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L'estimation du produit des impositions indirectes est faite au taux le plus modéré.

On a déduit de l'article de la régie de l'enregistrement et du domaine, non-seulement une somme équivalente aux perceptions dont la régie des droits réunis est désormais chargée, mais une somme plus forte encore, à cause de la diminution survenue dans les revenus des biens nationaux, par suite des dotations et des ventes, et en supposant comme possible une moindre activité dans le cours des transactions sur les propriétés foncières.

La régie des douanes est tirée hors ligne pour un produit de 46 millions, quoiqu'elle n'ait, en l'an XII, fourni qu'un peu moins de 42 millions.

Mais 1 les heureux effets d'une législation, d'une administration meilleure, vont croissant chaque année; 2° l'augmentation du droit sur les tabacs étrangers n'a été sensible que pendant les six derniers mois de l'année passée : elle portera sur l'an XIII tout entier; 3° vendémiaire et brumaire an XIII offrent, sur les mêmes nois de l'an XII, un accroissement de 5 millions; 4° enfin, comme je l'ai dit plus haut, on pourrait appliquer avec plus d'étendue au tarif des douanes les principes dont les conséquences ont été déjà si heureuses, et préparer ainsi un excédant, loin de laisser craindre un déficit.

Les autres branches de revenus, toutes appréciées au-dessous de leurs produits de l'an XII, ne peuvent manquer d'atteindre la fixation approximative qu'elles ont reçue pour l'an XIII.

Les ressources extraordinaires ne sont pas moins assurées elles consistent principalement dans la fixation et l'affectation au service courant des suppléments de cautionnement à exiger de divers comptables ou fonctionnaires publics.

Pour les receveurs généraux: 1° leur cautionnement, qui n'était que pour moitié, sera pour la totalité en numéraire ; 2° ce cautionnement s'étendra à la recette qu'ils font des impositions indirectes, lesquelles, jusqu'à ce jour, n'étaient pas entrées dans les éléments de sa fixation.

Le trésor public aura, par ce moyen, une plus juste et plus certaine garantie; et pourtant, en cas de démission ou décès du comptable, des facilités équitables pourront faire rentrer dans les mains de ses héritiers, et sans délai, le montant de ces cautionnements.

Pour les receveurs particuliers d'arrondissement, la proportion de leur cautionnement est accrue, et fixée au douzième de leur recette.

Les notaires et les officiers ministériels de tous les tribunaux auront aussi un supplément de cautionnement à verser; mais ce cautionnement, ce supplément, sont loin d'être en disproportion avec les avantages dont ils ont, à ce prix, obtenu l'assurance.

Les agents de change, les commissaires-priseurs jouissent à Paris d'un état assez utilement exercé, et qui fait reposer dans leurs mains d'assez importants intérêts pour que, d'un côté, il soit convenable d'ajouter à la garantie donnée par les titulaires, et que, de l'autre, il ne soit pas injuste de l'exiger.

Sans doute, Messieurs, les cautionnements étant versés par la caisse d'amortissement au trésor public, et employés à ses besoins, font le service d'un emprunt, ainsi qu'on l'a précédemment pratiqué.

Mais vous n'avez pas oublié quelles mesures ont été sagement ordonnées, et rigoureusement exécutées pour l'amélioration de la dette.

1o D'après les lois du mois de ventôse an IX, 2,500,000 francs ont été annuellement restitués à

la caisse d'amortissement, en remboursement des cautionnements qu'elle a versés au trésor;

2o D'après la loi du 30 ventôse, articles 14 et 16, et celle du 21 floréal an X, titre II, articles 9 et 10, 10 millions sont versés annuellement à la caisse d'amortissement pour le rachat des 5 0/0 consolidés.

Vous trouverez encore ces deux sommes employées au budget de l'année, et au chapitre du département des finances.

Si vous voulez aller plus loin, Messieurs, et chercher de nouveaux motifs de sécurité, vous les trouverez dans la tenue fidèle et sévère du grand-livre de la dette, et dans la publicité périodique de son contenu; 2° dans la vérification exacte, et dans la publication annuelle des opérations de la caisse d'amortissement.

Le compte du ministre du trésor public, dans ses tableaux, offre de mois en mois, et nature par nature, celui des inscriptions successives qui se font sur le grand-livre dans les limites des crédits ouverts, et selon les règles fixées par les lois. Chacun peut savoir à combien s'élevait la dette en cinq pour cent consolidés au 1er vendémiaire an XII, à combien elle s'élevait à la même époque de l'an XIII, et comment se sont opérés sa réduction ou son accroissement, avec toutes les solennités que le scrupule le plus minutieux pourrait souhaiter.

Le compte du ministre des finances, appuyé des procès-verbaux de la commission du Conseil, prouve, d'un autre côté, que la caisse d'amortissement est devenue propriétaire de 3 millions 732,409 francs de rentes en 5 0/0.

Elle possède aussi près du douzième de la dette consolidée, et, par cela seul, elle aurait les moyens d'en préparer l'extinction.

Les moyens s'accroissent encore des versements annuels qui lui sont faits aux termes des lois de ventôse an IX et de floréal an X, dont j'ai cité les dispositions et attesté l'exécution.

Non-sculement donc, et c'est ce que je voulais prouver, les ressources extraordinaires sont assurées comme les revenus ordinaires; mais elles ne sont ni mal choisies, ni onéreuses dans leurs conditions, ni fâcheuses pour le crédit.

Et comment douter, Messieurs, que ce crédit ne soit intact, et que chaque jour n'ajoute à sa puissance, lorsque, pendant deux années de guerre, les effets publics se sont soutenus avec une sorte de fixité, d'invariabilité qui ne peut être due qu'à toutes les garanties qui les appuient. De l'évaluation reconnue incontestable des revenus de l'an XIII, passons à leur distribution. § II.

Emploi des revenus.

L'affectation aux différentes dépenses, la répartition entre les divers ministères étant faites dans le même esprit et dans les mêmes, proportions, à peu de chose près, que pour l'année dernière,je n'ai besoin que de vous faire remarquer celles des différences qu'il peut être utile de relever.

Je n'en vois d'essentielles et qui ne soient déjà connues, justifiées et sanctionnées, que dans ce qui est relatif au service de la guerre et de la marine, et au ministère des cultes.

La diminution de la dépense des deux premiers départements est le résultat des efforts qui ont été faits pour eux pendant les deux dernières années. Des approvisionnements ont été faits pour les constructions et armements de la marine, et restreignent d'autant les dépenses de l'année pour nos arsenaux, sans que les constructions soient

interrompues dans aucun port, et en assurant les armements de six vaisseaux de ligne (1), d'autant de frégates et d'un nombre proportionné de petits bâtiments.

Pour la guerre, les troupes à cheval et le train d'artillerie remontés, les magasins de l'habillement remplis, les arsenaux munis de pièces et de caissons de campagne ou de siége, les salles garnies d'armes à feu et d'armes blanches, les régiments de toutes les armes mis au complet en hommes, en chevaux, en fournitures et en masse de toute espèce, n'exigent plus qu'un entretien qui, bien que dispendieux encore sur le pied de guerre, est bien Join cependant de la somme qui a été nécessaire l'année précédente pour nous mettre dans cet état menaçant pour les uns, imposant pour les autres, respectable pour tous, et dans lequel les moindres sacrifices suffiront pour nous entretenir pendant longues années.

Le ministère des cultes a obtenu une augmentation du montant du traitement de 24 mille desservants de succursales, à 500 francs chacun, en déduisant cependant sur cette somme le montant des pensions que touchent les ecclésiastiques, ce qui réduit l'accroissement à 7,300,000 francs.

Cette dépense, Messieurs, est déjà justifiée par les observations que j'ai faites sur la partie qui appartient à l'an XII, et il ne peut rester aux esprits éclairés et aux bons cœurs, c'est-à-dire à toutes les branches, et à tous les membres de la législature, que le regret de ne pouvoir consacrer que la stricte justice, quand ils voudraient sanctionner la générosité.

En terminant ce qui regarde les dépenses de l'an XIII, Messieurs, je fortifierai, par une observation nouvelle, celles que j'ai déjà faites sur l'ordre dans l'administration, et sur le crédit public.

C'est à ces deux auxiliaires puissants qu'on est redevable de la réduction des frais de négociation de 18 à 11 millions, parce que l'ordre a rapproché l'époque des rentrées, les échéances des effets, et que le crédit a amélioré les conditions de la réa lisation des valeurs.

Il ne peut donc exister de doute, ni sur la justesse de l'évaluation de nos revenus pour l'an XIII, ni sur la sagesse de leur quotité, de leur distribution, ni sur la suffisance; et la loi que je vous présente étant justifiée sous ce second rapport, il ne me resterait qu'à motiver la troisième partie de ses dispositions.

Mais, avant d'aller plus loin, je ne puis, Messieurs, résister à une sorte d'entraînement qui porte malgré moi ma pensée sur les causes morales de la prospérité de nos finances.

Il ne vous sera pas pénible, Messieurs, d'être arrêtés un moment sur un sujet si intéressant pour la France, et j'aime à vous avoir en même temps pour témoins et pour juges de quelques vérités que je vais retracer.

Avant l'époque à laquelle remontent les calculs d'administration et de finances que je vous ai présentés, la France n'offrait que confusion, désordre, anarchie. Nul art, nul talent, nulle profession, nul métier, nulle occupation n'attachaient longtemps les citoyens qui s'y livraient. Sans garantie pour l'avenir, heureux de la sécurité d'un mois, d'une semaine, d'un jour, leur prévoyance n'osait, n'embrassait qu'un court espace de temps, au delà duquel ils ne voyaient qu'obscurité, malheurs privés et misère publique. Chacun changeait sans cesse de place par crainte ou par espérance, par faiblesse ou par audace, par désintéressement

(1) Le Regulus, l'Achille, l'Ajax, le Borée, le Pluton, le Genois.

ou par cupidité, par nécessité ou par ambition. Cet ordre de choses si funeste à tous les genres de productions et de prospérité individuelle ou générale a cessé graduellement depuis cinq ans.

La société s'est réorganisée; tous les liens relâchés se sont resserrés; l'isolement, fruit déplorable de la terreur, a recommencé à paraître un mal; chacun a cherché à reprendre sa place ou à s'en procurer une nouvelle dans la famille, dans la cité, dans l'Etat. Les citoyens se sont classés par une sorte d'instinct social, réveillé par la renaissance de l'ordre. Jetés hors de leur sphère par des mouvements violents, lancés au milieu d'un monde d'illusions, les Français ont reconnu leur erreur; ils ont quitté la chimère brillante et trompeuse après laquelle ils avaient couru, pour revenir à la réalité modeste et assurée qu'ils avaient délaissée aux jours de trouble. Le besoin du travail en a ramené le goût, ou du moins l'habitude. Le respect de la propriété a fait renaître la résignation aux basards nécessaires de l'inégalité des biens. Dès lors deux grandes sources de cette prospérité qui nous étonne se sont rouvertes, l'agriculture et l'industrie.

L'agriculture, abandonnée faute de bras, négligée faute de sûreté, a repris toute son activité. On a semé le champ que ne devaient plus moissonner les réquisitions; on a élevé les bestiaux que ne devaient plus dévorer des légions sans solde et sans subsistances.

On a entrepris des desséchements, des plantations, des semis, des défrichements, dont on a pu espérer de voir la fin et de recueillir les fruits.

Les biens des inscrits sur la liste des émigrés ont été remis en culture, et ont repris de la valeur; on a retiré des fermages des domaines nationaux, au lieu de vivre de démolitions adjugées à l'enchère, de meubles ou de ruines livrés à vil prix aux spéculateurs.

Enfin les revenus fonciers des particuliers ont recréé les revenus fonciers de l'Etat, et donné des impôts directs.

D'un autre côté, les anciens genres d'industrie se sont ranimés, et des hommes habiles ont frayé devant l'activité française des chemins à des branches d'industries nouvelles.

Ainsi des fabriques jusqu'alors inconnues couvrent la France de toutes parts. Pendant que Lyon réparait ses métiers brisés, remontait ses ateliers déserts, pendant que les toiles de Bretagne reparaissaient sur nos marchés; que Lodève et Car-. cassonne préparaient des expéditions pour le Levant; que la bonneterie d'Orléans reprenait le chemin de l'Afrique; que les cuirs de Buenos Ayres revenaient alimenter nos tanneries; que le marché de Rouen se couvrait des marchandises accoutumées; des filatures de coton s'élevaient de toutes parts, et leurs produits alimentaient de nombreuses fabriques de basins, de percales, de mousselines, étoffes devenues nécessaires aujour d'hui, et dont le tissage a cessé d'être le privilége de nos rivaux. Les velours de coton d'Amiens, les casimirs de Louviers, de Reims, rivalisaient avec ceux d'Angleterre.

Nous avons renvoyé de l'autre côté de la Manche les agitations et les malheurs de notre Révolution terminée. La Grande-Bretagne a emprunté de nous ce que nous ne reprendrons jamais, les levées en masse, l'armement de toute la population, les fabrications de piques, les voyages en poste de ses armées, la nécessité de donner un salaire journalier à tous ses propriétaires devenus soldats; enfin l'art destructeur de convertir ses capitaux en revenus.

1

Nous avons appelé sur notre rive pacifiée les arts effrayés et sans emploi chez nos voisins: nous possédons leurs plus précieuses mécaniques, leurs secrets les plus difficiles; la chimie a réussi à créer à peu de frais, au milieu de nous, avec des matières indigènes, les substances nécessaires aux teintures et aux arts, substances que nous tirions à grands frais de l'étranger et des contrées les plus éloignées.

Ainsi l'activité de nos négociants a pris une direction nouvelle, nos capitaux ont trouvé une nouvelle application sur laquelle l'avidité anglaise frémit de n'avoir plus de prise ainsi nos richesses se fécondent au sein de nos cités, et le travail décuple, centuple la valeur des matières premières ainsi nous prenons déjà une part de bénéfice sur les consommations du Nord et du Midi, de l'Allemagne et de l'Italie, et bientôt nous entrerons avantageusement en concurrence avec ces insulaires jaloux, usurpateurs exclusifs, monopoleurs tyranniques du commerce du monde.

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Voilà, Messieurs, comment la circulation s'est rétablie; comment les ventes, les échanges, toutes les transactions commerciales se sont multipliés; et comment le produit fixe des impôts directs s'est uni au produit éventuel des contributions indirectes.

Voilà comment le trésor public a fourni déjà à deux années de guerre; comment une troisième année s'avance sous les mêmes auspices avec les mêmes garanties, et comment l'an XIV et ceux qui le suivront offriront les mêmes ressources puisées dans l'intérieur même de la France, et à la certitude, à la solidité desquelles nos ennemis ne peuvent porter atteinte.

TROISIÈME PARTIE.

Fixation des contributions directes. Prorogation des contributions indirectes pour l'an XIV.

§ 1er.

Des contributions directes.

Cette partie de la loi, Messieurs, est défendue d'avance par les suffrages que vous avez accordés aux dispositions entièrement semblables, contenues dans la loi décrétée il y a un an.

Tout est conforme dans celle que Sa Majesté a ordonné de vous apporter. Le total de chaque nature d'imposition est pareil; la part contributive de chaque département est la même; le nombre des centimes additionnels qui furent perçus en l'an XII, qui seront perçus en l'an XIII, n'est pas augmenté pour l'an XIV.

Je n'ai sur ce point aucun changement à expliquer, et je n'ai pas besoin de dire pourquoi Sa Majesté n'a pas jugé qu'il fût convenable ou possible d'en faire.

Mais je dois vous exposer les raisons qui l'ont décidée à vous proposer, après le vote des impositions et accessoires perçus les années précédentes, 1° quelques modifications dans l'application des seize centimes destinés aux dépenses fixes et variables des départements; 2o d'autoriser l'imposition d'un centime et demi en addition à la contribution foncière; 3o de donner aux conseils généraux de département la faculté de s'imposer, avec l'approbation de Sa Majesté, jusqu'à quatre centimes pour franc des contributions directes pour divers besoins.

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qu'on lui laisse, acquitte toutes les dépenses fixes, et les départements qui, avec la portion qu'on leur assigne, doivent payer toutes les dépenses variables, plusieurs départements d'un côté, et de l'autre le trésor public, ont trouvé constamment une différence entre la recette et la dépense.

Le trésor public a payé et supporté la perte : les départements ont eu un déficit, et particulièrement sur les dépenses des enfants trouvés et des prisons.

Sa Majesté a cherché à le diminuer par des améliorations et par une répartition nouvelle. Ainsi, d'un côté, Sa Majesté a diminué quelques parties des dépenses variables, telles qu'elles étaient fixées pour l'an XII, et par suite pour l'an XIII. Elle a opéré cette diminution :

1o En retranchant environ six cent mille francs sur les dépenses administratives intérieures et particulières des préfectures, en fixant invariablement ces dépenses et par classes, depuis 30 mille francs pour la classe inférieure, jusqu'à quarante, cinquante, soixante et soixante-dix;

2o En retranchant des dépenses à la charge des départements, celles variables de l'instruction publique, montant à 787 mille francs, et les laissant intégralement à la charge du trésor public.

D'un autre côté, Sa Majesté a fait porter la part des dépenses des départements dans les centimes additionnels qui, jusqu'ici, avait été de moins de 19 millions, à plus de vingt millions.

Il est résulté de cette double opération une somme disponible sur les centimes affectés aux dépenses variables, d'environ 2,500,000 francs provenant de l'économie de 14,000,000 d'un côté, et de l'addition de 11,000,000 de l'autre.

Sa Majesté en a disposé, en assignant un million environ en accroissement des fonds destinés aux enfants trouvés et aux prisons; environ 300,000 fr. aux menues dépenses des tribunaux, réglées avec une parcimonie trop mesquine, et elle a destiné les douze cent mille francs restant au casernement de la gendarmerie.

Ce casernement sera, à compter de l'an XIV, à la charge des départements auxquels les troupes de cette arme semblent appartenir, et les préfets y pourvoiront avec plus d'économie et d'exactitude que le ministère de la guerre.

Le département de la guerre et le trésor public se trouvent donc, par ce moyen, déchargés de cette dépense d'environ douze cent mille francs.

Mais par contre, le trésor reçoit de moins, sur la répartition des 16 centimes, onze cent mille francs. Il acquitte de plus de huit cent mille francs pour les lycées; enfin il s'est chargé d'une dépense nouvelle de plus de trois cent mille francs ponr améliorer le sort des préfets qui avaient moins de vingt mille francs de traitement, et qui désormais auront douze, quinze et dix-huit mille francs par année.

A ces mesures, Messieurs, dont les tableaux joints à la loi vous feront mieux saisir l'ensemble et les rapports, vous reconnaîtrez cette bienveillance attentive, cette pénétration éclairée qui descend aux plus petits détails, pour y porter l'économie ou l'amélioration, et cette active providence qui veille du centre de l'empire sur les besoins de toutes ses provinces.

§ III.

De l'imposition d'un centime et demi pour la confection du cadastre.

Il semble, Messieurs, que cette époque soit celle de la maturité de toutes les grandes pen

sées; celle d'où les projets vastes, d'une exécution difficile, d'un avantage reconnu, d'une utilité durable, doivent dater leur exécution et leurs succès.

Cette définition convient à la formation d'un cadastre l'idée de ce travail remonte à l'origine même de la taille.

Sous les premiers règnes de la dern

tie, la France était divisée en provinces qui formaient des Etats indépendants. Chaque province sentit, dès le principe, la nécessité d'un cadastre.

Le Dauphiné eu avait un sous ses anciens dauphins Charles V en ordonna la révision en 1359. La Haute-Guyenne en avait un dont la révision fut ordonnée en 1664.

En 1604, la vérification de l'arpentage de l'Agenois fut ordonnée.

En 1668, celle du cadastre de Condomois fut prescrite.

En 1491, Charles VII résolut de faire le cadastre général du royaume, divisé alors en quatre généralités Languedoc, Languedoyl, Outre-Seine et Normandie. Ce projet ne fut exécuté qu'en Languedoc.

Colbert, qu'on peut citer comme autorité en pareille matière, Colbert, en 1679, fit ordonner la formation d'un règlement uniforme pour la taille réelle, et en chargea M. d'Aguesseau, intendant de Languedoc. La mort de Colbert, arrivée quatre ans après, fit abandonner ce projet.

M. de Chamillart, l'un de ses successeurs, l'avait repris; mais les malheurs de la fin du règne de Louis XIV le firent encore abandonner. Plusieurs autres ministres des finances s'en occupèrent depuis; et M. Delaverdy fit ordonner, en 1473, la confection d'un cadastre général de tous les biens-fonds, même de ceux de la couronne, des princes, des nobles, du clergé, etc,. Ce plan froissait trop d'intérêts pour ne pas rester sans exécution.

Cependant la nécessité d'un cadastre était tellement sentie, que chaque province entreprenait le sien, dès qu'elle en trouvait quelques moyens.

C'est ainsi qu'il fut commencé dans l'ife de France, la Champagne, le Limousin, où il fit la réputation de Turgot.

A peine une administration provinciale fut-elle établie dans la Haute-Guyenne, qu'elle s'occupa du cadastre.

Les autres assemblées provinciales, créées depuis, en formèrent également le projet, que leur courte existence fit abandonner.

En 1791, à peine la contribution foncière futelle décrétée, qu'un cri général s'éleva contre la répartition.

L'Assemblée constituante décréta, pour faire taire les réclamations, la confection d'un cadastre général; mais les troubles de la Révolution ne permirent pas de s'en occuper.

Des pétitions, des projets nombreux furent présentés aux Assemblées qui lui succédèrent.

Depuis, les conseils généraux de départements, à leurs sessions des années VII, VIII, IX et X, se plaignirent de la répartition; presque tous demandèrent la confection du cadastre.

Vers la fin de l'an X, l'Empereur assembla une commission spéciale, qui reconnut que le cadastre général était le seul moyen de perfectionner la répartition.

Mais le temps et la dépense effrayèrent, et on proposa de n'arpenter qu'un petit nombre de communes, disséminées sur tous les points de la France, pour fixer, par analogie, les revenus de toutes les communes.

Ordonné par un arrêté du Gouvernement, ce projet commença à s'exécuter. A la fin de l'an XI, il était encore peu avancé, et on s'en promettait peu de fruit, lorsqu'un autre arrêté du Gouvernement prescrivit l'arpentage général sans interrompre les premiers travaux.

Le ministre des finances s'empressa de préparer, d'assurer les intentions de Sa Majesté; et pendant le cours de l'an XII, l'arpentage a avancé avec la plus grande rapidité.

Dans leur session de l'an XI, vingt-quatre conseils généraux applaudirent au projet d'exécuter un cadastre; et si les autres n'en parlèrent pas, c'est qu'ils avaient émis leur voù les années précédentes.

A la session de l'an XII, vingt-sept conseils généraux sont revenus sur cette importante matière, et ont demandé la confection du cadastre, avec une imposition égale sur tous les départements qui sont ou doivent être regardés comme tous également intéressés à l'opération.

En ce moment, Messieurs, l'opération est en pleine activité; 4,029 arpentages sont entrepris 2,900 sont terminés, et tout fait espérer que 5,000 communes seront arpentées avant la fin de l'an XIII.

Cependant un travail aussi important avait besoin d'être régularisé, sanctionné par la loi ; et la contribution nécessaire pour pourvoir à la dépense qu'il nécessite, quoique payée avec empressement, même avec joie par les départements, devait être autorisée comme toutes les contributions publiques.

Alors quelques réflexions ont suspendu un moment la résolution de Sa Majesté.

On objectait la longueur du travail, la grandeur de la dépense, l'incertitude même du résultat.

Mais, après un mûr examen, Sa Majesté, frappée depuis longtemps de l'injuste inégalité de la répartition de l'impôt foncier qui se perpétue depuis 1790, malgré les dégrévements accordés à quelques départements; convaincue de l'importance d'une opération qui établira enfin dans les charges territoriales une balance désirée depuis longtemps; touchée de la presque unanimité d'un vœu des départements et des communes qui vont avec empressement au-devant des obligations qu'on propose de leur imposer; pénétrée de cette vérité, que la richesse territoriale de la France est la base impérissable de sa grandeur et de sa force; que les ressources qu'elle donne pour l'impôt doivent être toujours exigées avec ménagement, avec justice, mais qu'en temps de paix la contribution directe diminuée, en laissant le laboureur amasser des moyens de reproduction, permet, si la guerre est menaçante, ou commencée, d'obtenir sans délai, sans incertitude, sans disproportion, des moyens d'armements, de défense, d'attaque et de succès; entraînée peutêtre par un noble instinct vers l'exécution du projet, à raison même de sa grandeur, et, si l'on veut, de ses difficultés, Sa Majesté a résolu de faire encore ce présent à la France; de lui donner, avec une base certaine, pour la répartition de l'impôt foncier, le moyen de réparer toutes les injustices passées, d'en prévenir le retour, et de faire taire toutes les plaintes, en réglant tous les intérêts.

La loi contient, en conséquence, la proposition d'une contribution d'un centime par franc pour continuer l'opération commencée, c'est-à-dire la confection d'un cadastre général par masse de culture de toutes les communes de la France.

Elle se compose de deux parties le levé du

plan et l'évaluation du revenu foncier imposable de chaque commune.

Cette seconde partie semble, au premier coup d'œil, susceptible d'erreur ou d'arbitraire; cependant les instructions données pour l'expertise sont si précises, les modèles sont tellement clairs, les bases que les experts sont forcés de suivre tellement certaines, que cette opération a déjà atteint à peu près toute la perfection dont elle est susceptible.

Tous les plans sont levés à l'échelle uniforme de 1 sur le papier à 5,000 sur le terrain. Ils sont orientés plein nord et se rattachent à la méridienne de l'Observatoire de Paris, et à sa perpendiculaire par les grands triangles de la carte de Cassini.

Aussitôt que le plan d'une commune est levé, le géomètre en prend le calque sur du papier huilé. Ce calque est renvoyé à Paris, ainsi que le tableau indicatif des diverses masses de culture avec des numéros correspondants.

L'un et l'autre sont examinés dans des bureaux établis à cet effet près du ministre des finances, et renvoyés lorsqu'ils présentent quelque inexactitude ou quelque différence entre eux.

Le calque reconnu exact est remis à un bureau central de dessinateurs. Là, trois copies du plan sont dessinées avec des traits caractéristiques et lavées en teintes uniformes.

La minute du plan restée au géomètre est remise au contrôleur des contributions et à l'expert pour procéder à l'expertise.

Lorsqu'elle est terminée, le contrôleur l'envoie au directeur qui la remet au préfet du département, avec un rapport écrit, par lequel il en propose l'adoption où le rejet.

Dans ce dernier cas, la contre-expertise est ordonnée.

Lorsque l'expertise ou la contre-expertise est reconnue exacte, le préfet en prononce l'adoption par un arrêté spécial qui fixé définitivement le revenu imposable de la commune. Le préfet envoie une expédition de cet arrêté et le résultat final de l'expertise.

Les résultats tant des arpentages que des expertises sont dépouillés dans les bureaux du cadastre, sur un grand registre en quarante volumes. Là, sont portées, commune par commune, d'un côté la contenance, de l'autre le revenu imposable de chaque masse de culture.

Le quarantième volume doit présenter la récapitulation des précédents : 1° par arrondissement; 2o par département.

Ainsi l'on connaîtra par ce grand registre quel est le nombre d'arpents métriques de terres labourables, de jardins, de près, de châtaigneraies, de rizières, etc.; quel est le nombre de maisons, de moulins à eau, à vent, d'usines, etc., et quel est leur revenu net imposable, et cela par commune, par arrondissement, et par département.

La dernière addition des dernières colonnes présentera la contenance totale et le revenu foncier imposable total de la France, et complétera ce vaste monument qui n'existe chez aucun peuple, et qu'il est digne de la nation française d'élever. § IV.

Des centimes additionnels dont les conseils généraux de département pourront demander à Sa Majesté d'autoriser l'imposition.

Sa Majesté vous a adressé, Messieurs, un grand nombre de lois qui autorisent, pour divers arrondissements où départements, des impositions

particulières. Les bureaux du département de l'intérieur contiennent la demande d'un grand nombre de lois semblables.

Construire des ponts, créer des établissements utiles, élever des édifices publics, édifier des palais pour les tribunaux, bâtir des prisons sûres et salubres, réparer les cathédrales, monuments antiques où modernes, chers à la piété autant que précieux pour les arts; pourvoir avec moins de parcimonte aux dépenses du culte rétabli, et aux besoins de ses ministres appauvris, tel est, Messieurs, l'objet de ces demandes et de ces lois.

Pressants dans quelques départements, inconnus dans plusieurs autres, ces besoins exigent souvent de prompts secours, des autorisations non différées.

La disposition contenue dans la loi permettra aux départements de les recevoir en temps opportun, et la limitation donnée à la quotité de l'imposition, en assurant les avantages de la mesure, en préviendra les abus.

Vous voyez, Messieurs, que la troisième partie de la loi, pareille à celle de l'année dernière, en ce qui touche au principal des impôts directs, prépare pour les accessoires une répartition plus avantageuse, et consacre des vues nouvelles, des arrangements utiles, et est digne de votre assentiment.

§ V.

Des contributions indirectes pour l'an XIV. Nul changement ne vous est proposé, Messieurs, dans le système des contributions indirectes, dont la loi proroge la perception pour l'an XIV.

J'ai dit précédemment ce qu'on pouvait espérer du produit de celles dont la perception est déjà éclairée par l'habileté des administrateurs, assurée par l'aptitude d'anciens employés, et facilitée par l'habitude des contribuables.

Le temps seul nous donnera de semblables notions, des avantages pareils dans la régie des droits réunis.

A peine organisée, elle ne l'est complétement que dans ses parties supérieures.

Des règlements de détail sont nécessaires à sa marche, à ses succès.

Mais ces règlements seront souvent moins des résolutions invariables que des essais temporaires, soumis à l'épreuve du temps, et qu'il corrigera, modifiera, changera plus d'une fois.

Vous avez fait pour la régie des douanes, Messieurs, une heureuse expérience des mesures ordonnées provisoirement par des décrets impériaux, et sanctionnées ensuite par l'autorité de la loi.

Le même principe s'applique mieux encore à une régie plus nouvelle, dans la direction de laquelle l'hésitation peut être sagesse, et le tâtonnement peut devenir prudence: en l'adoptant, Messieurs, vous en obtiendrez les résultats heureux que vous vous êtes applaudis plus d'une fois d'avoir préparés pour une autre branche de revenu public.

Résumé.

Dans cette rapide analyse des trois parties de la loi sur les finances, je me suis efforcé, Messieurs, de vous en faire apercevoir l'harmonie, de vous en montrer tous les rapports, de vous présenter la suite des opérations depuis l'an VIII, l'affiliation non interrompue des idées d'ordre, l'observation stricte des règles de comptabilité; enfin, de vous développer tous les avantages de notre situation. La vérification que chacun de vous peut faire,

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