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gouvernements ne doivent faire par eux-mêmes que ce qu'ils ne peuvent obtenir de l'industrie particulière.

Peut-être, Messieurs, dans la rigueur du ministère que j'ai l'honneur d'exercer devant vous, pourrai-je vous dire que les travaux à faire pour la coupure de la Saône ne sont portés qu'à 26,000 francs, et la valeur des terrains concédés évalués à 32,000 francs. Peut-être devrais-je répéter, avec M. le rapporteur du Conseil d'Etat, que la culture pourra par la suite augmenter la valeur des terrains concédés. Ces avantages, fussent-ils aussi certains qu'ils sont hasardeux, ils ne seront que la faible compensation des dépenses, des avances du sieur Chaumette pour le succès d'une entreprise retardée, suspendue depuis l'ancienne administration des États de Bourgogne.

Enfin il serait à désirer que les avantages faits au concessionnaire surpassassent ses espérances et les nôtres.

Il serait à désirer que l'exemple utile qu'il donne aujourd'hui fût imité par un grand nombre d'adjudicataires.

Puisse bientôt, à l'aide de pareilles concessions, l'industrie particulière faire disparaître les obstacles qui s'opposent encore à la navigation des fleuves et rivières de cet Empire!

Puisse un jour, par les mêmes moyens, la navigation artificielle unir nos fleuves et rivières navigables, compléter ce grand système de la navigation intérieure, faire circuler dans tout l'Empire les produits du sol et de l'industrie française, la porter à peu de frais dans tous nos ports de l'Océan et de la Méditerranée, pour les livrer à l'exportation et au commerce maritime!

Puissent surtout nos fleuves, nos rivières, nos canaux, porter dans nos ateliers à feu les produits des mines de bouille dont notre sol abonde, y faire baisser la main-d'œuvre, et enlever à une nation rivale la seule prime que la nature semble encore lui accorder, puisque nous ne lui cédons plus aujourd'hui en industrie, et que déjà plusieurs de nos machines surpassent celles qui ont fait la fortune des ateliers de l'Angleterre !

Ces grandes pensées, Messieurs, occupent sans cesse sa Majesté Impériale, qui, après avoir assuré la gloire et la grandeur de l'Empire français, lui prépare dans l'avenir les plus grandes destinées, en relevant nos ports maritimes, en creusant d'utiles canaux, en perfectionnant la navigation des fleuves et rivières navigables.

Telle est, Messieurs, la puissance du génie d'un grand homme; non-seulement il commande à son siècle, mais il prépare d'avance les destinées des siècles à venir, et déjà la postérité appartient à sa gloire.

La section de l'intérieur du Tribunat a pensé elle-même que vous seconderez les vues du Gouvernement, en adoptant un projet de loi qui peut donner un exemple utile, et qui est conçu dans de gages principes d'administration.

M. Carret (du Rhône). Messieurs, il est difficile d'ajouter à ce que vient de dire mon collègue; cependant je sollicite pour quelques instants votre attention.

J'ai depuis longtemps connaissance du projet qui vous occupe et de son auteur: il ne s'agit point ici d'une vaine théorie, d'une simple méditation de cabinet, mais de procédés heureux dont le succès est garanti par une longue expérience.

Enlever du sein des rivières les cailloux qui en obstruent le cours; déposer ces matériaux vers les bords et dans les bras inutiles; soutenir ces remblais par des plantations de saulées basses

et touffues, ou obtenir l'atterrissement des surfaces inutilement couvertes par les eaux en employant les seuls moyens de la nature, tel est le système de M. Chaumette améliorer la navigation, garantir les terrains existants des ravages des eaux et créer de nouveaux terrains, tels sont les principaux résultats de ce système recommandable. L'auteur fait à ses dépens des opérations utiles à tous, et il n'en demande le prix à personne. Mais je dois surtout vous faire remarquer, Messieurs, qu'il ne s'agit point ici d'une opération isolée et sans suite; noù-seulement les premiers ouvrages dont vous allez charger l'auteur seront un exemple aux hommes industricux et bienveillants, mais lui-même désire d'étendre ses opérations; il veut se vouer sans réserve à ces travaux importants et sur la Saône et sur d'autres rivières; il a formé des coopérateurs, il les multipliera, il espère diriger l'industrie nationale vers un nouveau genre de spéculation qui offre d'immenses avantages sans laisser entrevoir le plus léger inconvénient.

En parcourant ces innombrables vallées qu'offre la France sur tous les points, l'observateur est attristé du désordre affreux qui y règne les fleuves, les rivières, les moindres ruisseaux sont divisés en un nombre infini de bras sans rectitude et sans profondeur, obstrués et presque à sec pendant la belle saison, ne laissant nulle part aux grandes eaux la liberté de fluer; aussi partout les ravages sont effrayants et périodiques: vous le savez, Messieurs, l'entier produit de la contribution foncière n'indemniserait pas annuellement les agriculteurs insouciants ou inexpérimentés des pertes incalculables qui résultent pour eux du déplorable état des rivières.

Telle n'est cependant point l'intention de la nature les rivières coulent pour le bonheur de l'homme, comme la terre lui prodigue chaque jour ses trésors, mais comme la terre, les rivières exigent de sa part des travaux, des soins assidus... Loin de murmurer contre ces conditions légitimes, l'homme de bien trouve dans leur accomplissement le gage de son bonheur; car le travail est le bonheur des âmes honnêtes.

Il ne manque donc aux propriétaires riverains que de bons exemples, et surtout la démonstration pratique de procédés simples, économiques, tenant bien plus à l'agriculture qu'à l'art des constructions, n'exigeant qu'une main-d'œuvre commune sans emploi de matériaux rares et dispendieux.

C'est ce que leur offre M. Chaumette, et vous le seconderez dans ses honorables efforts : son zèle et votre appui peuvent opérer un bien inappréciable; voyez, Messieurs, la florissante Italie! elle a su donner au monde l'exemple de la plus heureuse industrie; par elle ses eaux, autrefois vagabondes et dévastatrices, fertilisent les terres qu'elles déchiraient, tempèrent les ardeurs du soleil, assurent à ses fortunés habitants la salubrité, l'abondance, pendant que chez nous les eaux coulent trop souvent pour ravager nos campagnes, ou ne s'arrêtent que pour répandre l'infection et la mort. Galilée et Léonard de Vinci donnèrent les premiers, en Italie, l'impulsion vers l'art d'utiliser les eaux; il était réservé à un gouvernement fort, éclairé, paternel, de répandre sur la France le même bienfait. Il était réservé à l'homme immortel, dont l'image rappelle de si grnds devoirs, de développer toutes les idées libérales, de vivifier à la fois tous les genres d'utilité. Ce que propose aujourd'hui M. Chaumette ne suffirait pas sans doute pour obtenir tout le bien qu'on a droit d'attendre des opérations fluviales;

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[27 nivôse an XIII.]

EMPIRE FRANÇAIS.

mais il a de plus grandes vues, et ce premier pas
doit conduire plus loin. Quand une rivière est
plus régulière, les inondations sont moins fré
quentes les terrains auparavant submergés sont
facilement restitués à la végétation; la vallée
alors redevient bien plus précieuse, le proprié-
taire s'y attache bien plus fortement, il songe à
améliorer, à planter, à défendre, à augmenter les
produits par les irrigations; le goût, l'industrie
prennent une direction nouvelle, des hommes
intelligents et actifs font des découvertes utiles;
le Gouvernement les partage, et alors le produit,
la population croissent dans des proportions
inespérées. La gloire et la prospérité d'un empire
sont les effets infaillibles des bonnes institutions.
C'est par votre organe, Messieurs, que le Gou-
vernement les proclame; fruits de sa prévoyance,
elles sont aussi le but de vos méditations, comme
elles sont les objets de la reconnaissance des ci-
toyens.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère simultanément sur les deux projets de loi.

Le premier est décrété à l'unanimité de 239 votants; le second à la majorité de 229 boules blanches contre 10 noires.

Sur la demande de MM. les questeurs, énoncée par M. le président, le Corps législatif se forme en comité général.

A trois heures la séance est rendue publique. M. le Président déclare 1° qu'aux termes des lois constitutionnelles de l'Empire, portant que deux membres de la questure seront renouvelés en l'an XIII, les quatre questeurs ont tiré au sort, en présence de l'assemblée, et que MM. Vaublanc et Jacopin sont ceux que le sort a désignés comme devant cesser leurs fonctions de questeurs;

Que le Corps législatif a arrêté qu'il sera fait au procès-verbal de la séance du 24 une mention honorable du zèle de MM. Chaudet et Denon; le premier, pour sa belle statue de l'Empereur; M. Denon, pour avoir concouru par ses conseils à l'heureuse distribution des embellissements de la fête de l'inauguration ;

3° Que le discours prononcé par M. Vaublanc, dans cette solennité sera inséré en entier au procès-verbal;

40 Enfin que M. le président voudra bien se charger d'écrire à MM. Denon et Chaudet, pour leur témoigner la satisfaction du Corps législatif. La séance est levée et indiquée à demain.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 27 nivóse an XIII (jeudi 17 jan-
vier 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.
MM. Regnauld et Galli, conseillers d'Etat, sont
introduits :

M. Regnauld présente un projet de loi relatif
à la perception, au profit de la ville de Paris, du
droit d'expédition des actes de l'état civil.

En voici le texte et l'exposé des motifs.
Motifs.

Messieurs, en l'an III, le désordre était extrême
dans la tenue des registres de l'état civil.

Il fut non pas plus grand, mais plutôt aperçu et plus vivement senti par le Gouvernement, pour la ville de Paris; et dans l'embarras de prendre une mesure générale, applicable sans inconvénient à tous les départements, on fit rendre une loi particulière pour la capitale.

Cette loi, du 3 ventôse an III, partage la ville de

[17 janvier 1805.]

Paris en arrondissements, organise les bureaux, règle le mode suivant lequel les registres de l'état civil doivent être tenus, et fixe un droit à percevoir pour l'expédition des actes.

Ce droit fut établi par la loi au profit de l'Etat, et la régie de l'enregistrement fut chargée de sa perception.

Sans doute cette disposition tenait à des idées générales, dont on projetait de faire ultérieurement l'application à toute la France.

Sans doute encore le peu de suite qui existait dans les systèmes d'administration à empêché l'émission de la loi qui devait généraliser là mesure adoptée pour Paris.

Sa Majesté n'a pas jugé qu'elle fût convenable aujourd'hui.

D'un autre côté, elle a reconnu que continuer de faire intervenir une des administrations générales de l'impôt dans la délivrance des expéditions des actes de l'état civil à Paris, c'est maintenir une exception sans motif, parce qu'elle n'est utile ni à l'Etat, ni à la capitale.

Elle n'est pas utile à l'Etat, car la dépense est presque égale à la recette, et la surveillance à exercer est plus embarrassante pour la régie de l'enregistrement et ses employés, dont le service est étranger à tout ce qui touche l'état civil, que pour l'administration municipale qui en est chargée.

Elle n'est pas utile, elle est même nuisible à la ville de Paris, qui a ses employés placés dans les mêmes bureaux que ceux de la régie, qui n'exerce qu'une surveillance incomplète, parce qu'elle est partagée, et qui ne peut effectuer des améliorations avantageuses à cause de ce même partage.

Sa Majesté a donc pensé que l'ordre pour la tenue des registres de l'état civil à Paris devait être assimilé à ce qui se pratique dans tout l'Empire.

Mais une loi avait établi l'état des choses qu'il est question de changer; c'est donc par une loi qu'il doit être réformé, et c'est l'objet de celle que Sa Majesté nous a prescrit de vous présenter.

Projet de loi.

Le droit d'expédition des actes de l'état civil de la ville de Paris, dont la perception a été ordonnée par la loi du mois de nivòse an III, au profit de l'Etat, sera perçu désormais conséquence elle sera chargée de toutes les dépenses reau profit de la ville de Paris. En latives à l'expédition des actes de l'état civil, lesquelles ont été acquittées jusqu'à ce jour par la régie de l'enregistrement et du domaine.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la conscription de l'an XIV.

M. le Président. L'un de messieurs les ora-
teurs du Tribunat a la parole.

M.Sahuc, rapporteur de la section de l'intérieur.
Messieurs, parmi les lois décrétées dans les ses-
votre dévouement à son auguste chef, ont si puis-
sions précédentes et à la confection desquelles
votre sagesse, votre amour pour la patrie et
samment concouru, il en est peu dont les résul-
tats aient une influence plus directe sur les des-
tinées de la France que la loi sur la conscription:
cette institution nouvelle parmi nous a trouvé
dans le principe plus d'un obstacle à combattre.
Des affections bien estimables sans doute, des
intérêts précieux dans les familles en repous-
saient l'exécution; mais la patrie appela ses en-
fants, et tous volèrent à sa défense; et cette voix
si puissante sur le Français fit taire toutes les
affections, tous les intérêts particuliers. Bientôt
les armées ne furent composées que de citoyens,
et dès lors votre indépendance fut assurée. Le

théâtre de la guerre fut porté loin de nos frontières pour n'y plus reparaître; et tandis que vos ennemis tremblaient au sein de leurs capitales, vous n'étiez occupés qu'à célébrer le triomphe de vos guerriers. Lorsqu'enfin la paix vint consoler le monde, ces mêmes guerriers, terribles dans les combats, redevinrent de paisibles citoyens. Un grand nombre d'entre eux rentra dans ses foyers et cultiva la terre ou les arts; sur aucun point de l'Empire l'ordre public ne fut troublé, et ce fait, unique peut-être dans l'histoire, est encore dú à la composition purement nationale des armées. Elles sont maintenant les plus belles, les mieux disciplinées, les plus instruites de l'Europe, et réunissent au courage impétueux qui distingue si éminemment la nation française, une constance dont on la croyait peu susceptible. Elles attendent, non sans impatience, mais avec le calme que donne la conscience de sa propre force et la confiance qu'inspirent d'illustres chefs, l'instant marqué par la Providence pour punir une nation parjure et moissonner de nouveaux lauriers.

Il est donc du plus grand intérêt pour la continuation de la prospérité de la gloire de l'Empire, que l'armée reste ce qu'elle est, uniquement composée de l'élite de la nation. Mais l'expérience a trop bien prouvé l'utilité, la nécessité de cette institution pour qu'il ne soit désormais superflu de répéter ce qui a déjà été dit à cette tribune, et de multiplier les raisonnements, lorsque la conviction est complète.

La loi pour la levée de la conscription de l'an XIV, dont vous avez renyoyé, Messieurs, l'examen au Tribunat, est rigoureusement la même que celle que vous avez décrétée l'an dernier. Le nombre des conscrits appelés est également de trente mille pour l'armée active, et de trente mille pour la réserve. Les dispositions générales, les facilités pour les remplacements, sont les mêmes que les années précédentes, et en s'occupant du recrutement de l'armée, le Gouvernement n'a pas perdu de vue que les arts, les sciences, coopèrent aussi à la gloire, à la puissance de l'Etat, et que la jeunesse qui s'y livre ne doit pas être distraite de ses études.

Le seul changement notable est dans la répartition du contingent; il résulte de la plus grande perfection des bases qui ont servi à cette opération, et que l'orateur du Gouvernement vous a présentées dans l'exposé de ses motifs, d'une manière si claire et si précise, qu'il est impossible de rien ajouter aux développements qu'il vous a donnés.

Mais qui de nous, Messieurs, ne se sent pénétré d'admiration et de reconnaissance pour le héros qui nous gouverne, en considérant que c'est sans augmentation d'impôt ni de levée extraordinaire d'hommes qu'il enchaîne la fureur de ses ennemis et maintient la France au haut degré de splendeur et de puissance où son génie l'a placée? Oui, sans doute, il sera tenu, l'engagement solennel pris dans cette enceinte! et de quels prodiges n'est pas capable celui qui, à peine à l'aurore de sa carrière, a déjà parcouru toutes les routes qui conduisent à l'immortalité, et fatigué du récit de ses exploits les cent bouches de la renommée ? Que ne pourra-t-il pas, à la tête d'un peuple guerrier idolâtre de la gloire, de la liberté et de son auguste Empereur!

La section de l'intérieur nous a chargés, Messieurs, de vous apporter son vœu d'adoption.

Aucun autre orateur du Conseil d'Etat ni du Tribunat ne prenant la parole, la discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 203 boules blanches contre 11 noires.

La séance est levée.

CORPS LEGISLALIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 28 nivóse an XIII (vendredi, 18 janvier 1805).

Un secrétaire fait lecture des procès-verbaux des séances des 24 et 27 nivôse, dont la rédaction est adoptée.

MM. Dauchy et Fourcroy, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Dauchy présente un projet de loi relatif à l'aliénation des immeubles affectés aux prytanées. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, parmi les moyens qui doivent assurer la stabilité des grands établissements d'instruction publique, un des plus importants est le soin de faciliter l'administration des revenus destinés à en couvrir les dépenses. Le Gouvernement, en portant son attention sur la nature de ceux qui, affectés d'abord aux prytanées, forment maintenant la dotation du prytanée français établi à Saint-Cyr, a reconnu qu'ils se composaient d'immeubles dont la régie devait être plus embarrassante et plus dispendieuse que le produit n'en est avantageux et assuré.

Le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter a pour objet d'en ordonner l'aliénation et le remplacement en rentes sur l'Etat.

Près de moitié de ces immeubles consiste en maisons, la plupart sises à Paris. Il n'est pas besoin de chercher à prouver que ce genre de propriétés est celui qui convient le moins à des établissements publics, à raison de la détérioration insensible qu'elles éprouvent, des non-valeurs fréquentes auxquelles elles exposent, et des détails de surveillance et d'entretien qu'elles exigent. On peut dire que leur aliénation générale est passée en maxime d'administration publique.

L'autre partie des revenus du prytanée est assise sur des fonds de terre en différentes cultures, mais ils se trouvent divisés en tant de marchés, chacun peu considérable, et dispersés dans beaucoup de départements à une grande distance de la capitale, qu'il n'est pas possible que le bureau d'administration fixé à Paris le surveille immédiatement, ni qu'il en fasse suivre la manutention par des agents dont le nombre est nécessairement hors de proportion avec l'importance des revenus partiels.

Vous verrez, dans le remplacement du produit des aliénations en rentes sur l'Etat, le double avantage d'augmenter, d'une part, le revenu du prytanée, tant par le taux de l'emploi des fonds que par la diminution des frais d'administration, et de soutenir, d'une autre, la confiance des effets publics et leur valeur dans la circulation.

L'accroissement qu'éprouvera le revenu du prytanée laissera toute la latitude nécessaire pour en réserver annuellement un huitième destiné à former un fonds d'accumulation. Les nouvelles rentes qu'il servira à acquérir, augmentant continuellement ce revenu, seront toujours plus que suffisantes pour balancer la disproportion que la succession des temps pourrait amener entre la valeur nominale à laquelle demeurerait fixé le revenu actuel, et le prix des besoins qu'il est destiné à remplir.

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Nous ne doutons pas que vous ne vous empressiez de consacrer, par vos suffrages, une mesure dans laquelle vous reconnaîtrez la sollicitude attentive de l'Empereur pour la prospérité d'un des établissements les plus intéressants qui doivent illustrer son règne.

Projet de loi.

Art 1er. Les immeubles de toute, nature affectés aux prytanées, et formant aujourd'hui la dotation du prytanée français établi à Saint-Cyr, seront vendus en la forme prescrite pour l'aliénation des domaines nationaux, et aux conditions portées par la loi da 5 ventôse an XII.

Art. 2. Le prix des ventes sera versé à la caisse d'amortissement, et employé en acquisition de rentes sur l'Etat.

Art. 3. Les intérêts annuels du prix des ventes jusqu'au paiement définitif, et les sept huitièmes des arrérages des rentes sur l'Etat dont l'acquisition aura été faite, seront affectés aux dépenses du prytanée, tant pour l'entretien des bâtiments que pour les pensions des élèves nationaux admis par Sa Majesté l'Empereur.

Le huitième restant desdits arrérages sera employé comme fonds d'accumulation, en acquisitions successives de nouvelles rentes.

Si les revenus excèdent ces dépenses, le surplus restera affecté aux autres dépenses de l'instruction publique.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au versement des consignations à la caisse d'amortissement.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

M. le Président. L'un de messieurs les orateurs du Tribunat a la parole.

M. Depinteville-Cernon, rapporteur de la section des finances. Messieurs, la consignation a été définie « un dépôt que le débiteur fait par « autorité de justice, entre les mains de l'officier « public destiné à recevoir ces sortes de dépôts, à « l'effet de le libérer envers celui auquel les de«niers sont dûs, lorsqu'il ne veut pas les recevoir, ou qu'il n'est pas en état de donner quit«tance valable, ou qu'il n'offre pas de remplir « les conditions nécessaires. >>

Cette définition détermine la nature particulière de ce dépôt, et la nécessité de désigner l'officier public chargé de le recevoir.

Il paraît que Henri III fut le premier qui donna une existence légale aux receveurs des consignations, en créant un office de receveur dans chaque justice royale, et leur attribuant un droit pour la garde des dépôts à payer par les ayants droit lors de la remise.

Ces charges subirent divers changements dans leurs attributions: mais il y eut toujours, depuis cette époque, des receveurs des consignations près les tribunaux.

Un décret de l'Assemblée constituante, du 30 septembre 1791, ordonna la liquidation de ces offices, et autorisa les titulaires à continuer provisoirement leurs fonctions, jusqu'à ce que le Corps législatif eut organisé un nouveau mode de dépôt.

L'Assemblée constituante avait vu tous les abus de l'ancien ordre de choses; elle avait reconnu l'inconvénient de laisser des fonds considérables à la garde de particuliers isolés; que ces receveurs, trop souvent violateurs du dépôt qu'ils faisaient valoir à leur profit, étaient autorisés à en poursuivre le versement, et intéressés à en retarder la remise.

Sans la trop courte durée de sa session, elle eût organisé un nouveau mode de consignations,

[18 janvier 1805.]

mieux combiné pour l'intérêt des propriétaires, et surtout fondé sur les vrais principes de finances qu'elle avait aperçus.

Cet état provisoire des consignations ne put durer longtemps, et le système des assignats appela bientôt une surveillance nouvelle sur la caísse de ces receveurs.

Un décret de la Convention nationale, du 23 septembre 1793, ordonna aux anciens titulaires des offices de receveurs de consignations et commissaires des saisies réelles, supprimés par le décret du 30 septembre 1791, qui avaient été provisoirement autorisés à continuer leurs fonctions, de verser tous les fonds qu'ils avaient dans leurs mains à la trésorerie ou dans les caisses de receveurs des districts.

Cette même loi obligeait les notaires ou autres officiers publics, dépositaires en vertu de jugement ou permission de justice, de verser pareillement, soit à la trésorerie à Paris, soit aux receveurs particuliers.

Cette disposition s'étendait jusqu'aux dépôts volontaires, lorsqu'il était survenu une opposition entre les mains du dépositaire.

Il fut ordonné qu'à l'averir tout dépôt, en vertu de jugement ou par permission de justice, serait versé, pour Paris, à là trésorerie; et pour les départements, aux caisses de justice.

Le droit de garde fut fixé à deux pour cent.

Gette loi de 1793 ne put encore être considérée que comme une disposition provisoire, comme une mesure de circonstance dont le but principal était de faire verser à la trésorerie le numéraire métallique conservé dans ces dépôts. Mais ces dépôts furent restitués en assignats, et leur perte fut un des malheurs de cette époque; elle imprima une défaveur sur la garantie du trésor publíc, qui dura longtemps dans l'imagination de ceux qui sont appelés à faire des dépôts, et que sa bonne administration et le juste crédit dont il jouit aupropriétaires des dépôts les avantages que le jourd'hui n'ont pas encore effacés. D'ailleurs son organisation ne lui permet pas de donner aux Gouvernement désire leur procurer, et qui seront le résultat de la loi qu'il vous propose.

Cette loi a pour but de faire verser à la caisse d'amortissement, ou dans les mains de ses préposés, toutes les consignations ordonnées soit par jugement, soit par décision administrative.

La caisse tiendra compte aux ayants droit d'un intérêt de 3 pour 100.

Le conseiller d'Etat, en présentant cette loi au Corps législatif, vous a présagé, Messieurs, quels avantages résulteront de ses dispositions.

Depuis longtemps il est reconnu combien il est absurde que des capitaux, retenus dans les liens de la consignation, soient par cela soustraits à la circulation et restent sans produits pour leur propriétaire, et cela aussi longtemps que les délais des procédures, et souvent que d'odieuses chicanes parviendraient à prolonger la durée de cet état de mort.

Il était digne du Gouvernement de chercher un moyen de concilier l'intérêt des consignateurs avec la sûreté du dépôt, de présenter un mode d'après lequel la somme consignée se trouvât toujours prête à être rendue à celui à la disposition duquel un acte légal l'aurait remise, et que cependant cette somme ne restât pas inutile pour son propriétaire et inutile pour le Gouvernement; il voulut encore, loin de demander un droit de garde, donner un intérêt, et fonder cet intérêt sur les mêmes comb isons qui assurent la conservation du capital.

La caisse d'amortissement était le seul établissement qui pût remplir ces conditions, recevoir les consignations, offrir une garantie, et, par la nature de ses opérations, donner un intérêt en assurant la conservation du capital.

Un des abus le plus vivement reprochés à l'ancien ordre de choses sur les consignations, c'était le droit d'en poursuivre le recouvrement accordé aux receveurs; de là l'introduction dans chaque affaire d'un tiers faisant des frais, exigeant avec les moyens les plus rigoureux un dépôt que les parties elles-mêmes, quoique divisées d'intérêt, n'eussent souvent pas employés.

Aujourd'hui, c'est le jugement qui ordonne, c'est à la diligence des intéressés que la consignation s'exécutera, et la caisse d'amortissement, purement passive, en garantit l'existence; jusqu'à ce qu'un nouvel acte en ordonne la remise, elle n'exercera que des fonctions conservatoires: elle ne désirera pas la prolongation des délais; elle ne cherchera pas dans les oppositions un prétexte pour garder les fonds, puisque, payant un intérêt, et le payant jusqu'au moment de la remise, il doit être indifférent pour elle de se libérer.

La loi ne veut point ici donner à la caisse un accroissement de bénéfices, elle la charge d'un service public sous des conditions qui, en l'indemnisant de ses frais, donnent aux ayants droit le produit d'un capital qui ne doit jamais être inutile.

En considérant encore la loi proposée sous ses rapports avec le crédit public, vous y verrez, Messieurs, un nouveau moyen de le soutenir et de l'accroître.

Verser un fonds dans la caisse d'amortissement, c'est lui donner un moyen d'acquérir une portion de la dette publique, d'en diminuer la masse; c'est élever la valeur de la rente, sans ôter à la caisse les moyens de satisfaire à ses remboursements, puisque la proportion des rentes qu'elle reçoit sera toujours au delà du service qu'elle aura à remplir. On peut aussi compter sur son exactitude à fournir les remises de dépôt dans les délais fixés, puisque ses opérations et sa correspondance la mettent en relation avec tous les receveurs de départements, et qu'il suffira de moins de dix jours pour que de chaque coin d'un département on corresponde avec le chef-lieu.

La loi invite les dépôts volontaires à se verser à la caisse aux mêmes conditions, et c'est encore un bienfait que les Français sauront apprécier. Et toutes les fois que l'attente d'une formalité obligera de retarder un paiement, ou que des délais prudents engageront à suspendre une opération, ou enfin que des projets de spéculation ou d'acquisition détermineront à différer l'emploi définitif d'un capital, on aimera sans doute à se reposer de sa conservation, de sa garde sur une caisse qui présente tant de garantie par son organisation, par ses talents et la moralité de ceux qui la dirigent, et qui a encore l'avantage de donner un produit équivalent à celui qu'on espère dans un placement en biens-fonds.

Car il est à remarquer, Messieurs, que l'intérêt de 3 0/0 est dans une proportion très-approchante du produit net en biens-fonds. Et qu'ainsi le propriétaire d'un capital consigné, ou volontairement déposé, provenant du prix d'un bien-fonds, ou destiné à en faire l'acquisition, se trouve pendant la consignation dans le même état quant à

son revenu.

La section des finances du Tribunat m'a chargé de vous présenter son vœu d'adoption de cette loi.

Aucun orateur du Conseil d'Etat ni du Tribunat ne prenant la parole, la discussion est fermée. Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 219 boules blanches contre 19 noires.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF. PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 29 nivôse an XIII (samedi 19 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. MM. Bigot-Préameneu et Pelet, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Bigot-Préameneu présente un projet de loi relatif au nouveau délai pour la révision des jugements, dans les départements de la rive gauche du Rhin.

En voici le texte et l'exposé des motifs.

Messieurs, la loi du 19 germinal an XI, concernant les droits de propriété et d'usage des communes dans les bois et forêts, n'aurait point son exécution dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, du Mont-Tonnerre, de la Sarre, de Rhin-et-Moselle et de la Roër, si on ne prolongeait pas, à l'égard de ces départements, le délai accordé pour la révision des jugements obtenus par les communes. La prolongation de ce délai est l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter à votre délibération.

Vous vous rappellerez celle du 28 août 1792. qui fit naître, de la part d'un grand nombre de communes, des prétentions exagérées, soit à la propriété des bois et forêts, faisant alors partie du domaine public, ou de celui des seigneurs, soit à des droits d'usage. La législation antérieuré sur le triage, sur le partage, sur les concessions de bois et forêts, fut considérée comme n'ayant été qu'un système de spoliation des communautés. Elle fut entièrement abrogée : tous les jugements, tous les actes qui en étaient la conséquence furent annulés.

Les communautés furent autorisées à se pourvoir dans un délai de cinq ans, afin de rentrer en possession des biens communaux dont elles avaient été privées par l'effet des anciennes lois, et il fut déclaré qu'elles seraient regardées comme injustement dépouillées de leurs droits de propriété ou d'usage dans les bois et forêts, toutes les fois qu'elles justifieraient les avoir anciennement possédés. On voulut que dans ces questions, s'il y avait concours de titres, le plus favorable aux communes et aux particuliers fùt toujours préféré, sans avoir égard au plus ou moins d'ancienneté de leur date, ni même à l'autorité des jugements.

Ni l'ancien domaine national, ni celui provenant du clergé ou de l'émigration, n'avaient été exceptés, et les communes ne manquèrent pas de faire au domaine public, comme à celui des cidevant seigneurs, l'application d'une loi qui leur était si favorable.

En vain mit-on dans la loi du 10 juin 1793 quelques dispositions en faveur du domaine public ancien et nouveau on vit de toutes parts les communes se mettre, en vertu de jugements des tribunaux, en possession des bois nationaux, ou au moins en possession d'usages dont l'effet était également de les dévaster. Le mal s'accrut encore, lorsque, par l'effet de la loi du 10 juin 1793, de simples décisions d'arbitres furent suffisantes pour investir les communes de l'autorité de la chose jugée.

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