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tère naturellement ferme et généreux, comme le sont en général ceux de la Vendée.

A ces causes premières s'en joignirent d'autres, que la fureur des partis et d'horribles spéculations inventèrent, mais qu'il est inutile de rappeler, maintenant que le rétablissement de la paix inté rieure en a rendu le retour désormais impossible.

Grâces éternelles soient rendues au héros qui mit un terme à de si grandes calamités ! Son nom, cher à tous les Français, sera toujours l'objet de l'amour et de la vénération particulière de ceux qui lui doivent le repos, la paix et la vertu. Oui, Messieurs, la vertu; car ces mêmes hommes, qui pendant nos discordes civiles, immolaient sans pitié tous ceux qui n'étaient pas de leur parti, nous offrent aujourd'hui, comme autrefois, l'exemple de la philanthropie la plus touchante. Dans ce même pays où pendant six ans, la terre fut abreuvée du sang de tant de milliers de victimes, pas un assassinat privé n'a été commis depuis plus de trois ans. Longtemps encore les traces des maux qu'on y a soufferts rappelleront le bienfaiteur qui les a fait cesser; mais quels sentiments de reconnaissance ne doivent pas y exciter les soins qu'il prend pour les réparer et en prévenir de nouveaux ?

Pour atteindre à ce double but, un décret de Sa Majesté a ordonné qu'à peu près au centre du département de la Vendée, sur les bords de l'Yon et sur les ruines de l'ancienne ville de la Roche, qui fut détruite de fond en comble pendant la dernière guerre, il serait bâti une nouvelle ville, qui doit être le siége de la préfecture et des tribunaux, dans laquelle on construira un lycée, des casernes pour deux mille hommes, et tous les édifices accessoires à ces établissements. De grandes routes seront ouvertes pour la faire communiquer avec toutes les villes importantes des environs. Cette nouvelle cité s'appellera la VilleNapoléon.

Là, ce n'est point un prince qui, à l'instar du conquérant de l'Asie, avec lequel il 'a, d'ailleurs, tant de rapports de gloire et de célébrité, veut fonder une nouvelle ville pour lui donner son nom, et en faire un monument de ses triomphes. C'est encore moins un prince mù par les motifs du fastueux Constantin qui, pour satisfaire son orgueil et sa vengeance, voulut fonder une nouvelle capitale de l'empire qu'il ruina. Ce sont les habitants de la Vendée, qui ont sollicité et obtenu que leur nouvelle ville portât un nom déjà gravé dans tous les cœurs, afin que leurs descendants eussent sans cesse présent à la mémoire celui du monarque, réparateur des maux qu'ils ont soufferts. Ainsi, la ville Napoléon sera toujours un monument dé leur amour et de leur reconnaissance.

Elle sera un centre commun, où les lumières se réuniront d'abord, pour se répandre ensuite dans les autres parties du département, et en préserver les habitants des erreurs auxquelles sont exposés ceux qui vivent dans les ténèbres de l'ignorance. On y verra se développer tous les genres d'industrie, qui ne peuvent guère naître qu'au sein d'une population nombreuse. L'esprit du commerce y attirera les produits d'un sol naturellement fertile pour les manufactures et les exporter, par le moyen des grandes routes et d'un canal, dont l'ouverture est ordonnée. La présence de l'administration favorisera l'essor de ces diverses sources de prospérité; et les améliorations promptement sensibles, qui en résulteront dans la fortune des habitants de ce pays, auquel l'ancien gouvernement n'avait jamais pensé que pour en tirer d'énormes contributions, les

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attacheront de plus en plus à celui qui s'occupera si efficacement de leur bonheur. D'ailleurs, ces habitants, plus rapprochés des agents de l'autorité publique, seront plus à portée de leur faire entendre leurs réclamations, et en obtiendront une justice plus prompte. Il s'établira entre eux et leurs magistrats des relations plus fréquentes et plus intimes, desquelles naîtront des sentiments de confiance et de bienveillance réciproques. Ainsi, tous les cœurs remplis de ces douces affections se trouveront fermés aux suggestions des ennemis de la paix, qui régnera desormais dans ce beau pays; et s'il s'en trouvait encore quelques-uns qui voulussent y jeter de nouveaux brandons de discorde, la force publique serait là pour les réprimer.

Tel est, Messieurs, l'aperçu des avantages qui doivent résulter de l'établissement de la ville Napoléon; mais pour en accélérer la jouissance, il faut hater la construction de cette ville. Un des principaux moyens d'y parvenir est d'accorder une prime d'encouragement à ceux qui, les premiers, voudront y faire bâtir et s'y fixer. C'est l'objet du projet de loi soumis en ce moment à votre délibération, et qui accorde une exemption de contribution foncière pendant quinze années consécutives, à compter de l'an XIV, sur les maisons, jardins et dépendances, et généralement sur tous les édifices qui seront construits dans la ville Napoléon.

L'assentiment que vous avez déjà donné, l'an-
née dernière, à des dispositions à peu près pareil-
les, en faveur des villes de Bressuire et Châtillon,
quí avaient été également détruites par la guerre
civile, est le présage de celui que vous donnerez
au projet qui vous est soumis aujourd'hui; on est
d'ailleurs sûr de l'obtenir, lorsqu'il s'agit d'acte
de bienfaisance.

Habitants de la Vendée, vos longs malheurs
sont finis! Le sauveur de la France a jeté sur
Vous ses regards paternels. Celui qui releva les
autels du Dieu de l'univers veut aussi relever
vos villes et vos chaumières. Sa tendre sollicitude
ne se borne pas à vouloir vous rendre votre an-
cienne prospérité; elle veut encore l'accroître ; et
le bonheur dont les circonstances ne lui permet-
tent pas de vous faire jouir dès ce moment, elle
vous le fait espérer. Une maison impériale de
chasse va être construite aux frais de la couronne,
à une lieue environ de Napoléon. Ainsi, vous verrez
luire le jour si désiré, où vous pourrez faire
éclater, en présence de l'auguste chef que la na-
tion s'est donné, l'expression de votre amour et
de votre reconnaissance. Sa Majesté se convaincra
qu'il n'est point de Français plus fidèles ou plus
dévoués à sa personne, ni plus susceptibles de la
tendre affection que sa bienveillance seule suffit
pour inspirer à vos âmes généreuses; et dans
l'épanchement de vos sentiments de gratitude,
vous bénirez aussi la puissance législative qui
aura sanctionné l'acte de bienfaisauce dont vous
êtes aujourd'hui l'objet.

Messieurs, la section de l'intérieur du Tribunat
vous exprime, par mon organe, le vœu d'adoption
du projet de loi relatif à l'exemption de la con-
tribution foncière pour la ville Napoléon.

Aucun autre orateur ne demandant la parole, la discussion est fermée.

L'assemblée procède au scrutin. Le nombre des votants était de 226, dont 222 ont voté pour l'adoption et 4 pour le rejet.

La séance est levée.

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CORPS LÉGISLATIF.

21 pluvióse an XIII (dimanche 10 février 1805). Aujourd'hui à deux heures une députation du Corps législatif, composée des membres dont les noms suivent,

MM. Fontanes, président; Béguinot et Lombard-Taradeau, vice-présidents; Delatre et Terrasson, questeurs; Janet, Desribes, Mauboussin, Desprez, Dumaire, Boyelleau, Foucher, Toulgoet, Beaufranchet, Barral, Lobjoy, Lesperut, Despallières, Prunis, Vantrier, Delahaye, Debeaumont, Jubie, Delzons, Vigneron, a été introduite par lé grand maître des cérémonies, auprès de l'Empereur, dans la salle du trône au palais des Tuileries, où étaient présents les princes, les grands dignitaires, les ministres, les maréchaux et grands officiers de l'Empire, les sénateurs et les conseillers

d'Etat.

M. Fontanes, président, a fait lecture de l'adresse votée par le Corps législatif, le 15 de ce mois. Cette adresse est conçue en ces termes :

Sire, vous demandez la paix quand la guerre a toujours augmenté votre gloire! vos fidèles sujets, les membres du Corps législatif, touchés comme ils doivent l'être d'une démarche aussi magnanime, et des communications qu'ils ont reçues, viennent remercier l'ami de la France, de l'Europe et du genre humain.

Le monde vous a vu constamment le même aux plus grandes époques de votre vie; ce n'est jamais sur l'accroissement de votre puissance que vous mesurez vos prétentions. Les faveurs de la fortune égarent l'orgueil d'un prince vulgaire, mais elles redoublent la modération du grand homme; c'est pour cela que votre usage est de proposer la paix le lendemain ou la veille d'une victoire.

L'ennemi aurait pu apprendre comme nous, dans le récit de vos actions, qu'il est sage de terminer la guerre, quand Votre Majesté manifeste ce désir.

Il nous parle de ses alliés, mais il n'est point d'alliés sans des avantages réciproques; et quand un peuple veut régner seul sur les mers, son intérêt est en opposition avec celui de tous les autres. ll invoque le droit des gens, mais il le viole sans

cesse.

Le plus grand des écrivains politiques (1) louait avec raison l'Angleterre d'avoir inséré dans sa grande Charte un article qui lui défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandiscs des négociants étrangers, hors dans le cas de représailles.

Les mers de Cadix ont vu naguères comme ce gouvernement est fidèle aux maximes de ses ancêtres. Il foule aux pieds ses propres lois, et leur substitue le code des pirates.

Ceux qui se permettent de tels attentats osentils affecter des alarmes sur la tranquillité future de l'Europe! Oui, sans doute, l'Europe éprouva de grands dangers; mais n'est-ce pas vous, Sire, qui les avez fait disparaître?

Un esprit séditieux menaçait dans tous les grands Etats l'autorité publique; il s'était souvent introduit dans les palais et jusque dans les conseils des princes; Votre Majesté seule en a réprimé les ravages. Elle a raffermi tous les trônes en relevant celui de la France. Elle a défendu la cause des

(1) La grande Charte des Anglais défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négociants etrangers, à moins que ce ne soit par représailles. Il est beau que la nation anglaise ait fait de cela un des articles de sa liberté. (Montesquieu, Esprit des ois, livre 20, chapitre 14). ́

rois, après avoir vengé celle des peuples: tous les intérêts aujourd'hui doivent être liés aux vôtres. A ce grand service rendu au monde, que peut opposer jusqu'ici l'Angleterre ? Ses violences contre le Danemarck et l'Espagne, et l'oppression de l'Inde entière.

Sire, il était digne de vous d'invoquer encore l'humanité avant de combattre. Elle vous absout désormais de tous les malheurs de la guerre, s'ils doivent se prolonger.

Les nations et les princes ont des devoirs et des engagements mutuels. Tous les vôtres ont été remplis dans cette grande circonstance. La nation sera fidèle aux siens. Elle vous promet un dévouement nouveau; elle secondera de toutes ses ressources un prince qui était assez grand pour sacrifier la gloire des conquêtes à la prospérité de son pays.

Espérons pourtant que les calculs mercantiles ne s'opposeront pas toujours aux sentiments héroïques de Votre Majesté, et que l'intérêt de quelques comptoirs ne sera pas mis en balance avec celui du monde entier.

L'Empereur, assis et couvert, a répondu à cette adresse en ces termes :

Messieurs les députés des départements au Corps législatif, lorsque j'ai résolu d'écrire au roi d'Augleterre, j'ai fait le sacrifice du ressentiment le plus légitime et des passions les plus honorables. Le désir d'épargner le sang de mon peuple m'a élevé au-dessus des considérations qui déterminent ordinairement les hommes. Je serai toujours prêt à faire les mêmes sacrifices. Ma gloire, mon bonheur, je les ai placés dans le bonheur de la génération actuelle. Je veux, autant que je pourrai y influer, que le règne des idées philanthropiques et généreuses soit le caractère du siècle. C'est à moi, à qui de tels sentiments ne peuvent être imputés à faiblesse, c'est à nous, c'est au peuple le plus doux, le plus éclairé, le plus humain, de rappeler aux nations civilisées de l'Europe qu'elles ne forment qu'une même famille, et que les efforts qu'elles emploient dans leurs dissensions civiles sont des atteintes à la prospérité commune. Messieurs les députés des départements au Corps législatif, je compte sur votre assistance, comme sur Ia bravoure de mon armée.

Après ce discours, la députation se retire.

TRIBUNAT.

21 pluvióse an XIII (dimanche 10 février 1805). Le Tribunat en corps est introduit auprès de Sa Majesté l'Empereur, au palais des Tuileries, par le grand maître des cérémonies.

M. Fabre (de l'Aude), président, fait lecture de l'adresse votée par le Tribunat, le 19 pluviôse, en comité général. Elle est ainsi conçue :

Sire, vos très-fidèles sujets les membres du Tribunat viennent remercier Votre Majesté de la communication qui leur a été faite en son nom, le 15 de ce mois.

Ils ont entendu avec la plus profonde sensibilité le vœu de paix qu'elle a adressé au roi de la Grande-Bretagne, du milieu des préparatifs formidables d'une guerre soutenue pour le maintien de la foi des traités, pour la défense des droits et de l'honneur du peuple français.

La France et l'Europe entière trouveront dans cette noble démarche de Votre Majesté une nouvelle preuve de ces sentiments de modération qui l'ont constamment animée, et dans ses plus éclatants triomphes, et dans ses plus hautes espérances. Elles y verront encore une fois le rare et

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généreux exemple de la puissance qui cherche elle-même des limites, et de la gloire qui veut s'imposer des sacrifices.

Elles regretteront que le gouvernement britannique n'ait pas répondu au vœu de Sa Majesté d'une manière plus digne des sentiments qui l'avaient inspirée, et qu'une fausse politique semble lui faire méconnaître et les vrais intérêts de l'Europe et les droits de l'humanité.

Sire, la nation qui vous a confié le soin de ses destinées sait que vous avez dévoué toute votre existence à son bonheur, et que la guerre qui ne vous offre rien que vous deviez redouter ne peut être pour vous qu'un moyen de conquérir et d'affermir la paix. Elle saura tout ce que vous avez fait pour mettre un terme aux calamités de la guerre, et vous trouverez toujours dans la constance de ses affections et l'énergie de son dévouement, tous les moyens qui seront nécessaires pour défendre ses droits et soutenir la gloire de votre trône.

L'Empereur a répondu à cette adresse en

ces termes :

Messieurs les membres du Tribunat, la génération actuelle a besoin de bonheur et de repos; et la victoire ne s'obtient qu'avec le sang des peuples. Le bonheur du mien est mon premier devoir comme mon premier sentiment.

Je sens vivement tout ce que vous me dites. La plus douce récompense de tout ce que je puis avoir fait de bien sera toujours pour moi l'union et l'amour de ce grand peuple.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 22 pluvióse an XIII (lundi 11 février 1805).

Le procès-verbal de la séance du 20 de ce mois est adopté.

MM. Regnauld, Defermon et Béranger, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d' Angély) présente un projet de loi relatif au budget de l'an XIII. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, l'époque où l'état des finances d'un grand peuple, présenté au Corps législatif dans son ensemble et dans ses détails, et mis aussi à la portée de tous les citoyens, par une publicité sans réserve, est une espèce de solennité politique les faits qui y sont annoncés, les résultats qui y sont publiés, touchent, dans l'intérieur de l'Empire, à tous les intérêts; et à l'extérieur, ils éveillent toutes les réflexions. Ils nous montrent à nos amis et à nos ennemis avec tous nos besoins et toutes nos ressources, et fondent en même temps la juste confiance des premiers et les craintes désespérantes des seconds.

Ce double sentiment vous paraîtra d'autant mieux justifié, Messieurs, qu'à cette occasion périodique comme à toutes celles qui ont eu lieu depuis que Sa Majesté préside à l'administration de la France, et cette fois, s'il se peut, avec plus de précision encore, le tableau de l'état des finances françaises ne vous est pas offert seulement pour l'année courante.

Ce n'est pas la situation isolée d'une période passagère que Sa Majesté a ordonné de mettre sous vos yeux, c'est la suite non interrompue de l'état des finances depuis l'an VIII; c'est la correspondance exacte de toutes les années les unes avec les autres; c'est l'intelligence facile de la

comptabilité de chaque exercice; c'est la certitude positive de l'apurement de toutes les dépenses qui y appartiennent, lorsque les liquidations permettent de les ordonnancer avec justice.

Ainsi la loi que je vous apporte, Messieurs, embrassant à la fois le temps qui s'est écoulé, lé temps où nous sommes et celui qui s'approche, garantit la fidélité pour le passé, les moyens pour le présent, la sécurité pour l'avenir.

Je diviserai donc, Messieurs, l'exposé que je dois vous faire, en trois parties, dont chacune se rapportera à une des époques que je viens de vous indiquer.

PREMIÈRE PARTIE.

Dépenses antérieures à l'an XIII.

§ 1er.

Exercices antérieurs à l'an IX.

Vous n'avez pas oublié, Messieurs, ces temps de malheur et de désorganisation, dont les siècles de prospérité et d'ordre semblent déjà nous séparer, où la nation voyait, d'un côté, d'immenses besoins, et, de l'autre, de faibles ressources encore diminuées par leur mauvais emploi.

Le Gouvernement appelé, en l'an VIII, à relever les ruines de nos finances délabrées, ou plutôt à recréer nos finances détruites, eût été peut-être excusable de s'isoler de tout ce qui l'avait précédé.

Il ne le voulut pas; et la loi dù 30 ventôse an IX prépara l'acquittement entier des années V, VI et VII.

Deux millions 700,000 livres de rentes à 3 0/0 furent créés et y furent affectés.

Un million de rentes à 50/0 fut affecté par la même loi aux dépenses de l'an VIII; et on destina, en outre, à la liquidation de ces exercices, toutes les rentrées effectives qui y appartenaient.

L'état comparatif de l'actif et du passif, pour les exercices antérieurs à l'an VIII, donne, au 1er vendémiaire an XIII, un résultat disponible, savoir en numéraire, sur les rentrées probables, 1,073,356 francs;

En capitaux de rentes à 3 0/0, 32,095,200 francs;
En capitaux à 5 0/0, 1,917,560 francs;
En tout 34,012,760 francs.

Ces deux sommes réunies suffiront, d'après les états par aperçu fournis par les divers départements du ministère, pour acquitter toutes les dépenses qui remontent au delà de l'an IX. La loi n'a rien à statuer à cet égard, et je n'en fais mention ici, Messieurs, que pour ne laisser dans votre pensée aucun doute, aucune obscurité sur toutes les années dont vous pouvez embrasser la comptabilité et connaître la régularisation.

§ II.

Compte de l'an IX.

Les fonds affectés par la loi aux dépenses de l'an IX étaient de 526 millions 477,041 francs. Les dépenses ont été plus fortes.

Mais, d'un autre côté, par une amélioration heureuse qui s'est renouvelée successivement chaque année dans nos revenus, ceux de l'an IX se sont élevés à 4,541,809 francs de plus que l'évaluation qui en avait été faite.

Les recettes en numéraire des exercices antérieurs à l'an IX, dont j'ai parlé à l'article précédent, offraient une somme supérieure aux besoins, un excédant qui a permis de disposer de 8 millions pour les dépenses de l'an IX.

Ces deux sommes laissaient encore une différence entre les dépenses et les moyens.

Et telle est, d'une part, Messieurs, la rigoureuse

fidélité commandée par l'Empereur, à ses administrateurs, dans l'accomplissement de leurs engagements; telle est, de l'autre, l'étendue de nos ressources actuelles, que Sa Majesté a voulu que l'an XIII, quoique chargé d'une masse de dépenses proportionnées à notre position, vint au secours de l'an IX, et en complétât la liquidation.

En conséquence, Messieurs, 5,981,150 francs seront pris sur les recettes extraordinaires de l'an XIII, et joints aux deux sommes que je viens d'énoncer, satisferont à tous les besoins de l'an IX, en portant son crédit à la somme de 545 millions. Ces dispositions sont consacrées dans le titre ler de la loi.

§ III.

De l'an X.

Les revenus de l'an X, estimés à 500 millions, ont atteint cette évaluation, et les dépenses, fixées à la même somme, ne l'ont pas excédée.

Il reste sur cette année pour une somme de 13,210,390 livres de rentrées à opérer, de liquidations à consommer, ou plutôt de pièces à régulariser.

Conséquemment il n'est besoin d'aucune disposition législative pour cet exercice.

Mais je ne puis me refuser, Messieurs, à vous faire observer que dès lors a commencé la régularité des rentrées au trésor public, suite de l'exactitude dans le paiement des contributions; exactitude déjà si remarquable, qu'il n'est pas resté à recouvrer 300 mille francs sur plus de 273 millions de contributions directes de l'an X. Les années suivantes vous offriront, Messieurs, les mêmes motifs de vous étonner d'un progrès aussi heureux, d'une amélioration aussi prompte, et d'applaudir aux mesures qui l'ont préparée.

S IV.

De l'an XI.

En l'an X, la signature de la paix avait permis de restreindre les dépenses: la violation du traité d'Amiens créa de nouveaux besoins, commanda de rechercher de nouvelles ressources pour l'an XI.

La loi du 4 germinal an XI n'avait ouvert qu'un crédit de 589 millions 500 mille francs.

Celle du 5 ventôse an XII a accru ce crédit de 30 millions, et porté le budget de l'an XI à 619, 500,000 francs.

La dépense excédera cette dernière somme, et sera portée à 624,500,000 francs.

C'est conséquemment un supplément de crédit de 5 millions à accorder pour l'an XI, et le titre II de la loi contient cette disposition.

Mais telle a encore été, pendant l'an XI, la marche de l'administration, que la somme dé 30 millions accordée de plus pour cet exercice en l'an XII, et celle de 5 millions qui vous est demandée aujourd'hui, seront prises sur les produits de l'année même à laquelle ces accroissements doivent s'appliquer; et notre système de finances, comme notre crédit, se soutiennent et s'améliorent ainsi d'année en année, sans arriéré comme sans anticipations.

Le titre Il de la loi régularise sur ces bases le compte de l'an XI.

§ V.

De l'an XII.

Nous voici arrivés, Messieurs, à l'époque remarquable de l'an XII. Quelle était alors notre situation?

Une guerre maritime à soutenir; une guerre

continentale à prévenir; des flottes à créer; une flottille à construire; des ports à creuser pour la recevoir; des armements à faire; des matelots à rassembler; des équipages à solder; une armée à mettre sur le pied de guerre ; des remontes à accélérer des approvisionnements extraordinaires à ramasser; de l'artillerie à faire fondre; des équipages à renouveler; des fortifications à édifier ou à réparer.

Et cependant des travaux intérieurs à continuer; les deux mers à réunir par de nouveaux canaux; les deux sommets des Alpes à aplanir au mont Saint-Bernard et au mont Cenis; des villes à fonder; des communications territoriales à établir; des marais à dessécher; des ponts à jeter sur de grands fleuves; des lycées à organiser. Tel est, Messieurs, le tableau rapide des dépenses auxquelles devait pourvoir cette année mémorable.

Ces dépenses ont été prévues, proposées, résolues, ordonnées, exécutées: elles sont acquittées jusqu'à concurrence de près des sept huitièmes; et les ressources de l'année qui les vit effectuer suffiront pour les solder tout entières.

Hâtons-nous, en développant des faits incontestables et prouvés, d'expliquer ce prodige : hâtons-nous de faire taire les incrédules du déhors ou du dedans, et de convaincre ceux qui hésitent par étonnement, qui doutent par ignorance, qui contestent par prévention ou qui nient par mauvaise foi.

Le budget qui vous fut présenté l'année dernière, Messieurs, évaluait nos ressources et nos besoins à une somme égale de 700 millions; nos besoins comme nos ressources, nos dépenses comme nos recettes dépasseront cette estimation de 62 millions, suivant les tableaux joints au compte du ministre des finances.

Les départements de la guerre et de la marine ont absorbé la majeure partie de cet excédant; mais aussi ils se sont enrichis de tout ce qu'ils ont créé de grands vaisseaux et de petits bâtiments, d'équipages et de munitions, et ils ont amassé des approvisionnements de toute espèce. Le ministre des cultes réclamait aussi un accroissement de dépense que le vœu général commandait à la justice de Sa Majesté. Il fallait pourvoir aux besoins pressant des prêtres desservants des succursales; et, dès l'an XII, un décret impérial, en attendant la loi que vous allez rendre, a satisfait à ce devoir de l'humanité autant que de la religion.

Le ministère de l'intérieur a pris part aussi à cet accroissement de dépenses, par l'accélération des travaux d'arts de tous genres qui appartiennent à son département.

La fortune secondant la sagesse a voulu que les moyens ne manquassent pas à des besoins si honorables et si bien justifiés, et il ne reste à Sa Majesté qu'à s'applaudir avec vous, Messieurs, d'avoir été secondée dans ses vastes projets, par la confiance et le crédit public qui sont venus au secours d'une administration éclairée et vigilante.

Vous verrez, Messieurs, dans les comptes des ministres des finances et du trésor, qui, formés séparément et sur des éléments divers, donnent partout cependant des résultats identiques, comment plusieurs parties du revenu public ont excédé l'appréciation donnée par les directeurs généraux.

Vous verrez que, malgré la guerre, la régie de l'enregistrement et du domaine a dépassé cette appréciation de près de 19 millions. Vous remarquerez que cette administration, chargée jusqu'en

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l'an XII d'immenses détails de perceptions, dont la régie des droits réunis fera désormais les plus minutieuses, a réalisé en l'an XII une recette brute, en négligeant les fractions, de 257 millions, y compris, à la vérité, 48 millions pour le produit des forêts. Vous verrez en même temps qu'elle n'a coûté que moins de 14 millions de frais de régie, c'est-à-dire moins de 5 un quart pour cent, pour le personnel et le matériel, avantage étonnant, proportion presque inouïe dans la perception des impôts indirects, et dont des principes sûrs et invariables d'un côté et une surveillance active de l'autre garantissent la conservation.

Je ne dois pas omettre de vous faire remarquer, Messieurs, que dans ces produits sont compris les fermages du droit de pêche dans les rivières navigables.

Ces fermages s'élèvent déjà à plus de 60,000 fr. Vous en parler, Messieurs, c'est vous retracer le bien que vous avez fait, puisque vous avez voté la loi qui a ressaisi cette partie usurpée du domaine impérial, et armé l'intérêt personnel en faveur d'une police que tant d'abus avaient rendue plus nécessaire.

Vous verrez encore, Messieurs, dans les comptes ministériels, que les douanes, portées à cause de la guerre à 25 millions seulement pour l'an XII, en ont produit près de 42.

Quand Sa Majesté prit les rênes du Gouvernement, le produit des douanes était presque nul, et les frais de régie comparés étaient excessifs. En l'an IX, on obtint déjà un produit d'environ 19 millions;

En l'an X, de près de 31 millions;

En l'an XI, de plus de 36 millions;

En l'an XII, comme je viens de le dire, de 41, 485,621 francs.

Il est juste, Messieurs, de vous faire remarquer encore que la source de ces avantages est dans votre adhésion empressée aux mesures que Sa Majesté a ordonné au directeur général des douanes de vous présenter.

Le tarif des douanes, il y a quelques années, n'était que le résultat de calculs d'économie politique, commerciale, appliqués presque exclusivement à l'intérêt de notre culture, de nos manufactures et de notre industrie.

On avait négligé de faire entrer, dans les combinaisons qui préparèrent ce tarif, l'idée à la fois simple et juste d'atteindre, par une imposition calculée sur le danger plus ou moins probable de la contrebande, les consommations du luxe et les objets dont la classe la plus nombreuse, loin de connaître le besoin, ignore même les noms et l'existence.

Cette grave erreur n'a pas échappé aux regards de Sa Majesté elle a usé avec une sage habileté du droit de changer le tarif des douanes; elle a fait d'utiles essais, et substitué une branche féconde et bien entendue de revenu public à une perception languissante et mal organisée.

Sa Majesté n'eût atteint son but qu'imparfaitement, si elle n'eût en même temps élevé de plus fortes barrières contre la fraude. La double ligne des douanes en a déconcerté presque partout les ruses et les efforts, en même temps que les tribunaux, devenus plus justes et plus sévères, n'hésitent plus à en punir rigoureusement les auteurs.

Ainsi, Messieurs, cette partie de la législation, que vous avez consacrée, à justifié les espérances que Sa Majesté en avait conçues, et il n'y a pas de présomption à en fonder de nouvelles sur le

développement du même systéme, sur l'application du même principe à d'autres objets, ou aux mêmes objets sur une plus forte échelle.

Plus la quotité de la perception s'élèvera, plus les frais de régie diminueront relativement, et on peut espérer alors de les voir réduits à 17 ou 18 pour cent, au lieu de 21 pour cent environ, à quoi ils se bornent déjà, et au lieu de 50 pour cent qu'ils coûtaient il y a peu d'années.

Cependant le commerce, les manufactures, l'agriculture, n'ont pas à réclamer, car les matières premières n'ont pas été imposées à l'entrée. Nos productions territoriales ou industrielles sortent sans droits; el d'un autre côté, la classe pauvre ou laborieuse n'a pas à se plaindre; car la consommation des objets qui ont été taxés n'entre pas dans ses habitudes, et les droits qui se perçoivent ne prennent rien sur ses besoins ordinaires.

C'est donc sans s'écarter des plus sages, des plus rigoureux principes d'administration et d'économie publique; c'est en recueillant seulement les fruits d'une législation plus habilement conçue, plus savamment appropriée à notre position et à nos mœurs; en faisant valoir tous nos moyens et toutes nos ressources, que les recettes publiques se sont améliorées, et que, pour l'an XII, sans rien retrancher aux exercices antérieurs, sans rien enlever à l'année courante, ni à l'année qui va suivre, de ce qui leur appartient, nous pouvons élever le budget à la somme de 762 millions. C'est ce qu'attestent les états qui vous seront remis avec les comptes des ministres, et ce qu'autorise la loi.

Le titre III achève de pourvoir aux besoins des exercices passés, et ne laisse plus qu'à réaliser les moyens nécessaires pour l'an XIII, et à préparer ceux que la prévoyance indique pour l'année prochaine.

DEUXIÈME PARTIE. Dépenses de l'an XIII. § 1er.

Evaluation des revenus.

La loi du 5 ventôse dernier, que j'ai déjà citée, Messieurs, avait mis à la disposition des divers départements du ministère, á-compte de leurs dépenses de l'an XIII, une somme de 400 millions.

L'article 8 du titre IV de la loi que je vous apporte fixe, pour leur crédit général, pendant la même année, une somme de 684 millions, à Jaquelle s'élève l'état des recettes présumées de l'an XIII.

Ces recettes se partagent en ressources ordinaires qui montent à 600 millions, et en ressources extraordinaires qui s'élèvent à 84 millions; elles sont les unes et les autres également assurées, et se composent absolument des mèmes éléments que l'année dernière.

Les impositions directes, assises sur les mêmes bases, établies dans les mêmes proportions, évaluées pour les mêmes totaux en capital et accessoires, sans modification ni changement, ne peuvent laisser aucun vide, donner lieu à aucune réduction.

Les dispositions législatives, nécessaires à leur perception, sont consignées, Messieurs, dans les articles 5 et 6.

L'article 12 a seulement pour objet de régulariser un nouveau tarif de la contribution personnelle à Paris, d'après lequel cet impôt est plus également réparti, plus aisément perçu.

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