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bombes qui font un grand ravage; il court, la torche à la main, mettre le feu au faubourg d'Amercœur, dont il est encore le maître. Ce faubourg considérable est entièrement consumé; les habitants fuient et se dispersent. Durant neuf ans ils ont espéré en vain de voir rétablir leurs foyers; mais au mois de thermidor de l'an XI, paraît au milieu de nous celui qui a déjà réparé tant de ruines; il est reçu avec des acclamations spontanées, vives, universelles; on se précipite en foule sur ses pas. Le respect, l'amour, l'espoir animent tous les cœurs; l'enthousiasme est au comble. Quel beau jour pour les Liégeois que celui où l'auguste chef de l'Etat peut juger par lui-même de leurs vrais sentiments! il va visiter le faubourg incendié, et il en trouve les décombres couverts des anciens habitants, hommes, femmes, enfants, vieillards. Heureux de voir le héros, ils oublient leurs malheurs : ces malheurs, Napoléon les connait, ils ne peuvent plus durer: rentré dans son palais, Bonaparte dicte lui-même un arrêté qui accorde des secours donnés avec munificence, l'exemption de toute imposition foncière, pendant dix ans, aux habitants d'Amercœur qui feront rétablir leurs maisons. Les indigents, là comme partout, objet pour lui d'une sollicitude particulière, sont favorisés par une disposition spéciale; ceux dont les maisons ne valaient pas 2,000 fr. sont entièrement indemnisés. Un jeune artiste de Liége, M. Schotte, a senti le besoin de retracer cet événement par le burin; sa gravure, estimée des connaisseurs, a surtout le mérite d'offrir d'une manière très-ressemblante l'image du bienfaiteur des Liégeois, du bienfaiteur de tous les Français.

Il m'a chargé de vous présenter, en son nom, un exemplaire; je vous prie, mes collègues, de l'agréer, et d'ordonner qu'il soit placé dans une des salles du Corps législatif.

L'assemblée adopte la proposition de M. Bassenge, et ordonne l'impression de son discours.

Le président annonce que le Corps législatif va se former en comité général. Les étrangers se retirent.

La séance rendue publique, le président prononce que le Corps législatif a voté à l'unanimité un projet d'adresse à Sa Majesté. ( Voyez le texte de ce document à la date du 12 nivôse an xii).

L'ordre du jour appelle le renouvellement du bureau. Plusieurs membres font observer que la liste de tous les députés qui composent la session actuelle n'est pas encore imprimée, et qu'on ne pourrait s'occuper en ce moment de cet objet sans faire porter en quelque sorte les suffrages sur les anciens membres seulement.

L'ajournement du scrutin est adopté.

Le Président. Je suis instruit que l'exposé de la situation actuelle de l'Empire sera incessamment communiqué au Corps législatif. Les nouvelles dispositions locales ne permettant pas de recevoir d'une manière convenable les orateurs, je pense que vous devez ajourner votre séance à lundi.

Cet ajournement est décrété.
La séance est levée.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DE M. FABRE (de l'Aude). SÉANCE DU 8 NIVÔSE AN XIII (samedi 29 décembre 1804).

Le procès-verbal de la séance du 29 frimaire est adopté.

Un secrétaire donne lecture de plusieurs messages du Sénat conservateur, portant nomination

de députés au Corps législatif et de sénateurs. M. Chabot (de l'Allier) a la parole.

Messieurs, il n'est aucun de vous qui n'ait entendu avec une profonde émotion le discours prononcé par Sa Majesté l'Empereur à l'ouverture de la session du Corps législatif.

Je ne chercherai point à rappeler l'impression qu'il a faite sur tous les esprits. Pour dépeindre cette bonté touchante, cette généreuse modération, cette attitude énergique, ce ton majestueux et paternel, qui ont excité le plus vif enthousiasme, il faudrait rapporter les expressions mêmes prononcées du haut du trône,et ces expressions sont gravées dans votre mémoire comme dans vos cœurs.

Mais nous éprouvons tous le besoin de manifester les sentiments de reconnaissance et d'amour dont nous sommes pénétrés. Nous voulons tous répondre d'une manière solennelle au nouveau témoignage de confiance que nous a donné Sa Majesté l'Empereur, en nous appelant à scconder sa tendre sollicitude pour les prospérités de la France.

Je viens donc vous proposer, Messieurs, de faire une adresse qui ne sera dictée ni par l'étiquette, ni par la politique, mais qui sera un hommage pur et sincère, inspiré par les sentiments les plus généreux, et avoué par la nation tout entière.

Je demande : 1° que le Tribunat vote une adresse à Sa Majesté l'Empereur; 2° qu'il soit nommé une commission pour la diriger; 3o qu'elle soit présentée à Sa Majesté l'Empereur par le Tribunat en corps.

Ces trois propositions sont adoptées.

La commission est composée de MM. Fabre (de l'Aude), président, Dacier et Albisson, secrétaires, de MM. Faure, Girardin et Arnould, présidents des sections de législation de l'intérieur et des finances, et de MM. Chabot (de l'Allier), Savoye-Rollin et Gallois.

La séance est suspendue et reprise à quatre heures.

M. le Président donne lecture de l'adresse à présenter à Sa Majesté l'Empereur, laquelle a été rédigée par la commission nommée à cet effet. Elle est ainsi conçue :

Sire,

Vos très-fidèles sujets, les membres du Tribunat, ont entendu avec émotion le discours que Votre Majesté a prononcé à l'ouverture de la session du Corps législatif; il a été vivement touché des dispositions que vous avez manifestées pour maintenir au dehors l'honneur et la gloire de la nation française, et assurer au dedans sa tranquillité et son bonheur.

Vous avez déclaré, Sire, que vous conserveriez l'intégrité de l'Empire, mais que vous ne vouliez point en accroître le territoire; cette déclaration solennelle sera pour l'Europe le gage assuré des sentiments de modération et de paix qui vous ont constamment animé.

Votre Majesté a déclaré aussi qu'elle ne sacrifierait point ses droits, ni les liens qui l'attachent aux Etats qu'elle a créés.

Sire, la gloire du trône sur lequel vous êtes assis, l'honneur du peuple français, ses véritables intérêts, ceux mêmes de l'Europe entière, exigent que vous ne renonciez jamais à une influence qui est la garantie de la paix continuelle.

Vous avez encore annoncé que vous étiez satisfait de l'état prospère des finances, et qu'aucun sacrifice nouveau ne serait demandé à la nation. Sire, en rendant un hommage public à la vigilante

et sage administration qui a produit cet heureux résultat, le Tribunat croit pouvoir assurer Votre Majesté qu'elle trouvera toujours dans le dévouement de la nation les ressources nécessaires pour déconcerter des vues ambitieuses et repousser d'injustes agressions.

Votre Majesté a réclamé du Tribunat la même assurance et le même zèle qu'elle a trouvés en lui dans les sessions précédentes. Sire, en secondant Votre Majesté de tous ses moyens et de toute son influence, le Tribunat ne fera qu'obéir au sentiment de ses devoirs, au vou du peuple français, aux affections qui le lient irrévocablement à votre personne sacrée et à votre auguste famille.

La rédaction est adoptée. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 10 nivóse an XIII (lundi 31 décembre 1804).

Le procès-verbal de la séance du 7 nivôse est adopté.

Le Sénat conservateur annonce, par des messages, que dans ses séances des 22 et 29 thermidor et 27 fructidor an XII, ainsi que dans celle du 17 brumaire an XIII, il a procédé à la nomination de législateurs pour les départements de la Doire, la Côte-d'Or, la Dordogne, le Doubs, la Drôme, l'Hérault, l'Indre, les Landes, le Léman, la HauteLoire, le Lot, les Basses-Pyrénées, le Rhône, la Roër, Saône-et-Loire, la Sarthe, la Seine-Inférieure, Seine-et-Oise, le Tanaro, Marengo, la Loire-Inférieure. (Voy. aux dates ci-dessus, le nom des législateurs nommés).

Le Président. Je reçois de Son Excellence M. le secrétaire d'Etat, ampliation d'un décret impérial dont je vais donner lecture.

Extrait des minutes de la secrétairerie d'Etat.

Au palais des Tuileries, le 10 nivôse an XIII. Napoléon, Empereur des Français, nous avons nommé et nommons MM. Champagny, ministre de l'intérieur, Regnauld et Lacuée, conseillers d'Etat, pour se rendre au Corps législatif, aujourd'hui 10 nivôse, et y faire l'exposé de la situation de l'Empire.

Signé: NAPOLÉON.

M. CHAMPAGNY. Messieurs, en conséquence de la nomination dont il vient de vous être donné connaissance, je vais avoir l'honneur de vous faire l'exposé de la situation actuelle de l'Empire français.

EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L'EMPIRE.

La situation intérieure de la France est aujourd'hui ce qu'elle fut dans les temps les plus calmes point de mouvement qui puisse alarmer la tranquillité publique; point de délit qui appartienne au souvenir de la Révolution; partout des entreprises utiles partout l'amélioration des propriétés publiques et privées atteste les progrès de la confiance et de la sécurité.

rateurs; Igles

Le levain des opinions n'aigrit plus les esprits; le sentiment de l'intérêt général, les principes dé l'ordre social, mieux connus et plus épurés, ont attaché tous les cœurs à la prospérité commune. C'est ce que proclamen!' c'est ce qu'a reconnu départements qu'il vient d'être démont éclatante. Toutes les fois séparées de leurs

militaires, de leurs chefs; les tribunaux supérieurs privés de leurs premiers magistrats; le ministère public, de ses premiers organes; les églises, de leurs principaux pasteurs; les villes, les campagnes, délaissées simultanément par tout ce qui a du pouvoir et de l'influence sur les esprits; le peuple, partout abandonné à son génie: et le peuple, partout, s'est montré voulant l'ordre et des lois.

Dans le même moment, le Souverain Pontife traversait la France. Des rives du Pô jusqu'aux bords de la Seine, partout il a été l'objet d'un hommage religieux que lui a rendu avec amour et respect cette immense majorité qui, fidèle à l'antique doctrine, voit un père commun et le centre de la commune croyance dans celui que toute l'Europe révère comme un souverain élevé au trône par sa piété et ses vertus.

Une trame ourdie par un gouvernement implacable, allait replonger la France dans l'abîme des guerres civiles et de l'anarchie. A la découverte de cette horrible trame, la France entière s'est émue; des inquiétudes mal assoupies se sont réveillées; et dans tous les esprits à la fois se sont retrouvés des principes quí ont été ceux de tous les sages et qui furent constamment les nôtres, avant que l'erreur et la faiblesse eussent aliéné les esprits et que de coupables intrigues eussent égaré les opinions.

On avait éprouvé que le pouvoir partagé était sans accord et sans force; on avait senti que, confié pour un temps, il n'était que précaire et ne permettait ni les longs travaux, ní les longues pensées; que, confié pour la vie d'un seul homme, il s'affaiblissait avec lui, et ne laissait après lui que les chances de discorde et d'anarchie; on a reconnu enfin qu'il n'y avait, pour les grandes nations, de salut que dans le pouvoir héréditaire; que seul il assurait leur vie politique, et embrassait, dans sa durée, les générations et les siècles.

Le Sénat a été, comme il devait l'être, l'organe de l'inquiétude commune. Bientôt a éclaté ce vœu d'hérédité qui était dans tous les cœurs vraiment français; il a été proclamé par les colléges électoraux, par les armées. Le Conseil d'Etat, les magistrats, les hommes les plus éclairés, ont été consultés, et leur réponse a été unanime.

La nécessité du pouvoir héréditaire dans un Etat aussi vaste que la France, avait été depuis longtemps aperçue par le Premier Consul. Vainement il avait résisté à la force des principes; vainement il avait tenté d'établir un systême d'élection qui pùt perpétuer l'autorité et la transmettre sans danger et sans trouble.

L'inquiétude publique, les espérances de nos ennemis, accusaient son ouvrage, sa mort devait être la ruine de ses travaux. C'était à ce terme que nous attendaient la jalousie de l'étranger, et l'esprit de discorde et d'anarchie. La raison, le sentiment, l'expérience, disaient également à tous les Français qu'il n'y avait de transmission certaine du pouvoir que celle qui s'opérait sans intervalle; qu'il n'y avait de succession tranquille que celle qui était réglée par les lois de la na

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dans les conseils, par les observations des hommes les plus sages, s'est formée une série de dispositions qui fixe l'hérédité du trône impérial ;

Qui assigne aux princes leurs droits et leurs devoirs;

Qui promet à l'héritier de l'Empire une éducation réglée par les lois, et telle qu'il sera digne de ses hautes destinées;

Qui désigne ceux qui, dans le cas de minorité, seront appelés à la régence, et marque les limites de leur pouvoir;

Qui place entre le trône et les citoyens, des dignités et des offices accessibles à tous, encouragements et récompenses des vertus publiques;

Qui donne aux hommes honorés de grandes distinctions, ou revêtus d'une grande autorité, des juges assez grands pour ne fléchir ni devant leur autorité, ni devant leurs distinctions;

Qui donne aux délits contre la sûreté publique et les intérêts de l'Empire, des juges essentiellement attachés à la sûreté de l'Empire et à ses intérêts;

Qui met plus d'éclat et plus de poids dans les fonctions du législateur, plus de développement et plus d'étendue dans la discussion publique des lois;

Qui rappelle les tribunaux et leurs jugements à ces antiques dénominations qui avaient obtenu le respect des siècles;

Qui garantit, enfin, les droits du prince et du peuple, par des serments gardiens éternels de tous les intérêts.

Ces dispositions ont été décrétées par le sénatus-consulte du 28 floréal dernier. Le peuple français a manifesté sa volonté libre et indépendante; il a voulu l'hérédité de la dignité impériale dans la descendance directe, légitime et adoptive de Napoleon Bonaparte, dans la descendance directe et légitime de Joseph Bonaparte, dans la descendance directe et légítime de Louis Bonaparte.

Dès ce moment, Napoléon a été, au plus juste des titres, Empereur des Français; nul autre acte n'était nécessaire pour constater ses droits et consacrer son autorité.

Mais il a voulu rendre à la France ses formes antiques, rappeler parmi nous ces institutions que la Divinité semble avoir inspirées, et imprimer au commencement de son règne le sceau de la religion même. Pour donner aux Français une preuve éclatante de sa tendresse paternelle, le chef de l'Eglise a voulu prêter son ministère à cette auguste cérémonie.

Quelles impressions profondes et durables elle a laissées dans l'âme de l'Empereur et dans le souvenir de la nation! Quels entretiens pour les races futures! Quel sujet d'admiration pour l'Europe!

Napoléon prosterné aux pieds des autels qu'il vient de relever; le Souverain Pontife implorant sur la France et sur lui les bénédictions célestes, et dans ses vœux pour la félicité d'une nation, embrassant la félicité de toutes les nations;

Des pasteurs et des prêtres, naguère divisés, unissant à des supplications leur reconnaissance et leur voix;

Les sénateurs, les législateurs, les tribuns, des magistrats, des guerriers, les administrateurs du peuple, et ceux qui président à ses assemblées, confondant ensemble leurs opinions, leurs espérances et leurs vœux; des souverains, des princes, des ambassadeurs, frappés par ce grand

spectacle de la France rassise sur ses anciens fondements, et par son repos, assurant le repos de leur patrie;

Au milieu de cette pompe, et sous les regards de l'Eternel, Napoléon prononçant le serment immuable qui assure l'intégrité de l'Empire, la stabilité des propriétés, la perpétuité des institutions, le respect des lois et le bonheur de la nation.

Le serment de Napoléon sera à jamais la terreur des ennemis et l'égide des Français. Si nos frontières sont attaquées, il sera répété à la tête de nos armées, et nos frontières ne craindront plus l'invasion étrangère.

Il sera présent à la mémoire des délégués de l'autorité; il leur rappellera le but de leurs travaux et la règle de leurs devoirs ; et s'il ne garantit pas leur administration de quelques erreurs, il en assurera la prompte réparation.

Les principes qu'il consacre seront ceux de notre législation. Désormais, moins de lois nouvelles seront proposées aux délibérations du Corps législatif. Le Code civil a rempli l'attente publique, il est dans la mémoire des citoyens, il éclaire leur marche et leurs transactions, et partout il est célébré comme un bienfait.

Un projet de Code criminel, achevé depuis deux ans, a été soumis à la censure de tribunaux, et subit en ce moment les dernières discussions du Conseil d'Etat.

Le Code de la procédure et le Code du commerce en sont encore où les avaient laissés les travaux de l'année précédente. Des soins plus pressants ont appelé l'Empereur; et il est dans ses maximes de ne proposer aux délibérations des législateurs, que des projets de lois mûris par de longues et sages discussions.

Les écoles de législation vont s'ouvrir; des inspecteurs sont nommés, qui en éclaireront l'enseignement et empêcheront qu'il ne dégénère en vaines et stériles épreuves; les lycées, les écoles secondaires se remplissent d'une jeunesse avide d'instruction. De Fontainebleau est déjà sortie une milice qui marque dans nos armées par sa tenue, par ses connaissances, par son respect pour la discipline.

L'école polytechnique peuple de sujets utiles nos arsenaux, nos ports et nos ateliers.

A Compiègne, l'école des arts et métiers obtient tous les jours de nouveaux succès; celle qui se forme sur les limites de la Vendée y est attendue avec impatience, et bientôt y sera en pleine activité.

Des prix ont été décernés aux sciences, aux lettres et aux arts; et dans une période de dix ans, assignée aux travaux que Sa Majesté veut récompenser, elle a droit d'attendre que le génie français enfantera des chefs-d'œuvre.

Dans le département des ponts et chaussées, les ouvrages commencés ont été suivis avec constance; d'autres sont médités, et chaque année prépare aux années suivantes de nouveaux projets pour la prospérité de l'Etat. Mais l'intempérie des saisons a trompé la prévoyance et le zèle de l'administration; des pluies, des torrents ont dégradé les routes avec plus de rapidité qu'on n'a pu en mettre à réparer leurs ravages; quelques travaux ont été détruits; d'autres ont été un moment suspendus; de grandes calamités ont affligé quelques départements et surtout celui de Rhinet-Moselle. Un préfet, judicieux interprète des intentions de l'Empereur, a porté les premiers secours aux malheureux qui en ont été les victimes. Sa Majesté a relevé leur courage par sa présence, et les a consolés par ses bienfaits.

Le fléau de la contagion affligeait des contrées voisines la vigilance de l'administration en préservé notre territoire; il s'apaise dans les lieux où il exerçait ses ravages. En maintenant les mesures que commandent encore la prudence et l'intérêt de la santé publique, on préviendra l'invasion du mal, sans interrompre les communications nécessaires à l'aliment de notre commerce et de nos manufactures.

Au centre de la Vendée s'élève une nouvelle ville destinée à être le siége de l'administration. De là elle portera sur tous les points une surveillance active et sûre; de là fes lumières et les principes se propageront dans tout ce département où l'ignorance et le défaut d'information a livré si souvent des âmes simples et honnêtes aux intrigues de la malveillance.

Des décrets de l'Empereur ont rappelé le commerce sur la rive gauche du Rhin, et donné à Mayence et à Cologne tous les avantages des entrepôts réels, sans les dangers des versements frauduleux dans l'intérieur de la France.

Nos manufactures se perfectionnent; et tandis que, dans de vaines déclamations, les mercenaires soudoyés par le gouvernement britannique vantent ses ressources lointaines et ses ressources précaires dispersées sur les mers et dans les Indes; tandis qu'ils peignent nos ateliers déserts et nos ouvriers mourants de misère, notre industrie étend ses racines sur notre propre sol, repousse l'industrie anglaise loin de nos frontières, est parvenue à l'égaler dans ce qui faisait sa gloire et ses succès, la perfection de ses machines, et s'apprête à lui disputer des consommateurs dans tous les lieux où elle pourra la rencontrer et l'alteindre.

Nos manufactures premières, l'agriculture s'agrandit et s'éclaire: un système d'exportations, tellement combiné qu'il s'ouvre ou se ferme au gré de nos besoins, assure au cultivateur le prix de son travail, et l'abondance à nos marchés.

De nouveaux encouragements préparent l'amélioration de la race de nos chevaux; nos laines se perfectionnent; nos campagnes se couvrent de bestiaux, et sur tous les points de l'Empire se multiplient ses véritables richesses.

Avec la richesse, la sécurité renaissante a donné un plus libre essor à l'active bienfaisance: excitée par la religion et par le souvenir de nos malheurs, celle-ci ne se borne plus à des charités du moment; elle embrasse l'avenir, et confie ses trésors au Gouvernement qui lui en garantit un emploi conforme à ses vœux. Jamais tant de legs, de donations pieuses, n'ont été faits en faveur des hospices et des établissements de bienfaisance. Quelques-unes de ces institutions ont été créées ou rétablies par de simples particuliers; jamais l'humanité souffrante n'a trouvé plus d'amis, ni l'indigence plus de secours. Ils sont distribués avec autant de lumière que de zèle; et les hospices de Paris, dirigés avec une intelligence qui multiplie les soins en économisant les fonds, soulageant tous les besoins, guérissent beaucoup de maux, et ne sont plus ces asiles meurtriers qui dévoraient leur nombreuse et misérable population. Aussi le nombre des indigents de la capitale est-il de 32,000 au-dessous de ce qu'il était en 1791, et de 25,000 de ce qu'il était en l'an X.

La religion a repris son empire; elle ne l'exerce que pour le bien de l'humanité; une sage tolérance l'accompagne, et les ministres des différents cultes qui adorent le même Dieu, s'honorent par les témoignages d'un respect réciproque, et

ne veulent plus connaître d'autre rivalité que celle des vertus.

Telle est notre position au dedans. Au dehors, le courage français, secondé par la loyauté espagnole, nous conserve Santo-Domingo; la Martinique brave les menaces des ennemis; et sous un gouvernement paternel se rétablissent, plus du. rables et plus forts, les liens qui l'attachaient à la mère patrie.

La Guadeloupe s'est enrichie des dépouilles du commerce britannique, et la Guyanne prospère toujours sous une active et vigoureuse administration.

Les îles de France et de la Réunion seraient aujourd'hui le dépôt des richesses de l'Asie; Londres serait dans les convulsions et le désespoir, si l'inexpérience ou la faiblesse n'avaient trompé le projet le plus habilement concerté. Du moins, les îles de France et de la Réunion s'alimentent encore des prises que nous avons faites sur nos ennemis.

Nos armées sont encore dignes de leur réputation. Avec la même valeur et la même discipline, elles ont acquis cette patience qui attend, sans murmurer, les occasions, et se confie à la prudence et aux desseins du chef qui les conduit. Nos soldats, nos officiers, apprennent à maîtriser l'élément qui les sépara de cette île, objet de tous leurs ressentiments; leur audace et leur adresse étonnent les marins les plus vieux et les plus expérimentés.

Nos flottes, dans des manœuvres continuelles, préludent aux combats; et tandis que celles de nos ennemis s'usent contre les vents et les tempêtes, les nôtres apprennent à lutter contre elles, sans se détruire.

Enfin, depuis la guerre, nous avons gagné le Hanovre. Nous sommes plus en état que jamais de porter des coups décisifs à nos ennemis. Notre marine est en meilleur état qu'elle ne l'a été depuis dix ans; sur terre, notre armée plus nombreuse et mieux tenue, plus approvisionnée de tout ce qui donne la victoire qu'elle ne l'a jamais été.

Dans le département des finances, c'est toujours la même activité dans les recettes, la même régularité dans les régies, le même ordre dans l'administration du trésor, et presque toujours la même fixité dans la valeur de la dette publique.

La guerre a nécessité des dépenses premières. des dépenses extraordinaires; mais elles ont été faites sur notre propre sol, et nous ont donné des vaisseaux, des ports et tout ce qui est nécessaire au développement de nos forces coutre nos ennemis.

Aujourd'hui ces dépenses extraordinaires cessent, et celles qu'exige notre attitude guerrière seront dirigées désormais avec une économie que ne permettait pas l'urgence des préparatifs nécessaires à l'attaque et à la défense.

Les revenus de la Couronne supporteront toutes les dépenses du sacre et du couronnement de l'Empereur, et celles que demandera encore la splendeur du trône. L'éclat qui l'environne ne sera jamais une charge pour la nation.

La situation de l'Europe n'a éprouvé qu'un changement important.

L'Espagne reposait dans une neutralité que la France avait consentie, et que le cabinet britannique avait avouée: tout à coup ses vaisseaux ont été attaqués, et le traité d'Amiens a été violé pour elle, comme il l'avait été pour la France. Sa Majesté Catholique a pris le parti que lui commandaient la dignité de son trône, la foi trahie, et

l'honneur de la nation généreuse dont il dirige la destinée.

L'empereur d'Autriche consacre à la restauration de ses finances, à la prospérité de ses provinces, aux progrès de leur commerce, le repos que lui conseillent la loyauté de son caractère et l'intérêt de ses sujets.

La république italienne, administrée et gouvernée par les mêmes principes que la France, demande, comme elle, une organisation définitive ui assure à la génération présente et aux généations futures, tous les avantages du pacte social. Uni à cette république par les devoirs qui lui sont imposés, et comme président et comme fondateur de cet Etat, l'Empereur répondra à la confiance qu'elle lui témoigne, et assurera ses destinées à son indépendance, en servant les intérêts du peuple français auquel, aussi, elle doit son existence, et en conciliant les intérêts des deux peuples amis avec les intérêts bien entendus des puissances limitrophes. Par ces changements que réclament la volonté d'une nation et l'intérêt de toutes, tomberont enfin d'absurdes calomnies, et la France ayant elle-même élevé des barrières là où elle avait posé ses limites, ne sera plus accusée de vouloir les franchir.

L'Helvétie jouit en paix des bienfaits de la constitution, de la sagesse de ses citoyens et de notre alliance.

La Batavie gémit encore sous un gouvernement oligarchique, sans union dans ses vues, sans patriotisme et sans vigueur; ses colonies ont été vendues une seconde fois et livrées, sans un coup de canon, à l'Angleterre; mais cette nation a de l'énergie, des mœurs et de l'économie; il ne lui manque qu'un gouvernement ferme, patriote et éclairé.

Le roi de Prusse, dans toutes les occasions, s'est montré l'ami de la France, et l'Empereur à saisi toutes celles qui se sont présentées de consolider cette heureuse harmonie.

Les électeurs et tous les membres du corps germanique entretiennent fidèlement les rapports de bienveillance et d'amitié qui les unissent à la France.

Le Danemarck suit les conseils d'une politique toujours sage, modérée et judicieuse.

L'esprit de Catherine la Grande veillera sur les conseils d'Alexandre Ier il se souviendra que l'amitié de la France est pour lui un contre-poids nécessaire dans la balance de l'Europe; que, placé loin d'elle, il ne peut ni l'atteindre, ni troubler son repos, et que son grand intérêt est de trouver, dans ses relations avec elle, un écoulement nécessaire aux productions de son empire.

La Turquie est vacillante dans sa politique: elle suit par crainte un système que son intérêt désavoue. Puisse-t-elle ne pas apprendre, aux dépens de sa propre existence, que la crainte et l'incertitude accélèrent la chute des empires, plus funeste mille fois que les dangers et les pertes d'une guerre malheureuse!

Quels que soient les mouvements de l'Angleterre, les destins de la France sont fixés: forte de son union, forte de ses richesses et du courage de ses défenseurs, elle cultivera fidèlement l'alliance des peuples amis, et ne saura ni mériter des ennemis, ni les craindre.

Lorsque l'Angleterre sera convaincue de l'impuissance de ses efforts pour agiter le continent; lorsqu'elle saura qu'elle n'a qu'à perdre dans une guerre sans but comme sans motifs; lorsqu'elle sera convaincue que jamais la France

T. VIII.

n'acceptera d'autres conditions que celles d'Amiens, et ne consentira jamais à lui laisser le droit de rompre à plaisir les traités, en s'appropriant Malte, l'Angleterre alors arrivera à des sentiments pacifiques: la haine, l'envie n'ont qu'un temps.

M. le Président. M. le ministre de l'intérieur, MM. les conseillers d'Etat, le Corps législatif vous donne acte de l'exposé que vous venez de lui faire; il va se former en comité général pour s'occuper de cette communication et prendre une délibération digne de lui et du Gouvernement qui vous envoie.

MM. les conseillers d'Etat ayant quitté l'assemblée, les assistants sont invités à évacuer les tribunes.

Le Corps législatif ordonne l'impression et la distribution à six exemplaires de l'exposé qu'il vient d'entendre.

Après le comité général, l'assemblée procède à un premier tour de scrutin pour la nomination de nouveaux vice-présidents.

Le dépouillement des votes donne le résultat suivant :

Sapey, 63; Béguinot, 53; Lombard-Taradau, 53; Ramond, 39; Tardy, 35; Masséna, 28; Lespérut, 28; Rabaud, 26; Reynaud-Lascours, 24; Duranton, 23, et Case-Labove, 21.

Cette première opération n'ayant point donné de majorité absolue, un second tour de scrutin aura lieu dans la séance prochaine. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 12 nivóse an XIII (mercredi 2 janvier 1805).

A midi, tous les membres qui se trouvent rassemblés se réunissent à la députation nommée dans la dernière séance, pour porter à S. M. l'Empereur la délibération du Corps législatif, et se rendent au palais des Tuileries dans leurs voitures, au milieu de deux rangs de gardes à cheval. Ils sont conduits par le grand maître des cérémonies (1) dans la salle du trône où sont présents les princes, les grands dignitaires, les ministres, les grands officiers de l'Empire. S. A. I. le prince Joseph, grand électeur, présente le Corps législatif à Sa Majesté Impériale.

M. Fontanes, président, remet entre les mains de Sa Majesté deux délibérations et une adresse, qui sont ainsi conçues :

Extrait du registre des délibérations prises en comité général, conformément à l'article 30 du sénatus-consulte organique du 28 frimaire an XII. Du 7 nivôse an XIII.

A midi et demi, le Corps législatif se forme en comité général, d'après la proposition de M. le président.

Le président donne communication d'une lettre du secrétaire d'Etat, qui transmet au Corps législatif le discours que Sa Majesté, a prononcé à la séance impériale du 6 nivôse.

Après la lecture de ce discours, le Corps législatif en ordonne l'impression et l'insertion en son procès-verbal. Le président propose une adresse à Sa Majesté; qui est votée à l'unanimité. Il demande que la rédaction en soit confiée à une commission.

Le Corps législatif, après avoir entendu plu

(1) M. L. P. Ségur.

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