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RÉSUMÉ POLITIQUE.

Delicta majorum immeritus lues,
Romane, donec templa refeceris,
Edesque labentes deorum, et
Foda nigro simulachra fumo.

En reprenant pour une année de plus la rédaction de ce journal, nous avons cru devoir commencer par mettre sous les yeux de nos lecteurs. des observations solides et justes sur le malheureux état où se trouvent aujourd'hui en France et la religion et ses ministres, et nous publions en conséquence la lettre que nous avons annoncée dans notre dernier numéro. Nous voyons avec un extrême plaisir que le rétablissement de la religion et du culte en France occupe sérieusement l'attention du gouvernement et de la législature, et certes il en était bien temps. Sous les gouvernements militaires et despotiques qui se sont succédés en France depuis 23 ans, la morale n'a plus été qu'un problême et la vérité un sophisme; jusqu'à la religion tout a été de circonstance, et toute la France a été obligée de parler le langage du jour. Les bonnes traditions se sont presque perdues, et Pascal, Bossuet, Massillon, etc., auraient été, s'ils avaient vécu à cette horrible époque, des objets de police. La chose religieuse, pour nous servir de l'expression de M. le duc d'Otrante, dépérissait de jour en jour. Un clergé dépouillé,indigent, avili, désigné aux peuples comme une charge et un impôt, ne pouvait pas contribuer au rétablissement et à l'éclat de la religion. Dans la

plupart des provinces, l'autorité spirituelle était soumise à des préfets qui n'étaient pas catholiques, et même étaient parfois soupçonnés d'athéisme. Les hommes chargés de l'instruction de la jeunesse étaient constamment obligés de lutter contre le génie du mal, et l'éducation en souffrait. La jeunesse était instruite, il est vrai, dans les sciences exactes; mais elle ignorait les premiers éléments de la morale; elle n'avait aucune notion du juste ni de l'injuste. Elle entendait parler continuellement du vertueux Pétion, de l'intégre Robespierre, des traîtres de royalistes, des prêtres insensés et fanatiques; il lui était impossible de se former une conscience au milieu d'un tel bouleversement.

Le

concordat le plus perfide vint achever le trouble et la confusion. Il rétablissait le culte, mais il ruinait la religion. Ce concordat, auquel on paraît tenir encore à Rome, avait tellement fait perdre aux Français leurs habitudes religieuses, que la naissance, le mariage et la mort n'y entraient pour rien. C'était le code Napoléon qui gouvernait tout, qui réglait tout; et il est à remarquer que le nom de Dieu n'est pas cité une seule fois dans cet amas de lois...... Ñapoléon en aurait été jaloux. On frémit en pensant que l'on tient encore de si près à ce temps-là.

Tout nous porte enfin à croire, que sous la nouvelle législature, la chose religieuse n'éprouvera pas la même langueur que sous le corps législatif de 1814. Déjà S. M. vient d'adjoindre M. de la Fare, évêque de Nancy, et premier aumônier de Mad, la Duchesse d'Angoulême, à M. le grand aumônier de France, M. de TalleyrandPérigord, archevêque de Rheims, pour l'adminis tration des affaires ecclésiastiques, dont son grand âge ne lui permettait pas de soutenir le fardeau à lyi seul.

M. le comte de Blangy a fait dans la chambre des députés une proposition tendante à la sup pression totale de toutes les pensions, fonctions et dignités dont peuvent jouir les prêtres mariés,* et ceux qui volontairement ont abandonné le sacer doce. M. le vicomte de Castelbajac a fait pareillement une proposition tendante à autoriser les donations de biens, meubles et immeubles, en faveur du clergé. Il a été nommé deux commissions qui sont chargées de faire un rapport sur ces deux propositions.

M. de Bonald a fait de son côté une motion sur l'abolition du divorce, et il l'a fait précéder d'un discours où brille l'éloquence la plus sublime et la plus entraînante.

Ainsi tout nous prépare à voir refleurir avant peu sous le regne du Roi Très-Chrétien, l'empire de la religion et de la morale.

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Celui de la justice a déjà commencé à faire sentir son influence. Quoiqu'il se soit manifesté d'une maniere incomplete, cependant nous devons en saluer les premiers efforts avec reconnaissance.

Le 21 Janvier approchait; la France voulait donner à la seconde cérémonie expiatoire de cette affreuse journée une solennité plus imposante encore que l'an dernier. Mais le corps des représentants de la nation a senti qu'il était impossible à la douleur publique de s'exprimer librement, sous les yeux des auteurs de cette journée, dont la présence et la

* M. le grand chambellan évêque d'Autun peut se préparer dès à présent à aller rejoindre son ami Fouché, et faute de descendants engendrés pendant son légitime mariage avec la dame Grant, résigner sa pairie à son frere Archambaud. A ton tour, Paillasse!

Sic transit gloria immundi.

résidence en France ne cessent d'être une insulte à la loyauté et forment un contresens avec la manifes tation du deuil national. La résolution était prise secretement de purger le sol français de ces hommes qui le déshonoraient. Le moment était venu de tenter davantage pour rasseoir la monarchie sur ses antiques fondements, et de réparer les omissions de 1814. A cette époque on se trompa sur les moyens qu'on supposait aux révolutionnaires. Un coup d'autorité frappé d'abord avec un très-petit nombre d'exceptions, contre le corps législatif et le sé nat quine jouissaient d'aucune espece de popularité, non-seulement n'aurait pas éprouvé d'obstacles, mais il aurait même obtenu l'assentiment général. On devait à la vindicte publique l'exemple éclatant de la suppression de ces deux corps d'intrus, et la cause de la légitimité n'eût point été compromise par des ménagements dont elle a été si odieusement récompensée. Heureusement le nouveau corps législatif ne se trouve pas être aujour d'hui partisan des demi-mesures; aussi depuis le 10 Novembre dernier jusqu'au 6 Janvier, il n'a pas lâché prise qu'il n'ait finalement obtenu justice des fauteurs de la rébellion et de l'usurpation du mois de Mars 1815, et il a eu assez de force, de persévérance et de confiance dans l'appui qu'il espérait recevoir de l'opinion publique, pour combattre et vaincre les résistances du gouvernement lui-même, en faisant comprendre les régicides dans la proscription demandée contre les ennemis de l'état.

Cette discussion l'emporte en intérêt sur toutes celles qui ont eu lieu depuis la restauration de la maison de Bourbon en France: nous consaererons en conséquence un grand espace de ce journal à en donner les développements.

Ce fut le 10 Novembre que MM. de la Bourdonnaie et Duplessis-Grenedan, députés bretons, VOL. LII.

H

proposerent un projet de loi contre les principaux fauteurs de la conspiration du 1er Mars, et ceux qui avaient pris la plus grande part à la rébellion depuis ce jour-là jusqu'au 8 Juillet, époque de la rentrée du Roi dans Paris. (On peut voir ce projet de loi au No. 456 de l'Ambigu, page 444; il renferme les régicides qui ont renoncé à leur amnistie, en acceptant des places de l'usurpateur, ou en siégeant dans les deux chambres, ou en signant l'acte additionnel aux constitutions de l'empire.")

La chambre ayant déclaré qu'elle prendrait ces propositions en considération, les avait renvoyées à la discussion de ses bureaux, et il allait lui être fait un rapport au nom de la commission de ces mêmes bureaux, lorsque le 8 Décembre, lendemain du jour de l'exécution du maréchal Ney, les ministres du Roi parurent dans la Chambre des Députés, et M. le duc de Richelieu vint proposer, au nom de Sa Majesté, un nouveau projet d'amnistie et d'exceptions. Ce projet fut précédé d'un discours très-bien fait, qui se terminait par cette phrase: "Le Roi s'est fait rendre compte, Messieurs, de vos propositions diverses et de vos délibérations. Le testament de Louis XVI est toujours présent à sa pensée, et ses paroles sacrées, en maintenant une des plus importantes dispositions de la charte, rassureront la nation sur toutes les autres." Le dispositif de la loi était la répétition de l'ordonnance du 24 Juillet, ordonnant l'arrestation et la mise en jugement de 19 généraux dont 2 avaient déjà été jugés et fusillés, et le bannissement de 38 individus, militaires et autres. Le Roi, ayant, pour des motifs que nous ne pouvons ni ne voulons approfondir, admis Fouché dans le ministere, et Fouché ayant lui-même formé et contresigné cette liste d'exceptions, et depuis son renvoi du ministere ayant été nommé par le Roi son

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