REVUE DE L'ORIENT ET DE L'ALGÉRIE. RECUEIL CONSACRÉ A LA DISCUSSION DES INTÉRÊTS DE TOUS LES ÉTATS ORIENTAUX DE L'INDE ET DE L'OCÉANIÈ. BULLETIN ET ACTES DE LA SOCIÉTÉ ORIENTALE, Fondée à Paris en 1841. REDACTEUR EN CHEF, M. O. MAC CARTHY, Secrétaire général de la Société. TOME SECOND. STON HERAR, NEW-YORK PARIS, CHEZ JUST ROUVIER, LIBRAIRE, EMPIRE OTTOMAN. DE L'ÉDUCATION PREMIÈRE DANS L'EMPIRE OTTOMAN ET DE SES CONSÉQUENCES. Les plus simples notions d'économie politique suffisent pour faire apprécier les difficultés de l'administration gouvernementale en Turquie; mais au milieu de ces institutions vicieuses, au milieu du peu de solidarité que présente l'ensemble de la nation entièrement divisée par les différences de cultes et l'inégale répartition des priviléges et impôts, il en est une autre qui ne s'aperçoit qu'après avoir assez longtemps vécu parmi ce peuple : c'est l'éducation première. Il ne sera peut-être pas sans intérêt d'en faire ressortir les défauts et de signaler les conséquences qui en résultent pour la masse du peuple. Il importe de préciser l'état moral actuel de la société en Turquie, pour que les améliorations que médite en ce moment S. A. Réchid-Pacha ressortent davantage. En s'efforçant de répandre l'instruction en Turquie, le grand-visir et S. E. Aali-Effendi ont manifesté les bonnes intentions qui les animent, et prouvé qu'ils ont aperçu le seul moyen de paralyser les fâcheuses conséquences de l'éducation première. On appréciera d'autant plus les bons résultats de leurs efforts, que l'on saura mieux combien sont grandes les difficultés qu'ils auront vaincues. L'enfance de l'osmanli se passe presque exclusivement dans le harem, sous la direction de sa mère, en compagnie des autres femmes du maître de la maison, s'il est polygame. La femme turque n'a pas d'autre occupation que sa toilette. Ses journées se passent dans l'oisiveté la plus complète. Peut-elle inculquer à son fils des idées d'ordre et de travail? Non, car elle a horreur de tout cela; ses esclaves la délivrent de tous les soins domestiques. Elle n'est souvent elle-même qu'une esclave achetée au bazar, élevée à la dignité d'épouse par le caprice du maître de la maison. Le langage qu'on tient dans le harem est trèspeu gazé. L'avortement volontaire est une coutume usitée dans les familles, et on en parle sans se gêner. Certains juifs ont pour métier de vendre des drogues qui causent l'avortement. On a vu des femmes turques en plein jour, au milieu du bazar, injurier et battre de leurs babouches des juifs qui leur avaient vendu les ingrédients destinés à les faire avorter, et qui avaient manqué l'effet attendu. Quelles sont les ressources de son mari? La femme n'en sait rien; ses désirs se bornent à posséder des bijoux, des châles, c'est là le sujet de sa conversation et l'objet de ses pensées. Mais s'il y a plusieurs femmes dans le même harem, alors ce sont autant de camps ennemis, d'où on fond sur les richesses du maître. Tous les moyens sont bons pour parvenir à s'emparer de l'esprit de ce seigneur et maître, et à acquérir, par suite, ses biens, objet de toutes les convoitises. La fortune d'un Turc ne se compose guère que de bijoux et d'argent comptant; il n'a nul souci d'acheter des immeubles. Les inconvénients attachés à l'agriculture, dont nous parlerons plus tard, le danger des incendies pour les maisons, la difficulté de sauver les meubles dans ce cas, sont cause qu'il pense plutôt à acheter des diamants et des perles, qui sont toujours faciles à emporter. La |