, puisqu'elle n'y en a pas apposé en effet. « L'objet du cautionnement est d'assurer l'exécution d'une obligation; il faut donc que celui qui se présente pour caution soit capable de contracter, qu'il ait des biens dont la discussion ne soit pas trop pénible.

« A quoi servirait l'engagement d'un homme qui ne pourrait pas s'engager? Quel fruit tireraiton d'une caution qu'il faudrait aller chercher et discuter à des distances infinies? La facilité de poursuivre un débiteur fait partie de sa solvabilité, et une discussion qu'il faudrait suivre de loin serait presque toujours plus ruineuse qu'utile. Nous avons donc établi pour règle que la caution devait présenter des biens dans le ressort du tribunal d'appel où elle doit être donnée.

« La caution doit être solvable, non d'une solvabilité fugitive, telle que celle qu'offrirait une fortune mobilière, ni d'une solvabilité incertaine, telle que celle qui ne serait fondée que sur des biens litigieux; mais d'une solvabilité constante et assurée par des propriétés foncières et libres.

« On a demandé sí celui qui devait une caution, et qui en avait présenté une qu'on avait acceptée, était tenu d'en donner une autre lorsque la première devenait insolvable.

« D'un côté on a prétendu que le débiteur n'ayant promis qu'une caution, ayant satisfait à son engagement, puisque le créancier avait accepté comme bonne celle qui lui était offerte, ne pouvait plus être inquiété pour une insolvabilité survenue depuis, et dont il n'était pas le garant: mais on a considéré d'un autre côté qu'un créancier n'exigeait une caution que pour s'assurer invinciblement de l'exécution d'un acte; qu'il était dans son intention d'avoir une caution qui fùt toujours solvable et qui offrit une garantie réelle jusqu'à l'exécution effective de l'obligation. Cette opinion s'accorde mieux avec la nature et l'objet dù cautionnement; et nous en avons tiré cette conséquence, que si la caution devenait insolvable, le débiteur était tenu d'en fournir une autre. Après avoir considéré le cautionnement dans sa nature et dans son objet, on a dû le considérer dans ses effets. Une caution a des rapports et des engagements avec le créancier, avec le débiteur, avec les autres cautions, s'il en existe plusieurs pour la même obligation; ces cofidéjusseurs, le débiteur, le créancier, contractent aussi des engagements envers la caution.

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." Voyons d'abord l'effet du cautionnement entre le créancier et le fidéjusseur son objet étant d'assurer l'exécution d'une obligation principale, il faut que la caution exécute lorsque le débiteur manque à son engagement.

« Il ne peut s'élever ici que deux questions: le créancier s'adressera-t-il au fidejusseur avant d'avoir discuté le débiteur principal? Une caution poursuivie pour la totalité pourra-t-elle exiger que le créancier divise ses poursuites quand il existera plusieurs fidejusseurs?

« Dans l'ancien droit romain le créancier, pouvait contraindre les cautions sans avoir préalablement discuté le principal débiteur : c'était une rigueur bien grande contre des personnes qui, souvent, ne s'étaient obligées que par un sentiment de bienfaisance et de générosité. Justinien crut devoir apporter des adoucissements à ce droit, et il introduisit, en faveur des cautions, l'exception qu'on a appelée de discussion: son effet est d'obliger le créancier à discuter le débiteur principal avant de l'admettre à la poursuite des fídéjusseurs

« Cette exception reçue parmi nous est toute

en faveur des cautions, et de là il résulte, 1° qu'une caution peut y renoncer; 2° que les poursuites du créancier contre la caution sont valables, si celle-ci ne réclame pas le bénéfice de la discussion; 3° que la caution doit réclamer ce bénéfice dans le principe, toute exception étant couverte par une défense au fond.

«Suffira-t-il à la caution de dire vaguement qu'elle demande la discussion préalable du débiteur principal; et le créancier ne pourrait-il pas lui répondre qu'il ne connaît pas les propriétés du débiteur? Il faut donc que la caution indique les biens dont elle réclamé la discussion : c'est son premier devoir; elle doit indiquer, non pas des biens litigieux déjà absorbés par les charges, car le créancier ne trouverait dans cette indication qu'une source de procès, mais des biens libres et qui présentent une garantie du paiement. Elle doit indiquer des biens qui ne soient pas dans un trop grand éloignement nous en avons déjà dit la raison; le créancier a voulu des gages, et des gages à sa portée.

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Enfin, en indiquant ces biens, la caution doit aussi fournir des biens suffisants pour poursuivre la discussion : le créancier n'avait exigé un fidejusseur que pour s'assurer davantage un paiement facile, et lorsque le fidejusseur réclamé une discussion préalable du débiteur, c'est à ses risques et à ses frais que cette discussion doit être faite quel avantage tirerait donc le créancier de la caution, si, pour faire une discussion réclamée par elle, on était obligé d'avancer des sommes excédant peut-être la créance?

<< Mais si la caution doit faire l'indication des biens et avancer les frais, c'est ensuite au créancier à poursuivre. Là commence son obligation: il est de toute justice qu'il supporte la peine de sa négligence; c'est donc sur lui que retomberont les suites d'une insolvabilité du débiteur, survenue par le défaut des poursuites qu'il était obligé de faire. On a dû pourvoir à la sûreté du créancier; il faut aussi veiller à l'intérêt de la caution, et ne pas la rendre victime d'une inertie dont elle n'est pas coupable.

« J'ai annoncé une seconde difficulté, celle de savoir si une caution, poursuivie pour la totalité de la dette, peut demander que le créancier divise son action entre tous les fidejusseurs.

« L'exception de la division est puisée dans le droit romain, et elle a été admise parmi nous.

« Les cautions, sans contredit, sont tenues de toute la dette; il suit bien de là que si parmi plusieurs cautions une seule se trouvait solvable, elle supporterait la totalité de la charge. Mais si plusieurs cautions sont en état de payer, pourquoi le créancier ne demanderait-il pas sa part à chacune? Il a voulu assurer son paiement, il ne court aucun risque quand plusieurs des cautions sont solvables; la division de l'action ne porte dans ce cas aucun préjudice, et on a pu l'admettre sans blesser l'objet du cautionnement.

«L'intérêt du créancier exige seulement que la part des cautions insolvables, au moment où la division est prononcée, soit supportée par les autres, et nous en avons fait une disposition précise.

« Au reste, la division étant un bénéfice introduit en faveur de la caution, il est hors de doute qu'elle peut y renoncer; comme il est aussi hors de doute que le créancier peut de son côté diviser volontairement son action, et renoncer au droit de poursuivre une de ses cautions pour la totalité.

« Il faut actuellement examiner le cautionnement dans ses effets entre la caution et le débiteur.

« La caution paie à défaut de paiement de la part du débiteur. Le premier effet de ce paiement a dû être la subrogation de la caution à tous les droits du créancier. C'est un troisième bénéfice que la loi accorde au fidejusseur : il n'a pas besoin de requérir cette subrogation; elle est prononcée par la loi, parce qu'elle résulte du seul fait du paiement, et nous avons écarté les vaines subtilités par lesquelles on se croyait obligé de substituer à une subrogation qui n'était pas expressément donnée, une action prétendue de mandat. L'action du créancier passe dans la main de la caution, et le recours de celle-ci contre le débiteur embrasse le principal, les intérêts, les frais légitimes, ceux du moins qui ont été faits par la caution depuis la dénonciation des poursuites.

« Si le fidejusseur avait cautionné plusieurs débiteurs solidaires, il aurait le droit de répéter la totalité de ce qui fut payé contre chacun d'eux, parce qu'en effet chacun d'eux était débiteur dé la totalité.

« Nous supposons qu'une caution a payé valablement, qu'elle n'a pas payé à l'insu du débiteur et au préjudice d'une défense péremptoire qu'il aurait pu opposer.

« Enfin, si le débiteur, dans l'ignorance d'un paiement fait par la caution, payait lui-même une seconde fois son créancier, cette caution n'aurait pas de recours contre le débiteur, à qui en effet elle ne pourrait adresser aucun reproche.

« Il ne me reste qu'une observation à faire sur les effets du cautionnement entre le débiteur et la caution.

« On ne peut pas refuser à celle-ci le droit de prendre des sûretés contre le débiteur; ainsi elle peut agir pour être indemnisée, lorsqu'elle est poursuivie par le créancier, lorsque le débiteur est en faillite, quoiqu'elle ne soit pas encore poursuivie; elle le peut également quand le débiteur est en demeure de rapporter la décharge promise à une époque déterminée, ou lorsque le terme de la dette est échu. Le créancier peut bien oublier sa créance et ne pas exercer de poursuites; ce n'est pas pour la caution un motif de sommeiller aussi, et elle a dans tous ces cas une action pour poursuivre le débiteur, afin de le forcer d'éteindre son obligation. Nous avons même pensé qu'il était de toute justice, lorsque le temps de la durée du cautionnement n'était pas réglé, ou lorsque le cautionnement n'était pas donné pour une obligation principale qui, par sa nature, devait avoir un cours déterminé, tel, par exemple, qu'une tutelle; nous avons, dis-je, pensé qu'il fallait fixer une époque à laquelle la caution pourrait forcer le débiteur à lui procurer sa décharge. Le principe de cette disposition existe dans la loi romaine. Elle n'avait pas à la vérité indiqué le moment où le fidejusseur pouvait exercer cette action; ce temps était laissé à l'arbitrage du juge nous l'avons fixé, et au bout de dix années la caution pourra commencer ses poursuites.

« Nous voici parvenus à l'effet du cautionnement entre les cautions.

« La caution qui paie est subrogée aux droits du créancier; la caution peut donc exercer contre les cofidėjusseurs, chacun pour leur part, les droits que le créancier exercerait lui-même s'il n'était pas payé. Il est sans doute inutile de répéter qu'on suppose un paiement valable de la part de la caution; si elle avait payé sans libérer le débiteur, ou lorsque le débiteur ne devait plus rien, elle devrait supporter seule la peine de son imprudence.

« Je crois avoir suffisamment développé les

divers effets du cautionnement entre le créancier, le débiteur, la caution, et les cautions entre elles: il nous reste à examiner comment s'éteignent les cautionnements.

<< Celui qui cautionne s'oblige; et les mêmes causes qui éteignent les autres obligations doivent aussi éteindre la sienne.

« L'orateur qui vous a présenté le projet de loi sur les obligations conventionnelles en général, a épuisé sur cette partie tout ce qu'on pouvait dire, et je me donnerai bien de garde de traiter ce sujet après lui. Je dois done me borner à ce qui peut être particulier au cautionnement.

«La caution peut repousser le créancier par toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal; elle n'a pas le droit d'opposer une exception qui serait purement personnelle à ce débiteur mais elle peut s'emparer de toute défense qui ferait tomber l'obligation, telle que celle du dol, de la violence, d'un paiement déjà effectué, de la chose jugée, et de toutes autres défenses de cette nature.

« Nous avons vu que le paiement fait au créancier devait opérer une subrogation de droit au profit de la caution: le créancier n'est donc plus recevable à la poursuivre quand, par son fait, il s'est mis dans l'impossibilité d'opérer cette subrogation.

<< Enfin, si le créancier a volontairement accepté un immeuble ou toute autre chose en paiement, la caution est déchargée, même quand le créancier se trouverait dans la suite évincé de la chose qu'il aurait reçue. L'obligation primitive avait été éteinte par l'acceptation du créancier; l'accessoire du cautionnement avait cessé avec elle si le créancier a ensuite une action résultant de l'éviction qu'il souffre, cette action est toute différente de la première, et ce n'est pas elle que la caution avait garantie.

Tels sont, citoyens législateurs, les motifs qui ont déterminé les divers articles du titre du cautionnement je l'annonçais en commençant, toute la théorie de cette loi est fondée sur cette idée bien simple qu'un cautionnement est l'accessoire d'une obligation première, et que la caution, à dé faut du principal obligé, doit payer le créancier dont elle exerce ensuite les droits contre le débiteur ou contre les cofidéjusseurs.

«Ma tâche serait finie si je ne devais dire encore un mot de deux espèces de cautions dont il est parlé dans le dernier chapitre de ce titre; c'est la caution légale et la caution judiciaire. Elles sont ainsi appelées, parce qu'elles sont fournies, la première, en vertu d'une loi qui l'a exigée; la seconde, en vertu d'un jugement.

«Toutes les règles que nous avons établies sur la capacité de contracter, et sur la solvabilité des cautions, s'appliquent avec plus de force aux cautions légales et judiciaires. La caution judiciaire doit même être susceptible de la contrainte par corps, et la discussion de l'obligé principal ne peut jamais être réclamée par elle: il faut des liens plus forts et de plus grandes sûretés pour les obligations qui se contractent avec la justice; et si cette rigueur peut quelquefois être un obstacle à ce qu'on trouve des cautions, le débiteur a du moins la ressource de pouvoir donner un gage en nantissement. La justice est alors satisfaile, puisqu'elle obtient une garantie entière.

Citoyens législateurs, le développement des motifs d'une loi sur un acte obscur de la vie civile est nécessairement fort aride; il ne vous présente pas ce grand intérêt qui s'attache à tout ce qui touche l'état des personnes; mais rien de ce qui

T. VII

contribue à maintenir l'ordre et l'union parmi les citoyens ne peut vous être indifférent en donnant des règles sur les contrats les plus habituels, vous travaillez pour le bonheur et pour la tranquillité de tous les jours; le fléau de l'incertitude en cette matière se ferait sentir à tous les instants. Les dispositions que nous vous avons présentées découlent naturellement d'un principe qui ne fut jamais désavoué; elles ne peuvent donc laisser dans vos esprits aucun doute sur le bon effet qu'elles doivent produire. »

Régime hypothécaire.

On reprend la discussion des bases du régime hypothécaire,

Le citoyen Portalis dit qu'il est possible de concilier avec la loi du 11 brumaire les véritables principes sur les hypothèques légales.

Cette loi veut la publicité et la spécialité.

Les inscriptions sont inutiles pour établir la publicité des hypothèques légales, puisqu'elles existent par la notoriété du fait du mariage et de la tutelle.

Ces précautions seraient même dangereuses. Le moment où l'on s'occupe des apprêts du mariage est le moment de la confiance entre les époux. Peut-être que l'altérer alors, ce serait la détruire à jamais. Ce serait même compromettre les intérêts de la femme et des enfants, et opérer leur ruine, que de faire crouler, pour un simple défaut de formalité, le contrat de mariage qui devient le fondement de la famille.

Les tiers sont inexcusables, quand ils voient des personnes mariées, de n'avoir point prévu qu'il pouvait exister un contrat. C'est par cette raison que quelques parlements attachaient, même aux actes sous seing privé, l'effet de produire l'hypothèque légale au profit de la femme.

Si c'est la spécialité qu'on veut obtenir, elle est impossible, puisqu'il s'agit de droits qui ne sont pas encore fixés, et qui peuvent naître d'événements postérieurs.

Ce qui vient d'être dit s'applique également à la tutelle: elle est aussi publique que le mariage; elle est déférée aussi solennellement, et les citoyens peuvent aller au greffe vérifier les nominations aussi facilement qu'ils peuvent vẻ rifier les inscriptions sur les registres hypothécaires.

A l'égard de la spécialité, comment l'établir, lorsque l'hypothèque a pour objet une gestion indéterminée ?

En général, toute hypothèque légale existant par la seule force de la loi, ne peut plus être subordonnée à une formalité extérieure sans cesser d'être légale.

C'est sous ce rapport qu'on la distingue de l'hypothèque conventionnelle; celle-ci est un fait accidentel dont il faut avertir; mais l'hypothèque légale est de droit général; elle est établie, non pour le droit de l'individu, mais pour l'intérêt public. Il importe à l'Etat que la dot des femmes, que le patrimoine des mineurs, soient conservés. La loi est donc intervenue pour remplir directement cet objet par l'hypothèque qu'elle établit. Ce serait la dégrader et tromper sa sollicitude, que de ne pas se contenter de sa volonté suprême, et d'exiger un fait particulier. L'hypothèque qu'elle crée ne doit pas seulement être légale dans le mot, elle doit être encore légale dans la chose.

Tous les inconvénients qu'on oppose à cette doctrine n'ont pas l'importance qu'on leur prête.

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