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pêcher le retour de ces invasions et pour assurer d'une manière plus complète la défense des Pays-Bas, l'Autriche fit insérer dans le nouveau traité d'alliance, survenu entre elle et la France au mois de Décembre 1758, une disposition d'après laquelle les cent mille hommes de troupes que le roi de France s'engageait à employer en Allemagne, devaient servir à couvrir les Pays-Bas autrichiens. Dans ce second traité il n'est plus fait aucune mention de la neutralité de ces provinces, et si, jusqu'à la fin de la guerre, elles ne devinrent plus le théâtre des hostilités, c'est à la direction que prirent les opérations militaires et nullement à des stipulations de droit public qu'elles le durent.

desquelles elle obtint une capitulation aux conditions qu'elle sortirait avec » armes et bagages, que tout resterait dans la ville sur l'ancien pied, qu'il n'y serait fait aucun changement, tant par rapport au clergé qu'au conseil » et aux magistrats, que la garnison, composée de trois bataillons, évacuerait » la place le soir même. » Plus loin p. 156 on ajoute : « On a ressenti jusque » dans le Brabant et le pays de Liége les suites de l'action donnée le 23 Juin » près de Créfeld entre l'armée française et l'armée des alliés. Un détache» ment de dragons et de hussards de cette dernière, s'est porté le 4 Juillet à >> Tirlemont et à Louvain. Il y a exigé de grosses contributions, et après avoir » tiré de la première une somme d'argent et rien de la dernière, il emmena » en otages deux des membres qui composent le magistrat de Louvain. La » retraite du détachement a été aussi prompte que sa venue, mais il a fait > encore des courses en divers autres endroits et y a jeté l'épouvante. Il en » a été de même dans le pays de Liége. Les Hanovriens y ayant demandé » une forte contribution, les États ont fait partir des députés pour la régler » avec le prince héréditaire de Brunswick, dont le corps occupait pour lors » Ruremonde, Masseyk, Stockheim, Peer et Hamont. Mais tout a été évacué >> en moins de quatre semaines; ce fut en suite d'un ordre arrivé à Ruremonde » le 17 Juillet, que la garnison hanovrienne quitta cette ville vers les quatre » heures de l'après-midi, dans le meilleur ordre et la plus exacte discipline. » Elle s'était d'ailleurs comportée de même pendant le temps qu'elle y a été. » Cependant les rations et portions que Ruremonde a dû livrer aux Hano» vriens avec les frais de transport et plusieurs autres dépenses occasionnées » par le séjour de ces hôtes, surpassent de beaucoup ce que cette ville avec » son district paie annuellement à l'Impératrice-Reine.

III.

APRÈS avoir reconnu que la neutralité de la Belgique, telle que les traités de 1889 l'ont établie, n'a pas d'antécédent dans l'histoire du pays, et que dans le droit public de l'Europe il n'existe point de régime parfaitement analogue, nous allons rechercher les caractères propres de cette condition politique.

Dans toute stipulation du droit public européen, surtout quand cette stipulation est d'une portée générale, affectant les rapports des principales Puissances entre elles, il y a à distinguer deux éléments, dont l'un se rattache toujours au système politique général de l'Europe, tandis que l'autre produit ou règle des relations de droit proprement dit. Ces éléments se trouvent aussi dans le régime d'État perpétuellement neutre, que la conférence a créé pour la Belgique. D'un côté ce régime touche à un principe fondamental du système politique général, à l'équilibre des Puissances; d'un autre côté il impose à la Belgique des obligations et lui donne des droits vis-à-vis de ces mêmes Puissances. Le

but de cet essai est de considérer la neutralité belge sous ce double rapport; dans la première partie de ce travail nous allons nous occuper du caractère politique de ce régime, les deux parties suivantes seront consacrées à l'exposition des droits et des obligations qui en découlent pour le pays.

En cherchant à nous rendre compte du caractère politique de cette neutralité, nous sommes frappés d'un premier fait; c'est qu'il y a dans cette combinaison des Puissances rien d'arbitraire ni d'accidentel. L'indépendance de la Belgique, son érection en État propre une fois admises, et il n'est pas nécessaire de rappeler que cette admission a été le point de départ des négociations dont les traités de 1839 furent précédés, la déclaration de sa neutralité perpétuelle en était la conséquence nécessaire et immédiate. Pour s'en convaincre il suffit de se rappeler les faits.

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La question générale de l'équilibre en Europe se compose d'un certain nombre de questions particulières qui, depuis le 17me siècle, se sont présentées successivement dans toutes les grandes transactions politiques. Parmi ces questions figure au premier rang celle de l'organisation politique des Pays-Bas. Dans toutes les solutions qu'on a essayé de donner à cette question, on est toujours parti du principe qu'il y a impossibilité de concilier avec le maintien de l'équilibre sur le continent la réunion de ces provinces à la France ou à l'Allemagne. Cette impossibilité reconnue, et on l'a solennellement proclamée déjà dans le traité de Nymègue, il ne se présentait qu'un nombre limité de combinaisons, qui, tour à tour, ont été tentées et dont chacune est en rapport avec la situation politique générale de l'époque à laquelle elle appartient. Tant qu'une partie des Pays-Bas, les Provinces-Unies, constituées depuis le 16me siècle en État indépendant, comptèrent au premier rang des Puis

sances maritimes, on pouvait, au moyen d'un régime particulier et en sacrifiant l'indépendance et les intérêts des provinces méridionales, assurer la sécurité de la partie prépondérante, et mettre en ses mains des moyens de défense tels que son existence, si essentielle à la pondération des Puissances, fût à l'abri de toute atteinte. C'était là la pensée politique du traité de la barrière. Ce système avait fait son temps lorsque, pendant la seconde moitié du 18me siècle, la Hollande déchut du rang qu'elle avait tenu avec tant de gloire à côté de l'Angleterre. La révolution française survint et avec elle commença une période de perturbation complète de l'équilibre, par les conquêtes de la république et de l'empire, période qui ne finit qu'en 1815. A cette époque une nouvelle combinaison fut tentée; on forma de la réunion des deux parties, naguère séparées, des Pays-Bas, un royaume assez fort pour maintenir contre toute agression avec les secours de ses alliés, son indépendance et l'intégrité de son territoire. La création des traités de Vienne s'anéantit devant les événements de 1830, dont l'effet le plus immédiat fut de démontrer l'impossibilité de maintenir l'union des deux éléments dont se composait ce royaume. Les Puissances se trouvèrent alors dans la nécessité de choisir entre le partage de la Belgique ou la reconnaissance de son indépendance et de sa nationalité propre, seules solutions qui n'eussent point encore été essayées jusque là. Elles ont pu s'arrêter un instant à la première combinaison, mais il est certain que l'idée de morceler la Belgique et de la partager entre la Hollande, la France, la Prusse et l'Angleterre fut bientôt abandonnée. Et elle dut l'être, car sa réalisation est impossible. Ce n'est pas qu'on n'y ait songé, et sérieusement songé, à plusieurs reprises (1), la volonté n'en a pas manqué aux intéressés et plus

(1) Voyez sur les projets de partage conçus par le gouvernement autrichien, SCHOELL, Histoire des Traités I, 341, éd. de Bruxelles; et CoxE, Histoire de

d'une fois même les circonstances, la situation générale, paraissaient s'y prêter; mais toujours un obstacle de la plus grande puissance, l'intérêt européen s'y est opposé. Cet intérêt ne permet point qu'une ou plusieurs des grandes Puissances acquièrent en Europe des agrandissements de territoire sans que les autres obtiennent des accroissements équivalents. Dès lors, où trouver, dans le morcellement de la Belgique, la part de l'Autriche et de la Russie, et comment admettre que l'Angleterre puisse s'établir sur l'Escaut, quand l'occupation de ce fleuve par une Puissance intermédiaire est pour la France, au même degré que pour l'Allemagne, une nécessité qui n'admet point de transaction? Nous le répétons, à moins d'événements qui changeraient la face des choses et qui feraient entrer la politique européenne dans une voie diamétralement opposée à celle qu'elle suit depuis trois siècles, le partage de la Belgique est impossible; car il détruirait l'équilibre entre les Puissances au lieu de l'assurer, et rendrait impossible pour toujours l'obtention du but, en vue duquel toutes les combinaisons dans la question des Pays-Bas ont été tentées.

L'idée du partage écartée, il restait comme dernière combinaison, l'indépendance de la Belgique, sa constitution comme État propre. Une fois décidées à l'adopter, les Puissances durent chercher à accorder cette solution avec l'intérêt et les exigences de l'équilibre, qui formait le point prépondérant dans cette question. La constitution de la Belgique comme État indépendant, sans garanties spéciales pour le maintien de cette indépendance dans toutes les éventualités, aurait compromis les intérêts de l'équilibre au lieu de les assurer. État de second ordre,

l'Autriche, t. 4, ch. III, note 9. Sur ceux agités à la conférence de Londres, Voyez NOTHOмB, Essai, p. 134, et la traduction allemande de cet ouvrage publiée par M. MICHAELIS, p. 110, note.

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