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posent ce chapitre sont soumis à la discussion et adoptés.

Le citoyen Portalis fait lecture du chapitre 11, de la possession.

Les articles 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 qui composent ce chapitre sont soumis à la discussion et adoptés.

Le citoyen Portalis fait lecture du chapitre III, des causes qui empêchent la prescription.

Les articles 18, 19, 20, 21, 22 et 23 qui composent ce chapitre sont soumis à la discussion et adoptés.

Le citoyen Portalis fait lecture du chapitre Iv, des causes qui interrompent ou qui suspendent le cours de la prescription.

La section re, des causes qui interrompent la prescription, est soumise à la discussion.

Les articles 24, 25, 26, 27, 28 et 29 sont adoptés. L'article 30 est discuté.

Le citoyen Jollivet dit que la jurisprudence variait sur le délai après lequel le titre nouvel d'une rente pouvait être demandé, et qu'il importe de le fixer.

Le citoyen Berlier observe que la discussion de cet amendement se lie à l'article 43.

La proposition du citoyen Jollivet est ajournée après la discussion de cet article.

Les articles 31 et 32 sont adoptés.

La section II, des causes qui suspendent le cours de la prescription, est soumise à la discussion. Les articles 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39 et 40 qui la composent sont adoptés.

Le citoyen Portalis fait lecture du chapitre v, du temps requis pour prescrire.

La section 1, contenant les dispositions générales, est soumise à la discussion.

Les articles 41 et 42 qui la composent sont adoptés. La section 11, de la prescription trentenaire, est soumise à la discussion.

L'article 43 est discuté.

Le citoyen Jolivet rappelle l'observation qu'il a faite sur l'article 30 : il propose de fixer le délai à vingt ans.

Le citoyen Berlier dit que ce délai est trop

court.

Le citoyen Jollivet propose de le fixer à vingtcinq ans.

Le citoyen Berlier dit que la loi ne doit, à cet égard, accorder que ce qui est strictement nécessaire; or puisque la prescription ne s'acquiert, relativement aux rentes, que par trente ans, pourquoi l'action en renouvellement du titre seraitelle accordée avant l'expiration de la vingt-neuvième année? Une année est bien suffisante pour poursuivre le titre nouvel, ou du moins pour en former la demande, qui seule est interruptive de la prescription: il faut donc s'arrêter là; car d'ailleurs la passation du nouveau litre est aux frais du débiteur, et il ne faut pas aggraver sa condition sans nécessité.

Le citoyen Jollivet dit que les créanciers qui reçoivent régulièrement leurs arrérages sont ordinairement insouciants à l'égard du titre nouvel; que cependant cette négligence les expose à perdre la rente par la prescription. Elle paraît en effet acquise contre eux, lorsqu'ils n'ont pas pris de titre nouvel; car les quittances étant entre les mains du débiteur, ils ne peuvent justifier que la rente leur a été payée exactement pendant les trente années antérieures.

Le citoyen Tronchet dit qu'abréger le délai après lequel le titre nouvel peut être exigé, c'est abréger la prescription elle-même; car elle ne doit s'accomplir qu'après trente ans.

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L'article 44 est adopté.

La section III, de la prescription par dix et vingt ans, est soumise à la discussion.

Les articles 45, 46, 47, 48, 49 et 50 qui la composent sont adoptés.

La section IV, de quelques prescriptions particulières, est soumise à la discussion.

Les articles 51 et 52 sont adoptés.
L'article 53 est discuté.

Le citoyen Pelet, afin d'empêcher que les avoués n'abusent de cet article pour prolonger inutilement des procédures dispendieuses, propose de ne faire durer que pendant deux ans au lieu de cinq, leur action, même pour les affaires non encore terminées.

Le citoyen Berlier dit que la distinction faite par l'article est juste et doit être maintenue.

Quand une affaire est terminée, l'avoué doit plus spécialement songer à se faire payer; et la prescription, qui n'est qu'une présomption légale de paiement, peut, en ce cas, s'acquérir par un moindre temps.

Mais tant que l'affaire dure, la loi peut et doit présumer quelques ménagements de plus envers le client; et dans ce cas, la présomption légale ne doit s'etablir que par un plus grand laps de temps.

Ne serait-ce pas d'ailleurs aggraver la condition des clients en général, que d'obliger l'avoué, même pendant le litige, à poursuivre son paiement dans le terme de deux ans, sous peine de prescription? On peut bien croire qu'il n'y manquerait pas; et la règle qui le forcerait à être dur envers son client, ne tournerait certainement pas au profit de celui-ci.

Le citoyen Portalis ajoute que si la proposition du citoyen Pelet était adoptée, le pauvre ne trouverait plus d'avoués qui voulussent faire des avances pour lui; que d'ailleurs elle n'enchaînerait pas la cupidité, car il est possible de faire, en deux ans, des frais aussi considérables qué dans un laps de temps beaucoup plus long.

L'article est adopté.

Les articles 54, 55, 56, 57, 58, 59 et 60 sont adoptés.

Le Consul ordonne que le titre qui vient d'être arrêté par le Conseil sera communiqué officieusement, par le secrétaire général du Conseil d'Etat, à la section de législation du Tribunat, conformément à l'arrêté du 18 germinal an X.

RÉGIME HYPOTHÉCAIRE.

Impression des deux rapports de la section.

Le Consul charge la section de législation de présenter, jeudi prochain 12 pluviose, les deux rapports qu'elle à préparés sur les deux systèmes du régime hypothécaire; savoir, celui proposé par les rédacteurs du projet de Code civil et celui de la loi du 1er brumaire an VII.

Ces rapports seront imprimés.

RENTES FONCIÈRES.

Renvoi de la section à la question de savoir s'il convient de les rétablir.

Le Consul charge également la section d'examiner la question de savoir s'il convient de rétablir l'usage des rentes foncières.

LIVRE III.

TITRE XIII.

DE LA VENTE.

D'après le principe adopté dans la séance du 21 nivôse, sur la rescision entre majeurs pour cause de lésion énorme, la section II du chapitre VI du titre XIII, de la rescision de la vente pour cause de lésion, est soumise à la discussion.

L'article 94, qui est le premier de cette section, est discuté.

Le citoyen Jollivet dit que si l'action en rescision est accordée à l'acheteur, il sera indispensable d'élever pour lui le taux de la lésion, et qu'alors il paraît juste de l'élever également pour le vendeur.

Le citoyen Cretet dit que l'objet de cette proposition est d'adoucir, dans l'application, le rétablissement de l'action en rescision; mais que, sous ce rapport, la quotité de la lésion paraît indifférente c'est principalement sur la durée de l'action qu'il importe de s'arrêter. Sur le taux de la lésion, on pourrait, sans inconvénient, suivre l'ancienne maxime, qui voulait qu'elle fût d'outre moitié. Or la proposition de la porter à sept douzièmes s'éloigne si peu de la règle autrefois en usage, qu'elle n'appelle aucune objection.

Le citoyen Bérenger dit que s'il reproduit les arguments par lesquels il a combattu le principe de la rescision, ce n'est point pour atténuer de nouveau ce principe; c'est uniquement pour prouver qu'il importe d'élever le taux de la lésion.

En effet, pour estimer la véritable valeur de l'immeuble au temps de la vente, il faut voir dans quelle circonstance et à quelle époque les parties ont contracté; car il est possible que le vendeur eût fait un marché utile, quoique, si l'on s'en rapportait aux apparences, il parût avoir souffert une lésion énorme.

L'opinant propose d'exiger une lésion des deux tiers.

Le citoyen Cretet dit qu'il existe déjà dans la législation une rescision qu'on peut prendre pour modèle, quant à la quotité de la lésion et quant à la durée de l'action; c'est celle qui s'opère par l'effet de la surenchère des créanciers hypothécaires.

Le citoyen Tronchet dit qu'il ne faut pas perdre de vue le principe qui a fait adopter l'action en rescision. On l'a puisé dans la nature du contrat de vente, lequel est cumulatif. Or il n'y a plus d'équivalent, mais il y a lésion, quand on voit, d'un côté, plus de la moitié de la valeur du contrat.

On a crú néanmoins devoir exiger une lésion de sept douzièmes, parce que c'était établir une règle trop incertaine que de se borner à la moitié : la différence la plus légère, ne fût-elle que d'un franc, aurait emporté la balance; mais aller plus loin, et regarder celui qui a reçu moins de sept douzièmes du prix comme ayant obtenu l'équivalent de ce qu'il donne, ce serait détruire le principe même.

Le Conseil adopte en principe qu'il y aura rescision pour lésion des sept douzièmes du juste prix.

L'article 95 est discuté.

Le citoyen Jollivet demande l'ajournement de cet article, parce que, dit-il, il tient au mode d'es

T. VIII.

timer l'immeuble, lequel n'est pas encore déterminé.

Le consul Cambacérès dit que l'article ne préjuge rien sur le mode d'estimation; qu'il suppose seulement que l'immeuble sera estimé, če qui est incontestable; et qu'il veut que, dans ce cas, on s'arrête à la valeur qu'il avait au temps de la vente. Cette règle ne peut pas souffrir de difficulté.

Cependant on peut calmer toutes les craintes en adoptant une autre rédaction; il suffit de dire : La valeur de l'immeuble sera estimée, etc.

L'article est renvoyé à la section.

L'article 96 est discuté.

Le citoyen Cretet examine s'il est nécessaire de faire durer l'action pendant deux ans.

L'une des plus grandes difficultés contre le principe même de la rescision, c'est qu'il laisse pendant un temps la propriété incertaine; ce qui gene le propriétaire dans l'exercice de son droit, et prive la société de tous les avantages qu'elle retire des améliorations.

C'est sans doute déjà beaucoup faire que de réduire à deux ans cet état fâcheux qui, dans l'ancienne législation, durait pendant le long espace de dix années.

Mais y a-t-il quelque motif de prolonger l'action, même pendant deux ans ?

La lésion vient, ou de l'erreur de celui qui vend, ou de ses besoins.

Il ne lui faut point deux ans pour se détromper, s'il n'y a qu'erreur.

S'il a voulu se procurer un secours que les circonstances lui rendaient nécessaire où utile, il cesse d'être favorable; on ne lui doit aucune garantie pour les fausses spéculations auxquelles il a pu se livrer. Il y a plus la loi ne pourrait le secourir sans fournir à l'agiotage un moyen nouveau. En effet, on vendrait à vil prix, pour se procurer des fonds dont on tirerait des bénéfices considérables, et on les rendrait après deux ans à l'acheteur, en reprenant sa chose.

Lorsqu'on n'accorde que deux mois à des créanciers pour reconnaître si la vente de leur gage leur est préjudiciable, et pour surenchérir, pourquoi accorderait-on deux ans à un vendeur? Six mois devraient lui suffire; mais afin de n'être pas trop rigoureux, on peut lui donner un an

Le citoyen Maleville dit que le délai n'est pas seulement établi pour que le vendeur puisse reconnaître la lésion qu'il a soufferte, mais aussi pour qu'il trouve des ressources avec lesquelles il puisse la réparer. Ce n'est pas parce qu'il a été trompé que la loi le restitue en pareil cas, mais parce que le besoin l'a forcé de donner sa propriété å vil prix.

C'est à tort qu'on a dit que, pendant la durée de l'action, les terres demeurent sans culture : l'acheteur ne doit pas craindre de se livrer aux améliorations, puisqu'il en sera remboursé en cas de rescision.

Le citoyen Jollivet dit que l'acheteur sera toujours très-circonspect, parce qu'il craindra que les améliorations qu'il aura faites ne soient pas estimées à leur juste valeur : la durée de l'action en rescision lui porte donc préjudice.

Le vendeur, au contraire, qui connaît sa chose, ne peut pas se tromper longtemps sur le prix. Il pouvait d'ailleurs, en vendant à réméré, se donner tout le temps nécessaire pour reprendre son bien.

La proposition du citoyen Cretet paraît donc devoir être admise.

Le citoyen Portalis combat cette proposition.

6

Il observe d'abord qu'autrefois l'action en rescision subsistait pendant dix ans, et que c'est en abréger prodigieusement la durée que de la réduire à deux.

Il ajoute qu'elle existera au profit des femmes, des mineurs, enfin de tous ceux que la loi regarde comme privilégiés, et que, par cette raison, elle n'a pas soumis à la prescription ordinaire. Il est difficile de la réduire, à l'égard de toutes ces personnes, à une durée d'un an.

Un absent, par exemple, qui a agi par un fondé de pouvoir, ne peut, dans un délai si court, se procurer les renseignements dont il a besoin pour reconnaître s'il a été lésé.

On objecte que la loi ne donne que deux mois aux créanciers pour surenchérir mais on ne prend pas garde qu'ils n'ont aucune lésion à prouver; qu'ils exercent leurs droits sans rencontrer aucun obstacle; et qu'enfin ce qu'ils obtiennent au delà du prix vendu est en bénéfice pour eux.

Ce qu'on a dit sur les améliorations se tournerait également en objection contre toutes les causes qui peuvent opérer l'expulsion d'un acquéreur. Mais tout acquéreur, s'il est prudent, a soin, lorsqu'il entre en jouissance, de faire constater l'état dans lequel il prend le bien, et alors il ne craint plus de se permettre des améliorations. Quelles améliorations, d'ailleurs, peut-on faire en deux ans? Il faut au moins ce terme, et plus d'une récolte, pour connaître le produit d'un domaine.

Le Premier Consul vient présider la séance. Le citoyen Bérenger répond aux objections du citoyen Maleville. Si le vendeur, dit-il, étant pressé de vendre, n'a pu trouver un acquéreur qui lui donnât un prix plus haut que celui qu'il a reçu, il ne peut pas prétendre qu'il a été lésé. Le bien a été vendu à la valeur qu'il pouvait avoir dans les circonstances; car le cours est la mesure la plus exacte de l'évaluation: autrement il faudrait également soumettre à la rescision les ventes qui sont faites par autorité publique; mais on les en exempte, parce qu'il est évident que lorsque le domaine a été livré au concours des acheteurs, il a été vendu à son juste prix. En général, on confond trop la valeur exacte des biens avec leur valeur relative, qui résulte de la situation des parties. Celui qui retire d'une vente les ressources dont il a besoin dans les circonstances où il se trouve, a obtenu tout l'avantage qu'il voulait s'assurer en vendant.

Le terme de deux ans ne servirait qu'à donner des facilités à la fraude; on en profiterait pour faire valoir le prix qu'on aurait retiré de la vente; et après s'être assuré les bénéfices qu'on espérait de cette spéculation, on reviendrait déposséder l'acquéreur en lui rendant ses fonds, dont on n'aurait plus besoin.

Le citoyen Cretet dit qu'il n'est point touché de ce que le citoyen Portalis a dit relativement aux personnes privilégiées.

Elles méritent sans doute la faveur de la loi; mais la loi a épuisé sa protection à leur égard, lorsqu'elle a entouré les aliénations qui les intéressent des formes propres à les rendre aussi avantageuses qu'il soit possible. Elle peut donc, au delà, les confondre avec les majeurs, et ne leur pas accorder un délai plus long pour exercer l'action en rescision.

Les précautions qu'on a supposé être prises par les acquéreurs, lorsqu'ils entrent en possession, sont très-rarement employées. Sur ce fait on peut attester l'usage. Il y a peu de pères de famille qui

fassent constater l'état dans lequel ils prennent un bien. Ces formalités sont trop embarrassantes et trop dispendieuses, quand on veut les rendre régulières; car un simple procès-verbal fait hors de la présence de la partie adverse, ne forme pas contre elle une preuve complète; il donne seulement le droit de contester ses assertions: ainsi, un acquéreur prudent ne se contentera pas de ces formalités illusoires; il trouvera plus sage de ne point faire d'améliorations.

Le citoyen Jollivet croit qu'un délai d'un an doit suffire à l'acquéreur; car il a encore, pour trouver des ressources, tout le temps que dure la contestation, puisque, pour la commencer, il n'est point obligé de faire d'offres réelles.

Le citoyen Tronchet dit que, loin de trouver le délai trop long, il le trouve au contraire trop court, et qu'il ne l'admet que pour concilier les opinions diverses.

On sera convaincu que ce terme est évidem ment trop court, si l'on jette les yeux sur les diverses classes des vendeurs.

Ce sont des majeurs, dira-t-on : oui, sans doute; mais ce sera un jeune homme de vingt et un ans qui aura sacrifié son héritage à la fougue de ses passions, et qu'un acquéreur avide aura dépouillé.

Ce sera un homme dans le malheur, et que la nécessité aura forcé de vendre. Il est étonnant qu'on dise qu'en aliénant son bien, il se place dans une position meilleure. Quoi! parce qu'à défaut des ressources qu'il espérait, il aura sacrifié sa propriété pour sauver son honneur et se soustraire à la poursuite de ses créanciers, sa situation sera améliorée.

Ce sera une femme qui, n'administrant pas par elle-même, n'aura pas connu la valeur du bien qu'on lui a fait vendre.

Comment toutes ces personnes profiteront-elles de l'action en rescision, si la durée en est abrégée? Ce ne sera pas dans un délai de six mois qu'un jeune homme reviendra de ses égarements, qu'une femme reconnaîtra le tort qu'elle a souffert, qu'un malheureux réparera le désordre de ses affaires.

Mais, dit-on, puisqu'il n'est pas forcé à faire des offres réelles, le délai pour trouver des ressources se prolonge à son égard. Vaine défaite! L'acquéreur, qui connaît la position malheureuse du vendeur, se hâte d'acquiescer à sa demande, bien certain de l'exclure plus sûrement en le réduisant à l'impuissance de rendre le prix.

Autrefois l'action en rescision durait dix ans, et ce terme n'était pas trop long. Maintenant il va être infiniment abrégé; mais si l'on veut l'abréger encore d'avantage, le bienfait de la rescision devient illusoire.

Le Premier Consul propose de fixer le délai à quatre ans, afin qu'un jeune homme de vingt et un ans ait le secours de la rescision jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, c'est-à-dire pendant tout le temps que durait autrefois la minorité.

Le citoyen Cretet demande que, du moins, un délai aussi long ne soit pas accordé à tous les autres vendeurs.

Le consul Cambacérès dit qu'à l'égard du jeune homme de vingt et un ans, la nouvelle jurisprudence abrégera le délai de douze ans, car il ne sera plus restitué après l'expiration de sa vingt-troisième année, tandis qu'autrefois il était restituable jusqu'à l'âge de trente-cinq ans.

On a rétabli l'action en lésion, comme un remède contre l'usure devenue trop commune; il ne faut donc point rendre ce remède inutile, en ne laissant pas le temps d'en faire usage. Déjà on a fait, à l'égard des mineurs et des interdits,

des innovations qui peuvent ne leur être pas avantageuses; du moins faut-il ne pas aller plus loin. Ce ne serait pas trop les favoriser qué de leur accorder l'action en rescision pendant quatre ans. A l'égard de tous les autres, peu importe que le délai soit d'une ou de deux années.

Le Premier Consul dit qu'il ne faut pas perdre de vue qu'en rétablissant l'action en rescision, on s'est surtout proposé de prévenir la lésion. Plus on multipliera les chances défavorables contre celui qui oserait se la permettre, plus on atteindra sûrement ce but. On le manquera, au contraire, si l'on organise le principe de la lésion de manière que dans l'application il devienne illusoire.

Le Consul désirerait que, le délai pût être de quatre ans; dix ans même ne lui paraîtraient pas trop longs: mais puisque la majorité a été fixée à vingt et un ans, et que la loi ne doit pas se contredire, que le délai soit du moins de deux ans.

Le citoyen Jollivet dit que le cas de lésion n'étant pas patent, il est à craindre que les vendeurs, par la menace d'un procès, ne tourmentent les acquéreurs, et ne parviennent à leur arracher des suppléments de prix, sans qu'il y ait réellement lésion.

Le Premier Consul demande si l'on a vu beaucoup d'actions en rescision formées sans qu'il y eût lésion réelle.

Le citoyen Portalis dit que, dans le ressort du parlement d'Aix, on formait rarement de telles actions sans qu'il y eût un juste motif.

Le citoyen Maleville dit que peu de vendeurs ont demandé la rescision sans avoir été réellement lésés. Quand ils ont échoué, c'est parce que la moindre erreur dans l'évaluation ne portait plus la lésion à la proportion exacte de plus de la moitié du juste prix, ou parce qu'en effet la lésion n'avait pas été précisément portée à ce taux; mais en rejetant leur demande, les tribunaux étaient bien convaincus qu'ils avaient réellement souffert une lésion très-considérable et souvent la seule action produisait ce bien que, sans attendre le jugement, l'acquéreur rendait justice au vendeur par un supplément de prix.

Le citoyen Berlier dit que, pour répondre à la demande du Premier Consul, il importe de savoir ce qu'on entend par ces mots lésion réelle.

Si l'on veut dire une lésion quelconque, comme de cinq, dix ou quinze pour cent, le résultat des expertises a pu souvent offrir une lésion de cette espèce; lésion au surplus insignifiante, puisqu'elle n'opérerait pas la rescision du contrat.

Mais si l'on veut parler d'une lésion propre à rescinder le contrat, l'opinant nie formellement que, sur aucun point du territoire, il y eût souvent lieu de l'appliquer. Sur trente actions dirigées vers ce but, il en échouait vingt-neuf : cette considération est l'une de celles qui, dans les précédentes séances, avaient engagé l'opinant à s'élever contre le rétablissement du système dont il s'agit la décision contraire a passé, et il la respecte; mais cela ne change pas la nature des faits.

Le citoyen Defermon dit que, pour éluder la loi de la rescision, il suffira d'exprimer dans l'acte un prix plus élevé que celui qui aura été réellement reçu.

Le Premier Consul dit qu'on attaquerait l'acte comme frauduleux.

Le citoyen Defermon répond que la fraude. serait difficile à prouver.

Il ajoute que d'ailleurs un acquéreur de bonne

foi peut être surpris. Il aura pris chez un notaire chargé de vendre un bien, des renseignements sur le produit; on lui en aura donné d'inexacts; il croira avoir payé le bien son juste prix, et neuf ans après, c'est-à-dire lorsqu'il aura dénaturé ce bien, qu'il l'aura changé de forme et peut-être démembré, on viendra lui dire qu'il valait deux fois ce qu'il l'a payé, et le menacer d'un procès.

Le Premier Consul dit que si le domaine vaut réellement le double de ce qu'il a été acheté, il n'y a pas d'inconvénient que l'acquéreur en complète le prix; car il n'est pas juste que pour enrichir sa famille, il en appauvrisse une autre. Si on voulait le lui faire rendre, on serait injuste; il s'y est établi : mais qu'il paie la différence.

Le citoyen Tronchet s'étonne que, lorsqu'il ne s'agit plus que de régler l'application du principe, on revienne sur le principe même.

On a fait une hypothèse fort extraordinaire, lorsqu'on a présenté un homme qui achète d'après quelques renseignements pris chez un notaire. Ce n'est pas ainsi que traitent ordinairement les acquéreurs; ils examinent avec beaucoup plus de soin, et presque toujours ils se transportent ou ils envoient sur les lieux.

Mais quand il y aurait eu incertitude et erreur, à qui nuisent-elles? A l'acquéreur: qu'il descende dans sa conscience. Plus là loi sera sévère, plus elle sera morale.

Le Premier Consul demande qui est le plus favorable du vendeur ou de l'acheteur: c'est sans doute le vendeur; il a été violenté par le besoin; il a dépouillé sa famille : l'acheteur au contraire était parfaitement libre; rien ne le forçait d'acquérir; il a tous les profits du contrat.

D'ailleurs il ne faut pas toujours voir ici des domaines considérables, des vendeurs opulents: il faut aussi descendre dans les petites familles, dans les petites fortunes qui ne se composent que d'une seule propriété. Celui qui la sacrifie déshérite sa postérité toute entière; il la fait descendre de l'aisance quelconque dont elle était appelée à jouir, pour la réduire à la misère : voilà ce qui n'arrive point à l'acheteur; il ne dépouille point sa famille, il consolide au contraire le patrimoine qu'il lui laisse.

L'article est adopté.

L'article 97 est adopté.

Le citoyen Jollivet dit que cet article est inutile, puisque l'action en rescision pour lésion ne peut être admise que par un jugement.

Le citoyen Tronchet répond que l'article est destiné à avertir le juge qu'il ne doit admettre à la preuve de la lésion que lorsqu'il y a déjà quelque présomption que le vendeur a été lésé. Cette disposition est nécessaire, parce que, dans l'ancienne jurisprudence, il suffisait de se pourvoir au greffe.

Le consul Cambacérès pense qu'on pourrait ramener les dispositions de la section en discussion à un ordre plus naturel.

On pourrait déclarer d'abord que les juges devront examiner par eux-mêmes les circonstances de la cause; et si la lésion leur paraît évidente, prononcer la rescision, sans employer le ministère d'experts. Il y a en effet des cas où l'inspection des titres suffit pour vérifier la lésion, comme dans le cas où un bien est vendu six mois après avoir été estimé à l'occasion d'un partage.

On ajouterait que, si la lésion ne peut pas être vérifiée directement par les juges, ils ordonneront que l'immeuble sera estimé par des experts. On placerait ensuite les articles qui organiseraient l'expertise.

Le Premier Consul dit que la loi doit donner aux juges une règle pour les trois cas suivants : Celui où ils sont convaincus qu'il y a lésion; Celui où ils voient clairement qu'il n'en existe pas;

Celui où ils croient que le fait articulé doit être vérifié par des experts.

Cette proposition est admise et renvoyée à la section.

Les articles 97, 98, 99, 100 et 101 sont adoptés. L'article 102 est discuté.

Le Premier Consul dit qu'il est peut-être trop rigoureux d'imposer à l'acquéreur l'obligation de parfaire le juste prix.

Celui qui a acheté à cinquante pour cent de la valeur n'est point exposé à l'action en rescision; il y est soumis s'il a acheté à quarante. Il semble que c'est mettre trop de différence dans la condition de l'un et de l'autre, que d'obliger ce dernier payer la valeur exacté de la chose. Il paraît mieux de ne lui en faire payer que quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent.

Le citoyen Bigot-Préameneu dit que la disposition est prise dans les lois romaines. Elle est fondée sur ce que, quand la loi intervient pour tenir la balance entre les parties, elle ne peut plus permettre que l'une ait l'avantage sur l'autre.

Le Premier Consul dit que la réponse à ce raisonnement est que, si le vendeur avait voulu tenir rigoureusement au juste prix, l'acquéreur n'aurait pas acheté. Il est donc raisonnable de réduire le juste prix de dix pour cent. Rarement on achète une chose à sa valeur exacte. L'acquéreur, après tout, est venu au secours du vendeur; et celui-ci aurait certainement consenti à recevoir quatre-vingt-dix pour cent de la valeur de son

bien.

Le citoyen Bérenger dit que la section ne peut exciper de la rigueur du principe : elle veut que la lésion soit mesurée sur le juste prix, et cependant elle n'accorde la rescision que lorsqu'il y a une différence de sept douzièmes. Pourquoi cette modification? C'est parce qu'il est difficile de déterminer le juste prix; or cette incertitude doit également engager à ne pas exiger de l'acquéreur la différence exacte.

Le Premier Consul propose d'ajouter à l'article: Le juste prix s'évalue d'après la valeur exacte de la chose, diminuée de dix pour cent.

Le citoyen Tronchet dit que cette déduction est toujours faite dans l'estimation des experts. Le citoyen Treilhard dit qu'il admet tout ce qui peut affaiblir l'action en rescision. Il applaudit en conséquence à l'idée de diminuer de dix pour cent l'exacte valeur de la chose; mais il pense que le but serait encore mieux rempli si l'on n'obligeait l'acquéreur qu'à fournir la moitié de ce qui manque au juste prix.

Le citoyen Bérenger dit qu'il importe de considérer qu'il y a ici deux personnes à indemniser, celui qui à vendu à bas prix, et celui dont la rescision change toutes les convenances, les combinaisons et la situation quant à ses affaires. Le citoyen Bigot-Préameneu dit que c'est toujours offrir une chance et une prime au dol.

Le Premier Consul dit que la déduction d'un dixième ne peut tenter la mauvaise foi, puisqu'il lui est facile de s'assurer impunément des avantages beaucoup plus considérables en achetant le bien à cinquante pour cent.

On ne voit donc plus d'autre motif, pour refuser cette déduction, que le principe très-moral que celui qui achète à vil prix ne mérite ni mônagement ni considération.

Mais il serait injuste d'appliquer rigoureusement ce principe à tous les acquéreurs indistinctement; une telle sévérité ne conviendrait que contre ceux qui, en achetant la chose au-dessous de sa valeur, ont eu l'intention de frauder le vendeur or il y a sous ce rapport des distinctions à faire entre les acheteurs. Il en est qui n'ont pas agi dans des vues aussi coupables, et desquels le vendeur a tiré des secours utiles, qu'il n'a pas cru payer trop cher en faisant des sacrifices sur le prix. Si tous les acquéreurs étaient également odieux, il faudrait casser le contrat; mais comme il y a des nuances qu'il est cependant difficile de fixer, on laisse la chose à l'acheteur, et on ne l'oblige qu'à en parfaire le prix. La proposition du Premier Consul est adoptée. L'article 103 est adopté.

L'article 104 est discuté.

Le citoyen Ségur dit que quoique l'acheteur soit moins exposé à être trompé, la justice semble cependant exiger que lorsqu'il l'a été la loi vienne à son secours.

Le citoyen Jollivet pense que cette protection serait d'autant plus juste que, dans ces derniers temps, on a imaginé une fraude infâme pour surprendre les acquéreurs on leur présente des baux simulés qui donnent au domaine un produit apparent beaucoup supérieur au produit réel.

Le citoyen Tronchet dit que ces manœuvres ne constituent pas une simple lésion, mais le dol et la surprise, qui ne seront pas l'objet du titre en discussion.

A l'égard de l'action en lésion, les lois romaines la refusaient à l'acheteur par la raison que personne n'est forcé d'acheter, au lieu que les circonstances et le besoin des affaires forcent quelquefois de vendre.

Les auteurs ont adopté le système du droit romain. Ils ont pensé que l'acheteur qui mettait un trop haut prix à la chose s'y étant déterminé librement, soit par des raisons solides, ou pour augmenter ses jouissances, avait calculé ses sacrifices et y avait consenti; que dès lors il ne devait être relevé que dans le cas où il aurait été trompé par des déclarations mensongères et par de faux renseignements.

Il y avait diversité dans la jurisprudence.

Le citoyen Portalis dit qu'il avait pensé que l'action en lésion devait être accordée aux deux parties; mais que la section a cru devoir la restreindre au vendeur.

Lui était-elle particulière dans le principe?

On ne peut pas décider cette question par le texte de la loi C, de rescend, vend.; car il faut se rappeler qu'à Rome on rendait des rescrits sur des cas particuliers, et qu'ainsi le silence de la loi ne préjugeait rien contre les cas différents de celui sur lequel elle s'est expliquée. Mais on voit, par d'autres lois, quel était sur la question l'esprit de la législation romaine elles déclarent que toutes les dispositions sur la vente sont communes au vendeur et à l'acheteur.

La jurisprudence était d'abord divisée.

Un arrêt du parlement de Paris, rendu en 1676, et rapporté au Journal du palais, a paru fixer les principes.

On a considéré que toutes les fois que le dol est prouvé par la chose même, la loi ne peut se dispenser de réparer la lésion, de quelque côté qu'elle se rencontre.

L'acquéreur peut sans doute avoir des raisons pour suracheter, savoir qu'il paie la chose au delà de son prix, y consentir librement; mais on

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