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lesquels il arrivait; à ces temples qui avaient si souvent retenti et des louanges de l'usurpateur et des imprécations contre l'auguste famille de nos rois. Il prie avec les novateurs! il s'unit aux pieds des saints autels aux hommes infideles également à leur Dieu et à leur Roi. Ces hommes sont accueillis, honorés par le monarque. Le clergé fidele n'est pas écarté; car des hommes de ce caractere ne s'empressent pas, ne briguent point les faveurs; mais il est négligé. Sous le roi légitime, aux prisons près, il est comme sous l'usurpateur, obligé de cacher sa foi et de se couvrir de l'ombre du mystere, son zele et les serviccs qu'il continue de rendre à la religion. Quelques-uns de nos freres, trompés par l'idée qu'ils devaient avoir de la foi du souverain, commencent à evangéliser publiquement les peuples, dans le diocese le plus fidele et le mieux conservé de toute la France. L'intrus de ce diocese les dénonce; et le ministre du roi, un prêtre, un ancien agent du clergé de France, les réprimande et les menace! Quand le ministre prend ainsi en main, contre ces prêtres, la cause du nommé Paillou, évêque concordataire de la Rochelle, a-t-il oublié qu'il existe un evêque légitime de la Rochelle, prélat vénérable avec lequel ce clergé a toujours été uni très-étroitement pour ses vertus et pour son titre? Ou le ministre compte-t-il aujourd'hui pour rien les imprescriptibles droits qu'il eut nagueres défendus avec autant de force que d'éloquence?

Les novateurs, abattus à la seule nouvelle du retour du roi, se relevent avec assurance et prennent une attitude fiere et hautaine. Ils craignaient pour leurs nouveautés qu'ils ne peuvent se dissimuler, la présence du roi très-chrétien. Dès qu'ils le virent avec eux, non-seulement ils cesserent de craindre, mais ils devinrent insolents envers nous. Fait singulier, renouvelé en bien des endroits et qui Un curé annonce caractérise cette espece d'hommes. publiquement en chaire le rétablissement prochain de la religion, en publie la nécessité, et se réjouit de cet heureux événement. Quinze jours après, le même curé, dans la même chaire, en présence des mêmes auditeurs, ne rougit pas de déclamer violemment contre les prêtres séparés et de vanter la légitimité de la prétendue restauration qu'ils n'ont pas acceptée. La connaissance du devoir du roi, et celle de sa conduite produisirent ces deux effets. Mais cette conduite du roi, à l'égard de la nouvelle église, était encore commandée par la secte des jacobins, et une condition de

son rappel. Depuis quelques années elle était en négociation et en perspective. De là ce changement secret que l'on nous marquait de Londres: changement caché sous un prétendu amour de la paix et de la tranquillité dans une nation étrangere. Quelques-uns des évêques, nous disait-on encore, ayant l'œil sur la cour et voulant s'y conformer, montrerent un affaiblissement déplorable qui sera bien funeste à la religion en France, s'il n'en cause pas la perte entiere.

"Scandale énorme! Quelques évêques de France, ceux là même qui avaient condamné les constitutionnels; qui avaient réclamé contre les nouveaux efforts pour détruire enfin l'église gallicane; qui nous avaient soutenu dans notre opposition; qui avaient réveillé, éclairé, encouragé notre zele; quelques évêques de l'ancienne et immortelle église gallicane sortent d'un exil de vingt-deux ans pour venir s'amalgamer avec les constitutionnels, avec leurs partisans qui se sont unis à eux, avec les usurpateurs de leurs siéges, avec des hommes dont le dogme principal est que ces évêques ont été validement destitués par le Pontife menacé et contraint! Voilà, Monsieur, ce que l'on aura peine à croire, ce qui s'est réalisé à nos yeux.

On croira encore moins qu'un de ces évêques, pour complaire à la cour, ait osé écrire contre un clergé qui s'est dévoué pour le roi, parce que la fidélité au souverain fait une partie essentielle de la morale évangélique, et que ce clergé s'est toujours fait un point de conscience d'être aussi exact observateur de la morale qu'inébranlablement attaché à la foi. Je ne parle en ce moment que de cet article. Que serait-ce si je inettais tous les autres sous vos yeux? Cet évêque que, par respect, je ne nomme pas, a dit dans la réalité au nouveau clergé de France: "Vous avez bien fait d'applaudir à notre destitution; de vous séparer de communion avec vos évêques légitimes; de n'avoir aucun égard pour les réclamatious que j'ai signées; de consacrer la spoliation de l'église, la confiscation des particuliers pour leur fidélité, l'usurpatiou du trône et tant d'autres actes également injustes; enfin de prêter votre ministere à la ruine de la constitution de l'Eglise, aux atteintes qui ont été portées aux promesses divines, et par là au total anéantissement de l'église gallicane que je défendais pendant que vous le frappiez à mort par l'endroit le plus sensible.' Il nous dit, à nous prêtres séparés, pour ne vous être pas réunis aux novateurs condamnés par nous, par Pie

V1 et par l'église universelle, pour avoir obéi à nos réclama tions, pour être restés fideles à tous les anciens principes et n'en avoir pas changé avec les circonstances et en vertu des circonstances; pour avoir inconsidérément résisté à l'injustice, à la destruction de l'église gallicane, à l'usurpation du trône, ainsi qu'aux autres crimes. J'ajoute aux peines temporelles que le tyran vous a fait déjà souffrir, le juste châtiment des peines spirituelles; vous êtes duement atteints et convaincus d'être tous à la fois, hérétiques et schismatiques.

"Nous avons répondu à ce prélat; nous avons protesté de toutes parts contre la réunion de ses collegues. On assure que la réponse et les protestations ont fait sur les évêques une profonde impression. Ce récit est croyable. Nous n'avons réfuté leur conduite et leur lettre que par leurs propres écrits. Nous les avons opposés eux-mêmes à euxmêmes; et l'opposition est irrésistible.

Je demandai alors à ce prêtre, dont je ne pouvais m'empêcher d'admirer le courage et la fermeté, si en France il y en avait beaucoup qui lui ressemblassent? il me répondit: "Il y a peu de dioceses qui n'en aient un certain nombre, mais les dioceses où il s'en trouve le plus, sont en Normandie, celui de Rouen; dans le centre, celui de Blois; dans l'ouest, celui de la Rochelle; dans le midi, ceux de Toulouse et de Rodez. L'ouest et le midi offrent une plus grande multitude de prêtres et de fideles catholiques que toutes les autres parties du royaume. Paris nous présente quelques prêtres qui ne sont connus que des fideles auxquels ils rendent service. Il a fallu une circonstance toute particuliere pour me faire connaître leur existence. Il existe des missionnaires vraiment apostoliques qui parcourent les provinces pour assister les fideles destitués de prêtres. Il n'est pas de villes et souvent pas de bourgs et même de villages où il n'y ait des hommes pleins de foi qui n'ont jamais communiqué avec aucun des novateurs. Dans une de mes missions, j'en ai découvert jusqu'à quatre cents dans une ville peu considérable; et un de mes amis m'en a fait connaître dans un lieu où je n'en avais pas soupçonné. C'est véritablement l'onction qui les a instruits, et qui les soutient, sans secours de la part des hommes, excepté que les exemples des martyrs, perdus pour le reste des Français, sont pour eux un appui aussi solide que puissant. Ils disent: Ce martyr que nous connaissions et dont nous respections les vertus, a scellé

cette croyance de son sang; il nous a montré la voie ; et ils y marchent. Malgré l'absence des prêtres, dans une privation souvent longue des secours spirituels, ils ne négli gent aucuns des devoirs religieux, ils ne vivent qu'avec plus de vigilance sur eux-mêmes, leur piété soulage nos travaux et console toutes nos peines.

Zélés royalistes, ils ne se sont jamais liés aux usurpateurs par aucun serment: nous ne l'aurions pas souffert, la fidélité envers le souverain légitime, comme la justice envers les particuliers, ayant toujours été rangés parmi nos dogmes religieux. Ils ont toujours montré une égale ardeur pour le rétablissement du trône, pour celui de la religion, parce qu'ils ont conservé le christianisme dans toute la pureté de sa morale, comme dans celle de sa croyance. Sans ambition, sans autre intérêt que celui de la justice, et toujours vrais français, plusieurs d'eux ont souffert, comme royalistes, l'exil, la perte de leurs biens, la prison, et quelques-uns la mort.”

Mais je m'aperçois, Monsieur, que le plaisir que j'éprouve à vous transcrire les paroles du vénérable prêtre me mene beaucoup trop loin; et qu'au lieu d'une lettre je fais un livre. Cependant je ne peux me refuser la satisfaction de vous donner le plus succinctement possible la substance de ses réponses à plusieurs questions, dans l'espoir que vous les goûterez, et parce qu'elles acheveront le tableau de l'état de la religion en France.

(La Fin de cette intéressante Lettre au Numéro prochain.)

DU CONGRÈS DE VIENNE,

Par l'Auteur de l'Histoire de l'Ambassade à Varsovie. (M. de Pradt.) Un vol. in-8vo, prix 10 shellins; chez Bossange et Masson, Berthoud et Wheatley, Deconchy et les autres Libraires Français, à Londres.

Un homme de plus à Vienne! et l'oeuvre de la paix était parfaite. Cet homme, c'était M. de Pradt. Les souverains n'ayant pas appelé à leurs conseils ce grand politique, il appelle à son tour les souverains au tribunal de l'Europe et de la postérité; il examine ce qu'ils ont fait de bien, ce qu'ils ont fait de mal, et ce qu'ils auraient dû faire. Grande et noble entreprise! M. de Pradt va sans doute approfondir les principes de la politique européenne, dévoiler les secrets ressorts des cabinets, expliquer les mysteres des négociations, publier les projets, les contre-projets, les notes confidentielles........Rien de tout cela. M. de Pradt n'est pas homme à trahir le moindre secret de la diplomatie; nous pouvons certifier qu'il n'a pas écouté aux portes du congrès......Mais du moins il aura encadré dans un tableau bien dessiné, bien colorié, les événements connus, il aura tracé les portraits des personnages illustres qui y ont figuré?......Vous vous trompez encore. M. de Pradt a fait, avec assez de négligence, l'extrait de nos journaux politiques; il a revêtu ces extraits de quelques phrases sur l'équilibre, les bienfaits de la paix, les horreurs de la guerre, et le triomphe des idées libérales; de ces phrases, distribuées en chapitres, il a fait un livre un peu moins impertinent, un peu moins évaporé, un peu peu moins piquant que son Histoire de l'Ambassade de Pologne.

C'est une chose particuliere à la France, que cette foule d'écrivains qui, sans s'être livrés à aucun travail préparatoire, sans avoir acquis un fonds de connaissances, se croient appelés, par une sorte d'inspiration divine, à faire des livres sur des matieres qui ne leur sont devenues familieres ni par l'étude, ni par l'expérience. Ce n'est pas la vanité seule qui les fait agir; un motif moins frivole les anime; depuis qu'on a vu des écoliers s'élancer des bancs de la classe au siége de préfet, tous les moyens de se faire

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