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donnée à vous, Sire, mais aussi vous êtes à elle; vous lui appartenez, et au premier de tous les titres. La propriété d'un grand homme est un droit dont elle est jalouse; elle ne vous céderait pas à l'univers entier; et lorsqu'elle consent que Votre Majesté se prête aux vœux d'un autre peuple, il faut qu'elle y soit décidée par des considérations d'une haute importance.

Tout justifie sans doute la résolution des députés de l'Italie. Pour eux comme pour nous, la République était impraticable et illusoire; pour eux comme pour nous, il n'y avait point d'appui que dans le régime monarchique et la loi de l'hérédité.

Cependant, nous devons le dire, et faire remarquer; dans cette grande affaire, ce qui frappera d'avantage l'observateur impartial. Pour se rassurer pleinement sur ses intérêts politiques, la République italienne avait plus d'un parti à prendre. Emancipée par nos victoires, elle aurait pu d'abord se rattacher à ceux qui l'avaient affranchie ensuite, au lieu de copier chez elle les lois de l'Empire français, elle aurait pu fleurir par ces lois elles-mêmes. Cette réunion avantageuse aux deux pays, sous des rapports économiques, n'eût paru qu'un retour à l'ordre primitif et à ces limites antiques, tracées par la nature. Les colonies Insubriennes, fondées par Bellovėse, firent jadis partie des Gaules. Tout les rappelait vers la France. Si elles avaient pu y rester toujours annexées, elles se seraient épargné les cruelles vicissitudes dont ces belles contrées ont trop souvent été la proie.

Mais les peuples de l'Italie ont voulu se charger des frais d'un gouvernement séparé. Ils avaient gémi sous un joug qui livrait exclusivement à des mains étrangères toute l'administration et toutes les charges publiques; ils ont eu la noble fierté d'exister enfin par eux-mêmes. Loin de contrarier cet essor généreux, loin d'imiter, à leur égard, la politique envahissante des princes de Savoie et de quelques autres puissances, les conquérants de ce pays ont respecté son vou; et vous n'avez usé sur lui de la double influence de la victoire et du génie, que pour l'aider de vos conseils et de votre protection, à reprendre une place à part dans les Etats du continent. Quelle réponse aux calomnies des adversaires de la France! et quand les faits parlent si haut, quelle prévention pourrait les obscurcir encore?

Certes! il ne s'agit point ici d'une de ces notes obscures, qu'une diplomatie perfide peut glisser à la dérobée dans quelques cabinets, pour faire prendre le change. Votre politique est plus franche; elle ne veut tromper personne. Dans la séance impériale que Votre Majesté a tenue au Sénat, elle a ouvert toute son âme; elle a manifesté d'une manière solennelle, la modération sublime qui la caractérise. Oui, elle consent à monter sur le trône de l'Italie, mais elle aspire à en descendre; elle n'accepte une couronne que dans la vue de l'abdiquer. Exemple unique dans l'histoire !

Ce n'est point Votre Majesté que nous venons féliciter sur un titre qui ne saurait rien ajouter à sa grandeur; mais nous trouvons ici de quoi féliciter la France, l'Italie et l'Europe, parce que nous voyons ici la gloire de la France se fondant à la fois sur le bonheur de l'Italie et sur le repos de l'Europe.

Quant au peuple français, premier objet de vos pensées, Votre Majesté sait combien il est sensible au véritable honneur. Tout le bien que vous allez faire dans le royaume d'Italie, toutes les bé

nédictions que Votre Majesté se prépare au delà des Alpes, nous les recueillerons, nous en augmenterons l'éclat du nom français. La gloire de notre Empereur est devenue une partie de la gloire nationale. Sous un roi tel que vous, il est facile de prévoir quelle prospérité attend l'un des plus beaux pays du monde, si mal régi pendant longtemps, que sa fécondité fut son premier fléau. Plus la nature a fait pour lui, plus la politique a fait contre. Milan a été dépeuplée. Une opinion populaire croyait même que la ruine de cette ville magnifique était indispensable pour le repos de l'Italie. C'est à vous de détruire ce préjugé barbare. Rendez à Milan sa splendeur et les trois cent mille âmes qu'elle avait autrefois. Pour nous, satisfaits des limites que vos armes et vos traitės assurent à la France, nous ne désirons pas l'extension de notre Empire, nous ne voulons que sa durée.

Quant à vos sujets d'Italie, combien ils doivent s'applaudir que l'aigle de Napoléon aille les éclairer du feu de ses regards et les ombrager de ses ailes! Cultivateurs heureux du jardin de l'Europe, ils vont être assurés d'en recueillir les fruits. De toutes les parties de leur beau territoire, des bords de tous leurs riches fleuves, ils pourront désormais contempler avec confiance ces boulevards des Alpes, qui jusques à vous, Sire, n'ont servi qu'à les exposer; mais qui, grâces à vous, doivent enfin les garantir. Si leur tranquillité venait à être menacée, ils n'auront qu'à lever les yeux vers ces montagnes, d'où votre providence saura venir à leur secours.

Quant au reste du continent, tous les potentats de l'Europe doivent vous savoir gré de la nouvelle assise que cette érection du trône d'Italie met sous la base de leurs trônes. La Révolution française avait ébranlé leurs couronnes, tout l'ordre social aurait pû être renversé. C'est à le reconstruire que Votre Majesté s'applique avec un soin infatigable. Le ciel vous a donné aux hommes pour rétablir les fondements de la civilisation.

SIRE, nous n'en saurions douter, votre dernier discours, dans la séance du Sénat, doit retentir de cette enceinte dans toutes les cours de l'Europe; partout il sera répété par cette voix du cœur humain qui, même au milieu de la guerre, est toujours l'écho de la paix.

Cet amour de la paix, qui respire dans vos paroles, est prouvé par vos actions. Cet amour de la paix est le sentiment que la France désire le plus de trouver réuni dans son chef avec le talent de la guerre; car l'un importe à sa défense, et l'autre à son bonheur. Sous ces deux points de vue, nous n'avous rien à désirer.

D'ailleurs, aucun détail n'échappe à Votre Majesté. En s'occupant de l'Italie, elle a saisi l'occasion de veiller à la sûreté de la Corse et de l'île d'Elbe, et d'assigner en même temps un titre convenable à l'un de ses beaux-frères. Le sénatusconsulte du 28 floréal an XII confère à Votre Majesté le droit de fixer l'étiquette et les rangs de sa cour. En décorant ce nouveau prince, elle n'a fait qu'user d'une prérogative nécessaire à l'éclat du trône; mais elle a su y réunir les vues d'utilité publique qui ne s'abandonnent jamais. Tout s'agrandit dans les pensées de Votre Majesté: tout doit respirer autour d'elle la sublimité de son rang, l'élévation de son âme, la hauteur de sa destinée.

SIRE, nous voyons approcher l'instant où Votre Majesté doit s'éloigner de nous; nos vœux et nos cœurs vont la suivre. Nous allons recueillir avec les traces immortelles que Votre

Majesté laisse partout sur son passage. Fixés à notre poste pour conserver le grand dépôt des lois constitutionnelles, nous offrons, dans tous les moments, à Votre Majesté, notre zèle et notre assistance; de loin comme de près Votre Majesté peut compter sur la fidélité, le dévouement et le respect dont le Sénat en corps s'em. presse de lui renouveler l'hommage. J'ai l'honneur de remettre à Votre Majesté Impériale et Royale l'acte par lequel le Sénat a décrété cette démarche, dictée également par la reconnaissance, par la justice et par l'amour. Organe de ses sentiments, je ne puis avoir qu'un regret c'est que ma voix, beaucoup trop faible, n'ait pu les exprimer que d'une manière imparfaite.

CONSEIL D'ÉTAT.

3 germinal an XIII (dimanche 24 mars 1805). Le Conseil d'Etat ayant été introduit près de Sa Majesté Impériale et Royale, au palais des Tuileries, Defermon, l'un de ses présidents, a prononcé les paroles suivantes :

Les membres de votre Conseil d'État sont attachés à votre personne sacrée par l'amour de vos vertus et la reconnaissance de vos bienfaits. Tout ce qui peut contribuer à votre gloire et à votre satisfaction, est l'objet de leurs vœux et de leurs pensées. Ils viennent féliciter Votre Majesté du nouveau titre qu'elle doit à l'amour et à la reconnaissance des peuples du royaume d'Italie.

Ces peuples, comme le peuple français, doivent à votre puissant génie leur liberté, leur existence politique et leur bonheur. Animés des mêmes sentiments, ils ont suivi son exemple. Vous avez com blé leurs vœux, et il n'existera entre les citoyens des deux nations de rivalité que pour prouver à Votre Majesté leur fidélité, leur dévouement et leur amour.

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PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (de Neufchâteau). Séance du 4 germinal an XIII (lundi 25 mars 1805).

M. Regnauld (de Saint-Jean-dAngély), orateur du Gouvernement, est introduit et présente un projet de sénatus-consulte, tendant à conférer au prince Camille Borghèse, beau-frère de Sa Majesté l'Empereur, les droits de citoyen français.

Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély). Messieurs, un de vos décrets vient de donner le titre de prince à un citoyen français, beau-frère de Sa Majesté Impériale et Royale.

Le sénatus-consulte que je viens vous présenter a pour objet d'accorder à un prince, allié de Sa Majesté au même degré, le titre de citoyen fran

çais.

Le prix des droits qui y sont attachés pourra se mesurer désormais sur celui que met à les obtenir le prince Camille Borghèse.

Issu d'une des plus nobles familles d'Italie, devenu membre de la famille auguste qui a été appelée par le vœu de deux nations généreuses occuper deux trônes puissants, il aspire à devenir membre de la grande famille française; il veut tenir à celui qui en est le chef et le père,

par le serment commun d'amour et de fidélité que qui prêtent tous les citoyens.

Ce vou, Messieurs, suffirait, je pense, pour décider vos suffrages en faveur de celui qui le forma.

Je n'ajouterai point qu'alors même que la naissance obtenait tous les priviléges après avoir usurpe tous les droits, le prince Camille Borghèse pouvait aspirer à se placer près de tous les trônes de l'Europe; que sa famille a donné des souverains à Italie, des pontifes au monde chrétien. Mais je dirai qu'elle a fourni à la vertu des exemples, aux sciences des modèles, aux arts des protecteurs, aux Français des amis.

Au milieu des événements divers de la guerre, le dévouement, l'attachement du prince Camille Borghèse furent inaltérables, et c'est sous les drapeaux de nos légions qu'il a acquis ses premiers droits à la faveur que vous êtes appelés à lui succéder.

Et j'ose le dire, Messieurs, il était compté d'avance parmi les citoyens français, celui qui les a admirés dans leurs succès, protégés dans leurs malheurs ; celui qui se montra dans Rome conquise leur hôte généreux,dans Romeévacuée leur courageux protecteur; celui qui a partagé leurs dangers avant d'aspirer à partager leur gloire; enfin celui à qui est remis le soin de rendre heureuse la veuve d'un brave et la sœur d'un héros.

M. Treilhard, orateur du Gouvernement, est introduit et présente un projet de sénatus-consulte sur l'aliénation des biens de dotation du Sénat. M. Treilhard. Messieurs, le premier Corps de l'Empire doit être environné d'un éclat qui put répondre à ses fonctions augustes et à son immense influence sur la tranquillité et la prospérité publiques.

Elle fut aussi et grande et salutaire, la conception qui, après de longues et violentes agitations, raffermissait les bases de la propriété, en plaçant le Sénat dans la première ligne des propriétaires.

Une masse considérable d'immeubles lui fut donc affectée; mais cette dotation se trouve concentrée, du moins en grande partie, dans quelques départements qui, nous ne pouvons le dissimuler, durent voir à regret une portion si considérable de leur territoire enlevée au commerce et plusieurs de leurs habitants privés ainsi de l'espoir de s'unir plus directement à la fortune de la grande famille, par l'acquisition de propriétés nationales.

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Ces propriétés sont établies aujourd'hui sur des bases inébranlables comme le génie qui les a posées, et vous avez reconnu qu'il était temps de donner aussi votre garantie à une propriété d'une autre nature; propriété non moins sacrée, non moins importante, puisqu'elle fournit à l'industrie ses aliments, et sa fécondation à la propriété territoriale. Déjà vous avez déclaré qu'une partie de la dotation du Sénat serait convertie en fonds de la dette publique; le projet que nous vous présentons doit consommer cette union d'intérêts si précieuse à établir entre le Sénat et les capitalistes, en substituant à une partie de la première dotation une autre propriété également solide, que vous déclarerez également inaliénable, dont les produits certains ne laissent aucune inquiétude sur l'époque des recouvrements, et préparent une jouissance sans embarras et des rentrées sans contestations et sans frais.

Tel est l'objet, tels sont les avantages du projel, dont vous avez entendu la lecture.

Il autorise la vente des domaines affectés à la dotation du Sénat dans les quatre départements

de la Roër, du Mont-Tonnerre, de la Sarre et de Rhin-et-Moselle.

La vente sera faite à la caisse d'amortissement qui, n'acquérant que pour revendre, replacera ces domaines dans la classe des domaines libres, et restituant des fonds au commerce, se procurera, par cette opération, de nouveaux capitaux à l'effet de remplir plus largement l'objet de son institution.

Mais en s'occupant de combinaisons si puissamment influentes sur le crédit public, si salutaires à l'agriculture et à l'industrie, on n'a pas dû perdre de vue l'intérêt du premier corps de l'Etat, qui est inséparable des intérêts de toute nature, dont il sera toujours le centre.

Le prix de la vente est réglé d'une manière utile et convenable; pour chaque 1000 francs de revenu net que le Sénat cédera en immeubles, il recevra de la caisse d'amortissement 1715 francs en rentes à cinq pour cent ainsi en même temps l'éclat du Sénat s'augmentera par un accroisque sement notable de revenus, le crédit public acquerra de nouvelles forces par la nature de cet accroissement.

Peut-être se serait-il élevé quelques difficultés sur la fixation du revenu net; on a dù les prévenir; le prix des fermes en formera la base à la seule déduction d'un cinquième pour les contributions.

Il a fallu aussi fixer une époque à l'entrée en jouissance des objets respectivement cédés elle aura lieu à compter du 1er germinal; tout ce qui écherra postérieurement appartiendra aux nouveaux propriétaires; ce qui est déjà échu à cette époque reste au premier possesseur, comme de raison.

Voilà, Messieurs, toute l'économie de ce sénatusconsulte; il est une suite de vos premiers aperçus, et vous n'y verrez sans doute qu'un nouveau bienfait de cette vaste prévoyance à laquelle nul détail ne peut échapper, et qui, en même temps qu'elle balance les destinées des nations, s'occupe des intérêts particuliers, comme s'ils étaient seuls l'objet de toutes ses pensées.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (de Neufchâteau). Séance du 6 germinal an XIII (mercredi 27 mars 1805).

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions de l'an VIII;

Vu le projet de sénatus-consulte rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des Constitutions de l'Empire, en date du 16 thermidor an X;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du Gouvernement et le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du 4 de ce mois,

Décrète :

Art. 1er. Le prince Camille Borghèse, beau-frère de S. M. l'Empereur, est admis aux droits de citoyen français.

Art. 2. Il entrera dans l'exercice de ces droits et sera tenu d'en remplir les devoirs, sans être assujetti à la résidence préalable, exigée par l'article 3 de l'acte des Constitutions, en date du 22 frimaire an VIII.

Art. 3. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message à Sa Majesté Impériale.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions de l'an VIII;

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Art. 1er. La caisse d'amortissement est autorisée à acquérir du Sénat les domaines qui ont été affectés à sa dotation dans les quatre départements de la Roër, du Mont-Tonnerre, de la Sarre et de Rhin-et-Moselle. Elle en acquittera le prix par une concession de rentes en 5 pour cent dans la proportion suivante.

Art. 2. Pour chaque quotité de 1,000 francs de revenu net en domaines ruraux qui sera cédée par le Sénat à la caisse d'amortissement, la caisse d'amortissement cédera au Sénat 1,713 fr. 26 centimes de rentes en 5 pour cent sur celles qui sont inscrites sous son nom. Sera considéré comme revenu net en domaines le produit des fermages actuels, déduction faite d'un cinquième pour les contributions.

Art. 3. La jouissance des rentes à 5 pour cent, qui seront cédées au Sénat par la caisse d'amortissement, aura lieu à compter du 1er germinal an XIII, et le 1er semestre de ces rentes sera, en conséquence, payé au Sénat en vendémiaire an XIV.

Réciproquement, la caisse d'amortissement recouvre pour son compte, sur les domaines qui lui seront cédés par le Sénat, tous les produits dont l'échéance sera postérieure au 1er germinal prochain.

Art. 4. Le traité qui sera fait entre le chancelier du Sénat et le directeur de la caisse d'amortissement, en exécution des articles ci-dessus, subrogera la caisse d'amortissement à la propriété, possession et disponibilité des domaines qui auront été échangés en rentes à 5 pour cent, conformément aux articles 2 et 3.

Art. 5. Les rentes qui seront transférées au Sénat par la caisse d'amortissement, sont déclarées inaliénables.

Art. 6. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message à Sa Majesté Impériale.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DE M. FABRE (de l'Aude). Séance du 6 germinal an XIII ( mercredi 27 mars 1805).

Le procès-verbal de la séance du 4 ventôse est adopté.

M. Billacsys de Boismont, jurisconsulte, membre de l'académie de législation de Paris, juge au tribunal et directeur du jury d'accusation de l'arrondissement de Courtray, département de la Lys, adresse au Tribunat des réflexions sur un écrit ayant pour titre : Observations sur l'instruction criminelle par jurés.

Le Tribunat ordonne le dépôt de ces observations aux archives.

M. Alexandre de Crève-Cœur, ancien lieutenantcolonel au 5 régiment d'infanterie, et membre de la ci-devant académie des belles-lettres de la ville de Caen, fait hommage d'un ouvrage ayant pour titre Choix d'inscriptions et devises proposées au concours général, à l'occasion de l'inauguration de la statue de l'Empereur Napoléon dans la salle des séances du Corps législatif.

M. Prault-Saint-Germain, ingénieur, adresse un mémoire intitulé: Projet de la seule navigation naturelle et commerciale qui existerait en Europe, et joindrait le Rhin à la Seine jusqu'à Paris, sous la dénomination de Navigation Bonaparte, et d'un port devant servir de gare à tous les bâtiments employés à cette navigation, et à celle de la Seine dans les temps de glaces, ainsi que d'un nouveau quartier de commerce à Paris, attenant au port.

M. Potier Deslauriers, du Mans, fait hommage

d'un ouvrage ayant pour titre Nouvelle découverte qui embrasse toute la géométrie, donne la solution de ses plus grands problèmes, etc., ou identité géométrique du cercle et du carré.

M. Lorio, élève en législation de la ci-devant école centrale du département de l'Escaut, et sous-chef au bureau de police de Gand, fait hommage d'un exemplaire du Code civil qu'il a traduit en langue flamande.

M. Donnant, secrétaire perpétuel de la société académique des sciences de Paris, etc., fait hommage d'un ouvrage dont il est l'auteur, et qui a pour titre Théorie élémentaire de la statistique.

Le Tribunat ordonne la mention de ces différents hommages au procès-verbal, et le dépôt des ouvrages à sa bibliothèque.

M. Moll fait hommage d'un plan de ville à construire dans les départements dont la capitale est trop petite, mal bâtie ou mal placée.

M. Challan, tribun. L'ouvrage qui vous est présenté ne doit pas être confondu dans la foule des projets que l'imagination enfante; l'auteur de celui-ci a voulu retracer tous les avantages physiques qu'une ville peut offrir; dans ses nombreux voyages il a observé, recueilli ce qui pouvait contribuer à la salubrité et à l'embellissement, et en a formé son projet. Sans doute il ne prétend pas y soumettre les villes actuellement édifiées; mais chacune d'elles peut s'emparer des idées de l'auteur lors de leur agrandissement, ou de la reconstruction de quelques-uns des édifices qui les composent. M. Moll donne lui-même pour objet d'application la ville d'Anvers, dont le Gouvernement s'occupe, et celle de Napoléon, dont il jette les fondements.

Si, de plus, vous considérez, Messieurs, que l'auteur n'est mù par aucun motif d'intérêt, mais seulement par l'amour du bien, vous lui saurez gré de ses efforts, et vous les encouragerez en ordonnant la mention de l'hommage qu'il vous fait au procès-verbal et le dépôt de l'ouvrage à votre bibliothèque.

Ces propositions sont adoptées.

M. Joubert (de la Gironde). Messieurs, M. Servan, général de division, et M. Tex-adjudant-général Jubé, notre collègue, m'ont chargé de vous faire hommage de leur Histoire des guerres des Gaulois et des Français en Italie, dédiée à S. M. l'Empereur et Roi.

Ce sujet rappelle de grands souvenirs; c'est sur un des théâtres favoris de sa gloire et des arts, dans des contrées qui furent témoins de tant de prodiges, et où de nos jours nous en avons vu qui ont effacé tous ceux qui avaient précédé; c'est dans cette Italie, dont le sort a toujours été lié avec le repos de l'Europe, qu'il est beau de suivre les progrès de l'art militaire, et son influence sur la civilisation.

Aujourd'hui il n'y a plus d'Alpes que pour la sûreté de la France; mais avec quel intérêt ɔn remonte vers ces temps où elles furent comme un des boulevards de la gra: deur romaine ! Avec quel orgueil notre âge doit rapprocher les époques où l'Italie fut l'objet de l'émulation de si grands capitaines !

Le premier volume dont M. Jubé est auteur, embrasse une période de 21 siècles. Dans ce ableau, que l'importance des événements modernes ne permettait à l'histoire que d'esquisser, on aperçoit le berceau de Rome et des plus célèbres empires, leurs progrès, leur gloire et leur décadence : les Gaulois et Annibal franchissent les Alpes sans aplanir les difficultés innom

brables d'une si périlleuse entreprise. Charlemagne n'assure pas la durée de son ouvrage. Une longue suite de guerres mémorables déploie successivement les leçons de l'expérience et les progrès des connaissances humaines. Les arts épouvantés par la barbarie, s'étaient réfugiés vers leur berceau; ils sont rappelés de l'Orient par les Médicis et le commerce. De nouvelles communications s'établissent entre l'Occident et l'ancien monde et les riches parages de l'Inde. Un nouvel hémisphère semble sortir du fond des mers. La découverte de la boussole, celle de l'imprimerie, la renaissance des lettres donnent à la politique de nouvelles formes et lui imposent de nouveaux devoirs. L'art militaire puise d'autres maximes, une autre tactique dans l'invention de la poudre; les intéressantes vicissitudes qu'éprouvent les armes de Charles VIII et de Louis XII, combattant pour la possession de Naples et du Milanais, s'offrent aux méditations de l'homme d'Etat, du philosophe et du guerrier.

Ce volume contient en outre des recherches importantes sur les Alpes, sur les divers passages de ces montagnes, opérés par les armées nombreuses, des détails sur les armes à feu et sur les siéges militaires.

Dans les volumes suivants, M. Servan décrit les événements passés en Italie depuis la mort de Louis XII jusqu'au traité d'Amiens. Il nous montre les fautes, la gloire et les malheurs de François 1er; la mort surprenant Henri IV au milieu de ses vastes projets; Richelieu se chargeant de les exécuter; Louis XIV guidé par la même politique, mais éprouvant ensuite tous les revers de la fortune et perdant le fruit de ses succès en Italie; enfin la nation française confiant au plus grand des guerriers le soin de venger d'anciennes injures et d'illustrer ses drapeaux par d'immortels triomphes.

Il faut revoir, Messieurs, dans l'ouvrage, tous les prodiges qui signalèrent la première campagne d'Italie, et qui, donnant la mesure du génie de BONAPARTE, faisaient dire à tous les vrais mias de la patrie voilà le héros que la Providence a suscité pour la sauver.

Cependant Arcole, Lodi, Rivoli, Tagliamento et tant d'autres journées n'avaient été que le prélude de plus grandes merveilles. Le héros repasse les Alpes à la vue d'une armée victorieuse; un mois auparavant, il avait fixé l'époque où il livrerait et gagnerait la bataille qui devait avoir de si grands résultats pour le bonheur de la France et pour le rétablissement de l'équilibre politique en Europe.

Le travail de MM. Jubé et Servan comprend aussi le tableau de tous les événements civils qui ont accompagné les faits militaires, et il retrace l'influence des diverses époques sur la civilisation et les progrès de l'esprit humain.

C'est ainsi, Messieurs, que l'histoire de l'art militaire est rendue utile aux contemporains et à la postérité; car si, par une condition inévitable de l'humanité, on ne peut lire quelques pages de l'histoire sans y voir des peuples en guerre, que du moins les leçons de l'expérience ne soient pas perdues pour les hommes, pour les nations et pour les gouvernements.

N'est-il pas juste aussi que les grands traits de Vaillance soient fidèlement transmis à la mémoire et à l'admiration? L'ouvrage qui vous est offert aura cet avantage précieux, qu'il sera en quelque sorte l'arbre généalogique de la gloire des Français en Italie. On aime à voir figurer à côté des Latrémouille, des Bayard, des Gaston, des Ven

dôme et des Catinat, les guerriers qui, tout récemment, y ont cueilli tant de palmes.

Si dans l'honorable association des auteurs de l'ouvrage, nous ne trouvions un collègue qui possède éminemment votre affection, je pourrais, Messieurs, vous parler de tous les droits qu'ils ont acquis à l'estime et à la reconnaissance publiques, pour prix d'un travail où ils se sont si bien montres comme hommes de lettres, de guerre ou d'Etat. Je dois me boner à vous proposer d'agréer l'hommage, d'arrêter qu'il sera mentionné au procès-verbal, et que l'exemplaire sera déposé à la bibliothèque.

Le Tribunat adopte ces propositions.

M. le Président rappelle que, le 3 de ce mois, le Sénat en corps a présenté ses respectueuses félicitations à S. M. I'Empereur sur son avénement au trône d'Italie.

Aucune vue d'ambition, dit-il, n'a déterminé l'acceptation de S. M.; elle ne conservera cette couronne que le temps nécessaire pour assurer l'indépendance de l'Italie, consolider la paix du continent. Je propose au Tribunat de se transporter en corps auprès de Sa Majesté pour lui présenter une adresse de félicitations, et lui renouveler, dans cette circonstance d'un intérêt majeur, l'assurance de son zèle et de son dévoue

ment.

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PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (de Neufchâteau). Séance du 15 fructidor an XIII (lundi 2 septembre 1805).

On introduit MM. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) et Mounier, orateurs du Gouvernement. M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de sénatus-consulte relatif au rétablissement du calendrier grégoriens

Messieurs, tous les changements, toutes les réformes que la politique a approuvés lorsque le génie les a conçus, que les mœurs ont sanctionnés lorsque les lois les ont consacrés, que les nations étrangères commenceront par envier et finiront par emprunter à la nation française, sont et seront toujours soigneusement maintenus par l'administration, fortement protégés par le Gouvernement.

Tel est, par exemple, l'établissement des nouveaux poids et mesures, que défendront toujours contre la routine, l'obstination ou l'ignorance, l'unanimité de l'opinion des savants, la base invariable de leur travail, la nature même de cette base, qui est commune à toutes les nations, avantages de la division pour les calculs, enfin le besoin de l'uniformité pour l'Empire, et tôt ou tard le besoin de l'uniformité pour le monde.

les

Mais parmi les établissements dont l'utilité a

été niée, dont la perfection a été contestée, dont les avantages sont demeurés douteux, il n'en est point qui ait éprouvé de contradiction plus forte, de résistance plus opiniâtre que le nouveau calendrier décrété le 5 octobre 1793, et régularisé par la loi du 4 frimaire an II.

Il fut imaginé dans la vue de donner aux Français un calendrier purement civil, et qui, n'étant subordonné aux pratiques d'aucun culte, convint également à tous.

Cependant quand la première idée de la division décadaire fut proposée au nom du comité d'instruction publique de la Convention, à un comité de géomètres et d'astronomes pris dans l'académie des sciences, cette innovation fut unanimement désapprouvée et combattue par des raisons qu'il est inutile de rappeler, puisque la division par semaines est déjà rétablie, et que l'opposition des savants portait sur la difliculté el les inconvénients de sa suppression.

Cette substitution de la semaine à la décade a déjà fait perdre au calendrier français un de ses avantages les plus usuels, c'est-à-dire cette correspondance constante entre le quantième du mois et celui de la décade. En effet, le nombre 7 n'étant diviseur ni des nombres des jours du mois, ni de celui des jours de l'année, il est impossible, dans le calendrier français, qui en cela ressemble à tous les autres, d'établir une règle tant soit peu commode pour trouver le quantième du mois par celui de la semaine, ou réciproquement.

Les avantages qui restent encore au calendrier français ne seraient pas pourtant à dédaigner: la longueur uniforme des mois composés constamment de 30 jours; les saisons qui commencent avec le mois, et ces terminaisons symétriques qui font apercevoir à quelle saison chaque mois appartient, sont des idées simples et commodes qui assureraient au calendrier français une préférence inconstestable sur le calendrier romain, si on les proposait aujourd'hui tous deux pour la première fois, ou pour mieux dire, personne n'oserait aujourd'hui proposer le calendrier romain, s'il était nouveau.

Dans le calendrier français on voit une division sage et régulière, fondée sur la connaissance exacte de l'année et du cours du soleil, tandis que dans le calendrier romain on voit, sans aucun ordre, des mois de 28, 29, 30 et 31 jours, des mois qui se partagent entre des saisons différentes; enfin le commencement de l'année y est fixé, non pas à un équinoxe ou à un solstice, mais 9 ou 10 jours après le solstice d'hiver.

Dans ses institutions bizarres on trouve l'empreinte des superstitions et des erreurs qui ont successivement entravé ou même dirigé les réformateurs successifs du calendrier Numa, JulesCésar et Grégoire XIII.

C'est, par exemple, pour ne rien ajouter à la longueur d'un mois consacré aux manes et aus expiations, que février n'eut que 28 jours; c'est pour d'autres raisons aussi vaines, que Numa avait fait tous les autres mois d'un nombre impair de jours.

C'est par respect pour ces préjugés, et pour ne pas déplacer certaines fêtes, que Jules-César, en corrigeant la longueur de l'année solaire, ne toucha point au mois de février, ce qui lui donnait 7 jours à répartir entre les onze autres mois; et c'est de là qu'est venue la nécessité d'avoir plusieurs mois de 31 jours de suite, comme ceux de juillet et août, décembre et janvier.

Enfin c'est parce que le concile de Nicée, où

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