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été remises le 9 novembre aux commissaires français, par l'amiral Cochrane, qui en avait retiré les garnisons anglaises; elles ajoutent qu'à cette époque, dix-huit bâtimens partis de France y étaient arrivés.

-Le consul de S. M. Britannique à Naples vient d'informer le consul de Livourne, que le dey d'Alger avait déclaré la guerre à Buonaparte, et ordonné à ses croiseurs de capturer tous les bâtimens qui seraient rencontrés à la mer sous son pavillon.

VARIÉTÉS.

Sur les fusils inventés par Pauly. Quelques personnes me sauront peut-être gré de leur dévoiler le mécanisme des fusils inventés par Pauly; il m'est d'autant plus facile de satisfaire leur curiosité, que le seul fusil de cette espèce qu'il y ait à Lyon, est à ma disposition. Il a été essayé, il y a peu de jours, aux Broteaux, en présence de plusieurs amateurs, aux désirs desquels a cédé l'un des chefs de la manufacture; cet essai sera bientôt répété. On a été surpris des avantages multipliés que présentent ces armes, et on ne doute pas que par la suite, elles ne soient les seules auxquelles les chasseurs aient recours. Déjà les personnes qui s'en sont servies ne veulent plus revenir aux fusils ordinaires.

Pour les charger, on lève une bascule à laquelle la culasse est fixée; une cartouche est placée dans le canon, près de la culasse; un grain de poudre, qu'on met dans le trou d'une rosette, derrière la cartouche, sert d'amorce; on baisse la bascule,

on arme et on tire.

Voici ce qui se passe : la platine pousse rapidement un piston qui se meut dans un cilyndre; l'extrémité du piston frappe avec force le point de la rosette, sur lequel est placé le grain de poudre; cette poudre, composée de charbon, de soufre et de muriate suroxigéné de potasse, de telle manière, qu'elle ne peut être enflammée que par la percussion forte de deux métaux, s'enflamme; la fiamme est portée par une ouverture au centre de la cartouche, et le coup part rapidement.

Ces fusils n'ont donc ni pierre, ni batterie, ni bassinet, ni lumière, ni baguette; aussi ils ne ratent presque jamais; ils ne peuvent faire long feu, ni brûler amorce. La poudre ne se mouille point; on peut chasser à la pluie; ils sont plus promptement chargés, et ils peuvent être mis entre les mains des enfans, sans danger,

On ne doit pas confondre ces fusils avec les armes dangereuses de Prélat: faciles à décharger, on n'a point à redouter ces évènemens malheureux qui ont affligé plus d'une famille, et causés par des fusils chargés depuis long-temps, placés dans des mains imprudentes.

Ils sont faciles à nettoyer, puisque le canon est

ouvert par ses deux extrémités; à l'instant où le coup part, aucune fumée ne cache au chasseur la pièce de gibier, il peut la suivre et la voir tomber.

Le succès couronnera donc toujours l'adresse du chasseur; il est vrai que dans ses jours malheureux, il ne pourra plus accuser une mauvaise pierre, une batterie mal trempée, un bassinet mal fait, ou une lumière bouchée; mais on sait que le chasseur a l'imagination vive, et il ne manquera pas de prétexte. TR. M.

Le Dimanche, ou la Récréation de la Jeunesse.

:

Encore un nouveau journal: son titre, le Dimanche, annonce qu'il ne paraîtra qu'une fois par semaine. Son format n'est ni le grand in-folio du Moniteur, ni l'in-folio ordinaire de la plupart des feuilles quotidiennes, ni l'in-4.° des Petites Affiches, ni lin-8.° du Mercure ; c'est le petit in-12. Le premier N.o du Dimanche, qui a pour second titre Récréation de la Jeunesse, comprend dans 24 pages un prospectus où l'on apprend que M.mes Dufresnoy et de Beaufort - d'Hautpoul, MM. le Bailly, Justin Gensoul et Armand-Gouffé, se sont réunis à M. Lablée, pour publier des contes et des historiettes, des fables, des romances et des chansonnettes, des drames et des énigmes pour récréer la jeunesse des deux sexes. Cette entreprise est innocente et peut être utile. Le prospectus est suivi de la description du sacre de Louis XVI, par Marmontel; d'une jolie fable de M. le Bailly; des étrennes de Geneviève, historiette par M.me la comtesse de Beaufort - d'Hautpoul; d'une ronde de M. Armand-Gouffé; de deux petites anecdotes; de stances touchantes à un ami sur la mort de sa mère, par M. Barjaud; d'une énigme, d'une charade et d'une liste d'ouvrages qui peuvent être donnés en étrennes à la jeunesse. Le Dimanche est précédé d'une gravure bonne des enfans (1). pour

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JOURNAL DE LYON,

OU

BULLETIN ADMINISTRATIF ET POLITIQUE

DU DÉPARTEMENT DU RHÔNE.

PRÉFECTURE DU RHONE.

Lyon, le 7 janvier 1815.

LE CONSEILLER-D'ÉTAT, PRÉFET DU RHÔNE, A MM.les maires des communes de ce département. M. le maire, j'ai l'honneur de vous adresser l'ordre de Son Exc. le ministre de la guerre, en date du 26 décembre dernier, relatif au complètement de l'armée sur le pied de paix. Je vous prie de vouloir bien donner, dans votre commune, la plus grande publicité à cet ordre, dans lequel vous et vos administrés verrez une nouvelle preuve de la sollicitude paternelle du Roi pour tout ce qui tend au bonheur de son peuple. Vous remarquerez l'intérêt touchant que S. M. daigne prendre au sort des militaires qui pouvaient être utiles à leurs familles, ou qui ont, par de longs services, suffisamment payé leur dette envers la patrie. Un grand nombre de ces derniers viennent d'être renvoyés dans leurs foyers; beaucoup d'antres encore obtiendront la même faveur, aussitôt que les militaires rappelés auront rejoint leurs drapeaux.

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Toujours plein de confiance dans votre zèle pour le bien public, et dans votre attachement au Souverain, je ne vous renouvellerai point, M. le maire, l'invitation renfermée dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 2 du présent mois, relativement aux militaires de votre commune, qui sont dans l'obligation de retourner sous leurs drapeaux. Déjà, je n'en doute pas, vous avez fait entendre à ces militaires le langage de l'honneur, et vous les avez facilement pénétrés de la nécessité de se diriger, sans le moindre retard, sur les corps qui leur ont été assignés. Mais j'aime à croire que le sentiment seul de leur devoir les portera à l'obéissance; et je me plais à penser aussi qu'ils joindront à ce sentiment ceux de la reconnaissance et du dévouement pour le Monarque bienfaisant dont la première pensée

est pour les braves qui font l'honneur et l'appui de la France.

Recevez, M. le maire, l'assurance de ma parfaite considération.

COMTE DE CHABROL.

Lyon, le 13 janvier 18:5,

Messieurs, l'uniformité des poids et mesures 'établis en France, est une de ces institutions d'une utilité publique trop évidemment reconnue pour qu'elle ne fût pas définitivement conservée. Les doutes qui avaient pu s'élever à ce sujet ne sauraient subsister aujourd'hui, S. M. ayant décidé, le 4 juillet dernier, que l'établissement du système métrique serait continué sur le plan qui avait été suivi jusqu'à présent.

Appelés, MM., par la nature de vos fonctions à contribuer à l'adoption prompte et entière de ce nouveau système, et à surveiller l'exécution de toutes les dispositions qui s'y rattachent, j'ai pensé qu'il était essentiel que vous fissiez connaître à vos administrés tous les avantages qu'ils trouveront à se conformer aux lois et règlemens rendus sur cette branche importante de l'administration.

Veuillez, en conséquence, leur rappeler le texte du décret relatif aux mesures usuelles, les informer que les intentions précises du Roi sont que çes mesures soient désormais les seules dont on se serve en France, et les prévenir que, comme par le passé, je ferai procéder à la vérification annuelle prescrite par les règlemens.

Je compte, MM., sur votre zèle ordinaire à seconder toutes les vues utiles, pour suivre avec exactitude l'exécution des dispositions ordonnées par le Roi, et presser l'établissement, dans votre commune, du nouveau système dont S. M. a reconnu toute l'utilité. Il est d'autant plus important que vous vous occupiez sans délai de ces dispositions, que je me verrals avec peine forcé de sévir contre ceux de vos administrés qui conti

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1. Celles pour les royaumes d'Espagne et de Portugal, et pour toutes les possessions qui dépendent de ces deux royaumes, ainsi que pour Gibraltar;

Et 2.0 celles pour les duchés de Parme et de Plaisance, pour le Milanez, le Bolonais, le Ferrarais; pour les duchés de Modène et de Mantoue, pour l'état Vénitien, le Bergamasc, le Bressan, le Véronais, le Vicentin, la marche Trévisane, le Frioul, le Padouan, le Tyrol, l'Istrie, la Dalmatie et le territoire de Raguse.

Sans cette formalité, les lettres et paquets pour ces divers états étrangers ne pourraient être expédiés à leur destination.

Les courriers, pour l'Italie septentrionale, partiront les mardi et vendredi, et le vendredi seulement pour la Toscane, Rome, Naples et la Sicile.

Lyon, le 13 janvier.

Voici la pétition que la garde lyonnaise à cheval a adressée à M. le lieutenant-général comte de Précy; nous éprouvons un véritable plaisir à consigner dans cette feuille un témoignage aussi honorable pour le digne magistrat qui en est l'objet.

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Elle vient donc vous supplier, M. le lieutenantgénéral, de solliciter de la bonté du Roi qu'il daigne lui conserver pour colonel M. le comte de Fargues.

Ce vou, placé sous vos auspices, acquiert des titres au succès; et la garde nationale, si fière de son général, se plaira à lui devoir autant de reconnaissance qu'elle a pour lui de dévouement. Agréez, M. le lieutenant-général, etc. »

(Suivent les signatures.)

Un des derniers N.os du Journal général de médecine contient la note suivante, qui intéresse un de nos concitoyens les plus distingués: nous nous empressons de la communiquer à nos lecteurs. On se souvient que M. Saissy a été couronné, il y a quelques années, par l'Institut.

La Société royale de médecine de Bordeaux avait proposé, l'année dernière, pour sujet d'un prix de la valeur de 500 francs, la question

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suivante :

Exposer les signes, les différences, les causes et le traitement des maladies de l'oreille interne.

Deux mémoires ont été envoyés au concours. Celui qui est enregistré sous le n.o 2, ayant pour épigraphe: Non fingendum, sed inveniendum, est l'ouvrage d'un bon praticien, qui a vu et traité avec succès les maladies dout il parle. L'auteur discute avec beaucoup de sagacité et de jugement les observations des autres, et présente les sieunes d'une manière qui laisse très-peu de choses à désirer sous le rapport de la clinique; il attache beaucoup d'importance aux faits qui prouvent l'utilité des injections, et à l'instrument qu'il propose pour sonder la trompe d'Eustache, par la voie des narines, daus certaines maladies de l'oreille interne. C'est à l'expérience, souvent répétée, ainsi que le voulait flippocrate, à prononcer sur ce sujet. Ce mémoire, d'ailleurs, est riche en observations, et prouve tout-à-la-fois Phabileté et la saine érudition du praticien qui l'a composé. La Société royale lui adjuge le prix. L'auteur est M. J.-A. Saissy, docteur - médecin à Lyon.

Uniquement occupé de la félicité publique, le Nous touchons à un anniversaire qui renouRoi vient de donner une nouvelle marque de sa bienveillante sollicitude pour sa bonne ville de Lyon, en appelant aux fouctions de maire M. le comte de Fargues.

Placée sous ses ordres, la garde nationale à cheval peut apprécier déjà tout ce que la cité doit attendre de la bonté, des lumières et des rares qualités de son nouveau magistrat; mais un sentiment de crainte se mèle pour elle à la satisfaction que fait naître un si digue choix. M. le comte de Fargues est son colonel; il la commande depuis sa formation; c'est à ses soins qu'est due l'instruction qu'elle a reçue; elle eut toujours à se féliciter de l'avoir pour chef; aussi éprouverait-elle en le perdant les regrets les plus vifs.

vellera la juste douleur de tous les Français, celui du 21 janvier, jour de funeste mémoire, où le meilleur des Rois qui ait été donné aux hommes tomba sous la hache des assassins. C'est la première fois, depuis 22 ans, qu'il nous est permis de solenuiser ce jour de deuil et de laimes, par des témoignages publics d'expiation. Toutes les églises de Fiance vont retentir de chants funèbres. MM. les vicaires-généraux du diocèse Ide Lyon ont adressé aujourd'hui une circulaire à ce sujet, à MM. les chanoines, curés et autres prêtres du même diocèse : nous l'insérerons dans le prochain N.o On annonce que M. Bonnevie prononcera un discours dans l'église primatiale de St. Jean, et M. Guyon, dans celle de St. Nizier.

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Au milieu de ce beau siècle de Louis XIV, qui, malgré les attaques impuissantes de quelques esprits systématiques, sera toujours regardé comme la plus brillante époque de la gloire nationale; parmi cette foule de poetes et de prosateurs célèbres, s'empressant à l'envi de seconder la noble passion d'un grand Monarque pour les lettres, les sciences et les arts; dans le temps où Pascal, Bossuet, Fénélon, Corneille, Racine, Molière et Despréaux étonnaient leurs contemporains par ces productions immortelles du génie, devenues l'orgueil de la France et l'admiration de la postérité; un homme simple et modeste, plein de candeur et de bonhomie, doué d'un talent prodigieux, mais l'ignoraut lui-même, et n'ayant rien dans son extérieur ni dans ses manières qui pût l'indiquer aux autres; La Fontaine, puisqu'il faut l'appeler par son nom, enfanlait naturellement et saus efforts cette longue suite de chefs-d'œuvre, véritables ornemens de la mémoire, ces fables ingénieuses, que l'enfance et l'âge mûr trouvent un charme égal à lire et à réciter sans cesse. Boileau, ordinairement si juste appréciateur du mérite, avait méconnu celui du bonhomme; on regrette avec raison qu'il n'ait pas consacré, dans son Art poétique, une place honorable à l'apologue, et à l'auteur charmaut qui, le premier, cultivant parmi nous cette branche de littérature, est jusqu'ici demeuré sans rivaux, et vraisemblablement n'en aura jamais.

Ce n'est pas que La Fontaine n'ait eu un trèsgrand nombre d'imitateurs: on peut assurer, au contraire, que nulle palme n'a été plus disputée. Beaucoup de poetes, qui d'ailleurs n'étaient pas dépourvus d'esprit et de talent, se sout lancés avec ardeur dans la nouvelle carrière; ils ont essayé de marcher sur les traces de celui qui l'avait ouverte avec tant de bonheur; et leurs inutiles efforts ont prouvé chaque jour davantage combien le modèle parfait qu'ils avaient devant les yeux était inimitable.

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ignoré que ses successeurs possède une certaine facilité qui plairait davantage, si elle n'était presque toujours employée à des peintures grossières et indécentes: on dirait qu'il a pris à tâche de placer dans toutes ses fables quelques-unes de ces expressions de mauvaise compagnie, si communes avant Molière, et dont ce grand homme lui-même n'a pas entièrement purge ses premières comédies :

Le latin dans les mots brave l'honnêteté;

Mais le lecteur français veut être respecté.

La simplicité est sans doute la qualité la plus précieuse que l'on puisse apporter dans la composition de l'apologue; mais lorsqu'elle marche seule, elle dégénère bientôt en défaut, et c'est le reproche qu'on adresse à Richer, dont le style est pauvre et sans couleur.

Un écrivain bien connu, doué de beaucoup d'esprit, mais qui n'avait que de l'esprit, Lamotte, sans être poëte, s'est exercé dans presque tous les genres de poésie. Mauvais traducteur d'Homère, qu'il méprisait, il a fait des comédies, des tragédies, des opéra, des pastorales; ici nous ne parlerons que de ses fables, qui lui ont acquis une assez grande réputation, quoique le caractère de son talent semblat devoir l'écarter de la lice. Lamotte manquait essentiellement de naturel et de goût; aussi sa versification est-elle dure et rocailleuse. Recherché dans ses expressions, il se livre habituellement à de longs préambules, qu'il ne sait pas rendre agréables par le charme d'une narration facile et coulante. Quand il veut avoir de la gaité, sa gaîté est forcée : il brille principalement par l'inventi.

Pesseliers'est appliqué minutieusement à choisir des rimes riches, ce qui le rend fastidieux: il n'est pas non plus exempt d'affectation.

Le nom de Dorat suht pour donner l'idée du style précieux par excellence: tous ses ouvrages sont empreints de ce jargon de ruelle, de cette enluminure moderue qu'il a si long-temps mise à la mode. Ses fables roulent, pour la plupart, sur des sujets qui tiennent à la toilette des femmes : ce sont l'éventail, le miroir, les pantouffies, etc., qu'il fait converser ensemble, et à qui il prète son langage fade et maniéré. Inbert, disciple de Dorat, joint aux défauts de cette école un ton de philosophie froide et sentencieuse, absolument contraire au geure de l'apologue.

Les fables de Nivernois eurent du succès pendant la vie de l'auteur ; il les lisait dans les sociétés, et en publiait quelques-unes dans les recueils périodiques. A quatre-vingts ans, il les fit imprimer, et leur apparition produisit le même effet que celle de l'Art d'aimer, de Bernard, et de tant d'autres ouvrages qu'il est inutile d'exhumer. Minuit præsentia famam.

Loin de nous la pensée de déprécier le mérite de l'abbé Aubert! cet auteur estimable se recom

mande sur tout par ses fables; il en a une vingtaine qui sont excellentes. Mais ne peut-on pas dire qu'elles sont presque toutes des sermons; qu'en général, elles manquent de poésie, et que la négligence des rimes y est trop fréquente? On en trouve un certain nombre où figurent des personnages qui ne semblent pas faits pour l'apologue, par exemple : l'extrait baptistaire et le billet d'enterrement, etc.

Nous n'avons plus à parler que de Florian, qui marche le premier, sans contredit, après La Fontaine. Ce poëte aimable, enlevé aux lettres par une mort prématurée, à la suite des troubles révolutionnaires, se distingue par une harmonie enchanteresse et par un naturel charmant, dont jusqu'à lui aucun autre fabuliste n'avait trouvé le secret. Peut-être n'a-t-il pas mis assez de variété dans le choix de ses sujets; mais un défaut si léger ne vaut pas la peine d'être remarqué.

Nous avons un grand nombre de fabulistes vivans: MM. Vitalis, Ginguené, Arnault et Le Bailly sont les plus connus. Chacun d'eux a déployé plus ou moins de talent pour l'apologue : on pourrait même citer quelques-unes de leurs productions en ce genre, qui réunissent les quaTités nécessaires; mais ces exemples sont rares, sur-tout chez les deux premiers. Au reste, nous n'entreprendrons pas de déterminer le rang qu'ils doivent occuper.

La tâche que nous avons à remplir en ce moment se borne à rendre compte du nouveau recueil de fables que M. Jauffret vient de mettre au jour. Nous avons cru devoir faire précéder cet examen de quelques réflexions sur les fabulistes : c'est au lecteur à juger si une telle digression était inutile.

Les fables de M. Jauffret, divisées en dix livres, contiennent deux cents pièces : c'est le plus grand travail qui ait été fait depuis La Fontaine; c'est le fruit de plusieurs années de la vie d'un littérateur connu dès son aurore par de brillans succès. A peine âgé de vingt ans, il avait publié les Charmes de l'Enfance et les Plaisirs de l'Amour maternel; et ces idylles charmantes, dont plusieurs éditions, rapidement enlevées, attestent suffisamment le mérite, avaient donné une haute idée de leur jeune auteur. Depuis, il s'était livré à la composition de quelques écrits estimés sur l'éducation, et, muet sous la longue tyrannie qui vient de finir, il s'occupait en silence de l'ouvrage qui doit mettre le sceau à sa réputation, et faire vivre son nom dans l'avenir. Ses apologues retracent, en divers endroits, l'époque désastreuse de leur naissance, et les tristes souvenirs qui remplissaient l'ame d'un homme sensible aux maux de sa patrie. La censure de Buonaparte se serait certainement opposée à leur publication.

La moitié au moins des sujets qu'a traités M. Jauffret est entièrement de son invention : il a puisé le reste dans des sources ignorées du vul

gaire; et ce qu'il a emprunté aux anciens, il l'a heureusement embelli de toutes les richesses d'une riante imagination. Sa poésie est facile et natirelle, sans tomber dans le trivial et dans la bassesse; quelquefois des peintures graves et sublimes succèdent à des tableaux gracieux; une gaîté piquante et de bon goût préside à sa composition, toujours sage et correcte; enfin, le lecteur se promène agréablement dans un vaste jardin où brillent à l'envi les fleurs les plus belles et les plus variées.

L'auteur a dédié son recueil à MADAME, dans une épître charmante qui orne le frontispice du premier volume. « C'est mettre la morale, a dit un célèbre critique (M. Dussault), sous la protection de ce qu'il y a de plus auguste et de plus vertueux sur la terre. » En transcrivant ici celte jolie pièce, nous croyons offrir une double jouissance aux Lyonnais, qui ont possédé au milieu d'eux la fille des Rois, et qui retrouveront leurs propres sentimens dans ceux que M. Jauffret a si noblement exprimés.

A S. A. R. MADAME, duchesse d'Angoulême. De toutes les vertus rare et parfait modèle, Toi qui joins tant de grâce à tant de majesté, Princesse, à ce tribut d'une muse fidèle

Accorde un regard de bonté.

Ami paisible de l'étude,

Et fuyant l'œil des oppresseurs,

Quand d'autres briguaient les honneurs,

Moi, je cherchais la solitude.

Là, squs les traits des loups, destructeurs des troupeaux,
Je peignais les tyrans auteurs de tous nos maux;
Sous les traits des renards, ceux qui flattaient les crimes;
Et, sous l'emblême des agneaux,

Je représentais les victimes.

Quel heureux temps succède à ces longs jours d'effroi !
La fille de Louis, en secret désirée,
Revient, après vingt ans, triomphante, adorée,
Ramenant aux Français leur légitime Roi,

Ange de paix et de clémence,

Un généreux pardon signale ton retour :
La crainte, dans les cœurs, a fait place à l'amour;
Le siècle du bonheur commence.

Ceux qui ne connaissent pas encore les fables de M. Jauffret, seront portés à croire qu'un éloge si complet nous est inspiré par l'amitié : ils seront bientôt détrompés, en se procurant le plaisir de les lire eux-mêmes. Dans un second article, nou's ferons quelques citations qui serviront à éclairer notre jugement, et nous ne doutons pas que T'opinion publique ne soit en tout point conforme à la nôtre.

De l'imprimerie de BALLANCHE, aux halles de la Grenette.

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